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23/10/2019 | FRANCE | N°18-14933

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 octobre 2019, 18-14933


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 4 janvier 2010 par la société Métro cash et carry France en qualité de directeur d'entrepôt, M. C..., après un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied conservatoire, tenu le 16 février 2015, a été licencié pour faute grave le 26 février 2015 ; que, contestant le bien fondé de ce licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une

décision spécialement motivée sur les moyens ci-après annexés, qui ne sont manifesteme...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 4 janvier 2010 par la société Métro cash et carry France en qualité de directeur d'entrepôt, M. C..., après un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied conservatoire, tenu le 16 février 2015, a été licencié pour faute grave le 26 février 2015 ; que, contestant le bien fondé de ce licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour juger que le licenciement du salarié était justifié par une faute grave et rejeter ses demandes en paiement de diverses indemnités liées à la rupture du contrat de travail et d'un rappel de salaire sur la période de la mise à pied, l'arrêt retient que passant outre les instructions précises et répétées de sa direction, le salarié avait pris sur lui de vendre un produit en dessous du seuil de revente à perte, ce qui avait mis l'employeur en délicatesse avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en l'exposant à des sanctions pénales et qu'il était dans l'incapacité d'adopter le ton mesuré et courtois qui sied à un cadre s'adressant à ses supérieurs hiérarchiques ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié, qui soutenait avoir fait l'objet d'un licenciement verbal, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. C... en paiement de diverses sommes à titre d' indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel de salaire sur la période de mise à pied et de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 8 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Métro cash et carry France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Métro cash et carry France à payer à M. C... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. C....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le licenciement de Monsieur P... C... par la Société METRO CASH et CARRY procédait d'une faute grave et de l'avoir, en conséquence, débouté de ses demandes tendant à voir condamner cette dernière à lui payer les sommes de 26.348,31 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 2.634,83 euros bruts au titre des congés payés y afférents, 4.775,48 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied, 477,56 euros bruts au titre des congés payés y afférents, 210.786,40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 13.622 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

AUX MOTIFS QU'embauché le 18 mars 2013, en qualité de directeur d'entrepôt, M. C... conteste son licenciement prononcé par une lettre en date du 26 février 2015, lui reprochant une faute grave caractérisée par son refus de travailler "en mode projet", sa difficulté à collaborer sur des sujets commerciaux selon la ligne directrice voulue par sa direction, le fait d'adopter un ton "totalement irrespectueux" suite à son refus d'impliquer les managers de rayon dans la formation produits des attachés commerciaux, de s'être désintéressé d'un audit réalisé dans son entrepôt de Cannes, d'écarts de langage dans sa communication écrite, enfin, pour avoir volontairement refusé d'appliquer la réglementation en vigueur en demandant à ses équipes de vendre un produit Coca-cola light en-dessous du seuil de revente à perte ; que M. C... peut difficilement contester ce dernier grief à l'examen des pièces que son employeur, débiteur de la preuve, verse aux débats. ; que ces pièces, décisives, sont les suivantes :

- courriel, daté du 10 décembre 2014, 9 h. 55, du responsable des ventes au manager du rayon alcool, brasserie :

"Nous recevons ce matin du COCA LIGHT 115 en DLUO (acronyme pour Date Limite d'Utilisation Optimale) au 31/01/2015 ! ! ! ! ! ! !

Il s'agit d'un reliquat de Promo de Septembre 2014 ! ! ! ! !

Le retrait de ce produit est à J-30.

Il nous reste donc 20 jours de vente.

Reçu ce matin 4 palettes - 224 packs - Valeur de vente environ 2 300 €

Sans une action sur le prix de vente très très percutante cette marchandise sera perdue." ;

- courriel, daté du 10 décembre 2014, 10 h. 01, de M. C... au manager du rayon alcool, brasserie :

"F..., tu baisses le prix ... il n'est pas question de prendre de la démarque !." ;

- courriel, daté du 10 décembre 2014,10 h.30, du manager du rayon alcool, brasserie, à M. C... :

"Il n'est pas possible de pratiquer un prix de vente au hasard. Il existe une législation qui régit les PV (acronyme pour Prix de Vente), pas de vente en dessous du SRP (acronyme pour Seuil de Revente à Perte).

Merci de me donner le code concerné et je vous proposerai un PV agressif et réalisable. " ;

- courriel, daté du 11 décembre 2014, 9 h. 43, de la direction au manager du rayon alcool, brasserie :

"Nous pouvons vous proposer les prix suivants :

Coca light 150 cl x 8 pack pro ... stock = 180 packs (soit 3 palettes) - 1.19 €
Coca light 150 cl x 12 ... stock = 68 packs (soit 1 palette et demie) - 1.09 €".

- courriel, daté du 11 décembre 2014, 10 h. 10, réponse du responsable des ventes :

"Bonjour et merci de votre réponse.

Même à ce prix le stock ne sera pas écoulé avant le retrait de cet article fixé au 31/12/2014 si l'on respecte la charte ISO 22000;

Nous allons donc au-devant d'une démarque quasi-assurée de 2 000 6 PV pour l'entrepôt de Cannes.

Vu que je ne suis pas le seul entrepôt impacté le calcul est vite fait ...
Perte en démarque ou perte en marge le choix est cornélien

Vous êtes intéressé sur la marge je suis intéressé sur la démarque.

Vous négociez et vous achetez - je vends Nous nous devons de trouver une solution commune.

Cette baisse de prix ne sera pas suffisante compte tenu, du délais, du produit et de la période." ;

- courriel daté du 11 décembre 2014, 10 h. 13, adressé par M. C... au manager du rayon alcool, brasserie, sous la rubrique "RE : Coca Light" :

"0,99 €" ;

- courriel, daté du 11 décembre 2014, 18 h. 39, adressé par la direction à M. C... :

"Nous avons proposé le SRP afin d'écouler les produits. Vendre en dessous du prix d'achat est strictement interdit par la loi et l'entreprise peut être condamnée pour cela. Aux achats, nous sommes garants du prix et du respect du SRP a I 'occasion des soldes de janvier." ;

- courriel, daté du 11 décembre 2014, 19 h. 01, de la direction à M. C... :

"Le sujet du SRP est extrêmement sensible encore actuellement : en décembre 2013, nous avons évité des sanctions pénales sur l'un de nos collègues Directeur d'entrepôt à ce sujet. C'est à cette occasion que nous avions pris 1 'engagement auprès des Fraudes, afin d'éviter lesdites sanctions pénales, d'adresser la note ci-jointe ... Cette note rappelle qu'aucune baisse de prix ne peut intervenir sans accord des achats et rappelle également que les achats doivent s'engager à veiller au respect du SRP.

Il est donc impératif de ne pas vendre en dessous du SRP en dehors des périodes autorisées (soldes). " ;

- courriel, daté du 12 décembre 2014, 7 h. 18, de M. C... à sa direction :

"Sois rassuré sur le risque encouru par l'entreprise, le coca light n'est plus en vente dans mon entrepôt, nous avons vendu 1 pack hier ... même à 0,99 € un produit qui se périme dans quelques jours n'est pas vendable. par ailleurs, comme stipulé plus bas dans mon mail, la certification ISO 22000 nous impose de le sortir de la vente au 31 décembre.
J'ai bien noté que les achats doivent s'engager à veiller au respect du SRP ... ayant l'information qu'il y a encore du stock avec des dates courtes en plate-forme." ;

que ces pièces démontrent que M. C..., passant outre les instructions précises et répétées de sa direction, a pris sur lui de vendre un pack de Coca Light à 0,99 euros le pack, soit en dessous du seuil de revente à perte, mettant ainsi son entreprise en délicatesse avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, et l'exposant à des sanctions pénales ; que ce motif, à lui seul, justifie son licenciement pour faute grave ; que l'employeur, par ailleurs, verse aux débats l'appréciation littérale concernant M. C... à l'occasion de sa notation effectuée le 19 novembre 2014 : "P... doit améliorer sa communication sur les dysfonctionnements rencontrés (on parle de la forme)." ; que l'employeur verse aux débats quelques exemples de courriels émanant de M. C... à sa direction qui traduisent son incapacité à adopter le ton mesuré et courtois qui sied à un cadre s'adressant à ses supérieurs hiérarchiques :

- courriel daté du 18 décembre 2014: "Je sers tous les matins I... ..., non par sympathie mais par professionnalisme ! Nice a reçu 4 palettes de Heineken hier et aujourd'hui ... moi aucune et H... ... répands des mensonges ! .le pense qu'il faut que tu règle rapidement le problème, sinon je m'en occupe personnellement !.." ;

- courriel daté du 15 janvier 2015 : "Comme promis patron ... plus de RAS dans mes commentaires de l'audit, que du politiquement correct ! Petit exemple tout de même de l'intelligence des recommandations - constat de l'audit (en gras dans le texte) : il .faut afficher une liste des produits à anti-voler ... je trouve que le RAS était de circonstance !!!" ;

- courriel daté du 29 janvier 2015 : "Je ne démonte pas un projet par un mail. Mon mail est explicite, il est en Français !" ;

que ces pièces justifient que l'employeur, même durant le temps de son préavis, n'était plus en capacité de maintenir M. C... au sein de son entreprise ; qu'en conséquence, les condamnations prononcées par les premiers juges seront supprimées dans leur totalité ;

1°) ALORS QUE devant la Cour d'appel, Monsieur C... soutenait que la Société METRO CASH et CARRY l'avait licencié verbalement avant même la tenue de l'entretien préalable et en déduisait que son licenciement pour faute grave était de ce seul fait dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en décidant néanmoins que le licenciement de Monsieur C... procédait d'une faute grave, sans répondre à ses conclusions par lesquelles il faisait valoir qu'il avait fait l'objet d'un licenciement verbal, qui était par là-même dépourvu de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en décidant que le licenciement de Monsieur C... procédait d'une faute grave, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la procédure de rupture avait été mise en oeuvre dans un délai restreint, à défaut de quoi la faute grave n'était pas caractérisée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du Code du travail ;

3°) ALORS QU'il résulte des termes clairs et précis du courriel adressé par Monsieur C... à sa direction le 12 décembre 2014, à 7 heures 18, qu'il avait été vendu la veille, au sein de son entrepôt, un unique pack de Coca Light, que ce produit n'était plus en vente et qu'il n'était en tout état de cause pas vendable même au prix de 0,99 euro, sans aucunement indiquer que ce pack aurait été vendu au prix de 0,99 euro ; qu'en affirmant néanmoins qu'il résultait de ce courriel que Monsieur C... avait, le 11 décembre 2014, pris sur lui de vendre un pack de Coca Light au prix de 0,99 euro, soit en dessous du seuil de revente à perte, la Cour d'appel a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

4°) ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en décidant que le licenciement de Monsieur C... procédait d'une faute grave, motif pris que, passant outre les instructions précises et répétées de sa direction, il avait pris sur lui de vendre un unique pack de Coca Light au prix de 0,99 euro le pack, soit en dessous du seuil de revente à perte, ce qui avait mis la Société METRO CASH et CARRY en délicatesse avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en l'exposant à des sanctions pénales, bien qu'un tel fait, commis par un salarié ayant plusieurs années d'ancienneté, qui présentait un caractère isolé et portait sur une somme insignifiante, n'ait pas été de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute grave qu'elle a retenue à l'encontre de Monsieur C..., a violé les articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du Code du travail ;

5°) ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en décidant que le licenciement de Monsieur C... procédait d'une faute grave, motif pris qu'il résultait de quelques courriels versés aux débats par l'employeur qu'il était dans l'incapacité d'adopter le ton mesuré et courtois qui sied à un cadre s'adressant à ses supérieurs hiérarchiques, bien que le fait, pour un salarié ayant plusieurs années d'ancienneté, d'avoir adopté un ton discourtois avec sa hiérarchie ait été impropre à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la faute grave qu'elle a retenue à l'encontre de Monsieur C..., a violé les articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société METRO CASH et CARRY à payer à Monsieur P... C... les seuls sommes de 3.362 euros bruts et de 25.708 euros bruts, avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2015 et anatocisme, au titre de sa rémunération variable pour les exercices 2013 et 2014 ;

AUX MOTIFS QUE l'employeur admet que M. C... était susceptible d'obtenir une rémunération variable, en complément de sa rémunération fixe, sous réserve de l'atteinte d'objectifs (page 20 conclusions employeur) ; qu'un avenant en date du 28 mai 2013 concrétise cet accord des parties, cette rémunération variable étant définie selon les 3 critères suivants :

- pour 35 % de la rémunération variable sur l'EBIT entrepôt (acronyme pour Earnings Before Interest et Taxes - soit le bénéfice avant impôts),

- pour 30 % de ma rémunération variable sur l'EBIT région,

- pour 35 % de la rémunération variable en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires de l'entrepôt de Cannes ;

que l'article 2 de cet avenant stipule que les objectifs à atteindre par critères seront définis par la direction et communiqués pour chaque exercice, dès que les premiers éléments nécessaires à leur détermination seront connus ; que l'article 3 de cet avenant stipule que la valeur de référence est soumise pour 70 % directement au calcul de ces critères et pour 30 % après une évaluation des performances du salarié par son supérieur direct ; que le montant de la rémunération variable dépend des résultats obtenus :

- si les résultats obtenus correspondent aux objectifs fixés, le montant de la rémunération variable à 100 % sera versé,

- si les résultats obtenus dépassent les objectifs fixés, le montant de la rémunération variable sera calculé proportionnellement aux résultats obtenus ; le montant global de la rémunération variable ne pourra pas excéder 3 fois le montant de la rémunération variable à 100 %,

- si les résultats obtenus n'atteignent pas les objectifs fixés, le montant de la rémunération variable sera calculé proportionnellement aux résultats obtenus ; en cas de résultat global négatif, aucune rémunération variable ne sera due ;

que le salarié demande à la cour d'arrêter sa rémunération variable aux sommes ci-après :

- 40 208 euros brut au titre de l'année 2013,

- 40 208 euros bruts au titre de l'année 2014 ;

que s'agissant de l'année 2013, la société Métro communiquait à M. C... les modalités de calcul de sa rémunération variable par une correspondance en date du mai 2013 (pièce 6 dossier employeur), au titre de laquelle il a perçu la somme de 25 716 euros brut (pièce 47 dossier salarié) ; que le salarié indique que sa rémunération variable annuelle, au titre de l'année 2012, fut de 40.008 euros brut ; que, muté de Limoges à Cannes, à compter du 1er janvier 2013, sa rémunération variable ne pouvait être inférieure à celle versée précédemment ; qu'extrapolant, le salarié réclame un différentiel de 14 492 euros brut (40 008 € - 25 716 €) ; que le conseil de la société Métro s'oppose en soutenant que les résultats de l'année 2013 étaient moins bons que ceux de l'année 2012, ce dont cette société ne justifie par aucun document financier ; que la cour note que l'entrepôt de Limoges, d'une superficie de 3 300 mètres carrés, générait un chiffres d'affaires de 25 millions d'euros, tandis que l'entrepôt de Cannes, d'une superficie de 9 000 mètres carrés, générait un chiffre d'affaires d'environ 68 millions d'euros, ce qui permet d'affirmer que la rémunération variable due à M. C... après sa promotion ne pouvait être inférieure à celle dont il bénéficiait dans son précédent poste de direction, sauf circonstances particulières dont l'employeur ne justifie pas ; que le raisonnement suivi par M. C... ne peut toutefois être entièrement approuvé car s'il est exact que sa rémunération variable pour 2012 fut de 40 008 euros brut (pièce 45 dossier salarié), ses précédents gains étaient moindres :

- année 2010 : 25 871 euros brut (pièce 44 dossier salarié),

- année 2011 : 21 354 euros brut (pièce 45 dossier salarié) ;

qu'afin de contrebalancer équitablement ses résultats exceptionnels pour l'année 2012, il convient de se baser sur la moyenne de la partie variable de sa rémunération versée au titre des années 2010, 2011 et 2012, laquelle ressortit à la somme de 29 078 euros brut ; que la rémunération variable (incluant une prime exceptionnelle) perçue au titre de l'année 2013 s'étant élevée à 25 716 euros brut, le différentiel fait apparaître un solde créditeur de 3 362 euros brut (29 708 € - 25 716 €) à hauteur duquel la cour entrera en voie de condamnation ; que s'agissant de l'année 2014, l'employeur ne justifie pas avoir satisfait à son obligation contractuelle de déterminer les modalités de règlement de la rémunération variable due à M. C..., de sorte que le principe de la créance est acquis ; que la société Métro a versé 500 euros brut par mois au titre de cette rémunération variable (prime exceptionnelle) à compter du 1er mai 2014 (pièce 51 dossier salarié), représentant la somme totale de 000 euros brut ; qu'adoptant la même méthode de calcul que la méthode précédemment retenue, la cour entrera en voie de condamnation à hauteur de la somme de 25 708 euros brut (29 708 € - 4 000 €) ; que ces créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du juge social, le 16 novembre 2015, première date valant mise en demeure dont dispose la Cour, le bénéfice de l'anatocisme étant acquis à compter du 16 novembre 2016 ;

ALORS QUE l'avenant au contrat de travail de Monsieur C..., signé le 28 mai 2013, stipule que celui-ci a droit à une rémunération variable calculée selon trois critères, à savoir 35 % sur l'EBIT Entrepôt, 30 % sur l'EBIT Région et 35 % en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires de l'entrepôt ; que cet avenant ajoute que « la valeur de référence est soumise pour 70 % directement au calcul de vos critères et pour 30 % après évaluation faite de vos performances par votre supérieur hiérarchique » ; qu'en décidant néanmoins qu'il convenait, pour calculer le montant de la rémunération variable à laquelle Monsieur C... pouvait prétendre au titre de l'exercice 2013, de contrebalancer équitablement ses résultats exceptionnels de l'année 2012 en se basant sur la moyenne de la partie variable de sa rémunération versées au titre des années 2010, 2011 et 2012 et en refusant d'appliquer les critères stipulés à l'annexe du 28 mai 2013 pour le calcul de la rémunération variable au titre de l'exercice 2014, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur P... C... de sa demande tendant à voir condamner la Société METRO CASH et CARRY à lui payer la somme de 220.132,14 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre la somme de 22.013,21 euros au titre des congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QUE l'article I du contrat de travail stipule que M. C... est un cadre dirigeant, classé 8 en fonction de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ; que son conseil fait observer avec pertinence que l'employeur ne démontre pas que M. C... participait aux décisions stratégiques du groupe Métro, pas plus qu'il ne démontre que sa rémunération (5 750 € fixe + 2 476 € variable) se situait dans les rémunérations les plus importantes de l'entreprise Métro qui emploie plus de 9 500 salariés au sein de son siège social, situé à Nanterre et dans ses 95 entrepôts (page 2 conclusions employeur) ; que ces considérations sont exclusives de la définition d'un cadre dirigeant, en conséquence de quoi M. C... est habile à réclamer l'application des règles du droit commun pour le calcul de son temps de travail ; que M. C... indique qu'il était présent au sein de son entrepôt de l'ouverture à la fermeture, ouvert de 6 heures à 19 heures du lundi au vendredi, et de 6 heures à 18 heures le samedi en période d'été (jusqu'à 13 heures le samedi en période d'hiver) ; que le salarié réclame le paiement de la somme de 220 132,14 euros, outre 22 013,21 euros au titre des congés payés afférents, ci-après décomposée :
- année 2012 : 51 193,22 €, outre 119,32€ au titre des congés payés
- année 2013: 53 874,50 €, outre afférents, 387,4 5 € au titre des congés payés
- année 2014: 56 210,74 €, outre afférents, 621,0 7 € au titre des congés payés
- année 2015: 6 182,98 € outre 618,30 € au titre des congés payés afférents ;
que pour s'opposer à la prétention, l'employeur indique que M. C... n'était astreint à aucune contrainte horaire et que sa présence au sein de l'entrepôt à raison de 77 heures par semaine l'été et de 72 heures par semaine l'hiver, comme il est soutenu, ne se justifiait nullement, sachant que les adjoints de direction et les managers de rayons et leurs adjoints sont chargés d'assurer le respect des heures d'ouverture et de fermeture des locaux aux professionnels ; que le salarié verse des tableaux Excel par lui établis (pièces 41a, 41b, 41 c, 41 d, 41 e) indiquant une fréquence de travail maximale selon les heures d'ouverture et de fermeture été/hiver, et identique pour chaque jour travaillé ; que cette présentation du temps de travail accompli interdit à l'employeur de contester utilement le bien-fondé de la prétention ; que le salarié ne verse aux débats aucun témoignage de salarié ayant été sous ses ordres (une centaine) ou démonstration de sa présence aux heures qu'il indique, étant observé que les courriels dont dispose la cour n'établissent pas les amplitudes journalières de travail dont l'intéressé fait état ; que ces éléments conduisent la cour à débouter à nouveau M. C... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ;

1°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en déboutant Monsieur C... de sa demande au titre des heures supplémentaires, motifs pris qu'il versait aux débats des tableaux Excel établis par ses soins indiquant une fréquence de travail maximale selon les heures d'ouverture et de fermeture été/hiver et identique pour chaque jour travaillé, et que cette présentation du temps de travail accompli interdisait à l'employeur de contester utilement le bien-fondé de cette prétention, après avoir constaté que Monsieur C... avait produit un décompte d'heures supplémentaires auquel la Société METRO CASH et CARRY était en mesure de répondre, ce dont il résultait qu'il avait étayé sa demande quant aux horaires qu'il soutenait avoir effectivement réalisés, la Cour d'appel a violé l'article L 3171-4 du Code du travail ;

2°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en déboutant Monsieur C... de sa demande au titre des heures supplémentaires, motifs pris qu'il ne versait aux débats aucun témoignage de salarié ayant été sous ses ordres ou de démonstration de sa présence aux heures qu'il indiquait et que les courriels versés aux débats n'établissaient pas les amplitudes journalières de travail dont Monsieur C... faisait état, la Cour d'appel a fait peser la charge de la preuve des heures supplémentaires sur le seul salarié, en violation de l'article L 3171-4 du Code du travail ;

3°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en se bornant à énoncer, pour débouter Monsieur C... de sa demande au titre des heures supplémentaires, qu'il ne versait aux débats aucun témoignage de salarié ayant été sous ses ordres ou de démonstration de sa présence aux heures qu'il indiquait et que les courriels versés aux débats n'établissaient pas les amplitudes journalières de travail dont Monsieur C... faisait état, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce dernier avait étayé sa demande quant aux horaires qu'il avait effectivement réalisés en produisant plusieurs attestations auxquelles la Société METRO CASH et CARRY était en mesure de répondre, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 3171-4 du Code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur P... C... de sa demande tendant à voir condamner la Société METRO CASH et CARRY à lui payer la somme de 52.696,10 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE l'article I du contrat de travail stipule que M. C... est un cadre dirigeant, classé 8 en fonction de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ; que son conseil fait observer avec pertinence que l'employeur ne démontre pas que M. C... participait aux décisions stratégiques du groupe Métro, pas plus qu'il ne démontre que sa rémunération (5 750 € fixe + 2 476 € variable) se situait dans les rémunérations les plus importantes de l'entreprise Métro qui emploie plus de 9 500 salariés au sein de son siège social, situé à Nanterre et dans ses 95 entrepôts (page 2 conclusions employeur) ; que ces considérations sont exclusives de la définition d'un cadre dirigeant, en conséquence de quoi M. C... est habile à réclamer l'application des règles du droit commun pour le calcul de son temps de travail ; que M. C... indique qu'il était présent au sein de son entrepôt de l'ouverture à la fermeture, ouvert de 6 heures à 19 heures du lundi au vendredi, et de 6 heures à 18 heures le samedi en période d'été (jusqu'à 13 heures le samedi en période d'hiver) ; que le salarié réclame le paiement de la somme de 220 132,14 euros, outre 22 013,21 euros au titre des congés payés afférents, ci-après décomposée :
- année 2012 : 51 193,22 €, outre 119,32 € au titre des congés payés
- année 2013: 53 874,50 €, outre afférents, 387,4 5 € au titre des congés payés,
- année 2014: 56 210,74 €, outre 621,0 7 € au titre des congés payés
- année 2015: 6 182,98 € outre 618,30 € au titre des congés payés afférents ;
que pour s'opposer à la prétention, l'employeur indique que M. C... n'était astreint à aucune contrainte horaire et que sa présence au sein de l'entrepôt à raison de 77 heures par semaine l'été et de 72 heures par semaine l'hiver, comme il est soutenu, ne se justifiait nullement, sachant que les adjoints de direction et les managers de rayons et leurs adjoints sont chargés d'assurer le respect des heures d'ouverture et de fermeture des locaux aux professionnels ; que le salarié verse des tableaux Excel par lui établis (pièces 41a, 41b, 41 c, 41 d, 41 e) indiquant une fréquence de travail maximale selon les heures d'ouverture et de fermeture été/hiver, et identique pour chaque jour travaillé ; que cette présentation du temps de travail accompli interdit à l'employeur de contester utilement le bien-fondé de la prétention ; que le salarié ne verse aux débats aucun témoignage de salarié ayant été sous ses ordres (une centaine) ou démonstration de sa présence aux heures qu'il indique, étant observé que les courriels dont dispose la cour n'établissent pas les amplitudes journalières de travail dont l'intéressé fait état ; que ces éléments conduisent la cour à débouter à nouveau M. C... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ; que la demande pour travail dissimulé sera nécessairement rejetée ;

ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le troisième moyen de cassation, du chef de l'arrêt attaqué ayant débouté Monsieur C... de sa demande tendant à voir condamner la Société METRO CASH et CARRY à lui payer une certaine somme en paiement d'heures supplémentaires, entraînera, par voie de conséquence, l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt l'ayant débouté de sa demande tendant à voir condamner la Société METRO CASH et CARRY à lui payer la somme de 52.696,10 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, et ce en application de l'article 625 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-14933
Date de la décision : 23/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 08 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 oct. 2019, pourvoi n°18-14933


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.14933
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