LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 19 septembre 2017), que, par un acte du 4 août 2010, la société ROCK-FOOD s'est rendue caution solidaire des engagements souscrits par la société ROLSCOM envers la société Banque Courtois (la banque) au titre d'un prêt que cette dernière lui consentait ; que la société ROLSCOM ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a déclaré sa créance puis a assigné la société ROCK-FOOD en exécution de son engagement ; que celle-ci lui a opposé la nullité du cautionnement ;
Attendu que la société ROCK-FOOD fait grief à l'arrêt de dire que le cautionnement qu'elle a donné à la banque est valable et de la condamner, en sa qualité de caution, à payer à la banque une certaine somme alors, selon le moyen :
1°/ que la contrariété d'un engagement souscrit par la société à l'intérêt social est une cause de nullité de l'acte qui en est la source ; qu'aux termes de l'article L. 223-18 du code de commerce, seule la contrariété à l'objet social ne fait pas obstacle, à l'égard des tiers n'ayant pas connaissance d'une limitation insérée dans les statuts, à la validité des engagements pris par les sociétés de capitaux ; que les exceptions étant d'interprétation stricte, le régime juridique dérogatoire prévu par ces dispositions, interdisant à la société de se prévaloir de la nullité d'un acte passé par un dirigeant social avec un tiers au moyen d'un dépassement de l'objet social, ne peut être étendu à la contrariété de l'acte à l'intérêt social ; qu'en retenant néanmoins que la contrariété à l'intérêt social ne constitue pas en elle-même une cause de nullité des engagements souscrits par le gérant d'une société à responsabilité limitée, la cour d'appel, qui a étendu le régime dérogatoire prévu en matière de contrariété à l'objet social au traitement de la contrariété à l'intérêt social, a violé l'article L. 223-18 du code de commerce ;
2°/ que la contrariété d'un engagement souscrit par la société à l'intérêt social est une cause de nullité de l'acte qui en est la source ; qu'aux termes de l'article L. 223-18 du code de commerce, seule la contrariété à l'objet social ne fait pas obstacle, à l'égard des tiers n'ayant pas connaissance d'une limitation insérée dans les statuts, à la validité des engagements pris par les sociétés de capitaux ; que l'objet social et l'intérêt social sont deux notions distinctes et, qu'en conséquence, une contrariété à l'intérêt social n'emporte pas nécessairement une contrariété à l'objet social ; que la nullité d'un engagement contraire à l'intérêt social souscrit par un dirigeant d'une société doit être prononcée, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une contrariété à l'objet social ; que la cour d'appel a néanmoins retenu qu'il appartient « à celui qui invoque la nullité de la garantie de démontrer que le tiers avait connaissance de la contrariété de cet engagement à l'intérêt social, de telle sorte qu'il ne pourrait être considéré comme conforme à l'objet social » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs confondant intérêt social et objet social, la cour d'appel a violé l'article L. 223-18 du code de commerce ;
3°/ qu'un cautionnement souscrit par un dirigeant au nom d'une société de capitaux contraire à l'intérêt social est nul ; que l'absence de communauté d'intérêts conduit à présumer l'anormalité de la constitution de la garantie au profit d'un tiers et, par voie de conséquence, sa contrariété à l'intérêt social ; qu'un tel cautionnement crée en effet une charge pour la société qui, en l'absence de communauté d'intérêts, est dépourvue de toute contrepartie ; que la cour d'appel a pourtant retenu que « l'argument tiré d'une communauté d'intérêts entre les deux sociétés est sans influence sur la solution du présent litige » ; que, dès lors, en statuant ainsi sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, s'il existait une communauté d'intérêts entre la caution et le débiteur principal justifiant l'engagement de caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1353 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant exactement énoncé que la contrariété à l'intérêt social ne constitue pas, par elle-même, une cause de nullité des engagements souscrits par le gérant d'une société à responsabilité limitée à l'égard des tiers, la cour d'appel a, par ce seul motif, rendant inopérante la recherche invoquée par la troisième branche, légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en sa deuxième branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ROCK-FOOD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Banque Courtois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société ROCK-FOOD
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté la recevabilité de l'action de la banque Courtois, dit que la caution a été valablement formée et qu'elle est conforme à l'objet social de ROCK-FOOD, d'avoir condamné la société ROCK-FOOD, pris en sa qualité de caution, à payer à la banque Courtois la somme de 50.000 € avec intérêts au taux contractuel de 5,66 % l'an et d'avoir condamné la société ROCK-FOOD au paiement de 1.000 € au titre de l'article 700 ;
Aux motifs que « selon acte de prêt du 4 août 2010, Monsieur Q... R... en sa qualité de gérant de la SARL ROLSCOM, a souscrit pour le compte de cette dernière un emprunt d'un montant de 100.000 € et s'est par ailleurs porté caution personnelle de cet engagement à hauteur de 65 % dans la limite de 50 °o de l'encours du crédit ; que la BANQUE COURTOIS a procédé de manière régulière à la déclaration de sa créance à la procédure collective ouverte à l'égard de la SARL ROLSCOM ; qu'il est constant que cette créance a été définitivement admise en cours de procédure ; que la banque produit en outre aux débats l'acte de prêt et l'acte de cautionnement de la SARL ROCK-FOOD en date du 4 août 2010 ; que la SARL ROCK-FOOD soutient tout d'abord que l'acte de cautionnement consenti par elle au profit de la BANQUE COURTOIS pour garantir les engagements de la SARL ROLSCOM ne rentre pas dans son objet social ; qu'elle affirme par ailleurs que la caution donnée par une société au profit d'une autre avec laquelle elle n'a aucun lien de participation serait par principe un acte anormal de gestion contraire à l'intérêt social et entraînerait la nullité du cautionnement ; que cet objet social est défini dans les statuts comme : - « Toutes prestations de restauration, vente de produits à emporter, bar, dancing, salon de thé et tout ce qui a trait à l'objet ci-énoncé.
(...) - toutes opérations industrielles, commerciales et financières, mobilières et immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social et à tous objets similaires ou connexes pouvant favoriser son extension ou son développement ; - la participation de la société, par tous moyens, à toutes entreprises ou sociétés crées ou à créer, pouvant se rattacher à l'objet social, notamment par voie de création de sociétés nouvelles, d'apport, commandite, souscription ou rachat de titres ou droits sociaux, fusion, alliance ou association, participation ou groupement d‘intérêt économique ou de location gérance » ; qu'il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L. 223-18 alinéa 3 du code de commerce applicable aux SARL que "les pouvoirs des gérants sont déterminés par les statuts, et dans le silence de ceux-ci, par l'article L. 221-4" qui énonce que "dans les rapports entre associés, et en l'absence de la détermination de ses pouvoirs par les statuts, le gérant peut faire tous actes de gestion dans l'intérêt de la société" ; que, par conséquent, à l'égard des associés, le gérant jouit d'une plénitude de pouvoirs, laquelle ne peut être limitée, en principe, que par les statuts ou par l'exigence de conformité à l'intérêt social ; que, en vertu de l'alinéa 4 de l'article L. 223-18 du code de commerce, "dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus
; que la société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que 1e tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait ignorer compte-tenu des circonstances étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve," ; qu'il en résulte que la société peut être engagée vis-à-vis des tiers par des actes du gérant contraires à l'intérêt social ; qu'en application du principe de validité à l'égard des tiers des engagements pris par des sociétés de capitaux, la contrariété à l'intérêt social ne constitue pas, par elle-même, une cause de nullité des engagements souscrits par le gérant d'une société à responsabilité limitée à l'égard des tiers, dès lors que ceux-ci n'excèdent pas une limitation de ses pouvoirs résultant des statuts et dont ils auraient eu connaissance ; qu'il appartient en conséquence à celui qui invoque la nullité de la garantie de démontrer que le tiers avait connaissance de la contrariété de cet engagement à l'intérêt social, de telle sorte qu'il ne pourrait être considéré comme conforme à l'objet social ; que, plus particulièrement, la SARL ROCK-FOOD doit démontrer que la BANQUE COURTOIS avait connaissance du risque avéré et sérieux, engendré par la garantie accordée, pour l'avenir économique de la société et son existence même ; qu'en l'espèce, la SARL ROCK-FOOD ne rapporte pas cette preuve ; que, bien au contraire, le montant raisonnable de l'engagement souscrit et le fait que la société caution ne montre pas de signes de difficultés financières particulières depuis, permet de considérer que son existence ne peut être mise en péril par cet engagement ; que, par ailleurs, le principe de non-immixtion du banquier dans les affaires de son client fait obstacle à ce qu'il exige d'être précisément informé sur l'intérêt que pouvait présenter cet acte pour la SARL ROCK-FOOD ; qu'il n'appartient pas au banquier de se substituer à la société dans l'appréciation de l'opportunité de réaliser tel acte de gestion et de refuser de conclure un acte dans le but de protéger les intérêts de la société ; que l'argument tiré d'une communauté d'intérêts entre les deux sociétés est sans influence sur la solution du présent litige ; que par conséquent, la décision de première instance sera confirmée en toutes ses dispositions, étant rappelé que la créance est justifiée par la décision d'admission au passif de la SARL ROLSCOM et par la production du contrat de cautionnement dont la validité formelle ne fait l'objet d'aucune contestation ; Sur les frais et dépens : la SARL ROCK-FOOD qui succombe doit supporter les dépens de l'instance d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la BANQUE COURTOIS les frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ; qu'aussi, il convient de lui allouer la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile »
Et aux motifs éventuellement adoptés que « que la BANQUE COURTOIS a consenti un prêt de 100.000 € à la société ROLSCOM pour financer le lancement de produits dérivés ; que la société ROLSCOM a été immatriculée au RCS. le 7 avril 2010, pour une activité de vente de produits promotionnels et de supports de communication ; que la gérante de ROLSCOM était Madame B... L... R..., mère de M. Q... R... ; que par acte du 4 août 2010, la société ROCK-FOOD alors dirigée par M. Q... R..., s'est portée caution personnelle et solidaire à hauteur de 50.000 € en faveur da la banque pour les sommes dues au titre du prêt consenti à ROLSCOM ; que par jugement du 19 mars 2014, le Tribunal de Commerce de DAX a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL ROLSCOM ; que la société ROCK-FOOD, par l'intermédiaire de son nouveau gérant M. W... E... C..., soulève l'irrecevabilité de la caution donnée à la BANQUE COURTOIS lors de la délivrance du prêt ; que le problème se pose de savoir si le cautionnement donné par ROCK-FOOD au profit de ROLSCOM est conforme à son objet social ; que l'examen des statuts de ROCK-FOOD, dans son article 2 OBJET apporte des éléments de réponse : « toutes opérations industrielles, commerciales et financières, mobilières et immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social et à tous objets similaires ou connexes pouvant favoriser son extension ou son développement » ; que ce même article 2, dans son dernier alinéa conclut: a la participation de la société, par tous moyens. à toutes entreprises ou sociétés crées ou à créer, pouvant se rattacher à l'objet social, notamment par vole de création de sociétés nouvelles, d'apport, commandite, souscription au rachat de titres ou droits sociaux, fusion, alliance ou association en participation ou groupement d'intérêt économique ou de location gérance » ; qu'en conséquence, la tribunal dit que la caution a été valablement donnée et sa conformité à l'objet social est totale ; qu'en complément de la conformité à l'objet social, il convient d‘examiner si la caution délivrée par ROCK-FOOD au profit de ROLSCOM porte atteinte aux intérêts de l'une des deux sociétés ; que force est de constater que le financement du prêt consenti par la BANQUE COURTOIS a contribué à développer l'activité des deux sociétés liées par une complémentarité d'activité ; que l'examen des pièces du présent dossier démontre une communauté d'intérêt évidente entre les deux sociétés ROCK-FOOD et ROLSCOM ; qu'en effet, les gérants sont M. R... pour ROCK-FOOD et sa mère Madame R... pour ROLSCOM ; que les activités de ROLSCOM sont parfaitement complémentaires à celles de ROCK-FOOD ; que le Tribunal trouve étonnant que l'attestation de FlDUClAL, expert comptable de ROLSCOM ne mentionne que les années 2012 et 2013, qu'en est-il de 2011 et 2010 ? ; qu'ainsi, le Tribunal constate la recevabilité de l'action de la BANQUE COURTOIS et dit que la caution a été valablement donnée et qu'elle est conforme à l'objet social de ROCK-FOOD et qu'au surplus aile s'inscrit dans la protection des Intérêts des deux sociétés ; qu'il convient de condamner la société ROCK-FOOD, prise en sa qualité de caution, à payer à la BANQUE COURTOIS, la somme de 50.000 € avec intérêts au taux contractuel de 5.68 % l'an à compter du présent exploit jusqu'à partait paiement »
1°) Alors que la contrariété d'un engagement souscrit par la société à l'intérêt social est une cause de nullité de l'acte qui en est la source ; qu'aux termes de l'article L. 223-18 du code de commerce, seule la contrariété à l'objet social ne fait pas obstacle, à l'égard des tiers n'ayant pas connaissance d'une limitation insérée dans les statuts, à la validité des engagements pris par les sociétés de capitaux ; que les exceptions étant d'interprétation stricte, le régime juridique dérogatoire prévu par ces dispositions, interdisant à la société de se prévaloir de la nullité d'un acte passé par un dirigeant social avec un tiers au moyen d'un dépassement de l'objet social, ne peut être étendu à la contrariété de l'acte à l'intérêt social ; qu'en retenant néanmoins que la contrariété à l'intérêt social ne constitue pas en elle-même une cause de nullité des engagements souscrits par le gérant d'une société à responsabilité limitée, la cour d'appel, qui a étendu le régime dérogatoire prévu en matière de contrariété à l'objet social au traitement de la contrariété à l'intérêt social, a violé l'article L. 223-18 du code de commerce ;
2°) Alors que la contrariété d'un engagement souscrit par la société à l'intérêt social est une cause de nullité de l'acte qui en est la source ; qu'aux termes de l'article L. 223-18 du code de commerce, seule la contrariété à l'objet social ne fait pas obstacle, à l'égard des tiers n'ayant pas connaissance d'une limitation insérée dans les statuts, à la validité des engagements pris par les sociétés de capitaux ; que l'objet social et l'intérêt social sont deux notions distinctes et, qu'en conséquence, une contrariété à l'intérêt social n'emporte pas nécessairement une contrariété à l'objet social ; que la nullité d'un engagement contraire à l'intérêt social souscrit par un dirigeant d'une société doit être prononcée, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une contrariété à l'objet social ; que la cour d'appel a néanmoins retenu qu'il appartient « à celui qui invoque la nullité de la garantie de démontrer que le tiers avait connaissance de la contrariété de cet engagement à l'intérêt social, de telle sorte qu'il ne pourrait être considéré comme conforme à l'objet social » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs confondant intérêt social et objet social, la cour d'appel a violé l'article L. 223-18 du code de commerce ;
3°) Alors qu'un cautionnement souscrit par un dirigeant au nom d'une société de capitaux contraire à l'intérêt social est nul ; que l'absence de communauté d'intérêts conduit à présumer l'anormalité de la constitution de la garantie au profit d'un tiers et, par voie de conséquence, sa contrariété à l'intérêt social ; qu'un tel cautionnement crée en effet une charge pour la société qui, en l'absence de communauté d'intérêts, est dépourvue de toute contrepartie ; que la cour d'appel a pourtant retenu que « l'argument tiré d'une communauté d'intérêts entre les deux sociétés est sans influence sur la solution du présent litige » ; que, dès lors, en statuant ainsi sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, s'il existait une communauté d'intérêts entre la caution et le débiteur principal justifiant l'engagement de caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1353 du code civil.