LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mmes V...-PJ..., V...-JD... et V...-A..., héritières de PK... V..., de leur reprise d'instance ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 16 mars 2017), que les consorts GL...-V... et autres ont engagé contre les consorts S...-MC... et autres une action en revendication de la propriété de terres, en qualité d'héritiers des personnes inscrites sur le Tomite dressé en 1852 pour le district de [...] en application de la loi tahitienne du 24 mars de la même année sur l'enregistrement des terres ;
Attendu que les consorts S...-MC... font grief à l'arrêt de déclarer les consorts Q...-W... propriétaires de la terre [...] ;
Mais attendu qu'ayant souverainement apprécié les titres et autres éléments de preuve qui étaient soumis à son examen et dont l'interprétation était nécessaire en raison des difficultés de transcription phonétique des noms polynésiens et des problèmes d'homonymie, la cour d'appel a, sans contradiction ni dénaturation, retenu que le revendiquant originel ne pouvait être que IO... W..., également dénommé W... FV..., dont les consorts Q...-W... sont les héritiers et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts MC... et MM. S..., T... et K... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour les consorts MC... et MM. S..., T... et K...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit que la terre [...] sise à [...] revendiquée par IO... a W... dénommé aussi W... AE... est la propriété des ayants droit des consorts Q...-W... ;
Aux motifs qu'« il n'est pas contesté que la terre [...] a été revendiquée et attribuée à PF... KJ..., en 1852, connu aussi sous d'autres identités comme étant PF... YM... ou XI... AE..., et aussi KJ... SR... ; il résulte, tout d'abord, des expertises généalogiques ordonnées par le tribunal de première instance et la cour d'appel de Papeete, qu'KJ... SR..., qui avait 13 ans lors de la revendication de ladite terre, n'est pas le revendiquant de la terre [...] ; en effet, ce dernier, originaire de MOOREA, né à TEAHURA en [...] et décédé sans descendance le [...], porte bien le prénom de KJ... ; ainsi, il est indiqué tant dans l'arrêt du 21 janvier 1870 rendu par la Haute Cour Tahitienne que, dans l'acte de vente du 18 mai 1885, XD... ZM... était propriétaire de la terre [...] qu'elle tenait de son oncle décédé, PF... SC..., appelé aussi W... DN... ; en réalité, KJ... SR..., frère entre autres de IF... SR... et de OE... SR... dont est issue XD... ZM..., est l'oncle de cette dernière ; il avait 13 ans au moment de la revendication de ladite terre et décédera le [...] , soit postérieurement à l'arrêt du 21 janvier 1870 ; ainsi, il ne peut s'agir que d'une erreur manifeste de transcription relative aux noms indiqués, puisqu'il est établi que, seul, qu'KJ... SR... est l'oncle de XD... ZM... ; le jugement du 18 novembre 1998 qui a déclaré que la terre [...] était la propriété des ayants droit de IF... SR... et de OE... SR..., sera infirmé sur ce point ; (
) l'analyse des pièces versées aux débats met en exergue les éléments suivants, au vu de la faiblesse de l'état civil de l'époque ancienne, comme le soulignait l'expert GP..., qui ressortent : - des arrêts de la Haute cour tahitienne du 14 mars 1893, de l'acte de vente du 10 juin 1897 et de l'acte de vente du 30 mai 1892 indiquant que IO... SC... était une femme, auteur des consorts GL..., N... ; - de l'arrêt de la Haute cour tahitienne du 18 juin 1897 disant que TK... ZM..., né en [...] à Arouet, décédée le [...] à Papeete s'appelle aussi IO... SC... , mais n'avait que neuf ans lors de la revendication en 1852 de la terre [...] ; - de l'arrêt de la Haute cour tahitienne du 21 janvier 1870 disant que IO... SC..., décédé, est l'oncle de XD... ZM... qui s'appelle en réalité, comme il a été démontré ci-dessus, SC... SR..., né en [...] et décédé le [...] à MOOREA ; ainsi, si Madame DY..., expert, indique n'être pas en mesure de confirmer que YC... SC..., auteur originel de Q... W... et de SC... W... dont descendent les consorts W... BX..., et de SC... a W... dont descendent des consorts V... est le revendiquant originaire de la terre litigieuse, elle retient cependant cette thèse comme étant la plus vraisemblable par suite d'une déclaration du revendiquant de la terre [...] phonétiquement mal interprétée ; cette conclusion est aussi corroborée par Monsieur GP..., premier expert désigné, sur la généalogie de la famille W.../BX... qui indique "les recherches concernant la filiation, la descendance ou l'ascendance de PF... SC..., revendiquant, sont restées vaines - attestation du fichier généalogique -, toutefois, il est vraisemblable qu'une erreur de transcription dans le prénom de W... au lieu de PF... eût été possible, compte tenu des nombreuses anomalies constatées lors de la mise en place de l'Etat civil" ; enfin, l'expert DY... ajoute qu'Q... W..., décédé en [...], père de Q... et d'SC... W... pourrait avoir revendiqué ladite terre mais que les actes de propriété donnent PF... SC..., comme identité, mais surtout qu'Q... W..., né vers [...] à APATAHI et décédé le [...] à [...], a été enterré sur la terre durant 82 ans; les pièces versées aux débats par les consorts BX... (lettre de l'EDT en date du 16 mai 1989 relative à la demande de concession perpétuelle faite au nom de Madame BX... CQ... VJ..., l'attestation délivrée par Monsieur C... qui a participé à l'exhumation des corps, la photocopie du chèque de règlement établi par EDT) attestent de l'occupation réelle des lieux par les consorts BX... depuis très longtemps, et de leur possession certaine par prescription trentenaire ; dès lors, et contrairement au jugement querellé, la cour constate que le revendiquant originel de la terre [...] est la même personne à savoir PF... W... dénommé aussi W... SC..., d'où il s'ensuit que les ayants droit des consorts BX... W... justifient de leurs liens avec PF... W... dénommé aussi W... SC..., et sont propriétaires tant par titre que par prescription trentenaire de la terre [...] » (arrêt, pp. 11-12) ;
1°) Alors qu'il est interdit aux juges du fond de dénaturer les éléments de la cause ; que l'extrait du registre de [...] de 1852, annexé au rapport de l'expert généalogiste monsieur GD... GP..., dont une traduction était produite aux débats, indiquait clairement que XI... AE..., qui avait signé IO... SC..., était propriétaire de la terre [...] ; qu'en énonçant, pour dire que les consorts Q...-W... étaient propriétaires par titre de la terre [...], que cette terre avait été revendiquée par W... AE..., la cour d'appel, qui a dénaturé les termes dénués d'ambiguïté du registre de [...] de 1852, a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;
2°) Alors que l'extrait du registre susmentionné indiquait clairement que XI... AE..., qui avait signé IO... SC..., était propriétaire de la terre [...] ; qu'en énonçant que la terre [...] avait été revendiquée et attribuée à IO... SC..., pour dire que celle-ci avait en réalité été revendiquée par W... AE... et que les consorts Q...-W... étaient propriétaires par titre de la terre [...], motif pris d'une vraisemblable erreur de transcription phonétique du prénom du revendiquant de la terre - IO... au lieu de W... -, la cour d'appel, qui a derechef dénaturé les termes dénués d'ambiguïté du registre de [...] de 1852, a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;
3°) Alors que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant que la terre [...] avait été revendiquée par W... AE..., pour dire que les consorts Q...-W... étaient propriétaires par titre de la terre [...], tout en constatant qu'elle avait été revendiquée et attribuée à IO... SC..., connu aussi sous les noms de IO... YM..., XI... AE... et SC... SR..., aux droits duquel viennent les consorts MN..., exposants, puis que ce dernier n'était pas le revendiquant de la terre [...], la cour d'appel qui s'est contredite, a privé sa décision de motifs et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) Alors que la cour d'appel a constaté qu'SC... SR..., oncle de XD... ZM... – ayant cause des consorts MN... –, était décédé le [...] et qu'il était indiqué, tant dans un arrêt rendu le 21 janvier 1870 par la Haute cour tahitienne que dans un acte de vente du 18 mai 1885, que XD... ZM... tenait la terre [...] de cet oncle décédé ; qu'en énonçant ensuite que ce même SC... SR... était décédé le [...] , soit postérieurement à l'arrêt rendu le 21 janvier 1870, pour en déduire que le registre comportait nécessairement une « erreur manifeste de transcription relative aux noms indiqués » et retenir que la terre [...] avait en réalité été revendiquée par W... AE... – aux droits duquel viennent les consorts Q...-W... –, la cour d'appel, qui s'est encore contredite, a privé sa décision de motifs et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) Alors qu'il résultait des énonciations de l'arrêt qu'il n'était pas contesté que la terre [...] avait été revendiquée et attribuée à IO... SC... ; que la cour d'appel a également constaté que ce dernier était aussi connu sous les noms de IO... YM..., XI... AE... et SC... SR..., lequel était l'oncle de XD... ZM..., aux droits de laquelle viennent les consorts MN... ; qu'en retenant néanmoins, pour dire que les consorts Q...-W... étaient propriétaires par titre de la terre [...], que le revendiquant originel de la terre [...] aurait été un tiers, « IO... W... dénommé aussi W... AE... », motif pris d'une prétendue erreur de transcription phonétique de son prénom dans le registre, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 544 du code civil, ensemble les articles 4, 6 et 7 de la loi tahitienne du 24 mars 1852 ;
6°) Alors qu'en retenant, pour dire que les consorts Q...-W... étaient propriétaires par titre de la terre [...], comme vraisemblable une prétendue erreur de transcription de prénom dans le registre, après s'être bornée à constater que dans l'arrêt de la Haute cour tahitienne rendu le 14 mars 1893 et les actes de vente des 10 juin 1897 et 30 mai 1892, IO... AE... était une femme, et à relever la minorité, au moment de la revendication en 1852, d'SC... SR... et de TK... ZM..., dont il était constaté qu'elle était aussi connue sous le nom de IO... AE..., sans préciser en quoi la minorité ou le sexe du revendiquant était de nature à exclure l'attribution d'une terre, la cour d'appel, qui a statué par des motifs imprécis, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
7°) Alors qu'en retenant, pour dire que les consorts Q...-W... étaient propriétaires par titre de la terre [...], que le nom de IO... AE... était partagé tant par SC... SR..., oncle de XD... a ZM..., que par une femme, auteur des consorts GL...-N..., mentionnée dans un arrêt rendu le 14 mars 1893 par la Haute cour tahitienne et dans des actes de vente des 10 juin 1897 et 30 mai 1892, et par TK... ZM..., âgée de neuf ans en 1852, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à retenir que l'identité portée sur l'acte de revendication était celle d'une quatrième personne dénommée W... AE..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil, ensemble les articles 4, 6 et 7 de la loi tahitienne du 24 mars 1852 ;
8°) Alors que la possession légale utile pour prescrire ne peut s'établir à l'origine que par des actes matériels d'occupation réelle ; qu'en retenant, pour dire que les consorts Q...-W... étaient propriétaires par usucapion de la terre [...], que l'occupation réelle de cette terre par les consorts Q... « depuis très longtemps » et leur possession certaine par prescription trentenaire étaient établies par le fait qu'YS... W..., auteur des consorts Q...-W..., était décédé le [...] à [...], commune sur laquelle se situe la terre litigieuse, et avait été enterré sur cette terre durant quatre-vingt-deux ans, et par le fait que l'une de ses ayants droit avait déposé une demande de concession perpétuelle, sans relever d'actes matériels de nature à caractériser la possession de la terre [...], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2261 du code civil.