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10/10/2019 | FRANCE | N°18-17003

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 octobre 2019, 18-17003


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le troisième moyen :

Vu l'article L. 412-11 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 22 mars 2018), que, par
acte du 26 juillet 1996, le GFA Bois Hipel a donné à bail à ferme à la SCEA Princetown des bâtiments et parcelles ; que, par décision du 17 juin 2014, ces immeubles, vendus sur saisie immobilière, ont été adjugés à M. F... ; que la SCEA Princetown, devenue le Gaec Princetown, a exercé son droit de préemption ; que M. F... a assign

é le Gaec, transformé en EARL Princetown, en annulation de la préemption et confirmatio...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le troisième moyen :

Vu l'article L. 412-11 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 22 mars 2018), que, par
acte du 26 juillet 1996, le GFA Bois Hipel a donné à bail à ferme à la SCEA Princetown des bâtiments et parcelles ; que, par décision du 17 juin 2014, ces immeubles, vendus sur saisie immobilière, ont été adjugés à M. F... ; que la SCEA Princetown, devenue le Gaec Princetown, a exercé son droit de préemption ; que M. F... a assigné le Gaec, transformé en EARL Princetown, en annulation de la préemption et confirmation de l'adjudication à son profit ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient que M. J... est gérant du débiteur saisi, le GFA Bois Hipel, dont il détient 50 % des parts, qu'il était, à la date du jugement d'adjudication, gérant du Gaec Princetown, dont il détenait 50 % des parts, et qu'il est devenu, le 4 juillet 2014, le gérant et l'associé unique de l'EARL Princetown, ce qui lui a permis de se trouver à la fois débiteur saisi et preneur à bail, bénéficiaire du droit de préemption, et de conserver ainsi les biens saisis dans son patrimoine par l'interposition du Gaec Princetown ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser la fictivité du Gaec Princetown ni la confusion du patrimoine social avec celui de son gérant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les premier et deuxième moyens :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne M. F... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. F... et le condamne à payer à l'EARL Princetown la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Princetown.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a annulé le droit de préemption exercée par le GAEC PRINCETOWN, devenu l'EARL PRINCETOWN, le 4 juillet 2014 à la suite de l'adjudication du 17 juin 2014 et constaté que l'adjudication, intervenue au profit de Monsieur F... est définitive ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes de l'article R. 222-39 du code des procédures civiles d'exécution, dans le cadre d'une vente par adjudication, le débiteur saisi ne peut se porter enchérisseur, ni par lui-même ni par personnes interposées ; qu'en l'espèce, le GAEC Princetown ne s'est pas porté enchérisseur des biens saisis mais a exercé le droit de préempt ion dont il dispose en application de l'article L. 412-11 ; que l'exercice d'un droit peut dégénérer en abus en présence d'une fraude, laquelle ne se présume pas et implique que soit rapportée la preuve de ce que le droit de préemption a été exercé au détriment du tiers acquéreur dans le dessein exclusif de faire échec à la vente sur adjudication et de maintenir le bien saisi dans le patrimoine du débiteur saisi ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que M. J... est gérant du débiteur saisi, le GFA Bois Hipel, dont il détient 50% des parts ; qu'il est également constant qu'il était, à la date du jugement d'adjudication le 17 juin 2014, gérant du GAEC Princetown, dont il détenait 50% des parts et que postérieurement à la date de la signification du droit de préemption, le 4 juillet 2014, il est devenu le gérant et l'associé unique de l'EARL Princetown ; qu'il s'en déduit que l'exercice par le preneur du droit de préemption conduit à un détournement des dispositions de l'article 222-39 du CPCE dans la mesure où il a permis à M. J..., sous couvert de deux sociétés dont il est le gérant et possède la moitié des parts pour l'une et la totalité pour l'autre, de se trouver à la fois débiteur saisi et acquéreur et de conserver ainsi les biens saisis dans son patrimoine par l'interposition du GAEC Princetown ; qu'il en résulte que l'abus du droit de préemption est caractérisé et que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a déclaré nulle la préemption exercée et définitive l'adjudication prononcée au profit de M. F... le 17 juin 2014 » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'article R.322-39 du Code des Procédures Civiles dispose que ne peuvent se porter enchérisseurs, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées, notamment le débiteur saisi, qu'il est établi par les pièces produites (statuts, procèsverbaux d'assemblées générales et extraits kbis) qu'au 4 juillet 2014, date à laquelle le GAEC PRINCETOWN exerce son droit de préemption, Monsieur Y... J... est associé à 50% du GAEC avec sa fille D..., ainsi qu'associé à 50% du GFA BOIS HIPEL ; qu'en outre, postérieurement à l'acte de surenchère et avant que ne soit fixée une audience d'adjudication sur surenchère, les statuts du GAEC PRINCETON sont à nouveau modifiés par une assemblée générale du 9 octobre 2014, avec effet au 1" septembre 2014, pour en faire une EARL (PEARL PRINCEOWN), dont le seul associé et gérant est Monsieur Y... J... ; qu'il s'en déduit qu'il avait manifestement l'intention de se porter enchérisseur par le biais de cette nouvelle société, afin de faire échec à la saisie-immobilière et de conserver les biens saisi dans son patrimoine par l'intermédiaire de l'EARL PRINCETOWN dont il est l'unique associé, ce qui enfreint les dispositions de l'article ci-dessus rappelé » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, le propre de la préemption est de substituer l'auteur de la préemption à l'acquéreur, et notamment à l'enchérisseur, dans le cadre des obligations découlant de l'adjudication ; qu'à ce titre, l'annulation de la préemption supposait la présence des créanciers saisissants ; qu'en statuant en leur absence, les juges du fond ont violé l'articles 14 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, l'auteur de la préemption étant substitué à l'enchérisseur, l'annulation de la préemption supposait la présence du débiteur saisi dont le bien a été vendu ; qu'en statuant en son absence, les juges du fond ont violé l'article 14 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a annulé le droit de préemption exercée par le GAEC PRINCETOWN, devenu l'EARL PRINCETOWN, le 4 juillet 2014 à la suite de l'adjudication du 17 juin 2014 et constaté que l'adjudication, intervenue au profit de Monsieur F... est définitive ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes de l'article R. 222-39 du code des procédures civiles d'exécution, dans le cadre d'une vente par adjudication, le débiteur saisi ne peut se porter enchérisseur, ni par lui-même ni par personnes interposées ; qu'en l'espèce, le GAEC Princetown ne s'est pas porté enchérisseur des biens saisis mais a exercé le droit de préemption dont il dispose en application de l'article L. 412-11 ; que l'exercice d'un droit peut dégénérer en abus en présence d'une fraude, laquelle ne se présume pas et implique que soit rapportée la preuve de ce que le droit de préemption a été exercé au détriment du tiers acquéreur dans le dessein exclusif de faire échec à la vente sur adjudication et de maintenir le bien saisi dans le patrimoine du débiteur saisi ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que M. J... est gérant du débiteur saisi, le GFA Bois Hipel, dont il détient 50 % des parts ; qu'il est également constant qu'il était, à la date du jugement d'adjudication le 17 juin 2014, gérant du GAEC Princetown, dont il détenait 50% des parts et que postérieurement à la date de la signification du droit de préemption, le 4 juillet 2014, il est devenu le gérant et l'associé unique de l'EARL Princetown ; qu'il s'en déduit que l'exercice par le preneur du droit de préemption conduit à un détournement des dispositions de l'article 222-39 du CPCE dans la mesure où il a permis à M. J..., sous couvert de deux sociétés dont il est le gérant et possède la moitié des parts pour l'une et la totalité pour l'autre, de se trouver à la fois débiteur saisi et acquéreur et de conserver ainsi les biens saisis dans son patrimoine par l'interposition du GAEC Princetown ; qu'il en résulte que l'abus du droit de préemption est caractérisé et que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a déclaré nulle la préemption exercée et définitive l'adjudication prononcée au profit de M. F... le 17 juin 2014 » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'article R. 322-39 du Code des Procédures Civiles dispose que ne peuvent se porter enchérisseurs, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées, notamment le débiteur saisi, qu'il est établi par les pièces produites (statuts, procèsverbaux d'assemblées générales et extraits kbis) qu'au 4 juillet 2014, date à laquelle le GAEC PRINCETOWN exerce son droit de préemption, Monsieur Y... J... est associé à 50% du GAEC avec sa fille D..., ainsi qu'associé à 50% du GFA BOIS HIPEL ; qu'en outre, postérieurement à l'acte de surenchère et avant que ne soit fixée une audience d'adjudication sur surenchère, les statuts du GAEC PRINCETON sont à nouveau modifiés par une assemblée générale du 9 octobre 2014, avec effet au 1" septembre 2014, pour en faire une EARL (PEARL PRINCEOWN), dont le seul associé et gérant est Monsieur Y... J... ; qu'il s'en déduit qu'il avait manifestement l'intention de se porter enchérisseur par le biais de cette nouvelle société, afin de faire échec à la saisie-immobilière et de conserver les biens saisi dans son patrimoine par l'intermédiaire de l'EARL PRINCETOWN dont il est l'unique associé, ce qui enfreint les dispositions de l'article ci-dessus rappelé » ;

ALORS QUE, c'est une chose que de se porter enchérisseur dans le cadre d'une adjudication intervenue aux termes d'une procédure de saisie immobilière, cela en est une autre que de décider, postérieurement à l'adjudication, et en dehors de l'adjudication, de se substituer à l'enchérisseur par l'effet d'un droit de préemption ; que la décision de se porter enchérisseur et la décision d'exercer un droit de préemption, obéissent à des règles distinctes et autonomes les unes par rapport aux autres ; qu'en estimant abusif, ou encore frauduleux, l'exercice du droit de préemption comme révélant un contournement des règles régissant les enchères, les juges du fond ont commis une erreur de droit et violé les articles R. 322-39 du Code des procédures civiles d'exécution et L. 412-11 du Code rural et de la pêche maritime.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a annulé le droit de préemption exercée par le GAEC PRINCETOWN, devenu l'EARL PRINCETOWN, le 4 juillet 2014 à la suite de l'adjudication du 17 juin 2014 et constaté que l'adjudication, intervenue au profit de Monsieur F... est définitive ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes de l'article R. 222-39 du code des procédures civiles d'exécution, dans le cadre d'une vente par adjudication, le débiteur saisi ne peut se porter enchérisseur, ni par lui-même ni par personnes interposées ; qu'en l'espèce, le GAEC Princetown ne s'est pas porté enchérisseur des biens saisis mais a exercé le droit de préemption dont il dispose en application de l'article L. 412-11 ; que l'exercice d'un droit peut dégénérer en abus en présence d'une fraude, laquelle ne se présume pas et implique que soit rapportée la preuve de ce que le droit de préemption a été exercé au détriment du tiers acquéreur dans le dessein exclusif de faire échec à la vente sur adjudication et de maintenir le bien saisi dans le patrimoine du débiteur saisi ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que M. J... est gérant du débiteur saisi, le GFA Bois Hipel, dont il détient 50 % des parts ; qu'il est également constant qu'il était, à la date du jugement d'adjudication le 17 juin 2014, gérant du GAEC Princetown, dont il détenait 50% des parts et que postérieurement à la date de la signification du droit de préemption, le 4 juillet 2014, il est devenu le gérant et l'associé unique de l'EARL Princetown ; qu'il s'en déduit que l'exercice par le preneur du droit de préemption conduit à un détournement des dispositions de l'article 222-39 du CPCE dans la mesure où il a permis à M. J..., sous couvert de deux sociétés dont il est le gérant et possède la moitié des parts pour l'une et la totalité pour l'autre, de se trouver à la fois débiteur saisi et acquéreur et de conserver ainsi les biens saisis dans son patrimoine par l'interposition du GAEC Princetown ; qu'il en résulte que l'abus du droit de préemption est caractérisé et que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a déclaré nulle la préemption exercée et définitive l'adjudication prononcée au profit de M. F... le 17 juin 2014 » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'article R. 322-39 du Code des Procédures Civiles dispose que ne peuvent se porter enchérisseurs, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées, notamment le débiteur saisi, qu'il est établi par les pièces produites (statuts, procèsverbaux d'assemblées générales et extraits kbis) qu'au 4 juillet 2014, date à laquelle le GAEC PRINCETOWN exerce son droit de préemption, Monsieur Y... J... est associé à 50% du GAEC avec sa fille D..., ainsi qu'associé à 50% du GFA BOIS HIPEL ; qu'en outre, postérieurement à l'acte de surenchère et avant que ne soit fixée une audience d'adjudication sur surenchère, les statuts du GAEC PRINCETON sont à nouveau modifiés par une assemblée générale du 9 octobre 2014, avec effet au 1" septembre 2014, pour en faire une EARL (PEARL PRINCEOWN), dont le seul associé et gérant est Monsieur Y... J... ; qu'il s'en déduit qu'il avait manifestement l'intention de se porter enchérisseur par le biais de cette nouvelle société, afin de faire échec à la saisie-immobilière et de conserver les biens saisi dans son patrimoine par l'intermédiaire de l'EARL PRINCETOWN dont il est l'unique associé, ce qui enfreint les dispositions de l'article ci-dessus rappelé » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, le droit de préemption ne peut dégénérer en abus ou être le siège d'une fraude que s'il est constaté que le preneur en place, qui exploite le bien dans le cadre d'un bail rural, a décidé d'user de son droit de préemption non pas pour acquérir le bien en vue de son exploitation, mais en poursuivant une finalité étrangère ; que faute de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 412-11 du Code rural et de la pêche maritime et des règles régissant l'abus du droit de préemption ;

ET ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, sauf à constater que le GAEC PRINCETOWN, devenue l'EARL PRINCETOWN, était fictif, ou encore qu'il y avait confusion entre le patrimoine de Monsieur J... et le patrimoine du GAEC PRINCETOWN, devenue l'EARL PRINCETOWN, ce qui n'a pas été le cas, les juges du fond ne pouvaient constater que l'opération visait de permettre à Monsieur J... de conserver le bien dans son patrimoine puisqu'aussi bien, non seulement il n'a jamais été propriétaire du bien, mais le bien par hypothèse a été acquis, non pas par Monsieur J... mais par le GAEC PRINCETOWN ; qu'à cet égard également, l'arrêt doit être censuré pour violation de l'article L. 412-11 du Code rural et de la pêche maritime et des règles régissant l'abus du droit de préemption.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-17003
Date de la décision : 10/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 22 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 10 oct. 2019, pourvoi n°18-17003


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.17003
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