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16/10/2019 | FRANCE | N°17-31802

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 octobre 2019, 17-31802


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 octobre 2017), que M. V... a été engagé, en 1988, en qualité d'éditorialiste par la société Europe News (la société) avant d'occuper le poste de rédacteur en chef, puis, à compter du 1er janvier 1997, celui d'animateur de deux émissions hebdomadaires sur l'antenne d'Europe 1 ; qu'après avoir annoncé à l'antenne la fin de ses émissions, il a, le 30 mars 2012, saisi la juridiction prud'homale à l'effet de faire juger que la rupture é

tait imputable à l'employeur et obtenir la condamnation de celui-ci au paiement ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 octobre 2017), que M. V... a été engagé, en 1988, en qualité d'éditorialiste par la société Europe News (la société) avant d'occuper le poste de rédacteur en chef, puis, à compter du 1er janvier 1997, celui d'animateur de deux émissions hebdomadaires sur l'antenne d'Europe 1 ; qu'après avoir annoncé à l'antenne la fin de ses émissions, il a, le 30 mars 2012, saisi la juridiction prud'homale à l'effet de faire juger que la rupture était imputable à l'employeur et obtenir la condamnation de celui-ci au paiement de diverses sommes ; que, par jugement du 4 novembre 2014, le conseil de prud'hommes a dit que la rupture du contrat de travail constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamné la société à payer au salarié diverses sommes et renvoyé les parties à saisir la commission arbitrale des journalistes pour fixation de l'indemnité de licenciement ; que, par arrêt du 24 septembre 2015, la cour d'appel a confirmé le jugement sauf en ce qui concernait, notamment, ses dispositions relatives à l'indemnité de licenciement et s'est déclarée incompétente pour connaître de la demande du salarié au titre de cette indemnité ; que, devant la commission arbitrale des journalistes, la société a soulevé l'incompétence de la commission pour statuer sur la demande d'indemnité de licenciement ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à sursis à statuer, de rejeter son recours en annulation formé contre la décision de la commission arbitrale des journalistes et de la condamner au paiement d'une indemnité de procédure alors, selon le moyen :

1°/ que la fin de non-recevoir tirée de l'étendue du pouvoir juridictionnel de la commission arbitrale des journalistes incompétente pour fixer le montant de l'indemnité de licenciement due à un journaliste salarié d'une agence de presse, est d'ordre public et doit être relevée d'office ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. V... était salarié de la société Europe News, agence de presse ; qu'en rejetant pourtant le recours en annulation de la décision de la commission arbitrale des journalistes fixant le montant de l'indemnité de licenciement de M. V..., formé par la société Europe News, au prétexte que devant la juridiction prud'homale cette dernière avait soutenu que la commission arbitrale des journalistes était compétente, la cour d'appel a méconnu l'étendue du pouvoir juridictionnel de la commission arbitrale des journalistes et partant a violé les articles 125 du code de procédure civile et L. 7112-4 du code du travail ;

2°/ que la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'employeur a, dans une première instance devant la juridiction prud'homale, soutenu que la commission arbitrale des journalistes était compétente pour connaître de la fixation de l'indemnité de licenciement de M. V..., puis a, dans une seconde instance devant la commission arbitrale des journalistes, affirmé que cette dernière n'était pas compétente, de sorte que les positions contraires de l'employeur n'ont pas été adoptées au cours de la même instance ; qu'en opposant à l'employeur le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, pour rejeter son recours en annulation de la décision de la commission arbitrale des journalistes, la cour d'appel a violé le principe susvisé et l'article 122 du code de procédure civile ;

3°/ que la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que s'il avait soutenu que la commission arbitrale des journalistes était compétente devant la juridiction prud'homale puis avait affirmé, devant elle, qu'elle était incompétente, ce n'était qu'en raison d'une position récemment adoptée par la Cour de cassation selon laquelle les salariés des agences de presse ne bénéficient pas des dispositions des articles L. 7112-1 et suivants du code du travail ; que pour opposer à l'employeur le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, la cour d'appel a constaté que l'attitude procédurale de ce dernier avait pour effet de priver le salarié de la possibilité de voir désigner une juridiction compétente pour statuer sur l'indemnité de licenciement à laquelle il a droit ; qu'en statuant ainsi, sans établir que le salarié avait pu être induit en erreur sur les intentions de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé et de l'article 122 du code de procédure civile ;

4°/ que lorsque la juridiction annule la sentence arbitrale, elle statue sur le fond dans les limites de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties ; qu'en affirmant que l'attitude procédurale de l'employeur avait pour effet de priver le salarié de la possibilité de voir désigner une juridiction compétente pour statuer sur l'indemnité de licenciement à laquelle il a droit, la cour d'appel, saisie d'un recours en annulation de la décision de la commission arbitrale des journalistes, a violé l'article 1493 du code de procédure civile et l'article L. 7112-4 du code du travail ;

Mais attendu que l'autorité de la chose jugée est attachée depuis son prononcé au dispositif de l'arrêt du 24 septembre 2015 aux termes duquel la cour d'appel s'est déclarée incompétente pour connaître de la demande d'indemnité de licenciement, opposant par là implicitement à la demande du salarié la fin de non-recevoir à caractère d'ordre public qui sanctionne le défaut de pouvoir juridictionnel, et a renvoyé les parties à saisir la commission d'arbitrage des journalistes afin que celle-ci statue, dans l'exercice de son pouvoir, sur cette demande ; que ces chefs de dispositif n'ayant pas fait l'objet d'un pourvoi, sont devenus irrévocables ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a rejeté à bon droit le recours en annulation dirigé contre la décision de la commission arbitrale des journalistes qui, en statuant sur la demande d'indemnité de licenciement, a, ainsi qu'elle y était tenue, respecté l'autorité de la chose jugée attachée à la décision prud'homale ;

Que par ces motifs de pur droit, substitués aux motifs critiqués, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Europe News aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. V... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Europe News

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à sursis à statuer, d'AVOIR rejeté le recours en annulation formé contre la décision de la commission arbitrale des journalistes de Paris, d'AVOIR condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens ;

AUX MOTIFS QU' « La société Europe News est une agence de presse de la société Lagardère Active qui regroupe notamment les journalistes de la radio Europe 1.
En septembre 1988, M. V... a été engagé par la société Europe News en qualité d'éditorialiste.
(
) il résulte de l'article L. 7112-4 du code du travail que la décision de la Commission arbitrale des journalistes ne peut être frappée d'appel, mais peut faire l'objet, devant la cour d'appel, d'un recours en annulation formé selon les règles applicables en matière d'arbitrage ;
Sur la demande de sursis à statuer
que selon l'article L. 7112-3 du code du travail, « Si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze » ;
que par un jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Paris le 4 novembre 2014, confirmé par un arrêt de cette cour du 24 septembre 2015 (Pôle 6 ' Chambre 8, n° RG S14/12710), la rupture du contrat de travail liant M. V... à la SNC EUROPE NEWS a été qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que cet arrêt, frappé d'un pourvoi en cassation, est exécutoire ; que comme l'a jugé la Commission arbitrale des journalistes, il n'y a pas lieu de faire supporter à M. V..., qui a introduit l'instance prud'homale le 29 mars 2012, un délai supplémentaire tenant à la procédure suivie devant la Cour de cassation ;
Qu'il convient donc de rejeter la demande de sursis à statuer ;
Sur le moyen d'annulation pris de l'incompétence de la Commission arbitrale des journalistes (article 1492, 1°, du code de procédure civile)
La SNC EUROPE NEWS soutient que la compétence de la Commission arbitrale pour définir le montant de l'indemnité de licenciement d'un journaliste salarié d'une entreprise de journaux et de périodiques lorsque son ancienneté excède 15 ans, ne saurait être étendue aux journalistes salariés d'une agence de presse ;
qu'en application de l'article 1466 du code civil, l'estoppel s'oppose à ce qu'une partie se contredise au détriment d'autrui ; que se contredit au détriment d'autrui la partie qui adopte des comportements procéduraux incompatibles ;
que la société EUROPE NEWS a soutenu devant le conseil de prud'hommes, puis devant la chambre sociale de la cour d'appel, que la Commission arbitrale des journalistes était seule compétente pour statuer sur l'indemnité de licenciement demandée par M. V... ; qu'elle a invoqué devant cette Commission arbitrale et la cour d'appel, saisie du recours en annulation de la sentence, l'incompétence de cette Commission tendant à ce que les articles L. 7112-2 et suivants du code du travail ne sont pas applicables aux agences de presse ; que cet élément n'est pas nouveau ; qu'ayant formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre sociale de cette cour du 24 septembre 2015, elle a développé deux moyens de cassation dont aucun ne critique le chef de dispositif par lequel la cour d'appel s'est déclarée incompétente pour connaître de l'indemnité de licenciement ; que cette attitude procédurale de la société EUROPE NEWS a eu pour effet de rendre définitif ce chef du dispositif, privant ainsi M. V... de la possibilité de voir désigner une juridiction compétente pour statuer sur l'indemnité de licenciement à laquelle il a droit ;
Que cette contraction entretenue par la société EUROPE NEWS au détriment des intérêts de M. V... résulte encore des constatations de la Commission arbitrale des journalistes qui a relevé que « la société EUROPE NEWS indique qu'en cas de demande introduite par M. V... devant le conseil de prud'hommes de Paris, elle ferait valoir l'irrecevabilité de la demande par application du principe d'unicité de l'instance prud'homale », tandis que devant cette cour, elle demande d'inviter M. V... à mieux se pourvoir, au besoin devant le conseil de prud'hommes de Paris ;
Que ce moyen est irrecevable ;
Que la demande d'annulation de décision de la Commission arbitrale des journalistes portant sur l'article 700 du code de procédure civile doit être aussi rejetée ;
Sur les autres demandes
que la société EUROPE NEWS, succombant à l'instance, doit être condamnée à payer à M. V... la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens » ;

1°) ALORS QUE la fin de non-recevoir tirée de l'étendue du pouvoir juridictionnel de la commission arbitrale des journalistes incompétente pour fixer le montant de l'indemnité de licenciement due à un journaliste salarié d'une agence de presse, est d'ordre public et doit être relevée d'office ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. V... était salarié de la société Europe News, agence de presse ; qu'en rejetant pourtant le recours en annulation de la décision de la commission arbitrale des journalistes fixant le montant de l'indemnité de licenciement de M. V..., formé par la société Europe News, au prétexte que devant la juridiction prud'homale cette dernière avait soutenu que la commission arbitrale des journalistes était compétente, la cour d'appel a méconnu l'étendue du pouvoir juridictionnel de la commission arbitrale des journalistes et partant a violé les articles 125 du code de procédure civile, et L. 7112-4 du code du travail ;

2°) ALORS QUE la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que l'employeur a, dans une première instance devant la juridiction prud'homale, soutenu que la commission arbitrale des journalistes était compétente pour connaître de la fixation de l'indemnité de licenciement de M. V..., puis a, dans une seconde instance devant la commission arbitrale des journalistes, affirmé que cette dernière n'était pas compétente, de sorte que les positions contraires de l'employeur n'ont pas été adoptées au cours de la même instance ; qu'en opposant à l'employeur le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, pour rejeter son recours en annulation de la décision de la commission arbitrale des journalistes, la cour d'appel a violé le principe susvisé et l'article 122 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que s'il avait soutenu que la commission arbitrale des journalistes était compétente devant la juridiction prud'homale puis avait affirmé, devant elle, qu'elle était incompétente, ce n'était qu'en raison d'une position récemment adoptée par la Cour de cassation selon laquelle les salariés des agences de presse ne bénéficient pas des dispositions des articles L. 7112-1 et suivants du code du travail (conclusions d'appel de l'employeur p. 15) ; que pour opposer à l'employeur le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, la cour d'appel a constaté que l'attitude procédurale de ce dernier avait pour effet de priver le salarié de la possibilité de voir désigner une juridiction compétente pour statuer sur l'indemnité de licenciement à laquelle il a droit ; qu'en statuant ainsi, sans établir que le salarié avait pu être induit en erreur sur les intentions de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé et de l'article 122 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE lorsque la juridiction annule la sentence arbitrale, elle statue sur le fond dans les limites de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties ; qu'en affirmant que l'attitude procédurale de l'employeur avait pour effet de priver le salarié de la possibilité de voir désigner une juridiction compétente pour statuer sur l'indemnité de licenciement à laquelle il a droit, la cour d'appel, saisie d'un recours en annulation de la décision de la commission arbitrale des journalistes, a violé l'article 1493 du code de procédure civile et l'article L. 7112-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-31802
Date de la décision : 16/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 oct. 2019, pourvoi n°17-31802


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.31802
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