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23/10/2019 | FRANCE | N°18-15330

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 octobre 2019, 18-15330


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1147 et 1151 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Peugeot Citroën automobiles (la société PCA), aux droits de laquelle vient la société PSA automobiles, et la société Renault, toutes deux constructeurs automobiles, entretenaient des relations d'affaires avec la société Metzeler Automotive Profile, devenue la socié

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1147 et 1151 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Peugeot Citroën automobiles (la société PCA), aux droits de laquelle vient la société PSA automobiles, et la société Renault, toutes deux constructeurs automobiles, entretenaient des relations d'affaires avec la société Metzeler Automotive Profile, devenue la société Sealynx Automotive Transières (la société Sealynx), équipementier automobile fabriquant des joints d'étanchéité ; qu'eu égard aux difficultés financières rencontrées par la société Sealynx, ces trois sociétés ont, sous l'égide d'un mandataire ad hoc, conclu un premier protocole du 11 mai 2006, prévoyant notamment une augmentation des prix des produits et services fournis par la société Sealynx, et un deuxième protocole du 15 mai 2007, aux termes duquel les constructeurs s'engageaient en particulier à affecter des commandes à la société Sealynx sur une période donnée, afin d'assurer la pérennité de cette dernière ; qu'invoquant le non-respect des obligations contractuelles d'affectation de commandes prévues par ce deuxième protocole, la société Sealynx a assigné les constructeurs en référé, le 5 février 2010 ; que par un troisième protocole conclu le 16 mars 2010, les sociétés Sealynx et Renault sont convenues, outre du désistement de cette instance, de ce que la société Renault affecterait des commandes à la société Sealynx et de ce que le délai d'affectation de commandes fixé au protocole de 2007 serait prorogé au 30 septembre 2010 ; qu'après avoir été mise en redressement judiciaire le 7 décembre 2010, la société Sealynx a assigné les sociétés Renault et PCA devant le juge du fond, en leur reprochant d'avoir manqué à leurs engagements contractuels ; que la société Sealynx a été mise en liquidation judiciaire le 24 mai 2012, la société BTSG, devenue la société Alliance, étant nommée liquidateur ; que ce dernier a repris l'instance au fond engagée par la société Sealynx et a, notamment, demandé la condamnation des sociétés Renault et PCA à réparer le préjudice résultant de l'inexécution de leur engagement contractuel d'affectation de nouvelles commandes à la société Sealynx ;

Attendu que, pour condamner la société Renault à payer la somme de 18,3 millions d'euros en réparation du préjudice de la société Sealynx consécutif à la non-affectation de commandes nouvelles, l'arrêt, après avoir retenu que la première avait manqué à ses obligations contractuelles à ce titre, retient que les premiers juges ont écarté, à tort, le principe d'indemnisation de la société Sealynx au vu de l'argumentaire de la société Renault, cependant, d'un côté, que le préjudice subi par celle-ci a fait l'objet, le 29 juillet 2010, de la part du Cabinet Mazars - voir cote 15 et notamment les points détaillés 1.4.3 et 1.4.4. du dossier du liquidateur de la société Sealynx - d'une évaluation précise sur laquelle est fondée la demande d'indemnisation, de l'autre, que cette évaluation n'est pas contestée par des éléments précis et tangibles de la part de la société Renault qui se borne, en réalité, à en discuter le principe ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il existait un lien de causalité direct et certain entre la faute imputée à la société Renault et le préjudice de la société Sealynx qu'elle indemnisait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation intervenue entraîne, par voie de conséquence, celle des chefs de l'arrêt condamnant la société Renault au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Renault à payer à la société Alliance, en qualité de liquidateur de la société Sealynx Automotive Transières, la somme de 18,3 millions d'euros au titre du préjudice consécutif à la non-affectation de commandes nouvelles, et en ce qu'il condamne la société Renault au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l'arrêt rendu le 29 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Met hors de cause, sur sa demande, la société PSA automobiles dont la présence devant la cour de renvoi n'est plus nécessaire à la solution du litige ;

Condamne la société Alliance, en qualité de liquidateur de la société Sealynx Automotive Transières, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf, et signé par lui et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Renault

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société RENAULT à verser à la société ALLIANCE, ès qualités de liquidateur de la société SEALYNX AUTOMOTIVE TRANSIERES, la somme de 18,3 millions d'euros en indemnisation de son préjudice consécutif à la non-affectation de commandes nouvelles ;

Aux motifs propres que « Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016 ;

Selon le Protocole litigieux n° 2, la société Renault "dans un esprit constructif et pour poursuivre [sa] volonté de maintenir une dynamique de progrès avec le site de Transières et la future structure après MBO, est disposée à s'engager à confier à la société Metzeler (Sealynx.) sur la période s'étendant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 de nouvelles affectations permettant à Metzeler [Sealynx] de réaliser à terme un chiffre d'affaires annuel total cumulé de 23, 1M€ dont 7,7M€ conditionnel en 2009 (si les volumes estimés au moment des dites affectations sont réalisés.). Ce même Protocole précise : "à la fin de l'année 2008, Renault et Metzeler [Sealynx] se rencontreront pour évaluer la nécessité de maintenir l'engagement des 7,7M€ de l'année 2009 en fonction notamment des futurs projets Renault ouverts à la consultation et de l'ensemble du carnet de commande contractualisé par Metzeler en 2007 et 2008." [surligné et souligné par la Cour]

La Selas Alliance ès qualités relève à raison que l'engagement du constructeur porte sur un volume d'affectation de commandes déterminé, dans le temps comme dans son montant et que, cet engagement avait pour but de permettre à la société Sealynx de bénéficier d'un retour à une exploitation pérenne et équilibrée.

Ainsi énoncé, cet engagement s'analyse nécessairement comme étant une obligation de résultat puisque les parties, sont d'évidence convenues que la société Renault affecte dans un premier temps des commandes pour 15,4M€, l'engagement de 7,7M€ de chiffres d'affaires n'étant conditionnel que dans l'hypothèse où ce chiffre d'affaires de 15,4M€ serait réalisé en 2009.

La société Renault admet au demeurant elle-même en p.10 de ses conclusions (§ 1.18 in fine), que les affectations de commande ont été inférieures à celles stipulées dans le protocole du 15 mai 2007.

Si elle observe que ce n'est que parce que la société Sealynx n'a pas elle-même été en mesure de satisfaire aux exigences de ses critères de Q.C.D pourtant acceptés en toute transparence, à l'instar des autres entreprises concurrentes et fournisseurs, ces allégations, contestées par la société adverse, ne peuvent à elles seules valoir démonstration.

Il ressort au demeurant des documents présentés aux débats - voir cotes 75 et 66 p. 94 du dossier de la Sela Alliance ès qualités, que sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, la société Renault n'a affecté que trois commandes supplémentaires à la société Sealynx ayant généré un chiffre d'affaires total cumulé limité à 71000€ et de 6, 4M€ avant son placement en redressement judiciaire fin 2010.

Le protocole signé le 16 mars 2010, fait enfin le même constat en ces termes: " Par ailleurs les affectations de commandes de Renault à Sealynx se sont trouvées être inférieures aux stipulations du Protocole alors que le délai d'affectation prévu a atteint son terme le 31 décembre 2009.".

Il prévoit certes que : "Les Parties conviennent de proroger du 31 décembre 2009 au 30 septembre 2010 le délai d'affectation de commandes prévu au Protocole (qui figure au quatrième paragraphe de la lettre de Renault du 15 mai 2007 annexée audit Protocole), de façon à permettre à Renault de bénéficier d'un délai supplémentaire d'affectation de commandes.".

La portée de l'accord des parties relatif à l'engagement d'affectation de nouvelles commandes, appréciée sur la période du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2010, apparaît cependant ne pas avoir été davantage respectée par la société Renault dès lors que celle-ci n'est pas en mesure de contester que le chiffre d'affaires réalisé par la société Sealynx au titre des commandes affectées par la société Renault depuis mai 2007, en ce comprise celles affectées à la société Sealynx en exécution du protocole du 15 mars 2010, ne s'élevait qu'à 6,4M€, par surcroît en total cumulé et non pas, en total annuel cumulé comme convenu.

Dans son rapport établi, sur désignation par ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Nanterre du 5 mars 2013, l'expert R... conclut que "ces 6,4M€ au total sont bien à apprécier au regard des 23, 1M€ visés au protocole de mai 2007" - voir cote 66, p.94 du dossier de la Selas Alliance ès qualités.

Critiquant la valeur de ce rapport, corroboré par les constatations du rapport établi le 29 juillet 2010 par le cabinet Mazars en exécution d'une lettre de mission confiée par la société Sealynx le 23 février précédent - voir par 49, la société Renault n'apparaît cependant pas être en mesure de rapporter des éléments de preuve contraires.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé de ce chef » ;

Aux motifs éventuellement adoptés que « Attendu alors qu'il sera d'abord rappelé que le protocole du 15 mai 2007 régularise en présence de Me C..., administrateur judiciaire, stipulait en son alinéa c « Les Parties décident de compléter le Protocole [le Protocole d'accord du 11 mai 2006] dans les termes des courriers de PCA en date du 15 mai 2007 et RENAULT en date du 15 mai 2007 joints en annexe » ;

Que le courrier adressé à M. M... I..., société METZELER, par la société RENAULT le 15 mai 2007 ainsi visé, d'ailleurs annulant et remplaçant le précédent courrier ayant le même objet en date du 11 mai 2007 non versé aux débats, indiquait :

« Par ailleurs vous nous demandez un engagement supplémentaire et non prévu par le protocole en date du 11 mai 2006 (le Protocole) pour asseoir une perspective de pérennité du site que vous ne jugez pas satisfaisante en l'état pour engager plus avant votre responsabilité en tant que dirigeant dans le cadre de l'accord de méthode.

Dans un esprit constructif et pour poursuivre notre volonté de maintenir une dynamique de progrès avec le site de Transières et la future structure après MBO, Renault est disposé à s'engager à confier à la société Metzeler sur la période s'étendant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 de nouvelles affectations permettant à Metzeler de réaliser à terme un chiffre d'affaires annuel total cumulé de 23,1 M€ dont 7,7 M€ conditionnel en 2009 (si les volumes estimés au moment desdites affectations sont réalisés). La production en série desdites affectations sera faite dans le cadre « normal » des relations Q.C.D. de Renault avec ses fournisseurs. Renault s'efforcera d'inclure des projets de chiffre d'affaires importants dans cet engagement.

A la fin de l'année 2008, Renault et Metzeler se rencontreront pour évaluer la nécessité de maintenir l'engagement des 7,7 M€ en fonction notamment des futurs projets Renault ouverts à la consultation, et de l'ensemble du carnet de commande contractualisé par Metzeler en 2007 et 2008. » ;

Attendu qu'il ressort de l'extrait du courrier de la société RENAULT rappelé ci-dessus, que celle-ci ne s'est pas engagée à confier à la société METZELER sur la période s'étendant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 un certain volume de chiffre d'affaires, ainsi que la SCP B.T.S.G., ès qualités tend, à tort, à le soutenir en affirmant dans ses écritures que « l'engagement de Renault devait permettre à Sealynx de générer un chiffre d'affaires important avant même 2009 » ou plus avant « l'ensemble des commandes affectées à Sealynx par Renault lui ont permis de générer 71 000 euros de chiffre d'affaires cumulé sur la période 2007 – 2009 et 6,4 M€ de chiffre d'affaires cumulé jusqu'au dépôt de bilan de Sealynx. Ces montants réalisés doivent être comparés aux montants contractuels pour lesquels Renault s'est engagé (23,1 M€ de chiffre d'affaires annuel », d'autant plus que l'engagement de la société RENAULT était de permettre à la société METZELER de réaliser « à terme » un chiffre d'affaires annuel cumulé, et qu'il n'est pas contesté que « le terme » en la matière est de l'ordre de 2 à 3 ans ainsi que l'observe M. S... en page 21 de son rapport « II convient enfin de préciser qu'eu égard à l'importance de la fonction Retamp;D dans le développement d'un produit d'étanchéité spécifiquement dédié à un véhicule, dans le cadre d'une commande pour un nouveau véhicule, le délai entre l'affectation de la commande (le choix du sous-traitant) et la mise en production des pièces s'établit entre deux et trois ans » ou le cabinet MAZARS en page 57 de son rapport « La production en série des joints d'un véhicule débute entre deux et trois ans après la signature d'un contrat de fourniture d'étanchéité selon la durée du développement » ;

Attendu que la société RENAULT s'était engagée sur de « nouvelles affectations permettant à Metzeler de réaliser à terme un chiffre d'affaires annuel total cumulé de 23,1 M€ dont 7,7 M€ conditionnel en 2009 (si les volumes estimés au moment desdites affectations sont réalisés) » ; qu'au vu des termes de la promesse ainsi faite, il s'agit là d'une obligation de résultat portant sur le volume des affectations de commande devant être confiées à la société METZELER, tel qu'estimé par le constructeur au moment de ladite affectation, quand bien même ledit volume ne pouvait qu'alors n'être que prévisionnel, nul ne pouvant prédire avec certitude quel serait le chiffre d'affaires finalement réalisé sur plusieurs années, et ce, après deux années, voire plus, de développement et de mise au point ;

Qu'en revanche, tout engagement qui aurait porté sur la réalisation d'un chiffre d'affaires sur la période contractuelle, ainsi que la SCP B.T.S.G., ès qualités, tend à le soutenir, situation qui n'est pas celle décrite au protocole du 15 mai 2007, relèverait d'une obligation de moyens, eu égard au caractère prévisionnel des affectations de commande en terme de délai de mise en production et de volume à produire pour un modèle donné ;

Attendu que la Convention régularisée le 16 mars 2010, rappelait :

« Les affectations de commandes de Renault à Sealynx se sont trouvées être inférieures aux stipulations du Protocole, alors que le délai d'affectation prévu a atteint son terme le 31 décembre 2009 » ;

Qu'ainsi, la société RENAULT reconnaissait ne pas avoir satisfait à son obligation, que le Tribunal qualifiera de résultat, d'avoir affecté de nouvelles commandes au niveau qui était prévu ; que d'ailleurs, la société RENAULT ne contestait pas ce fait en affirmant en page 14 de ses conclusions en réponse déposées pour l'audience de référé du 16 février 2010 dans l'instance l'opposant à la société SEALYNX : «Il a été démontré (et la société SEALYNX l'affirme également) que le volume prévisionnel de commandes confié à SEALYNX représente 12,1 M€ de chiffre d'affaires » montant manifestement inférieur à ses engagements contractuels issus du protocole du 15 mai 2007 ;

Attendu cependant que pour justifier du fait qu'elle a finalement rempli ses obligations contractuelles, la société RENAULT invoque les stipulations figurant à la Convention régularisée le 16 mars 2010 pour conclure que le montant des affectations de nouvelles commandes au 30 septembre 2010, date prorogée, s'élevait à 33,4 M€, incluant dans ce montant les affectations de nouvelles commandes dont deux de « resourcing » accordées le jour même de la régularisation de la Convention « Par la présente convention, et sans que cela ne constitue une quelconque reconnaissance de sa responsabilité au titre de l'exécution du Protocole, Renault affecte à Sealynx, qui l'accepte, les commandes suivantes... » ;

Mais attendu qu'à l'audience collégiale, la société RENAULT, n'a pas su résoudre la contrariété qui résultait du fait qu'en prenant en compte les affectations accordées au titre de la Convention, ainsi qu'elle le soutenait aux fins de justifier de son respect du protocole du 15 mai 2007, il n'était nul besoin de proroger le délai contractuel prévu audit protocole, comme cela fut pourtant fait, en prorogeant « du 31 décembre 2009 au 30 septembre 2010 le délai d'affectation de commandes prévu au Protocole de façon à permettre à Renault de bénéficier d'un délai supplémentaire d'affectation de commandes » le volume d'affectations ayant été alors sans contestation possible atteint et même largement dépassé (33,4 M€ versus 23,1M€); qu'il s'en déduit nécessairement que lors de la régularisation de la Convention, l'intention des parties était de laisser hors du champ d'application du protocole du 15 mai 2007, les affectations accordées aux termes de ladite Convention ;

Qu'il s'ensuit que la société RENAULT ne peut invoquer de façon cohérente les affectations explicitement listées dans la Convention pour justifier du fait qu'elle aurait rempli, et ce, très largement, ses obligations contractuelles, alors qu'il avait été convenu aux termes de ladite Convention qu'elle devait bénéficier d'un délai supplémentaire jusqu'au 30 septembre 2010 pour ce faire ;

Qu'à la même audience, la société RENAULT a reconnu que la seule affectation placée auprès de la société SEALYNX au cours de l'armée 2010 concernait le modèle X98 pour un montant prévisionnel de 4,8 M€, portant ainsi le montant des affectations de nouvelles commandes au titre du protocole du 15 mai 2007 à 16,9 M€ selon ses propres données (ou 12,1 +4,8) ;

Attendu que, nonobstant le fait qu'une réunion devant se tenir à la fin de l'année 2008 pour évaluer le montant des affectations passées n'a pas été organisée, il convient de considérer que le montant des affectations alors accordées de 12,1 M€, eu égard en outre au carnet de commandes contractualisé en 2007 et 2008, était de nature à entraîner la levée de la condition explicitement stipulée et donc de porter le montant des engagements contractuels de la société RENAULT à 23,1 M€ ;

Attendu dans ces circonstances, que le tribunal dira que la société RENAULT n'a pas exécuté ses obligations nées du protocole du 15 mai 2007, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle » ;

1°) Alors que, d'une part, en jugeant que l'engagement de la société RENAULT portait sur un volume d'affectation de commandes déterminé, lorsqu'il résulte des termes clairs et précis du protocole n°2 que l'engagement stipulé ne tendait qu'à permettre à la société SEALYNX de réaliser, à terme, un chiffre d'affaires minimal, la cour d'appel a dénaturé les documents de la cause en violation de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) Alors que, d'autre part, et en tout état de cause, constitue une obligation de moyens l'engagement au terme duquel une partie s'engage à affecter des commandes permettant à son cocontractant de réaliser à terme un certain chiffre d'affaires ; qu'en jugeant l'inverse, lorsqu'elle constatait le caractère nécessairement « prévisionnel », donc aléatoire, du « volume des affectations de commande », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant encore l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) Alors qu'ensuite, en reprochant à la société RENAULT de ne pas avoir respecté son engagement contractuel à la date du 31 décembre 2009, lorsqu'elle constatait que le protocole du 16 mars 2010 prorogeait le délai d'exécution de l'engagement jusqu'au 31 décembre 2010, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et violé de nouveau l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4°) Alors qu'enfin, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile en ne répondant pas au moyen, péremptoire, tiré de ce que l'engagement de la société RENAULT était conditionné au respect, par la société SEALYNX, de ses propres engagements (conclusions d'appel, p. 35 et s.).

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société RENAULT à verser à la société ALLIANCE, ès qualités de liquidateur de la société SEALYNX AUTOMOTIVE TRANSIERES, la somme de 18,3 millions d'euros en indemnisation de son préjudice consécutif à la non-affectation de commandes nouvelles ;

Aux motifs propres que « Vu l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure au 1er octobre 2016 ;

Les premiers juges ont écarté à tort le principe d'indemnisation de la société Sealynx au vu de l'argumentaire de la société Renault alors que le préjudice subi par celle-ci a de la part du Cabinet Mazars - voir cote 15 et notamment les points détaillés 1.4.3 et 1.4.4. du dossier de la Selas Allilance ès qualités, fait le 29 juillet 2010, l'objet d'une évaluation précise sur laquelle la Selas Alliance ès qualités fonde sa réclamation et alors que cette évaluation n'est pas contestée par des éléments précis et tangibles par la partie adverse qui se borne en réalité, à en discuter le principe » ;

1°) Alors que, d'une part seul est réparable le préjudice causé directement par le manquement contractuel ; qu'en l'espèce, pour condamner la société RENAULT, la cour d'appel s'est bornée à constater l'existence d'une faute et d'un préjudice, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, l'existence d'un lien de causalité, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1151 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) Alors que, d'autre part, seul est réparable le préjudice certain ; qu'en l'espèce, pour condamner la société RENAULT, la cour d'appel s'est bornée à constater l'existence d'une faute et d'un préjudice, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, le caractère certain du préjudice, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1151 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) Alors que, enfin, le juge ne peut se fonder exclusivement sur l'expertise réalisée non contradictoirement à la demande d'une partie ; qu'en se fondant exclusivement, pour apprécier le préjudice de la société SEALYNX, sur l'évaluation non contradictoire réalisée à la demande de cette dernière et que la société RENAULT contestait expressément, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-15330
Date de la décision : 23/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 29 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 oct. 2019, pourvoi n°18-15330


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.15330
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