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10/10/2019 | FRANCE | N°18-17877

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 octobre 2019, 18-17877


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de l'Ile de France de ce qu'elle se désiste au profit du ministre chargé de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mars 2018), que la société « Les Editions de l'Olivier » (la société) a fait l'objet d'un contrôle portant sur les années 2008 et 2009 par l'Urssaf de l'Ile de France (l'URSSAF), ayant donné lieu à une lettre d'observations du 1er février 2011 visan

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de l'Ile de France de ce qu'elle se désiste au profit du ministre chargé de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mars 2018), que la société « Les Editions de l'Olivier » (la société) a fait l'objet d'un contrôle portant sur les années 2008 et 2009 par l'Urssaf de l'Ile de France (l'URSSAF), ayant donné lieu à une lettre d'observations du 1er février 2011 visant plusieurs chefs de redressement dont l'affiliation au régime général de deux directeurs de collection, ainsi que la réintégration dans l'assiette des cotisations sociales des rémunérations qui leur ont été versées ; qu'après avoir saisi la commission de recours amiable, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'après avoir énoncé dans ses motifs que la rémunération de directeurs de collection devait s'analyser en droit d'auteur soumis à cotisations auprès du régime spécifique de l'AGESSA, l'arrêt a confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale qui avait jugé que ceux-ci n'avaient pas la qualité d'auteurs sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 en exécution de leur contrat de directeurs de collection :

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif et violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unqiue du pourvoi incident :

Vu l'article 14 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour rejeter le recours de l'URSSAF, l'arrêt retient que M. B... et M. H..., en tant que directeurs de collection faisant oeuvre de création, rémunérés par un pourcentage sur les ventes sans être en situation de subordination avec la société, doivent être considérés comme co-auteurs d'une oeuvre qu'ils ont concouru à créer ou à mettre au point ; que leur rémunération doit s'analyser en un droit d'auteur soumis à cotisations auprès du régime spécifique des auteurs géré par l'AGESSA ;

Qu'en statuant ainsi, sans que soient appelés dans la cause les directeurs de collection, alors qu'elle était saisie d'un litige portant sur la qualification des relations de travail liant ces derniers à la société, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 23 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composé ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Ile-de-France, demandeur au pourvoi principal.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait constaté que Messieurs C... H... et J... B... n'avaient pas la qualité d'auteurs sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 en exécution de leur contrat de directeur de collections, constaté que l'URSSAF d'Ile de France venant aux droits de l'URSSAF de Paris et de la région parisienne ne démontrait pas qu'ils étaient salariés de la société Les Editions de l'Olivier, annulé le redressement opéré au titre de l'assujettissement de Messieurs C... H... et J... B... au régime général de sécurité sociale, invité l'AGESSA à procéder au remboursement des cotisations sociales indûment versées sur présentation des décomptes établis par la société faisant état du détail du trop versé par période et par nature de cotisations ; et d'AVOIR en conséquence débouté l'URSSAF d'Ile de France de ses demandes,

AUX MOTIFS QUE « Considérant les dispositions de l'article L 311-2 du code de la sécurité sociale dont il résulte qu'en matière d'assurance sociale, sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ; Considérant que l'assujettissement au titre des salaires au régime général est donc obligatoire lorsqu'il existe un contrat de travail, une rémunération et un lien de subordination ; Considérant les dispositions de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale prévoient qu'en matière de cotisations assises sur les rémunérations, sont soumises à cotisations sociales toutes les sommes versées aux salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail ; Considérant les dispositions de l'article R 382-2 du code de la sécurité sociale dont il résulte que le directeur de collection n'entre pas en tant que tel dans le champ d'application du régime de sécurité sociale des auteurs, cette profession n'étant pas prévue par ce texte ; Considérant que l'AGESSA distingue trois catégories de collections, avec des modalités d'affiliation différentes ; Qu'elle distingue ainsi, comme relevant du régime de sécurité sociale des auteurs, sous réserve de l'examen des conditions réelles d'activité, les collections qui mentionnent de façon explicite sur la page de titre, voire sur la jaquette, le nom du directeur de la collection dont dépendent exclusivement le choix des auteurs, les sujets traités ou encore l'agrément des manuscrits; Considérant que dans le cadre du régime des artistes auteurs, doivent être caractérisés les éléments d'un travail de création ; que l'oeuvre de l'esprit se définit par le seul critère de l'originalité, ce qui implique, que pour bénéficier de la protection légale, cette oeuvre doit porter l'empreinte de la personnalité de son auteur; Considérant toutefois que l'AGESSA admet que le directeur de collection ne fasse pas directement preuve de création dès lors qu'il participe réellement à un travail de réécriture des ouvrages, à la rédaction des préfaces et des notes ; Considérant qu'en l'espèce, selon son « contrat de directeur de collection », Monsieur B... devait diriger une ou plusieurs collections sous l'enseigne « Editions de l'Olivier »; Que son rôle était ainsi défini : « (M. B...) s'engage notamment : à assurer un nombre de parution compris entre 15 et 25, à organiser en toute liberté, avec l'un ou l'autre des lecteurs choisi par lui pour leur compétence, le premier tri de la lecture des ouvrages à retenir, à effectuer en cas de besoin la rédaction des préfaces, notes et réécriture éventuelle, à donner des recommandations aux cadres de l'entreprise pour une définition complète de l'ouvrage dont il contrôle la réalisation jusqu'au BAT. D'une façon générale le Directeur de Collection détermine le choix, la conception, la rédaction des ouvrages de collection qu'il dirige ». Considérant que selon le contrat de Monsieur H..., ce dernier devait diriger la collection « Soul Fiction » ; Que son rôle était ainsi défini : « Le directeur de collection s'engage à assurer un rythme de parution de trois à quatre titres par an, à effectuer en cas de besoin la rédaction des préfaces, notes et réécritures, à participer à l'établissement, au contrôle et au choix des illustrations, à effectuer toute modification nécessaire à la publication, à revoir la traduction des ouvrages étrangers, Le directeur s'engage à organiser en toute liberté avec l'un ou l'autre des lecteurs choisis par lui pour leur compétence, le premier tri de la lecture des ouvrages à retenir , d'une façon générale, le Directeur de Collection détermine le choix, la conception, la rédaction des ouvrages de collection qu'il dirige » Considérant que Messieurs B... et H... soutiennent que leurs fonctions telles que définies ci-dessus démontrent que les directeurs participaient à la conception et à la réalisation des ouvrages puisqu'ils réécrivaient des chapitres, rédigeaient les préfaces ; Considérant qu'il y a contrat de travail quand une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération ; Qu'en l'espère, la société versait à Messieurs B... et H... une rémunération proportionnelle à leur activité de création ; Qu'en effet le contrat de Monsieur B... en son article 4 stipule que : « la rémunération du Directeur de collection est versée sur la base du chiffre d'affaires annuel évalué au prix public HT des ouvrages parus en édition courante : 2 % jusqu'à un chiffre d'affaires de 25.000.000 francs et 0,5 % au-delà ; sur la base du chiffre d'affaires annuel évalué au prix public HT des ouvrages parus en édition de poche, 1 % ; monsieur B... perçoit également un minimum garanti sur droits de Directeur de collection à concurrence de 240 000 francs par an ». Que le contrat précise que : « ces droits ne s'appliquent pas aux ouvrages dont le Directeur de collection est intégralement l'auteur » ; Considérant que le contrat de monsieur H... en son article 6 stipule que : « le Directeur de collection reçoit une rémunération égale à 1 % du prix public HT en édition courante pour chaque exemplaire définitivement vendu des livres de la collection publiés ; sera également perçu un à valoir surdroits de directeur de collection de trois mille francs pour chaque titre dont le projet est accepté par l'éditeur » ; Que le contrat précise que : « ces droits ne s'appliquent pas aux ouvrages dont le Directeur de collection est intégralement l'auteur ou le co-auteur » ; Que ces rémunérations ont été assujetties aux cotisations et contributions du régime des auteurs ; Mais qu'il convient de rechercher si Messieurs B... et H... étaient dans un lien de subordination à l'égard de la société Les Editions de l'Olivier lorsqu'ils exerçaient leurs fonctions ; Considérant que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements ; Considérant que Monsieur B... a un signé un contrat de directeur de collection avec les Editions du Seuil le 2 janvier 1996 pour diriger plusieurs collections indépendantes sous l'enseigne « Editions de l'Olivier » ; que le 1er février 2006 la société les Editions de l'Olivier est devenu une entité juridique distincte des Editions du Seuil ; qu'après la filialisation Monsieur B... a pris la direction de la société Les Editions de l'Olivier en qualité de mandataire social ; Qu'il en résulte que la qualité de mandataire social de Monsieur B..., qu'il avait déjà lors de la période contrôlée, exclut tout lien de subordination ; Qu'en conséquence le redressement opéré au titre de l'assujettissement de Monsieur B... est injustifié et doit être annulé ; Considérant qu'il ressort de la lettre du 2 janvier 2014 versée aux débats que Monsieur H... a créé la collection Soul Fiction aux Etats-Unis en 1995 alors nommée « Old School Books »; puis l'a vendue aux Editions de l'Olivier ; Considérant qu'il précise avoir été en charge du choix des photos figurant en couverture de chaque ouvrage, de la rédaction des quatrièmes de couverture, de l'écriture de plusieurs préfaces, et de la révision des traductions sans que l'éditeur ne lui donne aucune instruction ni directive, ni ne lui impose de thème éditorial particulier ; Qu'il résulte de la définition même de ses fonctions dans le contrat susvisé et des conditions elles-mêmes dans lesquelles il exerçait lesdites fonctions, que Monsieur H... organisait son travail en toute liberté ; Considérant qu'il effectuait des tâches circonscrites, non dans l'entreprise, mais à son propre domicile, le soir ou le week-end sans qu'aucun horaire ne lui soit imposé ; Que les délais d'exécution du travail étaient décidés d'un commun accord, par téléphone ou lors de déjeuners, que ces échanges ne suffisent pas à prouver que l'intéressé était intégré dans un service organisé, dès lors qu'ils rentraient dans le cadre de ses obligations contractuelles de participation avec l'éditeur au contrôle et au choix des illustrations ; Qu'en conséquence Monsieur H... n'était soumis à aucun horaire de travail, ne rendait compte à personne de ses activités, sa seule obligation étant de respecter un rythme de parution de trois à quatre titres par an et l'éditeur ne contrôlait pas son travail, Considérant que l'existence d'une clause de non-concurrence dans le contrat ne permet pas plus de faire la preuve de l'existence d'une relation salariale ; Qu'en effet, cette clause n'avait pour objectif que d'interdire au directeur de collection de créer ou diriger chez un éditeur concurrent une collection susceptible de concurrencer la collection Soul fiction et ne lui interdisait pas d'avoir en propre une activité de même nature ; que d'ailleurs Monsieur H... était également reporter salarié pour Le Monde durant le temps où il a collaboré avec la Société Editions de l'Olivier ; qu'il précise que sa tâche de directeur de collection était compatible avec un travail de reporter salarié dés lors que la société Editions de l'Olivier ne lui imposait aucune heure de présence et ne lui confiait que des tâches limitées ; Considérant enfin que le délai de préavis de trois mois énoncé à l'article 7 du contrat de Monsieur H... et l'article 5 du contrat de Monsieur B..., applicable dans l'hypothèse où l'une des parties veuille mettre fin au contrat, ne peut être assimilé au délai congé prévu par le code du travail ; qu'il s'agit d'un simple délai de prévenance permettant d'éviter les conséquences d'une rupture brutale de la collaboration ; Qu'en conséquence, il convient de considérer que Messieurs B... et H..., en tant que directeurs de collection faisant oeuvre de création, rémunérés par un pourcentage sur les ventes sans être en situation de subordination avec la société, doivent être considérés comme co-auteurs d'une oeuvre qu'ils ont concouru à créer ou à mettre au point ; que leur rémunération doit s'analyser en un droit d'auteur soumis à cotisations auprès du régime spécifique des auteurs l'AGESSA »,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Néanmoins, pour que l'assujettissement au régime général de la sécurité sociale soit retenu, il appartient à l'URSSAF de démontrer que l'activité de directeur de collection de Monsieur H... était exercée sous un lien de subordination avec les éditions de l'Olivier. Or, aucun élément ne permet de caractériser l'existence de lien de subordination. Il n'est pas établi que les Editions de l'Olivier mettaient à la disposition de Monsieur H... un bureau ou du matériel. La seule mention au contrat de l'existence d'un délai de préavis ne suffit pas à caractériser le lien de subordination, les parties s'étant contentées de réglementer les conséquences de la rupture de leurs relations contractuelles. En dehors du nombre de publication par an, Monsieur H... n'avait aucune contrainte et choisissait en toute liberté et de façon autonome les ouvrages à publier. Les témoignages de Messieurs H... et B... démontrent que l'intéressé n'avait aucun compte à rendre et que des contacts informels par téléphone ou au restaurant permettaient à Monsieur H... d'informer Monsieur B... de l'avancée de son travail qu'il effectuait sur son temps libre alors qu'il est salarié du quotidien Le Monde et régulièrement amené à se rendre à l'étranger, aux Etats Unis notamment. Ces éléments ne caractérisent pas l'existence d'un service organisé sous le contrôle de la société. Dans ces conditions, le redressement opéré par l'URSSAF qui a consisté à requalifier en salaires les sommes perçues par Monsieur H... est mal fondé et il sera annulé. [
]Il n'en demeure pas moins qu'aucun lien de subordination n'est caractérisé par l'URSSAF d'Ile de France pour justifier une requalification en salaires. En effet, depuis que les Editions de l'Olivier sont devenues une filiale des Editions du Seuil et que Monsieur B... assure la direction de cette filiale, il apparaît difficile de caractériser un quelconque lien de subordination. Monsieur B... choisit en totale liberté les auteurs et les ouvrages des collections de sa maison d'édition. Il n'est pas rapporté la preuve qu'il rend des comptes aux Editions du Seuil. Les seules mentions qui figurent à son contrat de travail concernant les conditions de la rupture de son contrat ne suffisent pas à démontrer l'existence d'un lien de subordination alors que les parties se sont contentées de réglementer les conséquences d'une rupture du contrat. Dans ces conditions, le redressement opéré par l'URSSAF qui a consisté à requalifier en salaires les sommes perçues par Monsieur H... est mal fondé et il sera annulé. L'AGESSA procédera donc au remboursement des cotisations sociales indûment versées sur présentation des décomptes établis par la société faisant état du détail du trop versé par période et par nature de cotisations. »

1/ ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que le juge ne saurait procéder par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer que la rémunération de Messieurs B... et H... devait s'analyser en un droit d'auteur soumis à cotisations auprès du régime spécifique des auteurs l'AGESSA sans en justifier, la cour d'appel a procédé par voie de simple affirmation et violé l'article 455 du code de procédure civile,

2/ ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une contradiction de motifs ; qu'en considérant, dans les motifs de sa décision, que la rémunération de Messieurs B... et H... devait s'analyser en un droit d'auteur soumis à cotisations auprès du régime spécifique des auteurs l'AGESSA, puis, en confirmant, dans le dispositif de celle-ci le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale qui avait constaté que Messieurs H... et B... n'avaient pas la qualité d'auteurs sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 en exécution de leur contrat de directeur de collections, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3/ ALORS QUE les mentions du procès-verbal des agents de contrôle, dont la lettre d'observations est un élément constitutif, font foi jusqu'à preuve contraire ; qu'en l'espèce, l'inspecteur du recouvrement avait énoncé dans la lettre d'observations que les rémunérations versées à Messieurs B... et H... avaient été assujetties à tort aux cotisations et contributions du régime des auteurs et relevaient en réalité du régime général de la sécurité sociale ; que, si la société entendait contester ce redressement, il lui appartenait de rapporter la preuve de ce que ces rémunérations ne répondaient pas aux conditions posées pour donner lieu à un assujettissement au régime général de sécurité sociale ; qu'en énonçant qu'il appartenait à l'URSSAF de démontrer que l'activité de directeur de collection de Monsieur H... était exercée sous un lien de subordination avec les éditions de l'Olivier (jugement p. 11§3) et qu'aucun lien de subordination n'était caractérisé par l'URSSAF d'Ile de France pour justifier une requalification en salaires (jugement p.13 dernier paragraphe), la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 devenu 1353 du code civil,

4/ ALORS QUE le lien de subordination juridique est établi par la caractérisation de l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que la qualité de mandataire social n'est pas exclusive de l'existence d'un lien de subordination dès lors que l'exercice de fonctions techniques distinctes est constaté ; qu'en excluant tout lien de subordination entre la société et M. B... au motif inopérant de sa qualité de mandataire social sans rechercher dans quelles conditions il accomplissait son travail technique indépendant de ses fonctions de mandataire social la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale,

5/ ALORS QUE le travail au sein d'un service organisé au profit d'une entreprise avec laquelle est conclu un contrat prévoyant une clause de non concurrence et un préavis en cas de rupture des relations contractuelles caractérise l'existence d'un contrat de travail peu important l'absence d'horaires imposés et l'autonomie technique du travailleur ; qu'en affirmant que M. H... organisait son travail en toute liberté (arrêt p. 5§10) et effectuait des tâches à son propre domicile sans qu'aucun horaire ne lui soit imposé (arrêt p. 5§11) pour en tirer l'absence de contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 et L. 311-2 du code de la sécurité sociale. Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, société Editions de l'Olivier, demandeur au pourvoi incident.

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a confirmé le jugement ayant dit que l'Urssaf d'Ile de France ne démontre pas que MM. B... et H... étaient salarié de la société Editions de l'Olivier et annulé le redressement opéré au titre de l'assujettissement de MM. B... et H... au régime général de la sécurité social ;

AUX MOTIFS QUE « considérant les dispositions de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale dont il résulte qu'en matière d'assurance sociale, sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quelques soit le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ; considérant que l'assujettissement au titre des salaires au régime général est donc obligatoire lorsqu'il existe un contrat de travail, une rémunération et un lien de subordination ; considérant les dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale prévoient qu'en matière de cotisations assises sur les rémunérations, sont soumises à cotisations sociales toutes les sommes versées aux salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail ; considérant les dispositions de l'article R. 382-2 du code de la sécurité sociale dont il résulte que le directeur de collection n'entre pas en tant que telle dans le champ d'application du régime de sécurité sociale des auteurs, cette profession n'étant pas prévue par ce texte ; que l'AGESSA distingue trois catégories de collections, avec des modalités d'affiliation différentes ; qu'elle distingue ainsi, comme relevant du régime de sécurité sociale des auteurs, sous réserve de l'examen des conditions réelles d'activité, les collections qui mentionnent de façon explicite sur la page de titre, voir sur la jaquette, le nom du directeur de la collection dont dépend exclusivement le choix des auteurs, les sujets traités ou encore l'agrément des manuscrits ; que dans le cadre du régime des artistes auteurs, doivent être caractérisés les éléments d'un travail de création ; que l'oeuvre de l'esprit se définit par le seul critère de l'originalité, ce qui implique, que pour bénéficier de la protection légale, cette oeuvre doit porter l'empreinte de la personnalité de son auteur ; que l'AGESSA admet toutefois que le directeur de collection ne fasse pas directement preuve de création des lorsqu'il participe réellement à un travail de réécriture des ouvrages, à la rédaction des préfaces et des notes ; qu'en l'espèce, selon son « contrat de directeur de collection », M. B... devait diriger une ou plusieurs collections sous l'enseigne « Editions de l'Olivier » ; que son rôle était ainsi défini : « (M. B...) s'engage notamment : à assurer un nombre de parutions comprises entre 15 et 25, organiser en toute liberté, avec l'un ou l'autre des lecteurs choisis par lui pour leur compétence, le premier tri de la lecture des ouvrages à retenir, à effectuer en cas de besoin la rédaction des préfaces notes et réécritures éventuelles, à donner des recommandations aux cadres de l'entreprise pour une définition complète de l'ouvrage dont il contrôle la réalisation jusqu'au BAT. D'une façon générale, le directeur de collection détermine le choix, la conception, la rédaction des ouvrages de collection qui dirige » ; que selon le contrat de M. H..., ce dernier devait diriger la collection « Soul Fiction » ; que son rôle était ainsi défini : « le directeur de collection s'engage à assurer un rythme de parution de trois à quatre titres par an, à effectuer en cas de besoin la rédaction des préfaces, notes et réécritures, à participer à l'établissement, au contrôle et au choix des illustrations, à effectuer toute modification nécessaire à la publication, à revoir la traduction des ouvrages étrangers ; le directeur s'engage à organiser en toute liberté avec l'un ou l'autre des lecteurs choisis par lui pour leur compétence, le premier tri de la lecture des ouvrages à retenir, d'une façon générale, le directeur de collection détermine le choix, la conception, la rédaction des ouvrages de collection qui dirige » ; que MM. B... et H... soutiennent que leurs fonctions telles que définies ci-dessus démontrent que les directeurs participent à la conception et à la réalisation des ouvrages puisqu'ils réécrivaient des chapitres, rédigeaient des préfaces ; qu'il y a contrat de travail quand une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération ; qu'en l'espèce, la société versait à MM. B... et H... une rémunération proportionnelle à leur activité de création ; qu'en effet le contrat de M. B... dans son article 4 stipule que : « la rémunération du directeur de collection est versée sur la base du chiffre d'affaires annuel évalué au prix public HT des ouvrages parus en édition courante : 2 % jusqu'à un chiffre d'affaires de 25.000.000 francs et 0,5 % au-delà ; sur la base du chiffre d'affaires annuel évalué au prix public HT des ouvrages parus en édition de poche, 1 % ; M. B... perçoit également un minimum garanti sur droits du directeur de collection à concurrence de 240.000 francs par an » ; que le contrat précise que : « ces droits ne s'appliquent pas aux ouvrages dont le directeur de collection est intégralement l'auteur » ; que le contrat de M. H... en son article 6 stipule que : « le directeur de collection reçoit une rémunération égale à 1 % du prix public HT en édition courante pour chaque exemplaire définitivement vendu des livres de la collection publiée ; sera également perçu un à valoir sur droits de directeur de collection de 3.000 francs pour chaque titre dont le projet est accepté par l'éditeur » ; que le contrat précise que : « ces droits ne s'appliquent pas aux ouvrages dont le directeur de collection est intégralement l'auteur ou le coauteur » ; que ces rémunérations étaient assujetties aux cotisations et contributions du régime des auteurs ; qu'il convient de rechercher si Messieurs B... et H... étaient dans un lien de subordination à l'égard de la société Editions de l'Olivier lorsqu'ils exerçaient leurs fonctions ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements ; que Monsieur B... a signé un contrat de directeur de collection avec les Editions du Seuil le 2 janvier 1996 pour diriger plusieurs collections indépendantes sous l'enseigne « Editions de l'Olivier » ; que le 1er février 2006 la société Editions de l'Olivier est devenu une entité juridique distincte des Editions du Seuil ; qu'après la filialisation, Monsieur B... a pris la direction de la société Editions de l'Olivier en qualité de mandataire social ; qu'il en résulte que la qualité de mandataire social de Monsieur B..., qu'il avait été déjà lors de la période contrôlée, exclut tout lien de subordination ; qu'en conséquence, le redressement opéré au titre de l'assujettissement de Monsieur B... est injustifié et doit être annulé ; qu'il ressort de la lettre du 2 janvier 2014 versée aux débats que Monsieur H... a créé la collection Soul Fiction aux Etats-Unis en 1995 alors nommée « Old School Books » puis l'a vendu aux Editions de l'Olivier ;
qu'il précise avoir été en charge du choix des photos figurant en couverture de chaque ouvrage, de la rédaction des quatrièmes de couverture, de l'écriture de plusieurs préfaces, et de la révision des traductions sans que l'éditeur ne lui donne aucune instruction ni directive, ni ne lui impose de thème éditorial particulier ; qu'il en résulte de la définition même de ses fonctions dans le contrat susvisé et des conditions elles-mêmes dans lesquelles il exerçait lesdites fonctions, que Monsieur H... organisait son travail en toute liberté ; qu'il effectuait des tâches circonscrites, non dans l'entreprise, mais à son propre domicile, le soir ou le week-end sans qu'aucun horaire ne lui soit imposé ; que les délais d'exécution du travail étaient décidés d'un commun accord, par téléphone ou lors de déjeuners, que ces échanges ne suffisent pas à prouver que les l'intéressé était intégré dans un service organisé, dès lors qu'ils entraient dans le cadre de ses obligations contractuelles de participation avec l'éditeur au contrôle et au choix des illustrations ; qu'en conséquence Monsieur H... n'était soumis à aucun horaire de travail, ne rendait compte à personne de ses activités, sa seule obligation étant de respecter un rythme de parution de trois à quatre titres par an et l'éditeur ne contrôlait pas son travail ; que l'existence d'une clause de non-concurrence dans le contrat ne permet pas plus de faire la preuve de l'existence d'une relation salariale ; qu'en effet, cette clause n'avait pour objectif que d'interdire au directeur de collection de créer ou diriger chez un éditeur concurrent une collection susceptible de concurrencer la collection Soul Fiction et ne lui interdisait pas d'avoir en propre une activité de même nature ; que d'ailleurs Monsieur H... était également reporter salarié pour Le Monde durant le temps où il a collaboré avec la société Editions de l'Olivier ; qu'il précise que sa tâche de directeur de collection était compatible avec un travail de reporter salarié dès lors que la société Editions de l'Olivier ne lui imposait aucune heure de présence et ne lui confiait que des tâches limitées ; que le délai de préavis de trois mois énoncé à l'article 7 du contrat de Monsieur H... et l'article 5 du contrat de Monsieur B..., applicable dans l'hypothèse où l'une des parties veuille mettre fin au contrat, ne peut être assimilé au délai congé prévu par le code du travail ; qu'il s'agit d'un simple délai de prévenance permettant d'éviter les conséquences d'une rupture brutale de la collaboration ; qu'en conséquence, il convient de considérer que Messieurs B... et H... en tant que directeurs de collection faisant oeuvre de création, rémunérés par un pourcentage sur les ventes sans être en situation de subordination avec la société, doivent être considérés comme co-auteurs d'un oeuvre qu'ils ont concouru à créer ou à mettre au point ; que leur rémunération doit s'analyser en un droit d'auteur soumis à cotisations auprès du régime des auteurs de l'AGESSA » ;

ALORS QUE nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée et l'inobservation de cette règle d'ordre public doit être relevée d'office ; qu'en statuant sur l'appel interjeté par l'Urssaf d'Ile de France, sans que celle-ci ait formé son appel à l'encontre de MM. B... et H..., pourtant parties en première instance, cependant que le litige, portant sur la qualification des relations liant MM. B... et H... à la société Editions de l'Olivier, ne pouvait être tranché sans la mise en cause de ces derniers, la cour d'appel a violé l'article 14 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-17877
Date de la décision : 10/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 oct. 2019, pourvoi n°18-17877


Composition du Tribunal
Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.17877
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