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16/10/2019 | FRANCE | N°18-10088

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 octobre 2019, 18-10088


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. K... était le directeur général de la société Logic instrument depuis 1994 ; que le 28 novembre 2013, la société anonyme Archos a conclu avec la société anonyme Logic instrument un protocole d'accord fixant, notamment, les règles de prise de contrôle de la première sur la seconde et de gouvernance de celle-ci, consistant dans l'adjonction de nouveaux administrateurs au conseil d'administration de la société Logic instrument et dans le maintien de M. K... à s

es fonctions de directeur général ; que ce protocole prévoyait qu'après...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. K... était le directeur général de la société Logic instrument depuis 1994 ; que le 28 novembre 2013, la société anonyme Archos a conclu avec la société anonyme Logic instrument un protocole d'accord fixant, notamment, les règles de prise de contrôle de la première sur la seconde et de gouvernance de celle-ci, consistant dans l'adjonction de nouveaux administrateurs au conseil d'administration de la société Logic instrument et dans le maintien de M. K... à ses fonctions de directeur général ; que ce protocole prévoyait qu'après la réalisation de cette opération, M. K... bénéficierait, sauf faute grave, d'une indemnité de rupture, dont le montant était fixé, en cas de révocation ou de non-renouvellement de son mandat et stipulait que « Chaque Partie s'engage, pour ce qui la concerne, à voter et convaincre les autres administrateurs de voter en faveur de cette proposition au sein du conseil d'administration nouvellement composé » ; que, par délibération du 20 février 2014 du conseil d'administration de la société Logic instrument, l'indemnité de révocation de M. K... a été arrêtée à l'identique de celle stipulée au protocole ; que le 2 juin 2015, le conseil d'administration de la société Logic instrument a révoqué M. K... sans indemnité ; que se prévalant du protocole, M. K... a assigné les sociétés Archos et Logic instrument en paiement de l'indemnité de rupture ;

Sur le moyen unique du pourvoi, présenté par la société Archos, pris en sa première branche :

Vu l'article 1121 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner la société Archos à payer à M. K..., solidairement avec la société Logic instrument, l'indemnité de rupture et fixer celle-ci à la somme de 771 933,12 euros, outre intérêts, l'arrêt du 5 décembre 2017 retient, en se référant aux motifs de l'arrêt avant-dire-droit du 19 septembre 2017, qu'aux termes du protocole convenu avec la société Logic instrument, la société Archos a engagé personnellement ses représentants au conseil d'administration de la société Logic instrument à voter en faveur de la clause d'indemnisation de révocation stipulée au profit de M. K..., que, par délibération du 20 février 2014 du conseil d'administration de la société Logic instrument, l'indemnité de révocation de M. K... a été décidée à l'identique de celle stipulée au protocole, que la société Archos détenait la majorité des sièges d'administrateurs au conseil d'administration de la société Logic instrument et exerçait la prérogative d'approuver la nomination de son directeur général, et qu'il en résulte que la société Archos a stipulé une clause d'indemnité de rupture du mandat de directeur général, dans l'intérêt de M. K..., conférant à celui-ci une action directe qui trouve son fondement à l'article 1121 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Qu'en se déterminant par ces motifs, impropres à établir l'existence d'un engagement de la société Logic instrument, au profit de M. K..., stipulé par la société Archos, l'arrêt n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le moyen unique du pourvoi, présenté par la société Logic instrument :

Vu l'article L. 225-38 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que pour condamner la société Logic instrument, solidairement avec la société Archos, à payer à M. K... l'indemnité de rupture et fixer celle-ci à la somme de 771 933,12 euros, outre intérêts, l'arrêt du 5 décembre 2017 retient, se référant aux motifs de l'arrêt avant-dire-droit du 19 septembre 2017, qu'en vertu du pouvoir dont le conseil d'administration de la société anonyme est investi d'autoriser les conventions réglementées intervenant directement ou par personne interposée entre la société et son directeur général, et au nombre desquelles entre l'indemnité de révocation du directeur général, M. K... tire directement des dispositions de l'article L. 225-38 du code de commerce son droit à prétendre à l'indemnité de révocation que le conseil d'administration a décidée, en application de sa stipulation au protocole d'accord dont la société Logic instrument est convenue avec la société Archos le 28 novembre 2013, et dûment déterminée dans sa cause, son objet et ses conditions ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'autorisation donnée par un conseil d'administration de conclure une convention régie par les dispositions de l'article L. 225-38 du code de commerce ne dispense pas les parties de conclure cette convention et qu'il était constant qu'aucune convention de cette nature n'avait été conclue entre la société Logic instrument et M. K..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, les arrêts rendus les 19 septembre 2017 et 5 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée:

Condamne M. K... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à chacune des sociétés Archos et Logic instrument la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Archos

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la société Archos à payer à M. K... « l'indemnité de rupture », d'avoir fixé le montant de l'indemnité de rupture de M. K... à la somme de 771 933,12 euros et d'avoir condamné solidairement la société Logic Instrument et la société Archos à payer à M. K... la somme de 771 933,12 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 18 juin 2015 ;

AUX MOTIFS QU' « en stipulant au protocole d'accord convenu avec la société Logic Instrument que "Chaque partie s'engage, pour ce qui la concerne, à voter et à convaincre les autres administrateurs de voter en faveur de cette proposition au sein du conseil d'administration nouvellement composé", la société Archos a engagé personnellement ses représentants au conseil d'administration de la société Logic Instrument à voter en faveur de la clause d'indemnisation de révocation stipulée au profit de M. K..., et tandis qu'aux termes de ce protocole d'accord et en suite de sa ratification le 23 janvier 2013 [lire 2014] par l'assemblée générale mixte des actionnaires de la société Logic Instrument, la société Archos détenait la majorité des sièges d'administrateurs au conseil d'administration de la société Logic Instrument et exerçait la prérogative d'approuver la nomination de son directeur général, il en résulte que la société Archos a stipulé une clause d'indemnité de rupture du mandat de directeur dans l'intérêt de M. K..., lequel dispose, ainsi qu'il le revendique dans ses conclusions, d'une "action directe" qui trouve son fondement à l'article 1121 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 » (arrêt du 19 septembre 2017) ;

ET AUX MOTIFS QUE « sur l'état de la discussion après réouverture des débats (
), aux termes de son arrêt avant dire droit du 19 septembre 2017, la cour a retenu que M. K... pouvait réclamer son indemnité de rupture à l'encontre de la société Archos en vertu de l'action directe dont il disposait sur le fondement de l'article 1121 du code civil en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016 (
) » (arrêt du 5 décembre 2017) ;

1°/ ALORS QU' une stipulation pour autrui suppose l'existence d'un engagement pris par le promettant à l'égard du tiers bénéficiaire ; que pour juger que les sociétés Archos et Logic Instrument auraient conclu une stipulation pour autrui au profit de M. K... consistant à lui verser une indemnité en cas de révocation de son mandat de directeur général de la société Logic Instrument, la cour d'appel s'est bornée à constater qu'aux termes du protocole d'accord conclu avec la société Logic Instrument le 28 novembre 2013, la société Archos s'était engagée à voter en faveur d'une clause d'indemnisation lors du conseil d'administration de la société Logic Instrument, au sein duquel elle détiendrait alors la majorité des sièges d'administrateurs ; qu'en ne caractérisant pas l'existence d'un engagement, exprès ou tacite, pris par la société Logic Instrument au profit de M. K..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1121 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la stipulation pour autrui n'implique aucun engagement du stipulant à l'égard du tiers bénéficiaire, qui ne dispose par conséquent d'aucune action directe à l'encontre dudit stipulant ; qu'en déduisant cependant de ce que la société Archos aurait « stipulé une clause d'indemnité de rupture du mandant de directeur dans l'intérêt de M. K... », que M. K... disposerait d'une action directe à l'encontre de cette société sur le fondement de l'article 1121 du code civil en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, la cour d'appel a violé ledit article 1121 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.

Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour la société Logic instrument

Il est fait grief aux arrêts attaqués, infirmatifs de ces chefs, d'avoir fixé le montant de l'indemnité de rupture de M. K... à la somme de 771 933,12 euros et d'avoir condamné solidairement la société Logic Instrument et la société Archos à payer à M. K... la somme de 771 933,12 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 18 juin 2015 ;

AUX MOTIFS QU' « en vertu du pouvoir dont le conseil d'administration de la société anonyme est investi d'autoriser les conventions réglementées intervenant directement ou par personne interposée entre la société et son directeur général, et au nombre desquelles entre l'indemnité de révocation du directeur général, M. K... tire directement des dispositions de l'article L. 225-38 du code de commerce son droit à prétendre à l'indemnité de révocation que le conseil d'administration a, d'une part, décidée en application de sa stipulation du protocole d'accord qu'elle a convenu avec la société Archos le 28 novembre 2013, et d'autre part dûment déterminée dans sa cause, son objet et ses conditions » (arrêt du 19 septembre 2017) ;

ET AUX MOTIFS QUE « sur l'état de la discussion après réouverture des débats (
), aux termes de son arrêt avant dire droit du 19 septembre 2017, la cour a retenu que M. K... pouvait réclamer son indemnité de rupture (
) à l'encontre de la société Logic Instrument sur le fondement des dispositions de l'article L. 225-38 du code de commerce » (arrêt du 5 décembre 2017) ;

ALORS QUE la simple autorisation préalable de conclure une convention ne fait pas naître les droits et obligations qui résulteront de la conclusion du contrat autorisé ; que s'il appartient au conseil d'administration d'une société anonyme d'autoriser la conclusion d'une convention entre la société et l'un de ses mandataires sociaux, celui-ci ne dispose pas du pouvoir de décider de la conclusion de cette convention, qui appartient au directeur général de la société ; que dès lors, la délibération par laquelle le conseil d'administration autorise la société à conclure une convention conférant un avantage à un mandataire social ne saurait faire naître, en l'absence de conclusion effective de la convention autorisée, un droit au profit de ce mandataire à l'encontre de la société ; qu'en jugeant, au contraire, que M. K... tirerait d'une décision du conseil d'administration prise par la société Logic Instrument dans le cadre de la procédure d'autorisation des conventions réglementées le droit de prétendre au versement d'une indemnité de révocation qui aurait été « décidée » par le conseil d'administration et « déterminée dans sa cause, son objet et ses conditions », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 225-38 du code de commerce.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-10088
Date de la décision : 16/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 oct. 2019, pourvoi n°18-10088


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Alain Bénabent , SCP Claire Leduc et Solange Vigand

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10088
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