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17/10/2019 | FRANCE | N°18-21996

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 octobre 2019, 18-21996


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2018), que la société d'HLM immobilière Basse Seine (la société d'HLM) a fait édifier un immeuble ; que la société Millery a été chargée de la réalisation du lot n° 1 "fondations profondes-gros oeuvre" ; qu'en substitution de la retenue de garantie de 5 %, la société Millery a fourni un cautionnement, accordé par la société BTP banque ; que, le 3 janvier 2012, la société Millery a été mise en liquidation judiciaire ; que, le 11 janvier 2012,

un constat d'huissier de justice a été dressé, en présence de la société d'HLM...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2018), que la société d'HLM immobilière Basse Seine (la société d'HLM) a fait édifier un immeuble ; que la société Millery a été chargée de la réalisation du lot n° 1 "fondations profondes-gros oeuvre" ; qu'en substitution de la retenue de garantie de 5 %, la société Millery a fourni un cautionnement, accordé par la société BTP banque ; que, le 3 janvier 2012, la société Millery a été mise en liquidation judiciaire ; que, le 11 janvier 2012, un constat d'huissier de justice a été dressé, en présence de la société d'HLM, du maître d'oeuvre et d'un salarié de la société Millery, établissant un état descriptif des travaux réalisés et relevant diverses malfaçons ; qu'en raison de la défaillance de la société Millery, la société d'HLM a mis en demeure la société BTP banque de payer une somme au titre du cautionnement ; que, devant son refus, la société d'HLM l'a assignée, ainsi que le liquidateur de la société Millery, en paiement de sommes ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé :

Attendu que la société d'HLM fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en constatation d'une réception tacite avec réserves au 11 janvier 2012 ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'à la suite de l'abandon du chantier, consécutif au jugement de liquidation judiciaire, le liquidateur avait adressé au maître de l'ouvrage un projet de décompte final qui, s'il faisait apparaître un solde en faveur de l'entreprise, ne prenait pas en compte les malfaçons qui représentaient près de 19 % du montant des travaux réalisés et retenu que ces éléments ne permettaient pas de retenir l'existence d'une réception tacite par le maître de l'ouvrage impliquant la volonté non équivoque de celui-ci de recevoir le 11 janvier 2012 les travaux en leur état, la cour d'appel, qui a pu en déduire, procédant à la recherche prétendument omise et abstraction faite de motifs surabondants, l'absence de réception tacite, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :

Vu l'article 1792-6 du code civil, ensemble l'article 954 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour prononcer la réception judiciaire des travaux à la date du 11 janvier 2012, sans réserves, l'arrêt retient que le constat du 11 janvier 2012 ne peut être considéré comme ayant été établi au contradictoire de la société Millery, que les malfaçons énoncées dans ce constat sont donc inopposables à la société Millery, représentée par son liquidateur, et que, dans le dispositif de ses conclusions, la société d'HLM ne dresse aucune liste détaillée des réserves découlant du constat ;

Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que le constat établissait un état descriptif des travaux réalisés et relevait diverses non-façons et malfaçons et alors que, dans le dispositif de ses conclusions, la société d'HLM avait sollicité le prononcé d'une réception judiciaire avec les réserves mentionnées dans le constat d'huissier de justice, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de la société d'HLM de constatation d'une réception tacite avec réserves au 11 janvier 2012, l'arrêt rendu le 29 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société BTP Banque aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société d'HLM immobilière Basse Seine

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Immobilière Basse Seine de sa demande de constatation d'une réception tacite avec réserves au 11 janvier 2012, d'avoir prononcé la réception judiciaire des travaux de la société Millery à la date du 11janvier 2012, sans réserves et d'avoir débouté la société Immobilière Basse Seine de l'ensemble de ses prétentions en paiement énoncées contre la société BTP Banque.

AUX MOTIFS QUE

« Selon l'article IX-13 du CCAP (pièce 1B IBS), les travaux donneront lieu à une réception unique, avec ou sans réserves, par bâtiment ou cage d'escalier, pour l'ensemble des lots, dès l'entier achèvement des travaux. La réception devra être demandée au maître d'oeuvre par lettre recommandée avec AR, moyennant un préavis minimum de 2 semaines. Les opérations de réception seront effectuées par le maître d'oeuvre, en présence du maître d'ouvrage et de l'entrepreneur.

En cas de dépassement des délais contractuels, le maître d'ouvrage pourra prendre possession des lieux, même si les ouvrages ne sont pas entièrement terminés, quinze jours après mise en demeure à l'entreprise d'achever les travaux. Cette prise de possession, ne vaudra cependant pas réception, même après établissement d'un état des lieux contradictoire détaillé.

Il résulte des dispositions de l'article 1792-6 du code civil que la réception suppose, pour le maître d'ouvrage, la volonté non équivoque d'accepter les travaux avec ou sans réserves. Dans tous les cas, elle doit être prononcée contradictoirement.

La société Immobilière Basse Seine soutient, qu'en l'espèce, une réception tacite des travaux est intervenue, le 11 janvier 2012, lorsqu'un constat d'huissier a été dressé, sur son initiative, « en vue de constater l'état d'avancement des travaux du lot incombant à la société Millery afin de préserver les droits et recours ultérieurs de la société » (pièce 6 IBS).

Ce constat a été dressé, alors que la procédure de redressement judiciaire de la société Millery, ouverte le 31 août 2011, avait été convertie en liquidation judiciaire, par jugement du 3 janvier 2012, prononcé par le tribunal de commerce de Rouen, publié au BODACC le 13 janvier 2012 (pièce 4 IBS), situation qui a entraîné automatiquement le dessaisissement immédiat (dès le 3 janvier 2012) de la société Millery de ses pouvoirs d'administration et de disposition de ses biens et qui s'est concrétisée par l'arrêt de toute activité de cette entreprise sur le chantier.

Contrairement à ce qui est soutenu par la société Immobilière Basse Seine, le fait que la société BTP Banque n'ait évidemment pas vocation à être partie au procès-verbal de réception, ne lui interdit aucunement de contester l'existence même d'une réception, dès lors que l'existence de la réception en litige est une condition de mise en oeuvre du cautionnement qu'elle a accordé à la société Millery.

La société BTP Banque soutient, d'une part, que le constat du 11 janvier 2012 ne peut, par nature, caractériser une réception et, d'autre part, qu'il est dépourvu de tout caractère contradictoire, puisque la société Millery, représentée par son liquidateur, n'avait pas été convoquée pour participer à ce constat.

Si la seule existence d'un constat d'huissier n'est effectivement pas un élément suffisant pour en déduire l'existence d'une réception tacite des travaux, aucune disposition légale ou réglementaire ne permet toutefois d'exclure, a priori, le fait qu'un constat d'huissier, dressant l'état des travaux, puisse être pris en considération pour caractériser l'existence d'une réception, dès lors qu'un ensemble de circonstances, s'ajoutant au constat, est de nature à conforter l'existence de la réception en litige.

En revanche, l'existence d'une réception tacite implique son caractère contradictoire entre le maître d'ouvrage et l'entreprise concernée .

Au cas particulier, le procès-verbal de constat a été établi en présence de deux représentants du maître d'ouvrage, d'un représentant du maître d'oeuvre et il est indiqué que la société Millery a été représentée par Monsieur X..., ''présent uniquement pour représenter cette société lors de mes constatations". S'il est démontré par les nombreux comptes rendus de chantier produits aux débats, que Monsieur X... était le représentant habituel de la société Millery, lors des réunions de chantier (pièces 5 et 27 IBS), il résulte des débats devant le tribunal de commerce, que Maître P..., ès qualités, a soutenu qu'aucune procédure de réception n'avait été mise en oeuvre et qu'aucun constat contradictoire des travaux n'avait été dressé, car il n'était pas présent lors du constat d'huissier du 11 janvier 2012. S'il est possible au liquidateur de valider des actes qui auraient été passés irrégulièrement par la société Millery après le dessaisissement résultant du jugement de liquidation judiciaire, force est de constater que Maître P..., non informé en son temps de l'établissement du constat, n'a clairement pas validé la participation de Monsieur X... à l'établissement du constat d'huissier, en tant que représentant de la société Millery.

Les premières conclusions (pièce 29 IBS) régularisées, en 2013, par Maître P..., ès qualités, devant le tribunal de commerce, ne sauraient valoir aveu judiciaire sur l'effectivité d'une réception, puisqu'il se borne à indiquer, dans ces conclusions, qu'il s'en rapporte à justice sur les arguments présentés par la société BTP Banque qui soutient une absence de réception). Au contraire, le fait qu'il conteste les comptes présentés par la société Immobilière Basse Seine tend à démontrer qu'il s'estime toujours fondé à le faire, malgré les délais prévus par le CCAP du marché, courant depuis la réception des travaux.

La société Immobilière Basse seine ne peut pas se prévaloir d'un mandat apparent de Monsieur X..., dès lors que celui-ci n'avait habituellement vocation qu'à participer aux réunions de chantier, toujours sous l'égide d'un chef de chantier (Monsieur I...), pour un rôle purement technique, ce qui ne permet pas d'en déduire qu'il aurait eu également vocation à participer à un acte de réception, pour une entreprise qui faisait l'objet d'une procédure collective depuis plusieurs mois. En réalité, les modalités et l'étendue des pouvoirs de Monsieur X... n'ont fait l'objet d'aucun contrôle lors du constat. Une telle situation ne permet pas de retenir que le constat du 11 janvier 2012 aurait un caractère contradictoire à l'égard de la société Millery représentée par son liquidateur judiciaire. Il manque donc un élément essentiel pour considérer que le constat du 11 janvier 2012 pourrait caractériser une réception tacite des travaux. En l'absence des éléments requis, ce constat ne vaut que comme un état descriptif des existants.

Il doit, d'autre part, être relevé que la société Immobilière Basse Seine n'a pas justifié avoir notifié ce constat à Maître P..., ès qualités, sitôt qu'il a été établi, afin de solliciter la levée des réserves, ainsi qu'il est prévu par l'article IX-13 du CCAP dans le cas d'une réception en bonne et due forme. Le courrier recommandé avec AR adressé le 26 janvier 2012 (pièce 7 IBS) par la société Immobilière Basse Seine à Maître P..., ès qualités de liquidateur de la société Millery, pour le prier de prendre position sur la poursuite du marché n'évoque pas une situation de réception des travaux, ni la nécessité de poursuivre le marché en levant des réserves. II en est de même du courrier adressé le 22 mars 2012 (pièce 13A IBS) par la société Immobilière Basse Seine à la société BTP Banque, aux termes duquel la première indique à la seconde qu'elle ne peut pas fournir un procès-verbal de réception, car l'entreprise n'a pas fini les travaux et a été liquidée, sans faire état, d'une quelconque façon, de l'existence d'une réception tacite.

C'est dans ce contexte d'abandon de chantier, faisant suite au jugement de liquidation judiciaire, que le liquidateur a adressé à la société Immobilière Basse Seine, en février 2012, un projet de décompte final, daté du 3 janvier 2012 (pièce 9A IBS). Contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal de commerce, ce projet de décompte final ne peut pas avaliser l'existence d'une réception des travaux, puisque la seule référence à la date du 3 janvier 2012 (quelle qu'ait été la date de transmission) exclut que le constat d'huissier en date du 11 janvier 2012 ait été pris en compte. S'il est, en effet, exact que l'article X-7 du CCAP prévoit que le décompte définitif de l'entrepreneur sera "transmis au maitre d'oeuvre dans le délai de 120 jours à compter de la réception", il apparaît qu'aucun élément objectif ne permet de retenir que le projet de décompte final, en date du 3 janvier 2012, signé par Maître P... se rattacherait à un acte de réception. L'absence d'intervention de la société Millery sur le chantier, depuis le 3 janvier 2012, tend plutôt à démontrer que le décompte, qui a été adressé au maître d'ouvrage en février 2012 (ce point n'étant pas contesté), correspond aux dispositions de l'article XIII du CCAP, qui prévoit, qu'après une mise en demeure restée vaine, l'entrepreneur sera réputé défaillant et son marché résilié de plein droit. Cette clause précise, qu'avant la passation d'un nouveau marché, il sera alors procédé, en présence de l'entreprise, à la constatation des ouvrages exécutés (pièce 1B IBS). A l'époque de l'envoi du décompte, le liquidateur avait été mis en demeure de prendre position sur la poursuite du marché, depuis le 26 janvier 2012 (pièce 7 IBS). Le décompte adressé par le liquidateur ne peut donc être analysé que comme un décompte de résiliation, établi à la date du jugement de liquidation judiciaire, qui ne prend pas en compte les malfaçons relevées dans le constat. Ce décompte faisait apparaître un solde de 108 817,78€ TTC en faveur de la société Millery, tandis que le décompte rectifié par le maître d'oeuvre (pièce 98 IBS) faisait apparaître un solde de 382 857,88€ TTC, en faveur du maître d'ouvrage, intégrant un compte des malfaçons pour 205 000€ HT, représentant presque 19 % du montant HT des travaux exécutés (1 102 872,35€).

L'ensemble de ces éléments ne permet pas de retenir qu'une réception tacite des travaux par le maître d'ouvrage (impliquant la volonté non équivoque de celui-ci de recevoir les travaux en leur état), serait intervenue au cours du mois de janvier 2012.

A défaut de reconnaissance de l'existence d'une réception tacite, la société Immobilière Basse Seine sollicite la réception judiciaire des travaux à la date du 11 janvier 2012, avec les réserves mentionnées sur le constat.

Pour qu'il y ait réception judiciaire, il suffit que les travaux soient en état d'être reçus, peu important que le maître d'ouvrage puisse être à l'origine de l'absence d'une réception amiable, expresse ou tacite. Il n'est pas nécessaire que les travaux soient complètement achevés, ni qu'ils soient exempts de malfaçons, sauf à ce que ces malfaçons remettent en cause l'ensemble des travaux (perspective de démolition réduisant alors les travaux à néant). En l'occurrence, le compte rendu n° 47, en date du 18 janvier 2012 (pièce 5 IBS), démontre que le chantier était au stade des finitions pour le lot n° 1 (gros oeuvre), dont la société Millery était titulaire. Il doit être relevé que certaines finitions étaient déjà évoquées dans le compte rendu de chantier n° 42 du 7 décembre 2011.

Au moment de l'abandon du chantier, au début du mois de janvier 2012, les travaux de gros oeuvre étaient donc en état d'être reçus, ce qui justifie que la réception judiciaire soit prononcée sur la demande de la société Immobilière Basse Seine, à la date sollicitée du 11 janvier 2012. Cette réception judiciaire, résultant d'éléments purement factuels, est opposable à la société BT Banque, à sa date fixée judiciairement.

La réception judiciaire, comme une réception expresse ou tacite, peut être prononcée avec ou sans réserves. En l'occurrence, la société Immobilière Basse Seine sollicite que les malfaçons décrites dans le constat d'huissier du 11 janvier 2012, soient prises en compte en tant que réserves.

Or, ce constat d'huissier ne peut être considéré comme ayant été établi au contradictoire de la société Millery, puisque Maître P..., ès qualités, lui a contesté ce caractère (devant le tribunal de commerce), faute d'avoir été invité à participer aux opérations de constat. Il a déjà été indiqué qu'il n'avait été justifié d'aucun pouvoir de Monsieur X..., censé représenter la société Millery lors de l'établissement du constat, laquelle société était dépourvue de tout pouvoir d'agir (hors la personne de son liquidateur) depuis le 3 janvier 2012. L'article XIII du CCAP prévoit pourtant qu'en cas de résiliation, l'entrepreneur présent ou dûment appelé doit participer au relevé des ouvrages exécutés (pièce IB-IBS).

Les malfaçons énoncées dans le constat, sont donc inopposables à la société Millery, représentée par son liquidateur, sauf à ce qu'elles soient confortées par d'autres éléments (comme pour une expertise non contradictoire) ou encore sauf à ce qu'il puisse être retenu que Maître P... aurait admis leur existence, notamment au travers des comptes qu'il a établis ou dont il s'est prévalu.

Pour justifier des réserves (dont le coût de reprise est évalué à 205 000€ HT), la société Immobilière Basse Seine ne fait état d'aucun autre élément que le constat d'huissier lui-même.

Pour ce qui concerne Maître P..., liquidateur, il ressort de ses prétentions, énoncées en première instance, qu'il a soutenu expressément qu'il ne pouvait pas y avoir de réception judiciaire "avec réserves'' car il n'avait jamais été mis en demeure d'être présent à un constat contradictoire.

Le projet de compte final du 3 janvier 2012 (pièce 9 IBS), qu'il a visé, ne prend en considération aucune moins-value pour des malfaçons ou des désordres.

Il n'est donc pas possible de prononcer une réception au 11 janvier 2012 en retenant, à titre de réserves, les non façons (finitions) et malfaçons énoncées dans le constat d'huissier étant en outre souligné que, dans le dispositif de ses conclusions, la société Immobilière Basse Seine ne dresse aucune liste détaillée des réserves découlant du constat, lequel ne fait jamais référence à la notion de réserves.

Il sera ajouté que le processus des comptes prévu dans le CCAP ne peut pas être opposé à la société Millery, dès lors que les conditions de la réception (sans réserve) n'ont pu être fixées que postérieurement aux comptes présentés par le maître d'oeuvre, lesquels comptes étaient fondés sur une réception avec réserves.

La réception judiciaire sera donc prononcée au 11 janvier 2012, sans réserves ».

1°/ ALORS QUE le prononcé d'une réception tacite résulte de la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de réceptionner les travaux ; que l'exigence de convocation régulière de l'entrepreneur aux opérations d'un huissier, valable en cas de réception expresse, ne saurait être transposée à la réception tacite, le caractère contradictoire de cette réception pouvant être assuré de manière suffisante par la présence d'un salarié, représentant habituel de l'entrepreneur lors des réunions de chantier et venu spécialement pour représenter ce dernier lors de la réalisation du procès-verbal d'huissier, de sorte qu'en considérant que la réception tacite n'avait pu intervenir lors de la réalisation du constat d'huissier, au motif inopérant que le liquidateur de l'entrepreneur n'avait pas été régulièrement invité à participer aux opérations de constat et qu'il n'y avait pas participé, la cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;

2°/ ALORS QUE la réception tacite résulte de la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter les travaux en l'état, de sorte qu'en considérant que la réception tacite n'avait pu intervenir lors de la réalisation du constat d'huissier sans rechercher si, à cette date, la société IBS avait manifesté une volonté non équivoque de réceptionner les travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil ;

3°/ ALORS QU'en prononçant la réception judiciaire sans réserves, tout en constatant l'existence de non façons et malfaçons affectant l'ouvrage, au motif, inopérant, que ces vices étaient uniquement décrits dans un constat d'huissier inopposable à l'entreprise, comme n'ayant pas été réalisé de manière contradictoire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1792-6 du code civil ;

4°/ ALORS QUE les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions, de sorte qu'en prononçant une réception judiciaire sans réserves au motif que, dans le dispositif de ses conclusions, la société IBS ne dresse aucune liste détaillée des réserves découlant du constat, cependant que, dans ses écritures, la société IBS avait établi la liste des malfaçons constatées par l'huissier, chiffré précisément leur coût et que, dans le dispositif de ses conclusions, elle avait sollicité le prononcé d'une réception tacite ou judiciaire des travaux avec les réserves mentionnées dans le constat d'huissier, la cour d'appel a violé l'article 954 du code de procédure civile ;

5°/ ET ALORS QUE l'article X.7 du CCAP du marché concerné précise qu'à compter de la notification par le maître de l'ouvrage du décompte vérifié, l'entrepreneur dispose de 30 jours pour présenter par écrit ses observations et qu'au-delà de ce délai, l'entrepreneur était réputé avoir accepté le décompte notifié par le maître de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, il était constant que le maître de l'ouvrage avait adressé un décompte général vérifié par le maître d'oeuvre faisant état de diverses retenues pratiquées à hauteur de 394.740 euros TTC, dont 205.000 euros au titre de la seule reprise des malfaçons et non conformités ; qu'il était également constant que le liquidateur n'avait adressé aucune observation concernant ce décompte ; qu'en refusant cependant de faire application des dispositions du contrat au motif que « le processus des comptes prévu dans le CCAP ne peut pas être opposé à la société Millery, dès lors que les conditions de la réception (sans réserve) n'ont pu être fixées que postérieurement aux comptes présentés par le maître d'oeuvre, lesquels comptes étaient fondés sur une réception avec réserves », cependant la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-21996
Date de la décision : 17/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 oct. 2019, pourvoi n°18-21996


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.21996
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