LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 18 mars 2016), que Mme W... veuve T..., M. J... T... et Mme D... T... (les consorts T...), venant aux droits d'Alain T..., propriétaires d'une parcelle cadastrée [...] , ont assigné Benjamin Y..., propriétaire voisin, en interdiction de passer sur leur fonds par un autre chemin que celui dont ils lui avaient accordé l'usage, conformément à un jugement du 4 juin 1991 ; que Mme O... veuve Y..., Mme Y... épouse I... et Mmes Elsie, A... et C... Y... (les consorts Y...), venant aux droits de Benjamin Y..., ont prétendu que les consorts T... n'étaient propriétaires que de la parcelle [...] , pour 16 ares et 23 centiares, et ont revendiqué la propriété de deux autres parcelles ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article 1351 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action en revendication des consorts Y..., l'arrêt retient que le jugement du 4 juin 1991 a fixé les limites de la parcelle [...] ayant appartenu à Alain T... et que le bornage effectué est conforme à cette décision ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une action en bornage n'a pas le même objet qu'une action en revendication de propriété, de sorte qu'une décision ayant fixé les limites d'un fonds et n'ayant pas eu à trancher la question de sa propriété, ne fait pas obstacle à une action en revendication, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande des consorts T... aux fins d'implantation, aux frais exclusifs des consorts Y..., des limites du passage dont l'usage leur avait été accordé, tel que déterminé dans le jugement du 4 juin 1991, l'arrêt retient que les consorts T..., qui ne sollicitent pas la confirmation du jugement déféré, n'ont pas repris cette demande que les premiers juges avaient accueillie ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les consorts T... avaient demandé la confirmation du jugement dont appel, en toutes ses dispositions, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour faire droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour les consorts Y....
- Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action en revendication exercée par les consorts Y... à l'encontre des consorts T... à l'effet de voir fixer la consistance exacte de leur propriété au vu des titres et tendant à l'annulation de l'acte notarié « rectificatif » du 14 avril 2006 établi par Me T... au profit des consorts T..., et d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait enjoint aux consorts Y... de respecter la servitude de passage fixée par un précédent jugement du 4 juin 1991 et ordonné l'enlèvement du portail et de la clôture installés sur le terrain litigieux ;
aux motifs, sur l'action en revendication formée par les consorts Y..., qu'il résulte du jugement du 4 juin 1991 que le tribunal en décidant de « fixer les limites de propriété dans les termes du dispositif, cette demande étant accessoire à la servitude de passage de la compétence du tribunal de grande instance » a « dit que la parcelle appartenant à Alain T... cadastrée [...] lieudit Saint Gilles les Hauts à Saint Paul, délimitée par les points ABFQRE » ; qu'il n'est pas contesté que le bornage effectué le 3 février 1994 en exécution du jugement reflète exactement le plan établi par l'expert Eugène S..., d'autant que c'est l'intéressé qui y a procédé en présence des parties et dont les appelants soulignent dans leurs écritures qu'il a bien pris en considération leur titre ; en sorte que c'est par une exacte appréciation des circonstances de l'espèce que le premier juge a constaté que l'action en revendication de parcelles formées par les consorts Y... se heurtait à l'autorité de la chose jugée (arrêt p. 6) ;
alors qu'aux termes de l'article 1351 du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile, l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que pour déclarer irrecevable l'action en revendication des consorts Y..., la cour énonce que le jugement du TGI de Saint Denis du 4 juin 1991 (prod) avait fixé les limites de la propriété de M. T... quand il ressort au contraire du dispositif de ce jugement que le tribunal s'était borné à reconnaître au fonds enclavé de M. T... une servitude de passage sur le chemin existant ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour a violé les textes précités. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les consorts T....
Le moyen fait grief à la cour d'appel d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit que « les consorts T... pourront faire implanter les limites du passage déterminé dans le jugement du 4 juin 1991 aux frais exclusifs des consorts Y... »,
AUX MOTIFS QUE en cause d'appel, il y a lieu de constater que les consorts T..., qui ne demandent pas expressément la confirmation du jugement déféré, ne reprennent pas la demande à laquelle il avait été fait droit de les autoriser à faire implanter une clôture aux frais des consorts Y..., en limite de l'assiette de servitude de passage ; il convient par conséquent d'infirmer le jugement sur ce point ;
ALORS QUE les consorts T..., dans leurs conclusions du 10 septembre 2014, visées par la cour d'appel, ont demandé la confirmation du jugement entrepris, en toutes ses dispositions, ce que la cour d'appel a relevé dans l'arrêt attaqué (page 5 in fine) ; qu'en retenant néanmoins, pour infirmer le jugement entrepris quant à un chef du dispositif relatif à l'imputation des frais d'implantation de clôture aux consorts Y..., que les consorts T... n'avaient pas conclu expressément à la confirmation du jugement entrepris, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, tel que déterminé par les conclusions des consorts T..., violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble l'article 1103 du code civil ;