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09/10/2019 | FRANCE | N°17-16642

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 octobre 2019, 17-16642


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme C..., engagée le 7 avril 1975 par la société Le Crédit Lyonnais (la société) au sein de laquelle elle occupait en dernier lieu le poste de conseiller privé, a obtenu en 2011 la médaille d'honneur du travail pour trente-cinq années de service et en 2015 la médaille d'honneur du travail, échelon grand or, correspondant à quarante années de service ; que s'estimant victime d'une discrimination fondée sur l'âge découlant des dispositions transitoires d'un accord colle

ctif signé le 24 janvier 2011 au sein de la société et prévoyant de nouv...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme C..., engagée le 7 avril 1975 par la société Le Crédit Lyonnais (la société) au sein de laquelle elle occupait en dernier lieu le poste de conseiller privé, a obtenu en 2011 la médaille d'honneur du travail pour trente-cinq années de service et en 2015 la médaille d'honneur du travail, échelon grand or, correspondant à quarante années de service ; que s'estimant victime d'une discrimination fondée sur l'âge découlant des dispositions transitoires d'un accord collectif signé le 24 janvier 2011 au sein de la société et prévoyant de nouvelles modalités d'attribution des gratifications liées à l'obtention des médailles d'honneur du travail, elle a saisi le 14 avril 2015 la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une gratification liée à l'obtention de la médaille pour trente-cinq années de service et d'une demande de dommages-intérêts pour une discrimination ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1134-1 du code du travail ;

Attendu que selon le texte susvisé, lorsque survient un litige relatif à l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, le salarié présente des éléments de fait en laissant supposer l'existence et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que, dès lors, même lorsque la différence de traitement en raison d'un des motifs visés à l'article L. 1132-1 du code du travail résulte des stipulations d'une convention ou d'un accord collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, les stipulations concernées ne peuvent être présumées justifiées au regard du principe de non-discrimination ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'une somme correspondant à la gratification liée à l'obtention de la médaille d'honneur du travail pour trente-cinq années de service, dont elle soutenait avoir été privée en raison d'une discrimination liée à son âge, la cour d'appel a retenu que, s'agissant de l'application d'un accord collectif négocié et signé par des organisations syndicales représentatives, ces différences de traitement sont présumées justifiées et que la salariée ne démontrait pas que la différence de traitement dont elle faisait l'objet était étrangère à toute considération de nature professionnelle ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les stipulations transitoires de l'accord collectif du 24 janvier 2011 ne laissaient pas supposer l'existence d'une discrimination indirecte en raison de l'âge en privant les salariés ayant entre trente-six et quarante années de service au moment de l'entrée en vigueur de l'accord et relevant d'une même classe d'âge de la gratification liée à la médaille or du travail et, dans l'affirmative, si cette différence de traitement était objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime et si les moyens de réaliser ce but étaient nécessaires et appropriés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme C... de sa demande de paiement d'une somme de 2 727,39 euros au titre de la gratification correspondant à la médaille du travail échelon or, l'arrêt rendu le 16 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Le Crédit Lyonnais aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Le Crédit Lyonnais à payer à Mme C... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme C...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme C... de sa demande tendant à ce qu'il soit constaté que la Société Le Crédit Lyonnais avait violé l'ensemble des dispositions des articles L.1132-1, L.1133-1, L.3221-2 et L.3221-3 du code du travail, en conséquence, de l'AVOIR déboutée de sa demande tendant à obtenir la somme de 2727,39 euros correspondant à la gratification liée à l'obtention de la médaille d'honneur du travail, échelon or ;

AUX MOTIFS QUE : « Attendu que le 24 janvier 2011, l'employeur a signé avec les partenaires sociaux l'accord salarial 2011 qui modifie le dispositif de gratification liée à l'obtention de la médaille du travail en uniformisant le mode de calcul de son montant, quelque soit la médaille obtenue et en alignant le moment de son versement sur l'année d'obtention de la médaille ; que des dispositions transitoires étaient prévues pour les salariés qui, en application du nouveau dispositif, auraient dû percevoir une gratification au cours des 5 années précédentes et ne percevraient aucune gratification au cours des 5 années suivantes ; Qu'en l'espèce, la salarié invoque que le caractère discriminatoire et inéquitable des règles d'attributions définies par l'accord du 24 janvier 2011 sont discriminatoires au regard de l'âge, en ce que bénéficiant le 7 avril 2010 d'une ancienneté de 35 ans et détentrice le 14 juillet 2011 du diplôme de médaille d'honneur du travail, elle n'a pu bénéficier de la gratification ; Que l'article 6.2 de l'accord afférent aux dispositions transitoires dispose " il est convenu sous réserve de la transmission du diplôme de la médaille d'honneur du travail d'Etat correspondant, les salariés qui, en application du nouveau dispositif et à la date d'entrée en vigueur de ce dernier : - auraient dû percevoir une gratification au cours des cinq années précédentes, et, - ne percevront aucune gratification au cours des 5 prochaines années, bénéficieront du versement d'une gratification médaille d'honneur du travail d'Etat sur la base du montant prévu conformément au présent accord, sous réserve qu'ils ne perçoivent pas une gratification en application de l'ancien ou du nouveau dispositif au titre de la même médaille d'honneur du travail d'Etat " ; Que la salariée qui s'est vue attribuer la médaille du travail en 2011, pour 35 ans d'ancienneté acquis en 2010, a atteint 40 ans d'ancienneté en 2015, soit dans les 5 années suivant l'accord, et a reçu la gratification dénommée "grand or" ; que ne remplissant donc pas la deuxième condition de l'article 6.2, elle n'a pas bénéficié de la gratification "or" octroyée pour 35 ans d'ancienneté ; Que ceci étant, par application de l'ancien système, la salariée qui a quitté l'entreprise en 2016 n'aurait pu prétendre à l'octroi de la gratification "grand or" ; que la salariée n'allègue ainsi non une véritable discrimination liée à son âge mais une différence de traitement avec ses collègues admis au bénéfice de l'accord et de ses dispositions transitoires ; Que ce faisant, les différences de traitement entre salariés au titre de gratifications déterminées en fonction de la date d'entrée en vigueur d'un accord collectif, négocié et signé par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celle qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; Qu'ici, la salariée ne démontre, ni au demeurant n'allègue, que cette différence de traitement est étrangère à toute considération de nature professionnelle ; Que dès lors, faute de procéder à cette démonstration, la salariée ne peut qu'être déboutée de sa demande de ce chef ; ».

1) ALORS QUE, en déboutant Mme C... de sa demande alors que les règles issues de l'accord d'entreprise du 24 janvier 2011 prévoyant de nouvelles modalités d'attribution des gratifications liées à l'obtention des médailles d'honneur du travail affectaient plus particulièrement les carrières longues et donc les personnes les plus âgées de l'entreprise dès lors que celles-ci seraient nécessairement privés de l'une des gratifications cependant que les salariés les plus jeunes les percevraient toutes, ce dont il résultait une discrimination selon l'âge des salariés, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L.1132-1, L.1133-1, L.3221-2 et L.3221-3 du code du travail ;

2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en s'abstenant de rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si les règles issues de l'accord d'entreprise du 24 janvier 2011 prévoyant de nouvelles modalités d'attribution des gratifications liées à l'obtention des médailles d'honneur du travail affectaient plus particulièrement les carrières longues et donc les personnes les plus âgées de l'entreprise dès lors que cellesci seraient nécessairement privés de l'une des gratifications cependant que les salariés les plus jeunes les percevraient toutes, ce dont il résultait une discrimination selon l'âge des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1132-1, L.1133-1, L.3221-2 et L.3221-3 du code du travail ;

3) ALORS EN OUTRE QUE, en retenant, pour débouter Mme C... de sa demande, que celle-ci n'alléguait pas une véritable discrimination mais se prévalait d'une différence de traitement avec ses collègues admis au bénéfice de l'accord et de ses dispositions transitoires, cependant qu'à l'appui de sa demande, celle-ci avait précisément expliqué que l'accord d'entreprise du 24 janvier 2011 créait une discrimination fondée sur l'âge dès lors que seuls les salariés les plus âgés seraient privés de la possibilité de se prévaloir de quatre gratifications alors que les plus jeunes pourraient en bénéficier, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4) ALORS ENFIN QUE, en retenant encore, pour se déterminer comme elle l'a fait, que les différences de traitement instituées par voie d'accord collectif étaient présumées justifiées, cependant qu'était en cause une discrimination à raison de l'âge, la cour d'appel a derechef violé l'article L.1132-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que Mme C... avait été victime d'une discrimination fondée sur l'âge et d'AVOIR, en conséquence, ordonné à la Société LCL de promouvoir Mme C... à l'échelon H à compter du 1er janvier 2013, et condamné la Société LCL à lui verser diverses sommes subséquentes à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents ainsi que la somme de 8000 euros de dommages et intérêts au titre de la discrimination ;

AUX MOTIFS QUE : « Attendu qu'en l'espèce, le salarié soutient avoir été victime de discrimination salariale en raison de son âge, de son sexe et de son travail à temps partiel depuis le 1 er février 2003, ainsi que d'une inégalité de traitement dans l'évolution de sa carrière et sollicite à la suite sa promotion au statut de cadre niveau H ainsi que des prétentions salariales et réparatrices ; Que pour autant, l'examen de ses prétentions fondées sur les dispositions susvisées suppose préalablement déterminées les fonctions effectivement exercées par la salariée ; Que l'article 33-2 de la convention collective de la Banque, définit les fonctions de la catégorie des techniciens des métiers de banque ainsi que suit : "L'exercice des fonctions de cette catégorie nécessite une maîtrise opérationnelle d'une ou plusieurs techniques acquises par une expérience ou une formation adaptée. Il demande des capacités à résoudre un problème donné, des qualités relationnelles et d'adaptabilité et un certain niveau d'autonomie et de responsabilité. Les activités du technicien en termes de réponses apportées ou de solutions mises en oeuvre ont des répercussions sur la qualité de son unité et contribuent au bon fonctionnement de celle-ci. Certains techniciens peuvent en outre avoir une responsabilité d'animation, dans un cadre défini, faisant appel à une aptitude à organiser, à déléguer et à former. L'évolution de cette catégorie vers la catégorie des cadres implique que les salariés développent leur aptitude à concevoir, apprécier, décider et entreprendre." ; Que les emplois de techniciens, niveau G sont ensuite détaillés comme suit : "Emplois nécessitant une compétence professionnelle éprouvée et une aptitude, notamment pour les activités d'étude, à l'analyse et à la synthèse. Ces emplois se caractérisent par la responsabilité d'une activité commerciale, technique ou administrative impliquant dans certains cas une prise de décision et d'initiative dans le respect des règles en vigueur et nécessitant une capacité d'adaptation. Susceptibles d'être gestionnaires ou encadrants, ces salariés s'appuient sur une technicité à faire partager à d'autres collaborateurs grâce à leurs qualités relationnelles et pédagogiques.
Les titulaires de l'ITB ont vocation à être classés au niveau G, après une période probatoire en situation d'exercice effectif des responsabilités permettant la mise en oeuvre des connaissances acquises. Le refus d'un tel classement après un an de période probatoire doit faire l'objet d'une motivation circonstanciée." ; Que s'agissant des fonctions de cadre, la convention collective énonce : " L'exercice des fonctions de cadre demande une capacité à concevoir, apprécier, décider et entreprendre, des qualités relationnelles marquées, une aptitude à la créativité et à l'initiative ; ces capacités sont acquises par une expérience professionnelle affirmée et une formation appropriée. Leurs missions ont un impact financier ou stratégique important sur la marche de l'entreprise. Certains cadres occupent dans l'établissement une position hiérarchique qui leur confère une responsabilité de gestion sur un ensemble de personnels et de moyens matériels. Dans les limites de délégation dont ils sont investis, ils sont amenés à exercer tant des actions d'animation, de formation et de contrôle que de prévision, d'organisation et de coordination. Les définitions des différents niveaux de cadres doivent s'entendre, à un niveau donné, comme incluant les éléments qui contribuent aux définitions des niveaux précédents." ; Que le niveau H, relevant du statut cadre, intègre les "emplois comportant ou non l'animation d'une unité et se caractérisant par des responsabilités nécessitant la connaissance de techniques et d'usages complexes et/ou une compétence professionnelle confirmée; II peut s'agir : - de la gestion de tout ou partie d'une activité, d'une unité d'exploitation ou d'administration ; - de la réalisation d'études ou de prestations d'assistance, de conseil ou de contrôle." ; Qu'il ressort de l'évaluation annuelle année 2008 que les missions de la salariée exerçant en qualité de conseiller privé étaient ainsi définies : -gérer et développer un portefeuille de clients haut de gamme, -assurer le rôle d'interlocuteur pivot auprès de la clientèle haut de gamme avec ou sans mandat, -développer la relation clientèle en application de la politique commerciale et la politique qualité de LCL, -développer dans un aspect de conquête le portefeuille dont il a la responsabilité, -présenter aux conseillers Banque Privée les clients répondant à la cible ; Que la salariée ne produit aucune pièce établissant que depuis son affectation en 2007 au poste de conseiller privé à l'Agence de Cluses et ainsi à compter d'avril 2013, ses missions, relevant ainsi de l'emploi d'un technicien aient été, depuis, modifiées ; qu'ainsi, elle n'établit pas au regard de la liste de son emploi de gestion d'un portefeuille client qu'elle exerçait des "actions d'animation, de formation, de contrôle ou de prévision, d'organisation et de coordination", telles que définies par le statut de cadre niveau H ; Que ceci étant, pour étayer ses affirmations afférentes à la discrimination, elle produit : le procès-verbal de réunion de la séance plénière du comité d'établissement de la séance Rhône Alpes Auvergne en date des 28 et 29 avril 2010, -un tableau intitulé "emplois par niveau cible de classification (collaborateurs présents au 30 septembre 2014)", -un tableau de la durée dans le niveau par sexe en 2013, - un tableau des rémunérations brutes annuelles de l'effectif "actifs présents" au 30 septembre 2014 décilage des rémunérations par sexe et par niveau de classification, - 34 bulletins de paye de salariés de cadre niveau H, -un tableau comparatif des salaires versés aux conseillers privés statut cadre niveau H, -ses bulletins de salaire de décembre 2006, janvier et février 2007 et des années 2013, 2014,2015; Que pour autant, ni le procès-verbal du comité d'établissement, ni le tableau par niveau cible ou comparatifs des salaires des salariés cadre niveau H ou encore les bulletins de salaire produits qui ne visent ni l'âge, ni le temps complet ou partiel ne peuvent constituer la présentation d'éléments de fait laissant supposer de ces chefs l'existence d'une discrimination ; qu'il en est de même s'agissant de l'allégation de discrimination fondée sur le sexe, l'écart homme/ femme pour une ancienneté de 5 à 9 ans au niveau G mentionné au tableau de 2013 s'avère trop peu sensible, dès lors qu'il concerne 31 % des femmes et 29 % des hommes ; que de surcroît, le tableau relatif aux rémunérations par sexe et par niveau de classification de septembre 2014 révèle qu'au niveau G, le salaire médian des employées de sexe féminin (31 019 €) est très légèrement supérieur à celui de leurs collègues de sexe masculin (30 934 €), étant noté que sur la base d'un temps complet, la rémunération annuelle d'un montant de 31 175, 31 € de la salariée (temps partiel à 90 % : 28 057,78 €), se situait dans la fourchette la plus haute ; que dès lors, faute pour la salariée de présenter des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination fondée sur le sexe, l'âge ou sa situation de travail à temps partiel, les prétentions fondées sur une discrimination seront écartées et la décision prud'homale sur ce point infirmé ; Attendu que par ailleurs, dans la mesure la salariée revendique le même traitement que d'autres salariés, qui seraient dans une situation comparable à la sienne, sa demande s'appuie également sur la violation du principe d'égalité de traitement ; Que sur ce point, ni les critères d'embauché de conseiller clientèle privé possédant une "formation bac +3 ou bac+5" en 2010, ni le tableau des rémunérations médianes du niveau G précédemment évoqué, ni celui des emplois par niveau cible faisant apparaître 861 salariés aux niveaux F et G dans les fonctions de conseillers privés qu'elle assurait et 601 au niveau cadre, ne suffisent à étayer une différence de traitement de la salariée, laquelle ne verse aucune pièce comparative sur l'évolution de carrière d'autres salariés ayant la même ancienneté qu'elle, tant du niveau G que du niveau H, alors même à l'égard de ces derniers, qu'elle ne justifie pas au (préalable exercer depuis des années les fonctions relevant du statut de cadre ; Qu'en l'état des pièces versées par la salariée, cette dernière, qui ne communique ainsi aucune pièce permettant à la cour d'apprécier une différence dans l'évolution de carrière d'autres salariés ayant la même ancienneté qu'elle, ne soumet dès lors pas à la juridiction les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération ou de traitement ; Attendu qu'en conséquence, en l'absence de discrimination ou d'inégalité de traitement, la salariée doit être débouté de ses demandes de classification au niveau H statut cadre, de rappels de salaire et de dommages et intérêts subséquentes, le jugement du conseil de prud'hommes étant ainsi infirmé; ».

1) ALORS QUE, à l'appui de ses écritures et pièces à l'appui, Mme C... avait démontré et tel que les premiers juges l'ont fort justement retenu, que l'ensemble des conseillers privés nouvellement embauchés et exerçant des fonctions similaires aux siennes bénéficiaient immédiatement du niveau H de la Convention collective et d'une rémunération annuelle brute de 33 000 euros, cependant qu'elle disposait d'une ancienneté de plus de 40 années et qu'elle exerçait les fonctions de conseiller privé depuis 1997 et qu'en dépit de ses évaluations professionnelles excellentes, elle était classée, sans aucune justification, au niveau G depuis plus de 9 années et bénéficiait d'une rémunération brute annuelle de 31 175,43 euros, autant d'éléments laissant présumer l'existence d'une discrimination fondée sur l'âge à laquelle l'employeur n'apportait aucune justification objective; qu'en affirmant que Mme C... ne produisait aucun élément de nature à laisser présumer l'existence d'une discrimination fondée sur l'âge, la cour d'appel, qui a dénaturé le bordereau des pièces produites par Mme C..., a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

2) ALORS A TOUT LE MOINS QUE, en infirmant le jugement en ce qu'il a jugé que Mme C... avait été victime d'une discrimination fondée sur l'âge, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si l'ensemble des conseillers privés nouvellement embauchés n'étaient pas systématiquement classés au niveau H avec une rémunération annuelle brute de 33 000 euros, cependant qu'en dépit de son ancienneté et de ses qualités professionnelles, elle était classée au niveau G depuis 9 années alors qu'elle exerçait les fonctions de conseiller privé depuis plus de 19 ans et qu'elle ne percevait qu'une rémunération brute annuelle de 31 175,43 euros, ce qui laissait présumer l'existence d'une discrimination fondée sur l'âge, la cour d'appel, méconnaissant le mécanisme probatoire applicable en matière de discrimination, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L.1132-1, L.1134-1 et L1133-2 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-16642
Date de la décision : 09/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Dispositions générales - Contenu - Principe d'égalité de traitement - Stipulations conventionnelles introduisant une différence de traitement - Présomption générale de justification des différences de traitement - Exclusion - Domaine d'application - Différence de traitement en raison d'un des motifs visés à l'article L. 1132-1 du code du travail - Détermination - Portée

PREUVE - Règles générales - Charge - Applications diverses - Contrat de travail - Salaire - Egalité des salaires - Atteinte au principe - Défaut - Conditions - Eléments objectifs justifiant la différence de traitement - Présomption - Exclusion - Domaine d'application - Portée

Selon l'article L.1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, le salarié présente des éléments de fait en laissant supposer l'existence et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Dès lors, même lorsque la différence de traitement en raison d'un des motifs visés à l'article L. 1132-1 du code du travail résulte des stipulations d'une convention ou d'un accord collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, les stipulations concernées ne peuvent être présumées justifiées au regard du principe de non-discrimination


Références :

principe d'égalité de traitement

articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 16 février 2017

Sur le domaine d'application de l'exclusion de la présomption de justification des différences de traitement opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, à rapprocher : Soc., 3 avril 2019, pourvoi n° 17-11970, Bull. 2019, (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 oct. 2019, pourvoi n°17-16642, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.16642
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