PD/AM
Numéro 17/3614
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 19/09/2017
Dossier : 15/02518
Nature affaire :
Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction
Affaire :
SAS AGOSAC CONSTRUCTION
C/
[V] [G]
SA AVIVA ASSURANCES
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 septembre 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 19 juin 2017, devant :
Monsieur DARRACQ, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame VICENTE, greffier, et de Madame Gladys PAYET, greffier stagiaire, présentes à l'appel des causes,
Monsieur DARRACQ, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame SARTRAND, Président
Monsieur CASTAGNE, Conseiller
Monsieur DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTES :
SAS AGOSAC CONSTRUCTION venant aux droits de la SARL CONFORT DE L'HABITAT
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée et assistée de Maître Pierre-Bernard DUCAMP de la SCP VIDALIES - DUCAMP - DARZACQ, avocat au barreau de MONT DE MARSAN
INTIMEES :
Madame [V] [G]
née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 2]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Jean-Pierre POUDENX, avocat au barreau de DAX
assistée de Maître Pierre GARCIA, avocat au barreau de MONT DE MARSAN
SA AVIVA ASSURANCES
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée et assistée de Maître Vincent TORTIGUE de la SELARL TORTIGUE - PETIT - SORNIQUE, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 17 JUIN 2015
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONT DE MARSAN
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de maison individuelle avec fourniture de plans en date du 25 juin 2011, Mme [V] [G] a confié à la société Confort de l'Habitat (SARL), exerçant sous l'enseigne « Maisons Conforeco », la construction d'une maison individuelle sur un terrain sis commune de [Localité 5] (40), au prix forfaitaire et définitif de 102 864 €, en ce compris les travaux d'assainissement d'un montant de 8 000 € dont le maître de l'ouvrage s'est réservé l'exécution.
Les travaux devaient être achevés dans un délai contractuel de 9 mois à compter de la déclaration d'ouverture du chantier intervenue le 29 novembre 2011.
Lors de la réunion sur les lieux le 29 août 2012 en vue de la réception de l'ouvrage, le constructeur a refusé de signer le procès-verbal de réception avec réserves, assorti de l'application d'une retenue de garantie sur le solde du prix, demandé par Mme [G].
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 04 septembre 2012, Mme [G] a notifié au constructeur un procès-verbal de réception daté du 30 août 2012 comportant une liste de réserves concernant notamment un niveau général d'implantation de la dalle trop bas, l'a mis en demeure de lui remettre les clés et l'a informé de la consignation de la retenue de garantie de 4 743,20 €.
Par ordonnance de référé du 11 octobre 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Mont de Marsan a débouté Mme [G] de sa demande de remise des clés, de celle tendant à dire conforme aux dispositions contractuelles la consignation de la retenue de garantie et de sa demande d'expertise sur les réserves et les désordres constatés, et a débouté la société Confort de l'Habitat de sa demande d'expertise sur la date de réception des travaux.
Par ordonnance sur requête du 07 novembre 2012, le président du tribunal de grande instance de Mont de Marsan a désigné le président de la CARPA du barreau de Dax en qualité de séquestre de la somme de 4 743,20 €.
Suivant exploit du 20 novembre 2012, Mme [G] a fait assigner la société Confort de l'Habitat (SARL) par devant le tribunal de grande instance de Mont de Marsan aux fins de remise des clés de la maison, levée des réserves dans le cadre de la garantie de parfait achèvement et de réparation de son préjudice de jouissance, au visa des articles 1134, 1147, 1792-6 du code civil et L 231-1 à L 231-13 du code la construction et de l'habitation.
Par ordonnance du 07 mars 2013, le juge de la mise en état, saisi par Mme [G], a ordonné une expertise confiée à M. [K] sur les non-conformités, malfaçons et désordres affectant l'ouvrage dénoncés par le maître de l'ouvrage.
L'expert a clôturé son rapport le 18 septembre 2013.
Par jugement du 17 juin 2015, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal, après avoir écarté l'existence d'une réception tacite des travaux, et sur le fondement des articles 1147 et 1184 du code civil, a :
- condamné la société Confort de l'Habitat à détruire la maison et à la reconstruire après l'avoir surélevée de 25 cm,
- condamné la société Confort de l'Habitat aux dépens et à payer à la requérante une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe faite le 09 juillet 2015, la société Confort de l'Habitat a relevé appel de ce jugement, dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas contestées et à l'égard desquelles les seuls éléments portés à la connaissance de la Cour ne font pas ressortir qu'elles seraient contraires à l'ordre public.
Suivant exploit du 23 février 2016, la société Agosac Construction Conforeco (SAS), disant « venir aux droits de la société Confort de l'Habitat a fait assigner en intervention forcée la société Aviva Assurances (SA), assureur décennal et de responsabilité civile de la société Confort de l'Habitat aux fins de lui voir déclarer commune et opposable la décision à intervenir dans l'instance l'opposant à Mme [G], au visa des articles 325, 554 et 555 du code de procédure civile.
L'instance en intervention forcée (16/00747) a été jointe à l'instance principale (15/02518) par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 07 juin 2016, l'affaire étant poursuivie sous le numéro 15/02518.
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Par arrêt du 10 mai 2017, auquel il convient de se référer pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour de céans a :
1) sur l'intervention forcée de la société Aviva par la société Agosac Construction Conforeco :
- constaté que, dans ses dernières conclusions, la société Agosac Construction Conforeco, intervenant volontaire comme venant aux droits de la société Conforeco en vertu d'un traité d'apport partiel d'actif en date du 11 mars 2014, n'avait saisi la Cour d'aucune demande contre la société Aviva,
- déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation en intervention forcée délivrée par la société Agosac Construction Conforeco à l'égard de la société Aviva,
- déclaré recevable l'intervention forcée de la société Aviva formée par la société Agosac Construction Conforeco en ce que cette dernière avait qualité à agir en mobilisation des garanties souscrites par la société Confort de l'Habitat auprès de la société Aviva pour la construction de la maison individuelle de Mme [G],
- dit que la société Aviva Assurances était fondée à opposer à la société Agosac Construction Conforeco la prescription de toute action dérivant du contrat d'assurance décennale et de celui responsabilité civile souscrits par la société Confort de l'Habitat en garantie du chantier de Mme [G],
- condamné la société Agosac Construction Conforeco aux dépens de son intervention forcée et à payer à la société Aviva Assurances une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
2) sur l'intervention volontaire de la société Agosac Conforeco Construction à l'égard de Mme [G] :
- avant dire droit, ordonné la réouverture des débats et invité :
- la société Confort de l'Habitat et la société Agosac Construction Conforeco à conclure sur la recevabilité des demandes de Mme [G] dirigées contre la société Confort de l'Habitat, et ce avant le 12 mai 2017,
- Mme [G] à conclure sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la société Agosac Construction Conforeco « venant aux droits de la société Confort de l'Habitat » en défense à son action, ainsi que sur les éventuelles incidences de cette intervention volontaire sur ses demandes en tant que dirigées contre la société Confort de l'Habitat, et ce avant le 09 juin 2017,
- sursis à statuer sur les demandes formées par ces parties,
- renvoyé à l'affaire à l'audience de plaidoiries du 19 juin 2017.
- réservé les dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 07 juin 2017, la société Agosac Construction (SAS) et la société Confort de l'Habitat (SARL) ont demandé à la Cour, au visa de l'article L 236-22 du code de commerce, de :
- donner acte à la société Confort de l'Habitat de ce qu'elle entend purement et simplement se désister de toute instance et action au profit de la société Agosac Construction,
- déclarer irrecevables les demandes de M. [G] à l'encontre de la société Confort de l'Habitat,
- débouter Mme [G] de toute demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Confort de l'Habitat et Agosac Construction,
Subsidiairement, sur les demandes formées par Mme [G] à l'encontre de la société Agosac Construction :
- réformer le jugement entrepris,
- débouter Mme [G] de ses demandes,
- dire qu'elle sera tenue de payer le montant de la retenue de garantie, actuellement consignée,
- la condamner au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Agosac Construction fait valoir qu'elle a, du fait de l'apport partiel d'actif, acquis de plein droit la qualité de partie à l'instance engagée par la société apporteuse à laquelle elle se trouve substituée, tandis que la société Confort de l'Habitat n'a plus juridiquement la capacité d'intervenir dans la présente procédure, le traité d'apport partiel d'actif ayant écarté la solidarité légale entre les deux sociétés.
Sur le fond, la société Agosac Construction reprend ses moyens et prétentions exposés dans ses dernières conclusions déposées avant l'arrêt de réouverture des débats du 10 mai 2017.
Par conclusions notifiées le 02 juin 2017, Mme [G] a demandé à la Cour, de :
- débouter la société Confort de l'Habitat de ses demandes,
- débouter la société Agosac Construction de son intervention volontaire,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris au visa des articles L 231-1 du code la construction et de l'habitation et de l'article 1792-6 du code civil ou 1147 du code civil,
- subsidiairement, prononcer la résolution du CMI en date du 25 juin 2011 et condamner la société Confort de l'Habitat à lui payer la somme de 165 765,68 € et 155 000 €, au visa des articles 1184 et 1147 du code civil, outre les dépens et le paiement d'une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- à titre infiniment subsidiaire, prononcer les mêmes condamnations à l'encontre de la société Agosac,
- en toute hypothèse, condamner solidairement la société Confort de l'Habitat et la société Agosac Construction au paiement d'une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de 1ère instance et d'appel.
Mme [G] fait valoir que le traité d'apport partiel d'actif ne lui est pas opposable dès lors que le contrat de maison individuelle, conclu intuitus personae, n'a pu être transmis à la société bénéficiaire et que, par ailleurs, le traité conclu entre les deux sociétés organise une fraude à ses droits en substituant à un débiteur solvable à un autre débiteur manifestement insolvable, la société Agosac apparaissant comme une coquille vide en l'absence de justificatifs attestant du transfert de propriété des actifs.
Sur le fond, Mme [G] développe ses moyens et prétentions exposés dans ses dernières conclusions notifiées avant l'arrêt du 10 mai 2017.
MOTIFS DE LA DECISION
1 - sur l'intervention volontaire de la société Agosac Construction
La dénomination sociale exacte de l'intervenant volontaire est Agosac Construction et non Agosac Construction Conforeco ;
En droit, il résulte des dispositions des articles L 236-3, L 236-20 et L 236-22 du code de commerce que, sauf dérogation expresse prévue par les parties dans le traité d'apport, l'apport partiel d'actif emporte, lorsqu'il est placé sous le régime des scissions, transmission universelle de la société apporteuse à la société bénéficiaire de tous les biens, droits et obligations dépendant de la branche d'activité qui fait l'objet de l'apport ;
Dès lors, il résulte de l'APA placé sous le régime des scissions que toute action en responsabilité née de la branche d'activité apportée doit être dirigée contre la société bénéficiaire et la responsabilité de cette dernière ne peut plus être recherchée à l'issue de l'opération à raison de l'activité transmise ;
Et, la société bénéficiaire acquiert de plein droit la qualité de partie aux instances précédemment engagées par ou contre la société apporteuse à laquelle elle se trouve substituée ;
En l'espèce, aux termes du traité d'apport partiel d'actif en date du 11 mars 2014, placé sous le régime des scissions, la société Confort de l'Habitat a apporté à la société Agosac Construction la branche complète de son activité liée aux opérations de construction ;
Il ne ressort pas de cet acte que tout ou partie de l'actif ou du passif de cette branche aurait été exclue de la cession, ce qui ne peut être déduit de la composition du passif transmis ne faisant pas état de la dette de responsabilité encourue par la société apporteuse au titre de l'action engagée par Mme [G] alors que cette dette était éventuelle à la date de l'acte et que la cession de la branche construction ne souffre d'aucune exception ;
En outre, non seulement le contrat de maison individuelle conclu par Mme [G] ne présente pas les caractères d'un contrat intuitus personae qui pourrait échapper à la transmission opérée par l'APA, mais, en tout état de cause, cette circonstance serait ici indifférente dans la mesure où l'action de Mme [G] tend à rechercher la responsabilité et les garanties du constructeur au titre de l'exécution défectueuse du contrat ;
Enfin, le caractère frauduleux de l'APA ne saurait résulter du défaut de production des actes de mutation des actifs cédés alors que le traité emporte par lui même transmission des biens, droits et actions attachés à l'activité cédée, l'établissement d'un acte notarié pour les immeubles n'étant requise que pour les besoins de la publicité foncière ;
Il suit des considérations qui précèdent qu'il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de la société Agosac Construction venant aux droits de la société Confort de l'Habitat pour défendre à l'action en responsabilité et garantie engagée par Mme [G] en vertu du contrat de maison individuelle en date du 25 juin 2011 ;
Mme [G] sera déclarée irrecevable en ses demandes dirigées contre la société Confort de l'Habitat, qui ne peut être recherchée au titre de la solidarité légale qui a été écartée par le traité d'APA ;
2 - sur le rapport d'expertise
L'expert judiciaire a relevé que la problématique majeure est l'altimétrie d'implantation de la maison par rapport au terrain naturel, qualifiée d'incohérente, emportant comme conséquences que :
- la maison, avec son garage attenant, est inondable avec une périodicité fréquente (une à deux fois par an), ce phénomène étant amplifié par le fait que les eaux pluviales de la toiture et les eaux de ruissellement ne peuvent s'évacuer correctement à l'exutoire naturel du fossé du fait de ce défaut d'altimétrie,
- l'assainissement individuel prévu au permis de construire ne peut être réalisé sans pompe de relevage au vu des fils d'eau relevés sur les sorties EU-EV ;
Le cumulus électrique dans le garage étant posé sur pied et sur sol inondable, présente un danger pour les personnes ;
L'expert indique qu'il est d'usage d'implanter, a minima, les constructions à + 15 cm par rapport aux chaussées et/ou au terrain naturel ; selon le procès-verbal d'implantation, l'altimétrie du garage était prévue 17 cm plus bas que la borne de référence (2,00 m et 1,83 m) alors que l'axe de la chaussée est à 1,82 m ; l'altimétrie terrain naturel (point 81 du géomètre) précise une hauteur de 1,91 m, l'altimétrie aurait dû être a minima de 2,06 m à cet endroit : or, à cet endroit, c'est le garage qui est à 1,83 m ; le garage par rapport au terrain naturel est donc trop bas de 23 cm ;
La maison aurait donc dû être remontée, a minima, d'un rang de parpaing de plus, voire deux rangs ;
Selon l'expert, la conception générale du projet a été faite sur un terrain plat avec certainement deux rangs de parpaings de soubassement sans prendre en compte la topographie du terrain et la faisabilité de réalisation des VRD ;
L'expert fait observer qu'un constructeur doit implanter une construction de façon logique, avec les contraintes du site : altimétrie voirie, altimétrie exutoire des eaux de pluie et altimétrie du fil d'eau de l'assainissement en limite de propriété ;
Au titre des travaux réparatoires, concernant l'altimétrie de la dalle, l'expert préconise la réalisation des aménagements extérieurs sur le pourtour de la maison, afin que les eaux de ruissellement n'aillent pas vers la maison mais vers un exutoire naturel, les murs devant être protégés par un delta MS, une étanchéité et des talutages avec un système de drains et acodrains ;
Les désordres dus à l'inondation en cours de chantier (avril - mai 2012), devront être repris avec le changement de placoplâtre endommagé dans le garage, un placoplâtre hydro en conformité avec la destination de la pièce ;
Le système d'assainissement devra être repensé suivant deux axes : pompe de relevage conformément à la solution imaginée initialement ou conception différente avec micro-station ;
Les eaux pluviales devront être collectées dans un bac tampon, pour être évacuées gravitairement vers le fossé le plus profond ;
Enfin, outre le défaut d'altimétrie et ses conséquences, l'expert a relevé un point de désordre sur la charpente de la ferme de la terrasse lié à une mauvaise exécution ;
Ce rapport d'expertise qui ne présente aucune incohérence ni vice intellectuel entachant l'avis du technicien soumis à la libre discussion des parties, servira de base valable pour statuer sur les responsabilités encourues ;
3 - sur la responsabilité du constructeur
3-1 - sur la réception des travaux
Il résulte des dispositions de l'article 1792-6 du code civil, dont se prévaut Mme [G] à titre principal, que la réception est un acte unilatéral émanant du maître de l'ouvrage ;
L'exigence du caractère contradictoire ne suppose pas un consentement du constructeur à l'acte de réception prononcé unilatéralement par le maître de l'ouvrage, mais que le constructeur ait été convoqué aux opérations d'expertise ;
En l'espèce, il est établi qu'une réunion de réception contradictoire des travaux s'est tenue le 29 août 2012, à la demande du constructeur, au cours de laquelle Mme [G] a déclaré vouloir réceptionner les travaux et retenir, à titre de garantie, le solde du marché d'un montant de 4 743,20 €, ce qui a entraîné le refus du constructeur de signer le procès-verbal de réception ;
Mme [G] a alors établi un procès-verbal de réception en date du 30 septembre 2012, mentionnant plusieurs réserves dont celles relatives au défaut d'altimétrie de la dalle et aux défauts affectant la charpente, qu'elle a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 04 septembre 2012 avec mise en demeure de remettre les clés de la maison ;
Après avoir été judiciairement autorisée à consigner la retenue de garantie sur un compte ouvert à la Carpa, Mme [G] a fait assigner en référé le constructeur aux aux mêmes fins ;
Il résulte des constatations qui précèdent que Mme [G] a clairement manifesté son intention de prendre possession de l'ouvrage caractérisant sa volonté de réceptionner les travaux, avec des réserves et application de la retenue de garantie prévue au contrat dans la limite de 5 % du marché, peu important le refus du constructeur de signer le procès-verbal de réception et de remettre les clés ;
Il doit donc être considéré que la réception des travaux, avec réserves, est intervenue à compter du 30 août 2012 ;
Par conséquent, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge qui s'est placé sur le terrain de la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur, Mme [G] est recevable à agir sur le fondement de la garantie de parfait achèvement au titre du défaut d'altimétrie et aux défauts affectant la charpente réservés lors de la réception ;
3-2 - sur la responsabilité du constructeur
Il résulte des dispositions de l'article L 231-2 b du code la construction et de l'habitation que le constructeur, tenu par la nature du contrat de livrer une maison conforme aux stipulations du contrat et aux règles de l'art, doit proposer un contrat décrivant la consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire comportant tous les travaux d'adaptation au sol, les raccordements aux réseaux divers et tous les travaux d'équipement intérieur ou extérieur indispensables à l'implantation et à l'habitation de l'immeuble ;
En l'espèce, Mme [G], qui s'était réservée le lot assainissement valorisé à la somme de 8 000 € par le constructeur, avait informé le constructeur, par courrier du 31 octobre 2011, de la recommandation du syndicat des eaux du Tursan de placer la sortie des évacuations EU et EP à l'arrière de la maison ;
Le « bon pour implantation », signé le 25 juin 2011 par Mme [G], ne mentionne pas l'altimétrie mais l'implantation horizontale de la construction ;
Mme [G] a fait réaliser les travaux d'accès et de décapage du terrain, et de création de la plateforme de niveau destinée à recevoir la dalle, également réservés au maître de l'ouvrage dans la notice descriptive, le constructeur ayant spécifié qu'elle devait être 17 cm plus basse que le point de référence mentionné sur le plan d'implantation (borne A) ;
Ces travaux ont fait l'objet d'un contrôle, selon « procès-verbal d'implantation de la construction » en date du 02 décembre 2011 signé par le constructeur qui a validé la réalisation de la plateforme et la conformité de l'altimétrie de cette dernière avec ses prescriptions ;
Dès lors, le constructeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant un défaut de niveau de la plateforme qui ne respecterait pas les cotes altimétriques alors qu'il a validé les travaux de préparation du terrain sans émettre aucune réserve, que son devoir de conseil lui aurait imposé de faire, avant de couler la dalle constituant le socle définitif de la maison ;
Il ne peut être tiré aucune portée de l'acceptation ultérieure par le maître de l'ouvrage, suivant procès-verbal du 17 février 2012, de l'altimétrie de la dalle réalisée par le constructeur qui n'avait signalé aucun risque particulier inhérent à la topographie du terrain ;
En réponse à un courrier du 14 mars 2012, par lequel Mme [G] s'inquiétait du niveau très bas de la dalle récemment coulée, le constructeur a répondu (lettre du 20 mars 2012) : « concernant l'altimétrie de la dalle de votre maison, je confirme que tout a été fait selon les règles de l'art et les plans du permis de construire. La dalle brute de la partie habitation est bien 40 cm au dessus du niveau de la route, les terrasses à 20 cm et le garage est aussi au niveau de la route. L'irrégularité flagrante de la topographie de votre terrain fait qu'à certains endroits le terrain est plus haut que la dalle de la maison. Cela peut être résolu par des travaux de terrassement ['] qui ne sont pas à notre charge » ;
L'expertise judiciaire a établi, comme un fait objectif qui n'est pas sérieusement contesté, que l'altimétrie de la maison rend impossible, sans entreprendre d'importants travaux, l'évacuation des eaux pluviales et de ruissellement ainsi que le système d'assainissement agréé par l'organisme de contrôle, choisi par le maître de l'ouvrage, et l'expose à des risques d'inondation ;
Il est donc patent que le constructeur, concepteur et réalisateur du projet, a entrepris les travaux de construction sans prendre en compte la topographie du terrain qui était susceptible d'avoir une incidence sur les cotes altimétriques de l'ouvrage intégrant sa mise hors d'eau, la réalisation du réseau d'évacuation des eaux de pluie et de ruissellement ainsi que le système d'assainissement réservé par le maître de l'ouvrage ;
Il s'ensuit qu'en construisant une maison dont l'altimétrie rend impossible la réalisation des réseaux VRD et expose les lieux à un risque anormal d'inondation qui s'est réalisé le 02 mai 2012 en cours de chantier, en noyant le sol du garage et le bas du cumulus électrique qui y est posé sur pied, puis s'est reproduit malgré la tranchée réalisée par le constructeur pour tenter d'en prévenir son renouvellement en drainant les eaux de ruissellement, le constructeur, qui ne peut opposer aucune cause exonératoire de responsabilité, a manqué à son obligation de livrer une construction adaptée aux contraintes topographiques du terrain intégrant tous les paramètres nécessaires à son
habitabilité ;
C'est donc, par des motifs pertinents que le premier juge a imputé au constructeur le défaut d'altimétrie de la maison ;
En revanche, ce défaut relève de la garantie de parfait achèvement et non de la responsabilité contractuelle pour faute prouvée retenue par le premier juge ;
Il en va de même des défauts d'exécution affectant la charpente réservés par Mme [G] et non contestés par le constructeur ;
4 - sur les réparations
Le premier juge a, par des motifs pertinents que la Cour adopte, justifié le choix de la démolition et de la reconstruction de la maison parfaitement proportionné à la gravité des défauts d'altimétrie, le constructeur ne démontrant pas que le coût de cette solution, même majoré des coûts prévisibles de démolition et purge du terrain, serait supérieur à celui des reprises, chiffrés à 63 600 € TTC auquel il faut ajouter les frais de maintenance et de consommation électrique de la station de relevage dont il faut équiper le système d'assainissement estimés à 1 550 € par an et à capitaliser sur une durée de vie raisonnable de l'immeuble de 50 ans ;
La reconstruction de la maison doit être effectivement surélevée des 25 cm nécessaires pour permettre de livrer un ouvrage conforme à celui décrit au contrat ;
Tant que les réserves ne sont pas levées par la reconstruction de la maison, le constructeur ne peut exiger le paiement du solde du marché faisant l'objet d'une retenue de garantie prévue au contrat ;
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions, étant précisé que la société Agosac Construction (SAS) est substituée à la société Confort de l'Habitat ;
La société Agosac Construction sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme [G] une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DECLARE la société Agosac Construction (SAS) recevable en son intervention volontaire,
DIT que la société Agosac Construction vient aux droits de la société Conforeco de l'Habitat (SARL) au titre du contrat de maison individuelle conclu avec Mme [G],
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris, étant précisé que la société Agosac Construction est substituée à la société Conforeco de l'Habitat comme partie tenue d'exécuter les condamnations prononcées au profit de Mme [G],
DEBOUTE la société Agosac Constructeur de sa demande de paiement du solde du marché qui sera exigible à compter de l'achèvement des travaux de reconstruction,
DECLARE Mme [G] irrecevable en ses demandes dirigées contre la société Conforeco de l'Habitat,
CONDAMNE la société Agosac Construction aux dépens d'appel,
CONDAMNE la société Agosac Construction à payer à Mme [G] une indemnité complémentaire de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
AUTORISE Me Poudenx, avocat au barreau de Dax, à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par M. Castagné, Conseiller, par suite de l'empêchement de Mme Sartrand, Président, et par Mme Vicente, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 456 du code de procédure civile, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, POUR LE PRESIDENT EMPECHE,
Sandra VICENTE Patrick CASTAGNE