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10/10/2019 | FRANCE | N°18-20112

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 octobre 2019, 18-20112


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 mai 2017), que Mme T... F... a assigné M. et Mme U..., propriétaires du fonds voisin, en reconnaissance d'une servitude de passage ;

Attendu que, pour rejeter la demande en fixation de l'assiette de la servitude de passage sur toute la longueur et la largeur de la partie non bâtie de la parcelle [...] , l'arrêt retient que l'existence de la s

ervitude n'est pas contestée, qu'il s'agit d'une servitude conventionnelle inscri...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 mai 2017), que Mme T... F... a assigné M. et Mme U..., propriétaires du fonds voisin, en reconnaissance d'une servitude de passage ;

Attendu que, pour rejeter la demande en fixation de l'assiette de la servitude de passage sur toute la longueur et la largeur de la partie non bâtie de la parcelle [...] , l'arrêt retient que l'existence de la servitude n'est pas contestée, qu'il s'agit d'une servitude conventionnelle inscrite dans les actes notariés et que l'assiette de cette servitude est déterminée par l'obligation de ne pas déposer à demeure des matériaux qui pourraient entraver la libre circulation dans les cour et passage communs, avec la précision apportée par l'acte notarié du 4 mars 1970 et reprise dans celui du 29 avril 2014, que « le passage s'effectuera le long de la limite sud-est de la propriété, sur toute la longueur et sur une largeur d'un mètre » ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'assiette ainsi définie est celle d'une autre servitude conventionnelle instituée au profit du fonds de M. et Mme U..., la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis des actes précités, a violé le principe susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de la disposition critiquée par le second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de Mme T... F..., l'arrêt rendu le 24 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne M. et Mme U... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme U... et les condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme T... F... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour Mme T... F....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme F... de sa demande tendant à voir fixer l'assiette de la servitude de passage grevant le fond des consorts U... sur la totalité de la largeur et de la longueur de la partie non bâtie de la parcelle [...] telle qu'elle s'exerce depuis plus de trente années ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande de Mme T... : attendu que Mme T... sollicite de la cour qu'elle fixe les conditions d'exercice de la servitude litigieuse afin que son droit de propriété soit respecté ; qu'elle invoque un usage constant depuis 1942 au profit de son fonds enclavé ; que l'appelante verse aux débats un acte reçu le 2 juillet 1942 par Me B... L... dont il ressort qu'il ne pourra être « déposé à demeure des matériaux qui pourraient entraver la libre circulation dans lesdites cour et passage communs », servitude reprise tant dans un acte du 4 mars 1970, reçu par Me X... Z..., que dans l'acte d'acquisition de son immeuble, reçu le 29 avril 2014 par Me K... E..., sous le paragraphe « Rappel de servitudes » ; mais attendu, comme le soutiennent M. et Mme U..., que l'existence de la servitude n'est pas contestée ; qu'il s'agit d'une servitude conventionnelle, inscrite dans les actes notariés ; que l'assiette de cette servitude a été déterminée par l'obligation que ne soient pas « déposé à demeure des matériaux qui pourraient entraver la libre circulation dans lesdites cour et passage communs », sauf la précision, apportée par l'acte notarié du 4 mars 1970 reprise dans celui du 29 avril 2014, en ces termes : « un passage qui s'effectuera le long de la limite sud-est de la propriété, sur toute la longueur et sur une largeur d'un mètre. » ; que les éléments versés aux débats : photographies de 2014, attestations de témoins et constat d'huissier du 15 février 2018, ne démontrent pas la présence constante de matériaux ou d'obstacles quelconques qui entraveraient le libre passage de la bénéficiaire de la servitude ; que les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ; qu'ainsi, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives au rejet des demandes de Mme T... ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU' il apparaît dans un premier temps qu'aucun acte notarié n'est produit ; que cependant que les défendeurs reconnaissent l'enclave de l'immeuble appartenant à J... T... épouse F... et l'existence de la servitude ; qu'il appartient à chacune des parties d'apporter les preuves de ses prétentions ; que la demanderesse, qui demande de fixer l'assiette de la servitude sur la totalité de la largeur et de la longueur de la partie non bâtie de la parcelle [...], n'établit pas qu'elle s'exerce comme elle affirme depuis plus de 30 années ; qu'elle ne justifie que par des documents établis par elle-même de ce que les locataires des défendeurs ne respectent pas l'exercice de cette servitude ; qu'il y a lieu de la débouter de l'intégralité de ses demandes ;

1) ALORS QUE les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en relevant, pour rejeter la demande de Mme F... tendant à voir fixer l'assiette de la servitude de passage, qu'il existait une servitude conventionnelle au profit de son fonds grevant le fonds des époux U..., dont le passage est précisé par l'acte notarié du 4 mars 1970, reprise dans celui du 29 avril 2014 et que le passage s'effectuera le long de la limite sud-est de la propriété, sur toute la longueur et sur une largeur d'un mètre (arrêt p.4, alinéa 6) quand la mention de l'acte notarié du 4 mars 1970 reprise dans celui du 29 avril 2014 était relative à une servitude grevant le fonds AE 785, appartenant à Mme Q..., au profit du fonds des époux U..., donc sans lien avec la servitude de Mme F..., la cour d'appel a dénaturé l'acte du 29 avril 2014 reprenant la mention de l'acte notarié du 4 mars 1970 et a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil ;

2) ALORS QU'en toute hypothèse, une servitude conventionnelle conserve un fondement légal si sa cause déterminante est l'état d'enclave du fonds dominant ; que le propriétaire du fonds enclavé est en droit de demander un passage suffisant à la voie publique ; qu'en l'espèce, tout en reconnaissant l'état d'enclave du fonds de Mme F..., la cour d'appel a précisé que le passage s'effectuera le long de la limite sud-est de la propriété sur toute la longueur mais seulement sur une largeur d'un mètre, de sorte que cette assiette est manifestement insuffisante à permettre un accès à la voie publique, qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 682 et 683 du code civil ;

3) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge est tenu de déterminer l'assiette de la servitude de passage d'un fonds dont il reconnait l'état d'enclave ; qu'en déboutant Mme F... de sa demande tendant à voir fixer l'assiette de la servitude de passage, quand elle reconnaissait par ailleurs l'état d'enclave de son fonds, la cour d'appel a violé les articles 682 et 683 du code civil ;

4) ALORS QU'en toute hypothèse, dès l'instant qu'il est justifié de l'état d'enclave d'un fonds, le juge a l'obligation de trancher le litige qui lui est soumis en déterminant l'assiette de la servitude si bien qu'il ne peut, sauf à commettre un déni de justice, rejeter purement et simplement la demande de fixation d'une assiette de servitude dont il est saisi ; qu'ayant elle-même reconnu l'état d'enclave du fonds de Mme F... ce dont il résultait nécessairement que l'assiette de la servitude de passage devait être fixée, la cour d'appel ne pouvait en suite débouter Mme F... de ses demandes et partant a violé l'article 4 du code civil, l'article 12 du code de procédure civile et l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme F... de ses demandes tendant à voir dire et juger que rien ne pourra être construit, installé ou même déposé provisoirement qui viendrait faire obstacle à l'exercice de cette servitude et tendant à voir condamner Monsieur et Madame U... à respecter l'exercice de cette servitude sous astreinte de 500 euros par jour ou pour chaque constatation d'une obstruction à compter du jugement ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande de Mme T... : attendu que Mme T... sollicite de la cour qu'elle fixe les conditions d'exercice de la servitude litigieuse afin que son droit de propriété soit respecté ; qu'elle invoque un usage constant depuis 1942 au profit de son fonds enclavé ; que l'appelante verse aux débats un acte reçu le 2 juillet 1942 par Me B... L... dont il ressort qu'il ne pourra être « déposé à demeure des matériaux qui pourraient entraver la libre circulation dans lesdites cour et passages communs », servitude reprise tant dans un acte du 4 mars 1970, reçu par Me X... Z..., que dans l'acte d'acquisition de son immeuble, reçu le 29 avril 2014 par Me K... E..., sous le paragraphe « Rappel de servitudes » ; mais attendu, comme le soutiennent M. et Mme U..., que l'existence de la servitude n'est pas contestée ; qu'il s'agit d'une servitude conventionnelle, inscrite dans les actes notariés ; que l'assiette de cette servitude a été déterminée par l'obligation que ne soient pas « déposé à demeure des matériaux qui pourraient entraver la libre circulation dans lesdites cour et passage communs », sauf la précision, apportée par l'acte notarié du 4 mars 1970 reprise dans celui du 29 avril 2014, en ces termes : « un passage qui s'effectuera le long de la limite sud-est de la propriété, sur toute la longueur et sur une largeur d'un mètre. » ; que les éléments versés aux débats : photographies de 2014, attestations de témoins et constat d'huissier du 15 février 2018, ne démontrent pas la présence constante de matériaux ou d'obstacles quelconques qui entraveraient le libre passage de la bénéficiaire de la servitude ; que les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ; qu'ainsi, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives au rejet des demandes de Mme T... ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU' il apparaît dans un premier temps qu'aucun acte notarié n'est produit ; que cependant que les défendeurs reconnaissent l'enclave de l'immeuble appartenant à J... T... épouse F... et l'existence de la servitude ; qu'il appartient à chacune des parties d'apporter les preuves de ses prétentions ; que la demanderesse, qui demande de fixer l'assiette de la servitude sur la totalité de la largeur et de la longueur de la partie non bâtie de la parcelle [...], n'établit pas qu'elle s'exerce comme elle affirme depuis plus de 30 années ; qu'elle ne justifie que par des documents établis par elle-même de ce que les locataires des défendeurs ne respectent pas l'exercice de cette servitude ; qu'il y a lieu de la débouter de l'intégralité de ses demandes ;

ALORS QUE le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode ; qu'en retenant que Mme F... ne démontrait pas la présence constante de matériaux ou d'obstacles quelconques qui entraveraient son libre passage quand l'existence d'obstacles diminuant ou rendant plus incommode l'exercice de la servitude peut s'inférer de la seule restriction à l'usage du passage, laquelle peut résulter d'obstacles occasionnels, la cour d'appel qui a ajouté une condition que ce texte ne prévoit pas, a violé l'article 701 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-20112
Date de la décision : 10/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 24 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 10 oct. 2019, pourvoi n°18-20112


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Delamarre et Jehannin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.20112
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