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23/10/2019 | FRANCE | N°18-83804

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 octobre 2019, 18-83804


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° P 18-83.804 F-D

N° 1957

CK
23 OCTOBRE 2019

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

M. A... D..., Mme T... D..., épouse N..., M. Z... D..., d'une part, la CPAM de la Côte-d'Or et la CP

AM de l'Aude, parties civiles, d'autre part, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° P 18-83.804 F-D

N° 1957

CK
23 OCTOBRE 2019

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

M. A... D..., Mme T... D..., épouse N..., M. Z... D..., d'une part, la CPAM de la Côte-d'Or et la CPAM de l'Aude, parties civiles, d'autre part, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 26 avril 2018, qui sur renvoi après cassation (Crim., 21 février 2017, n° Y 16-85.507), pour escroquerie, a condamné le premier à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, la deuxième à dix-huit mois d'emprisonnement dont dix mois avec sursis et mise à l'épreuve, et le troisième, pour escroquerie et complicité, à trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils.

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 septembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller ZERBIB, les observations de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PETITPREZ ;

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits en demande et en défense ;

Faits et procédure

1 - ll résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2 - M. A... D... a été poursuivi pour avoir :

- entre juin 2006 et le 10 juillet 2007, par manoeuvres frauduleuses, alors gérant de la société Les Grands crus en état de cessation des paiements, s'étant faussement salarié à hauteur de 5 457,30 euros par mois puis ayant déclaré un accident de travail imaginaire un mois plus tard, trompé la CPAM 21 la déterminant à lui remettre des indemnités journalières de 46 887,75 euros,
- entre juillet 2007 et le 16 août 2008, par manoeuvres frauduleuses, alors liquidateur de la SARL Les Grands crus en cessation d'activité depuis le 11 octobre 2006, ayant faussement déclaré aux ASSEDIC avoir été licencié pour faute grave le 6 juillet 2007, trompé Pôle emploi le déterminant à lui remettre la somme de 34 541,84 euros,
- entre le 18 septembre 2008 et le 29 mai 2009, par manoeuvres frauduleuses, alors président de l'association Maison blanche, ne disposant d'aucun compte bancaire, s'étant faussement salarié à hauteur de 6 094,10 euros puis, un mois après son embauche, ayant déclaré successivement deux accidents du travail imaginaires, trompé la CPAM 33 la déterminant à lui remettre les sommes de 38 035,61 euros et 37 115,60 euros,
- entre le 19 avril et le 10 juin 2011, par manoeuvres frauduleuses, s'étant faussement salarié au sein de la SARL La Licorne bleue à hauteur de 6 760 euros puis ayant déclaré, un mois après son embauche, un accident du travail imaginaire, trompé la CPAM 21, la déterminant à lui remettre des fonds en l'espèce 69 115, 27 euros,
- entre le 21 décembre 2011 et le 30 novembre 2012, par manoeuvres frauduleuses, se faisant licencier sur la base d'un contrat de travail fictif et en le déclarant aux ASSEDIC, trompé Pôle emploi, le déterminant à lui remettre 61 519,11 euros.

3 - Mme T... D..., épouse N..., est poursuivie pour avoir :

- entre le 1er mars 2007 et le 15 juillet 2007, par manoeuvres frauduleuses, s'étant faussement salarié au sein de l'Association Mouvement Solidarité France à hauteur de 4 200 euros (alors que cette association n'en avait pas les moyens financiers) puis quelques jours après son embauche, ayant déclarant un accident du travail imaginaire, trompé la CPAM 11, la déterminant à lui remettre 12 380,32 euros d'indemnités journalières,
- entre le 8 janvier et le 13 juillet 2009, par manoeuvres frauduleuses, s'étant faussement déclarée salariée de l'association les Produits artisans à hauteur de 4 413,60 euros (alors que cette association dont elle était la présidente et seule salariée, n'en avait pas les capacités financières) puis, quelques jours après son embauche, ayant déclaré un accident du travail imaginaire, trompé la CPAM 11, la déterminant à lui remettre la somme de 18 854,56 euros d'indemnités journalières,
- entre le 13 août et le 31 décembre 2009, par manoeuvres frauduleuses, se licenciant sur la base d'un contrat de travail fictif et en le déclarant aux ASSEDIC, trompé Pôle emploi pour le déterminer à lui remettre des fonds, en l'espèce 6 313,68 euros.

4 - M. Z... D... a été poursuivi pour avoir :

- entre le 20 octobre 2008 et le 1er mars 2010, par manoeuvres frauduleuses, s'être faussement salarié de la SARL La Licorne bleue à hauteur de 6 276 euros (alors que cette société n'en avait pas la capacité) puis, quelques jours après son embauche, ayant déclaré deux accidents du travail successifs, imaginaires, trompé la CPAM 33, la déterminant à lui remettre, comme indemnités journalières, les sommes de 17 077,64 euros et de 53 822,12 euros,
- entre le 2 avril 2010 et le 30 juin 2011, par manoeuvres frauduleuses, se faisant licencier sur la base d'un contrat de travail fictif et le déclarant aux ASSEDIC, trompé Pôle emploi, le déterminant à lui remettre la somme de 52 056,45 euros,
- s'être entre le 26 janvier et le 13 juillet 2011 rendu complice par aide et assistance, du délit d'escroquerie commis par M. X... B... au préjudice de la CPAM en le salariant fictivement alors que l'association Cnar dont il était le président n'en avait pas les capacités financières, lui permettant de bénéficier après une chute fictive d'indemnités journalières.

5 - Le tribunal correctionnel a déclaré les consorts D... coupables des délits qui leur sont reprochés sur toute la période de prévention.

6 - Par arrêt du 21 février 2017, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 26 juillet 2016 rendu, sur leur appel du jugement, par la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Dijon et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon autrement composée.

Déchéance des pourvois formés par les consorts D...

7 - Les consorts D... n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchus de leur pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8 - Le moyen est pris de la violation des articles 8, 203, 382, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 313-1 du code pénal, défaut de motifs, manque de base légale.

9 - Il critique l'arrêt en ce qu'il a constaté la prescription de l'action publique pour les faits imputés à M. A... D... sur la période de juin 2006 au 10 juillet 2007 et pour les faits imputés à Mme T... D..., épouse N..., du 1er mars 2007 au 15 juillet 2007, les a relaxés pour les faits visés durant cette période et, sur l'action civile, a réduit au prorata les dommages et intérêts dus aux CPAM" ;

1°) alors que, dès lors que les manoeuvres successives du délit d'escroquerie forment un tout indivisible, le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir qu'à partir de la dernière remise ; qu'en se bornant à relever que « Ces faits successifs, distincts les uns des autres ne constituent pas une infraction complexe et ne sont pas connexes, l'auteur n'ayant pas accompli les uns pour commettre les autres, pour en faciliter ou pour en consommer l'exécution » sans rechercher si les arrêts de travail répétés et se poursuivant sur de longues périodes ne constituaient un tout indivisible reportant le point de départ de la prescription à la dernière remise, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;

2°) alors que le délai de prescription de l'action publique est interrompu par tout acte d'enquête émanant du ministère public ou tout procès-verbal tendant à la recherche et à la poursuite des auteurs d'une infraction ; que lorsque des infractions sont connexes, un acte interruptif de la prescription concernant l'une d'elles a nécessairement le même effet à l'égard de l'autre ; que sont connexes les infractions imputées à la même personne, relevant du même mode opératoire et commises dans le même dessein ; qu'en relevant que les faits « ne sont pas connexes, l'auteur n'ayant pas accompli les uns pour commettre les autres, pour en faciliter ou pour en consommer l'exécution » sans rechercher si la succession des arrêts de travail ne révélait pas un même mode opératoire et des infractions commises dans le même dessein de sorte que la connexité était acquise, les juges du fond ont méconnu le sens et la portée des textes susvisés".

Réponse de la Cour

Vu les articles 8, 203, 382, 591 et 593 du code de procédure pénale et l'article 313-1 du code pénal :

10 - Selon l'article 203 du code de procédure pénale, les infractions sont connexes notamment lorsque elles sont commises par différentes personnes, même en temps différents et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles.

11 - Les infractions sont également connexes lorsqu'il existe à tout le moins entre elles des rapports analogues à ceux que ce texte a déterminés.

12 - Lorsque les infractions sont connexes, un acte interruptif de la prescription concernant l'une d'elles a nécessairement le même effet à l'égard de l'autre.

13 - Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

14 - Pour infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action publique et dire l'action publique éteinte s'agissant des faits poursuivis imputés à M. A... D... et à sa fille, Mme T... D..., épouse N..., datés de juin 2006 au 10 juillet 2007 pour le premier et du 1er mars 2007 au 15 juillet 2007 pour la seconde, l'arrêt énonce notamment qu'ils constituent des escroqueries distinctes et non connexes de celles commises postérieurement non prescrites, moins de trois ans s'étant écoulés depuis le soit-transmis aux fins d'enquête du parquet en date du 8 août 2011 et le dernier versement périodique de Pôle emploi survenu le 16 août 2008 au bénéfice de M. A... D..., cet acte interruptif n'ayant pu avoir d'effet sur la prescription des faits les plus anciens.

15 - En prononçant ainsi sans rechercher si, dans tous les cas, la perception par les prévenus d'indemnités journalières et d'allocations servies par les organismes sociaux ne résultait pas d'une fraude similaire sciemment réitérée, déclinée selon les mêmes modalités, liée notamment à la production de contrats de travail fictifs et à la déclaration de chutes accidentelles imaginaires, survenues pendant le travail, déterminantes de la remise de ces fond, et si les faits n'étaient pas en conséquence connexes, la cour d'appel n'a n'a pas justifié sa décision.

16 - La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 26 avril 2018, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois octobre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-83804
Date de la décision : 23/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 26 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 23 oct. 2019, pourvoi n°18-83804


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.83804
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