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23/10/2019 | FRANCE | N°17-31694

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 octobre 2019, 17-31694


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et les articles L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et les articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du même code ;

Attendu que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et

justifie son licenciement ; qu'il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exerc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu la loi des 16-24 août 1790 et les articles L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, et les articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du même code ;

Attendu que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; qu'il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme B... a été engagée par la société Polyclinique des Trois Frontières (la société) en qualité d'aide-soignante le 4 décembre 1999 ; qu'en 2009, elle a été élue en qualité de membre titulaire du comité d'entreprise et de délégué du personnel suppléant ; que le 19 novembre 2012, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement nul et de demandes de condamnation de la société à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement nul, une indemnité de préavis et des congés payés afférents, des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d'un harcèlement moral et de la violation par l'employeur de son obligation de prévenir le harcèlement moral, des dommages-intérêts pour une discrimination syndicale et une exécution déloyale et fautive du contrat de travail ; que l'inspecteur du travail a, par décision du 19 décembre 2013, donné son autorisation de licencier la salariée ; que la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 13 janvier 2014 ; que la société a été dissoute avec effet au 22 mai 2014, M. O... étant désigné en qualité de liquidateur amiable ;

Attendu que la cour d'appel énonce que le licenciement de la salariée ayant été autorisé par l'inspecteur du travail, le juge prud'homal ne peut statuer sur la validité ou le bien-fondé du licenciement et que la demande tendant à prononcer la nullité du licenciement et subsidiairement à dire que celui-ci était dénué de cause réelle et sérieuse est irrecevable ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de Mme B... de constater la nullité et le caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse de son licenciement, en ce qu'il la déboute de sa demande de constat de la nullité ou de l'absence de caractère réel et sérieux du licenciement et de ses demandes d'indemnité pour licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour violation du statut protecteur et d'indemnité de préavis et de congés payés sur préavis, l'arrêt rendu le 24 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne M. O..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme B... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour Mme B....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable la demande formée par Mme B... afin de voir déclarer le licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE comme le font valoir le GCS et Maître O..., le licenciement de Mme B... ayant été autorisé par l'inspecteur du travail, le juge prud'homal ne peut statuer sur sa validité ou son bien-fondé ; que la demande tendant à voir prononcer la nullité du licenciement et subsidiairement à voir dire que celui-ci est dénué de cause réelle et sérieuse est irrecevable et que le jugement sera infirmé de ce chef ; que certes il est de principe que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ; qu'ainsi, lorsque le salarié établit que le harcèlement moral subi est à l'origine de son inaptitude, il est fondé à solliciter la réparation du préjudice en résultant, y compris celui lié à la perte de l'emploi et une indemnité compensatrice du préavis lorsque son inexécution est imputable à l'employeur ; que Mme B... fonde exclusivement sa demande sur la nullité du licenciement ou l'absence de cause réelle et sérieuse de celui-ci ; qu'elle n'a pas lié le contentieux sur la question de la perte d'emploi en ce qu'elle résulterait du harcèlement moral ou de la discrimination indépendamment de la validité ou du bien-fondé du licenciement ; que les demandes qu'elle a formées au titre de la rupture seront donc rejetées, y compris la demande en paiement d'une indemnité de préavis ;

ALORS QUE dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; qu'il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral, dont l'effet serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ; qu'en retenant que le juge prud'homal ne pouvait pas statuer sur la validité du licenciement ou son bien-fondé, pour considérer que l'inaptitude de Mme B... trouvait sa cause dans le harcèlement moral et la discrimination syndicale dont elle a été victime, dès lors que le licenciement de Mme B... avait été autorisée par l'inspection du travail, quand l'autorisation administrative de licenciement n'interdit pas au juge judiciaire d'en prononcer la nullité en raison de l'origine de l'inaptitude, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble les articles L 1152-1, L 1152-2 et L 1152-3 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme B... de ses demandes tendant au paiement d'une indemnité pour licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité pour violation du statut protecteur et d'une indemnité de préavis et de congés payés sur préavis ;

AUX MOTIFS QUE comme le font valoir le GCS et Maître O..., le licenciement de Mme B... ayant été autorisé par l'inspecteur du travail, le juge prud'homal ne peut statuer sur sa validité ou son bien-fondé ; que la demande tendant à voir prononcer la nullité du licenciement et subsidiairement à voir dire que celui-ci est dénué de cause réelle et sérieuse est irrecevable et que le jugement sera infirmé de ce chef ; que certes il est de principe que dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ; qu'ainsi, lorsque le salarié établit que le harcèlement moral subi est à l'origine de son inaptitude, il est fondé à solliciter la réparation du préjudice en résultant, y compris celui lié à la perte de l'emploi et une indemnité compensatrice du préavis lorsque son inexécution est imputable à l'employeur ; que Mme B... fonde exclusivement sa demande sur la nullité du licenciement ou l'absence de cause réelle et sérieuse de celui-ci ; qu'elle n'a pas lié le contentieux sur la question de la perte d'emploi en ce qu'elle résulterait du harcèlement moral ou de la discrimination indépendamment de la validité ou du bien-fondé du licenciement ; que les demandes qu'elle a formées au titre de la rupture seront donc rejetées, y compris la demande en paiement d'une indemnité de préavis ;

1. ALORS QUE dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que l'inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement ; qu'il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement moral dont l'effet serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; que, ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ; qu'en affirmant, pour débouter Mme B... de ses demandes indemnitaires, que Mme B... fondait exclusivement sa demande sur la nullité du licenciement ou l'absence de cause réelle et sérieuse de celui-ci, sans lier « le contentieux sur la question de la perte d'emploi en ce qu'elle résulterait du harcèlement moral ou de la discrimination indépendamment de la validité ou du bien-fondé du licenciement », quand Mme B... était fondée, sans autre condition, à solliciter la réparation du préjudice résultant de la perte d'emploi, outre la réparation pour harcèlement moral elle-même, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble les articles L 1152-1, L 1152-2 et L 1152-3 du code du travail ;

2. ALORS QU'il résulte des conclusions de Mme B... qu'elle a présenté des demandes indemnitaires tendant à réparer le préjudice né de la perte d'emploi, en réclamant des dommages et intérêts d'un montant de 155.100 €, outre la somme de 31.020 € pour violation du statut protecteur ; qu'en affirmant que Mme B... fondait exclusivement sa demande sur la nullité du licenciement ou l'absence de cause réelle et sérieuse de celui-ci, sans lier « le contentieux sur la question de la perte d'emploi en ce qu'elle résulterait du harcèlement moral ou de la discrimination indépendamment de la validité ou du bien-fondé du licenciement », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et prévis des conclusions précitées, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-31694
Date de la décision : 23/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 24 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 oct. 2019, pourvoi n°17-31694


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.31694
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