LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. V... a été victime, le 17 mai 2012, d'un accident de la circulation alors qu'il était passager d'un véhicule assuré auprès de la MAIF (l'assureur) et conduit par Mme W... ; qu'il a assigné l'assureur en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et du RSI de la région Rhône ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen :
Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ;
Attendu que pour débouter M. V... de sa demande formée au titre du préjudice d'agrément après avoir fait état de ce que les experts qui l'avaient examiné avaient relevé que la reprise du « foot » était impossible, que la reprise du « footing » était déconseillée ainsi que tous les sports nécessitant des torsions du tronc, l'arrêt retient qu'il est constant que la perte de la qualité de vie liée à l'impossibilité de pratiquer des sports est prise en considération dans le déficit fonctionnel permanent ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que M. V... se trouvait , à la suite de l'accident litigieux, dans l'impossibilité de continuer à pratiquer des activités spécifiques sportives ou de loisirs, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. V... de sa demande formée au titre du préjudice d'agrément, l'arrêt rendu le 13 mars 2018, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la MAIF aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. V... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. V...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la MAIF à verser à M. V... une somme limitée à 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;
Aux motifs que, sur l'incidence professionnelle, M. V... fait valoir qu'il est sans emploi depuis janvier 2013, qu'il ne peut trouver un emploi compatible avec les séquelles de l'accident ; qu'il estime que son cursus professionnel antérieur de manutentionnaire, agent de fabrication et animateur commercial établit une incidence professionnelle considérable dans la mesure où ces activités requièrent la station debout prolongée et ou le port de charges lourdes ; qu'il indique que les emplois qu'il a exercés avant la téléphonie étaient des emplois de manutentionnaire et d'agent de fabrication ; qu'il justifie avoir été reconnu travailleur handicapé jusqu'au 30 novembre 2021 avec station debout pénible ; qu'il estime en conséquence que son préjudice doit être calculé sur une base de 45 % de son ancien revenu, qu'il doit être chiffré à 234 173, 79 euros (1520, 69 euros (salaire) x 12 x 45 % x 28, 517 (prix de l'euro de rente jusqu'à 65 ans pour un homme âgé de 29 ans à la date de consolidation selon le barème de la Gazette du palais du 23 avril 2016) ; que la MAIF fait valoir que M. V... ne justifie pas du préjudice demandé ; qu'elle relève qu'il est consolidé depuis le 20 mars 2013, a repris son travail en septembre 2012, a été licencié en décembre 2012, a évoqué une procédure prud'homale et n'a pas justifié des motifs du licenciement ; qu'il est certain que les médecins-experts ont retenu une inaptitude de M. V... au port de charges lourdes et aux stations statistiques prolongées ; que force est de relever que M. V... se limite à expliquer et justifier le mode de calcul retenu pour l'évaluation du poste « incidence professionnelle » à l'exclusion d'éléments personnalisés permettant d'appréhender les éléments de préjudice allégués, et notamment la pénibilité, la fatigabilité, la dévalorisation, la perte de chance d'exercer la profession souhaitée alléguées, les perspectives concrètes d'avenir professionnel ; que l'assureur fait remarquer à juste titre que le curriculum vitae produit fait état d'une activité de conseiller commercial entre 2003 et 2005, entre 2010 et 2013, d'opérateur de fabrication, opérateur sur ligne entre 2005 et 2009 ; qu'il relève de manière pertinente que ce parcours tout comme l'inaptitude au port de charges lourdes et aux stations statiques prolongées rendaient peu vraisemblable l'obtention d'un poste de menuiserie ; qu'il s'agit de l'unique justificatif produit par M. V... d'une recherche d'embauche depuis son licenciement en décembre 201 ; que cette candidature ne correspond ni à sa formation ni à son expérience antérieure ; que la compagnie relève à juste titre que la consolidation est acquise depuis mars 2013, que M. V... avait repris son activité antérieure, ne produit pas d'éléments sur les raisons de son licenciement, n'explique pas ce qui l'empêche de rechercher un travail dans le domaine de la téléphonie, domaine qui correspond à son expérience professionnelle ; qu'il convient en revanche de relever que M. V... a été reconnu travailleur handicapé depuis décembre 2016 jusqu'en 2021, qu'une telle reconnaissance entraîne de fait une difficulté supplémentaire pour trouver un emploi sur le marché du travail classique, que son niveau d'études (baccalauréat) est de nature à réduire ses chances de trouver un emploi dès lors que certains efforts physiques sont proscrits, la station debout pénible, qu'il convient au regard des pièces produites d'évaluer à 10 000 euros le poste de préjudice relatif à l'incidence professionnelle et d'infirmer le jugement ;
Alors que, les juges ne peuvent procéder à une évaluation forfaitaire du préjudice de la victime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a dûment constaté que M. V..., qui était âgé de 29 ans au moment de l'accident et occupait l'emploi de conseiller commercial, avait été reconnu travailleur handicapé à compter de décembre 2016 jusqu'en 2021, qu'une telle reconnaissance entraînait une difficulté supplémentaire pour trouver un emploi sur le marché du travail classique, et que son niveau d'études (baccalauréat) était de nature à réduire ses chances de trouver un emploi dès lors que certains efforts physiques étaient proscrits, la station debout étant pénible ; qu'en évaluant, « au regard des pièces produites », à 10 000 euros le poste de préjudice relatif à l'incidence professionnelle, sans tenir compte du salaire perçu par M. V... avant l'accident et de la perte de salaire engendrée par les conséquences de cet accident, la cour d'appel, qui a procédé forfaitairement à cette évaluation, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. V... de sa demande au titre du préjudice d'agrément ;
Aux motifs que, le tribunal a estimé le préjudice d'agrément à 10 000 euros ; que la Maif conclut au débouté, estime que M. V... ne justifie d'aucune pratique sportive spécifique, que le préjudice lié à la perte de qualité de vie est pris en compte dans l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent ; que les médecins ont relevé que la reprise du foot est impossible, que la reprise du footing est déconseillée ainsi que tous les sports nécessitant des torsions du tronc ; qu'il est constant que la perte de qualité de vie liée à l'impossibilité de pratiquer des sports est prise en considération dans le DFP ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement sur ce point ;
Alors que, le préjudice d'agrément, destiné à réparer l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs, se distingue des préjudices indemnisés au titre du déficit fonctionnel permanent, constitués par les autres troubles dans les conditions d'existence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que les experts médicaux avaient conclu que M. V... ne pouvait plus reprendre l'activité de football et de footing qu'il exerçait avant son accident ; qu'en relevant, pour le débouter de sa demande au titre du préjudice d'agrément, que la perte de qualité de vie liée à l'impossibilité de pratiquer des sports était prise en considération dans le déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a violé l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale.