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23/10/2019 | FRANCE | N°18-16404

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 octobre 2019, 18-16404


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par des actes séparés, M. et Mme A... se sont rendus cautions solidaires, respectivement les 20 juillet 2004 et 23 décembre 2008, dans la limite de 198 000 euros, chacun, des engagements de la société Azur informatique services (la société) à l'égard de la société Banque Martin Maurel, devenue la société Rothschild Martin Maurel (la banque) ; que les 10 et 12 novembre 2014, la banque a assigné tant la société Azur investissement services que les cautions en paieme

nt d'une somme de 86 358,23 euros représentant la dette totale de la soc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par des actes séparés, M. et Mme A... se sont rendus cautions solidaires, respectivement les 20 juillet 2004 et 23 décembre 2008, dans la limite de 198 000 euros, chacun, des engagements de la société Azur informatique services (la société) à l'égard de la société Banque Martin Maurel, devenue la société Rothschild Martin Maurel (la banque) ; que les 10 et 12 novembre 2014, la banque a assigné tant la société Azur investissement services que les cautions en paiement d'une somme de 86 358,23 euros représentant la dette totale de la société à son égard ; que les cautions lui ont opposé la disproportion de leurs engagements ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen, que le créancier professionnel peut se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, s'il apporte la preuve qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ; qu'en retenant que la banque ne rapportait pas la preuve qu'à la date de son action en paiement de la somme en principal de 86 358,23 euros, le patrimoine des cautions leur permettait de faire face à leurs engagements, quand elle constatait pourtant l'existence d'un bien immobilier que les cautions avaient eux-mêmes évalué à 460 000 euros, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve produits que la cour d'appel, après avoir relevé que l'immeuble constituant le domicile de M. et Mme A... était évalué par ces derniers, dans le cadre d'une autre instance, à 460 000 euros, et qu'il avait été acquis au moyen d'un prêt d'un montant de 260 000 euros, dont la déchéance du terme a été prononcée le 7 février 2015, a retenu que la banque ne rapportait pas la preuve lui incombant que le patrimoine des cautions leur permettait de faire face à leurs engagements, au jour où elles ont été appelées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation ;

Attendu que pour rejeter la demande de la banque, après avoir relevé que, selon l'avis d'imposition de M. A... pour l'année 2005, ce dernier avait perçu, en 2004, 5 811 euros de revenus annuels et que, selon les avis d'imposition de M. et Mme A..., ceux-ci avaient perçu, respectivement en 2005 et 2006, 23 215 et 25 822 euros de revenus annuels, l'arrêt retient qu'au regard de ces éléments, les engagements de caution souscrits en 2004 et 2008 apparaissent manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus ;

Qu'en statuant ainsi, sans se placer, pour apprécier la disproportion de l'engagement souscrit le 23 décembre 2008, à la date de sa conclusion, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. et Mme A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Rothschild Martin Maurel la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf, et signé par lui, Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, empêché, et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Rothschild Martin Maurel.

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Banque Martin Maurel de ses demandes ;

Aux motifs que « Sur la disproportion de l'engagement de caution

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Attendu qu'aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l'article L. 332-1, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;

Que la charge de la preuve du caractère manifestement disproportionné de l'engagement incombe à la caution ;

Que cette disproportion manifeste s'apprécie lors de la conclusion de l'engagement au regard d'une part. de la consistance de leur patrimoine ainsi que de leurs revenus et charges, et d'autre part, du montant global des engagements

Que dans le cas présent, par actes séparés des 20 juillet 2004 et 23 décembre 2008, M. et Mme A... se sont portés caution solidaire des engagements de la société Azur informatique services dans la limite 198.000 euros, chacun ;

Qu'il résulte de l'avis d'imposition de l'année 2005 portant sur les revenus de 2004 perçus par M. A..., et contemporain de son engagement en qualité de caution, que celui-ci était célibataire et non imposable ; qu'il a déclaré un revenu annuel de 5.811 euros ;

Qu'il en va différemment dès l'année suivante puisque M. et Mme U... A..., qui se sont mariés entre-temps, ont déclaré percevoir un revenu global annuel de 23.155 euros en 2005 et de 25.822 euros en 2006 au regard des avis d'imposition produits ;

Qu'il ressort de l'extrait K-Bis et des statuts mis à jour le 3 septembre 2003, communiqués par la Banque Martin Maurel, que la SARL Azur Informatiques, créée le 1er avril 1997, était gérée par M. A..., lequel détenait 380 parts des 500 constituant le capital social d'un montant de 7.622 euros : qu'il n'est pas allégué que la valeur de l'actif net de ladite société aurait excédé notablement ce montant ;

Que si ces parts font partie du patrimoine devant être pris en compte, les époux A... n'étaient à l'époque propriétaires d'aucun immeuble, et la proportionnalité de leur engagement ne pouvait être appréciée au regard des perspectives de développement de l'entreprise cautionnée, peu importe que les résultats escomptés soient réalisés ;

Qu'au regard de ces éléments, les engagements de caution, pris respectivement en 2004 et 2008 par M. A... et Mme A..., dans la limite de 198.000 euros chacun, apparaissent manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus ;

Attendu qu'au jour où ils sont actionnés en paiement. M. et Mme U... A... ont perçu des revenus à hauteur de 40.10-1 euros en 2012 et de 30.335 euros en 2013, au vu des avis d'imposition versés aux débats ;

Que leurs revenus leur ont permis d'acquérir par le truchement d'une société civile immobilière dénommée « Les deux Frères », créée le 23 décembre 2010, et dont ils détiennent la totalité des parts, un bien immobilier situé à [...], [...] , qui constitue, à ce jour, leur domicile conjugal ;

Qu'il résulte des pièces versées en procédure que cette acquisition a été financée par un emprunt d'un montant de 260.000 euros, dont la déchéance du terme a été prononcée le 7 février 2015 ;

Que même si les époux A... ont évalué ce bien à hauteur de 460.000 euros dans le cadre d'une autre instance (Cf. pièce n°8), la Banque Martin Maurel ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que leur patrimoine leur permettait de faire face à leurs engagements de caution, d'un montant de 198.000 euros, chacun ;

Qu'il échet en conséquence de les décharger de leur engagement et d'infirmer le jugement entrepris » (arrêt, p. 4, in fine, à p. 5) ;

1°) Alors que, d'une part, le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de plusieurs cautions solidaires s'apprécie au regard des biens et revenus de chacune d'entre elles, au jour où elles ont souscrit leur engagement ; qu'en considérant que les engagements de caution solidaire pris respectivement en 2004 et 2008 par M. A... et Mme A..., dans la limite de 198 000 euros chacun, apparaissaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus, tout en s'abstenant d'apprécier le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de Mme A..., à l'aune de ses biens et revenus, au jour de son engagement souscrit le 23 décembre 2008, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

2°) Alors que, d'autre part, le créancier professionnel peut se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, s'il apporte la preuve qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ; qu'en retenant que la banque ne rapportait pas la preuve qu'à la date de son action en paiement de la somme en principal de 86 358,23 euros, le patrimoine des cautions leur permettait de faire face à leurs engagements, quand elle constatait pourtant l'existence d'un bien immobilier que les cautions avaient eux-mêmes évalué à 460 000 euros, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-16404
Date de la décision : 23/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 oct. 2019, pourvoi n°18-16404


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.16404
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