LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 24 novembre 2008, M. B... s'est rendu caution solidaire, dans la limite de 300 000 euros, envers la société Natixis Factor (l'affactureur) des engagements stipulés dans le contrat d'affacturage souscrit le 20 avril 2006 par la société transport Dornier ; que cette société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, les 21 décembre 2009 et 29 septembre 2010, l'affactureur a assigné la caution en exécution de son engagement ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à l'affactureur la somme de 300 000 euros alors, selon le moyen, que la proportionnalité du cautionnement s'apprécie uniquement au regard des biens et revenus de la caution au moment de la souscription de son engagement, sans qu'il puisse être tenu compte des caractéristiques de la dette garantie ; qu'en retenant que le cautionnement à hauteur de 300 000 euros souscrit par M. B... le 24 novembre 2008 n'était pas manifestement disproportionné, dès lors qu'il garantissait la dette issue d'un contrat d'affacturage n'ayant vocation à fonctionner qu'en ligne créditrice, la cour d'appel qui a tenu compte des caractéristiques de la dette garantie pour apprécier la proportionnalité du cautionnement, a violé l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve produits qu'après avoir relevé que l'affactureur ne pouvait pas avoir connaissance des engagements antérieurs de la caution conclus en 2004, 2006 et 2007 au profit d'autres établissements bancaires, faute pour la caution de les avoir évoqués dans la fiche de renseignement, la cour d'appel a retenu l'existence et l'importance des biens et revenus de la caution au jour de son engagement en se fondant sur cette fiche et en a déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen, que le cautionnement n'était pas manifestement disproportionné ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
Attendu que pour condamner M. B... à payer à l'affactureur la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'au regard des faits de la cause, il apparaît justifié de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué à la partie intimée une indemnité de 5 000 euros en réparation de la résistance abusive de la caution à déférer à ses engagements et en ce que l'appelant ne s'explique pas plus avant sur sa contestation relatives aux dommages-intérêts mis à sa charge par les premiers juges ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser une faute de M. B..., ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement ayant condamné M. B... à payer à la société Natixis Factor la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 6 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;
Condamne M. B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf, et signé par lui, Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, empêché, et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. B...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. B... de sa demande tendant à ce que la société Natixis factor soit déchue de son droit d'agir en raison du caractère manifestement disproportionné du cautionnement, de l'avoir condamné à payer à la société Natixis factor la somme de 300 000 € en principal outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 26 décembre 2008 avec capitalisation jusqu'à parfait paiement, de l'avoir condamné à payer à la société Natixis factor la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et vexatoire, et de l'avoir condamné à payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs propres que « Sur le caractère disproportionné du cautionnement ; que M. G... B... estime subsidiairement l'engagement litigieux totalement disproportionné à ses revenus et patrimoine de l'époque dans la mesure où il percevait un revenu mensuel de 3 660 €, son épouse un salaire mensuel de 1 860 €, avait deux enfants à charge et supportait la charge d'engagements de caution antérieurs qu'il conteste avoir dissimulés, arguant que la fiche de renseignement a été remplie avec précipitation compte tenu des circonstances de la souscription ; qu'en réponse, la SA Natixis Factor fait valoir que l'appelant était parfaitement informé de la situation de sa société en qualité de dirigeant et qu'il ne peut invoquer sa propre turpitude dès lors qu'il est seul responsable en qualité de gérant de la position débitrice du compte courant d'affacturage et de son montant ; qu'elle ajoute que la situation de la caution au jour de l'engagement était confortable et lui permettait de faire face à son cautionnement, relevant qu'il n'avait fait état d'aucun précédent engagement ; qu'en vertu de l'article L. 341-4 du code de la consommation « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation » ; qu'il appartient tout d'abord à la caution qui s'en prévaut de rapporter la preuve de l'existence d'une disproportion manifeste au jour de son engagement ; qu'il va de soi par ailleurs que le caractère manifestement disproportionné de son engagement s'apprécie en considération des éléments connus de l'établissement bancaire à la date du cautionnement ; qu'il ressort de la fiche de renseignement établie le 24 novembre 2008 que M. G... B..., marié sous le régime de la communauté de biens, disposait d'un revenu mensuel de 4 000 € et son épouse un salaire de 2 000 € ; qu'il était propriétaire de 50 % des parts d'une SCI dont la valeur était fixée à 1 400 000 € sous réserve d'un endettement de 600 000 € et qu'il n'a été fait état d'aucun engagement antérieur ; que si la SA Natixis Factor ne pouvait méconnaître à cette date l'existence d'un engagement de caution souscrit à son profit à hauteur de 30 000 € en 2006 pour une durée de trois ans, il résulte cependant de ce qui précède qu'elle ne pouvait avoir connaissance des autres engagements de la caution faute pour celle-ci de justifier les avoir évoqués ; qu'il s'ensuit que ces engagements antérieurs intervenus en 2004, 2006 et 2007 en faveur d'établissements bancaires, sont inopposables au factor au regard du texte précité et que l'engagement de caution, qui plus est souscrit dans le cadre d'un contrat d'affacturage qui avait vocation à ne fonctionner qu'en ligne créditrice, n'est pas manifestement disproportionné à la situation financière de M. G... B... telle qu'elle a été présentée au factor dans la fiche de renseignement, aucune extorsion ni précipitation n'étant démontrée en l'espèce dans les circonstances de la souscription de l'engagement et l'établissement de la fiche, comme le prétend l'appelant ; qu'il convient dans ces circonstances de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a écarté ce moyen et condamné M. G... B... à payer à la SA Natixis Factor la somme de 300 000 € en exécution de son engagement de caution, dès lors que celle-ci justifie d'une créance définitivement admise à hauteur de 302 497,05 € ; * Sur les demandes accessoires ; qu'il apparaît justifié de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué à la partie intimée une indemnité de 5 000 € en réparation de la résistance abusive de sa caution à déférer à ses engagements, au regard des faits de la cause, étant observé que l'appelant s'il conclut d'une façon générale au rejet des prétentions adverses ne s'explique pas plus avant sur sa contestation relative aux dommages-intérêts mis à sa charge par les premiers juges ; que l'issue du litige justifie qu'il soit fait partiellement droit à la demande de l'intimée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel ; que l'appelant, qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel, les dispositions accessoires du jugement déféré étant par ailleurs confirmées » (arrêt attaqué, p. 4 et 5) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « Sur la disproportion ; que M. G... B..., dirigeant de la société Transports Dornier, connaissait la situation financière de sa société, débiteur principal ; que la Cour de cassation retient, pour rejeter le caractère disproportionné de l'engagement de caution, que celle-ci, lorsqu'elle est dirigeante de la société cautionnée est présumée parfaitement informée de la situation financière du débiteur principal ; que la notion de disproportion en matière de cautionnement fourni par un dirigeant diffère totalement entre un contrat de prêt et l'exécution d'un contrat d'affacturage ; que M. G... B... n'a jamais indiqué dans les différentes fiches de renseignement, signées les 16 mars 2006 et 24 novembre 2008, s'être engagé au profit d'autres établissement bancaires ; qu'aucune mention n'a été apportée sur les parts de la société civile immobilière (nantissement au profit du crédit agricole) ; qu'en conséquence, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir des renseignements qu'il a sciemment omis d'indiquer à son créancier ; qu'en l'état de ce qui précède, M. G... B... ne démontre pas le caractère disproportionné de ses engagements et que par voie de conséquence il sera condamné à régler à la société Natixis Factor la somme de 300 000 € en principal outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 26 décembre 2008 avec capitalisation jusqu'à parfait paiement ; qu'il n'est pas contesté que la société Natixis Factor a subi un préjudice en raison de la résistance abusive de M. G... B... au paiement des factures ; qu'il y a donc lieu de le condamner à payer à la société Natixis Factor la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts ; que compte tenu de l'ancienneté de la créance, il convient d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie demanderesse la totalité des sommes qu'elle a dû engager dans le cadre de la présente instance et non comprises dans les dépens ; qu'il y a lieu de condamner M. G... B... à payer à la société Natixis Factor la somme de 2 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » (jugement entrepris, p. 6 et 7) ;
Alors que la proportionnalité du cautionnement s'apprécie uniquement au regard des biens et revenus de la caution au moment de la souscription de son engagement, sans qu'il puisse être tenu compte des caractéristiques de la dette garantie ; qu'en retenant que le cautionnement à hauteur de 300 000 € souscrit par M. B... le 24 novembre 2008 n'était pas manifestement disproportionné, dès lors qu'il garantissait la dette issue d'un contrat d'affacturage n'ayant vocation à fonctionner qu'en ligne créditrice, la cour d'appel qui a tenu compte des caractéristiques de la dette garantie pour apprécier la proportionnalité du cautionnement, a violé l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné M. B... à payer à la société Natixis factor la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et vexatoire, et de l'avoir condamné à payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Aux motifs propres que « Sur les demandes accessoires ; qu'il apparaît justifié de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué à la partie intimée une indemnité de 5 000 € en réparation de la résistance abusive de sa caution à déférer à ses engagements, au regard des faits de la cause, étant observé que l'appelant s'il conclut d'une façon générale au rejet des prétentions adverses ne s'explique pas plus avant sur sa contestation relative aux dommages-intérêts mis à sa charge par les premiers juges » (arrêt attaqué, p. 5) ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges qu'« il n'est pas contesté que la société Natixis Factor a subi un préjudice en raison de la résistance abusive de M. G... B... au paiement des factures ; qu'il y a donc lieu de le condamner à payer à la société Natixis Factor la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts » (jugement entrepris, p. 7) ;
Alors que dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf à caractériser que le débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard ; que dès lors, en se bornant à relever que la caution avait abusivement résisté à l'exécution de ses engagements au regard des faits de la cause et que le préjudice subi par la société Natixis Factor n'était pas contesté, la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni la mauvaise foi de la caution ni l'existence d'un préjudice distinct du retard dans le paiement des sommes dues, a violé l'article 1153 du code civil, devenu l'article 1231-6 du même code.