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10/10/2019 | FRANCE | N°18-18415

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 octobre 2019, 18-18415


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 6 mars 2018), que M. K... et Mme R... (les consorts K...-R...) sont propriétaires d'un jardin contigu à celui de Mme D... N... ; que, se plaignant de désordres provoqués par la présence sur leur fonds de nombreux rejets des bambous plantés sur la propriété voisine, ils ont assigné Mme D... N..., sur le fondement du trouble anormal de voisinage, en réparation de leur préjudice ;
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 6 mars 2018), que M. K... et Mme R... (les consorts K...-R...) sont propriétaires d'un jardin contigu à celui de Mme D... N... ; que, se plaignant de désordres provoqués par la présence sur leur fonds de nombreux rejets des bambous plantés sur la propriété voisine, ils ont assigné Mme D... N..., sur le fondement du trouble anormal de voisinage, en réparation de leur préjudice ;

Attendu que Mme D... N... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande ;

Mais attendu qu'ayant relevé que des rhizomes de bambous étaient présents en grand nombre sur la propriété des consorts K...-R... et nécessitaient, pour enrayer leur prolifération, de procéder à un nettoyage en profondeur des zones envahies, d'édifier une barrière anti-rhizomes de 80 cm de profondeur et de démolir puis de reconstruire la terrasse, un abri de jardin et une palissade en bois, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé le caractère anormal du trouble de voisinage dont elle a souverainement retenu l'existence, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme D... N... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme D... N... et la condamne à payer aux consorts K...-R... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour Mme D... N...

IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné Madame P...-W... D... N... à payer à Monsieur Z... K... et Madame J... R... la somme de 40.512,25 euros à titre d'indemnisation de leur préjudice représentant le coût des travaux nécessaires pour mettre fin à la prolifération des rhizomes.

- AU MOTIF QUE Le jugement condamne Madame D... N... au paiement d'une indemnité correspondant aux travaux nécessaires pour éradiquer la prolifération des rhizomes de bambou sur la propriété de ses voisins. Madame D... N... soutient que les consorts K... /R... ont contribué à la survenance de leur préjudice en faisant obstacle aux interventions à leur domicile dans l'attente du jugement et en ne coupant pas les têtes de bambous, ce qui aurait été de nature à éviter leur prolifération. Madame Q... a constaté que des rhizomes des bambous de Madame D... N... étaient présents en grand nombre sur la propriété de Monsieur K... et Madame R... . Elle a préconisé pour y remédier :

-de procéder à un nettoyage complet sur plus de 0,40 m de profondeur des zones du jardin dans lesquels ils sont présents ;

_ de déposer les pierres de la terrasse sous laquelle ils se sont propagés ;

- d'édifier une barrière anti rhizomes de 0,80 m de profondeur clans le sol au moins dans la propriété de Madame D... N....

L'expert a précisé que ces travaux nécessitent la démolition puis la reconstruction de la palissade en panneaux de bois, de l'abri à bois et de la terrasse de Monsieur K... et Madame R... . Madame D... N... verse aux débats la lettre d'un entrepreneur jardinier qui préconise de poser une barrière anti rhizome et ajoute que pour éliminer les bambous indésirables il suffit de couper successivement les cannes de bambous ainsi que les nouvelles pousses; qu'il n'y aura plus de photosynthèse et que le rhizome n'étant plus alimenté en sève, il va se dessécher et mourir. Dès lors que cet avis d'un technicien préconise, comme l'expert, la pose d'une barrière anti rhizomes, pour mettre fin à la prolifération, il n'est pas suffisant pour attribuer aux consorts K... /R... une part de la responsabilité de leur préjudice du fait de n'avoir pas coupé régulièrement les cannes de bambou et les nouvelles pousses. En ce qui concerne les refus opposés par les consorts K... /R... aux interventions de techniciens, les attestations produites par Madame D... N... ne comportent aucune date sur les interventions proposées et ne permettent pas d'affirmer qu'elles ont été faites en temps utile pour prévenir le dommage. Dès lors, ces propositions ne sont pas de nature à permettre de reporter sur les consorts K... /R... une part de responsabilité dans la survenance de leur préjudice. Subsidiairement, Madame D... N... demande que l'indemnité allouée soit réduite à de plus justes proportions. Dans le cadre du rapport d'expertise, il a été communiqué deux devis et le premier juge a retenu le moins élevé des deux. Madame D... N... n'apporte aucun élément de nature à justifier que l'indemnité retenue est trop élevée au regard des travaux à accomplir. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné Madame D... N... au paiement de la somme de 40.512,25 € représentant le coût des travaux nécessaires pour mettre fin à la prolifération des rhizomes.

ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE L'article 1382 du code civil prévoit que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer. L'article 544 du code civil dispose que la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements. Monsieur Z... K... et Madame J... R... soulignent que les bambous prolifèrent sur leur propriété endommageant le cabanon existant. Ils ajoutent que cette prolifération a été relevée par l'expert qui a indiqué dans son rapport qu'il convenait de procéder au nettoyage complet de leur propriété pour y mettre fin. Madame P...-W... D... N... indique au soutien de ses demandes que l'expert a pu constater qu'elle avait procédé à la coupe de tous les bambous sur sa propriété. Elle ajoute qu'il lui est réclamé une somme astronomique et que certains postes de travaux ne devront pas être pris en compte par le tribunal. Elle demande ainsi à ce qu'il ne soit pas alloué une somme de 3.360 euros au titre de la création d'un abris à bois. Elle ajoute qu'il ne saurait être financé une dalle de béton d'une épaisseur de 10 cm alors même qu'aujourd'hui la terrasse ne repose pas sur une dalle béton. Elle demande donc la déduction d'une somme totale de 14.600 euros HT. En l'espèce, concernant les bambous et rhizomes, l'expert a relevé dans son rapport que :

page 8 : "des rhizomes des bambous de Madame D... N... sont présents en grand nombre sur la propriété de Monsieur K... et Madame R... "

page 9: "afin de supprimer les rhizomes présents dans la propriété de Monsieur K... et Madame R... , il sera nécessaire:

-de procéder à un nettoyage complet sur plus de 0,40 m de profondeur des zones du jardin dans lesquelles ils sont présents ;

-et de déposer les pierres de la terrasse sous lesquelles ils se sont propagés.

Les travaux d'enlèvement des rhizomes et de construction d'une barrière anti rhizomes nécessitent la démolition puis la reconstruction de la palissade en panneaux de bois (claustras), de l'abri à bois et de la terrasse de Monsieur K... et Madame R... . Le coût de ces travaux peut être évalué entre 48.000 euros TTC et 53.500 euros TIC". Il ressort de la lecture de ce rapport que l'expert a clairement mis en évidence l'existence des rhizomes des bambous de Madame D... N... sur la propriété de Monsieur Z... K... et Madame J... R... , rhizomes à l'origine d'un préjudice pour les demandeurs. Il est produit aux débats deux devis de montants respectifs de 53.353,20 euros TTC et 47.652,25 euros TTC établis pour l'enlèvement des rhizomes. Les demandeurs sollicitent du tribunal que leur indemnisation soit fixée sur le montant retenu par la SAS BRUNO COUCHOURON soit à un montant de 47.652,25 euros. C'est à bon droit que le défendeur relève que le devis prévoit la création d'une dalle de béton d'une épaisseur de 10 cm alors que cette dalle est inexistante aujourd'hui. Il convient dès lors de déduire de ce devis le montant de 3.780 euros correspondant à ce poste. Par ailleurs, il est également prévu la création d'un abri à bois d'environ 15 m2, création ne se justifiant également pas. Il convient donc de déduire également du devis la somme de 3.360 euros TTC. Au vu de ces éléments, Madame P... W... D... sera condamnée à payer à Monsieur Z... K... et Madame J... R... la somme de 47.652,25 - 3780 – 3360 = 40.512,25 euros.

1°)- ALORS QUE D'UNE PART lorsque l'action est fondée sur le trouble anormal de voisinage, les juges du fond doivent impérativement constater que les troubles invoqués excèdent, eu égard aux caractéristiques du milieu et notamment de la localisation des propriétés respectives des parties dans un secteur largement verdoyant et arboré qui en fait l'attrait, les troubles, considérés comme normaux entre voisin ; que faute d'avoir constaté que tel était le cas en l'espèce, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles régissant la réparation des troubles anormaux de voisinage, ensemble 544 du code civil ;

2°)- ALORS QUE D'AUTRE PART la faute de la victime a pour effet de la priver partiellement ou totalement de son droit à réparation ; que Mme D... N... soutenait, dans ses conclusions d'appel (p 4 et s), que les consorts K... R... n'avaient jamais entretenu leur jardin qui était une véritable friche, qu'ils avaient toujours interdit à Mme D... N... de faire intervenir un entrepreneur et qu'ils avaient laissé volontairement croitre les rhizomes de bambous présent sur leur propriété sans effectuer la moindre coupe des têtes de bambous, ce qui aurait permis d'endiguer le phénomène, aucune pousse de bambous ne se trouvant sur la propriété de Mme D... N... ; qu'en déclarant Mme D...-N... seule responsable de l'existence des rhizomes des bambous sur la propriété voisine sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les Consorts K... R... ne s'étaient pas rendu coupable d'une négligence susceptible d'exonérer totalement ou, à tout le moins partiellement, l'exposante de la responsabilité qui lui est imputée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 544 et 1382 ancien du Code civil .

3°)- ALORS, DE TROISIEME PART, QUE subsidiairement les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; que la mesure ordonnée pour faire cesser un trouble anormal de voisinage doit être proportionnée à ce qui est strictement nécessaire à la cessation de ce trouble ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour que l'expert avait précisé que les travaux nécessitaient la démolition puis la reconstruction de la palissade en panneaux de bois, de l'abri de bois et de la terrasse des consorts K... N... , raison pour laquelle la cour a, par adoption de motifs, supprimé du devis de la SAS A... G... la création d'une dalle en béton de 10 cm ainsi que la création d'un abri à bois de 15 m² d'un montant respectif de 3.780 € et de 3.360 € ; que l'expert n'avait notamment pas prévu la création d'un mur en stepoe (blocs creux remplis de béton hauteur moyenne 1,16 m y compris semaille ferraillée largeur 0,70, épaisseur 0,20 m) prévu dans le devis de la SAS A... G... pour un montant de 7.541,10 €, lequel n'existait pas à l'origine et n'était nullement justifié comme le faisait valoir Mme D... N... dans ses conclusions d'appel n° 2 (p 5) ; qu'en fixant néanmoins le montant du préjudice des consorts K... R... à la somme de 40.512,25 € comprenant la création d'un mur en stepoe qui n'existait pas, la Cour d'Appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale et l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

4°)- ALORS QU'ENFIN le juge ne peut dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'il résulte du devis de la SAS A... Couchouron que la création de la dalle de 10 cm s'élevait à la somme de 3.780 € Hors Taxes et celle de la création d'un abris de bois à la somme de 3.360 € Hors taxes le montant total du devis HT étant de 39.710,21 € et le montant TTC de 47.652,25 € ; qu'en décidant de déduire les sommes de 3.780 € et de 3.360 € toutes taxes comprises du montant total TTC de 47.652,25 €, alors que ces sommes étaient indiquées hors taxes et qu'il convenait d'y ajouter une TVA de 20 % la cour d'appel a dénaturé le devis susvisé, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-18415
Date de la décision : 10/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 06 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 10 oct. 2019, pourvoi n°18-18415


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.18415
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