LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. V... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. V...
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. V... était fondé sur une faute grave et de l'avoir débouté en conséquence de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE « La lettre de licenciement, à laquelle il est expressément fait référence, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce, est ainsi motivée : "Monsieur, Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave, et nous vous informons par conséquent que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. Les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien du 30 décembre 2013 à partir de 10H00 au [...] , auquel vous avez été régulièrement convoqué, et auquel vous vous êtes présenté, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet. En effet, le 16/10/2013, dans l'après-midi, sur le site de Wissous, dans les bureaux administratifs, vous avez adopté un comportement agressif et violent à l'encontre de vos collègues de travail. En effet : - le mercredi 16 octobre, un peu avant 16h00, vous êtes monté dans les bureaux administratifs pour demander à notre chef d'exploitation, M. F..., quel était le lieu de rendez-vous qui vous était fixé pour le chantier de déménagement de nos clients pour le lendemain, et auprès de quelle équipe vous étiez affecté. - Lorsque celui-ci vous a répondu que le lieu de rendez-vous était fixé à notre site d'exploitation de Wissous, et que vous seriez sous la supervision de M. L..., chef d'équipe, vous vous êtes subitement emporté, avez haussé le ton, êtes devenu physiquement menaçant et agressif, devant le personnel présent du premier étage, y compris les jeunes femmes du secrétariat qui nous ont ensuite affirmé, une fois votre départ des lieux assuré, avoir eu la peur de leur vie. - Lors de l'entretien qui s'est tenu le 30 octobre dernier, je vous ai interrogé quant aux motifs qui vous ont conduits à tenir un tel comportement, et vous m'avez indiqué en réponse que vous n'appréciez pas votre collègue de travail, M. L..., avec qui "vous n'étiez pas marié", et que vous préfériez que l'on vous fixât un rendez-vous directement sur le lieu du chantier, plutôt que sur le site de Wissous, qui, selon vous, était moins commode car nécessitant un plus long trajet en transport. Vous m'avez également fait part de difficultés personnelles, sur le plan affectif et financier, qui affectaient directement votre humeur. - En réponse à ceci, je vous ai rappelé lors de l'entretien du 30 octobre, que : - Il ne vous appartient pas de choisir vos collègues de travail, comme il n'appartient pas à vos collègues de travail de vous choisir ou non. L'organisation des équipes est faite à partir des exigences commerciales, techniques, et pratiques, propres à satisfaire nos clients, et ce travail compliqué est réalisé par notre chef d'exploitation, qui en a la responsabilité et la charge. - Votre présence est indispensable, le matin, à Wissous, pour la préparation des chantiers du jour même, notamment pour le chargement des emballages dans nos camions et la prise en compte des dernières consignes de nos commerciaux sur place, et que ce n'est que de façon exceptionnelle et justifiée par des impératifs d'organisation, que nous décidons de faire partir nos ouvriers déménageurs directement sur les chantiers, le matin, sans passer par notre site d'exploitation de Wissous. - Nous prenons en compte les difficultés personnelles qui vous affectent, comme nous le prenons en compte pour toutes les personnes qui travaillent dans cette entreprise. - Dans tous les cas, votre désaccord ne justifie en rien le comportement que vous avez eu, ce mercredi 16 octobre 2013, à l'endroit de vos collègues de travail, qui en sont encore choqués, et vos difficultés personnelles ne sauraient en rien exonérer la responsabilité de vos actes. 2 : Le 17/10/2013, au matin, 7H00, à Wissous, notre président directeur général, M. Y..., a eu également à subir de votre part un comportement agressif et menaçant, et vous avez proféré, à nouveau, à l'encontre de M. F..., des menaces, ce qui a conduit M. Y... à prononcer votre mise à pied à titre conservatoire. En effet : - Alerté par les événements de la veille, M. Y... s'est rendu à Wissous afin, dès le lendemain matin 7H00, de vous y rencontrer pour recueillir vos explications, et éventuellement résoudre l'affaire. - Lors de cet entretien, loin de vous calmer, vous vous êtes au contraire emporté, allant jusqu'à exercer une sorte de pression physique à l'encontre de M. Y..., tout en niant vous être emporté la veille. Constatant un tel degré d'agitation et d'emportement, et par voie de conséquence l'impossibilité matérielle de votre maintien à votre poste de travail, M. Y... vous a notifié sur le champ votre mise à pied à titre conservatoire, qui a ensuite été confirmée par courrier RAR du même jour. - Très mécontent, vous êtes ensuite allé voir notre chef d'exploitation, le menaçant directement, puisque vous avez indiqué qu'"[il] habitait Asnières, et que [vous] le retrouveriez". - Lors de l'entretien du 30 octobre, vous n'avez pas nié ces faits, mais avez cherché plutôt à les justifier, notamment par les difficultés personnelles qui sont les vôtres en ce moment, depuis cet été en particulier. - A cet égard, je vous ai interrogé sur les termes de vos courriers recommandés récents, par lesquels vous indiquiez, de façon tout à fait nouvelle, que nous étions à l'origine de votre "santé déclinante". Vous m'avez ainsi montré une boîte de médicaments anxiolytiques, prescrits par votre médecin. Je vous ai ainsi rappelé, au sujet de ces différents points, lors de cet entretien du 30 octobre, que : - Agé de 60 ans, et exerçant les fonctions de président directeur général depuis près de 30 années au sein de notre entreprise, M. Y... est un dirigeant estimé et respecté de tous, attentif aux soucis de chacun, et en particulier les vôtres ; je vous rappelle, à cet égard, l'investissement considérable qui a été mis par M. Y... au service de vos démarches en vue de l'obtention de votre titre de séjour en France, alors même que les services du Ministère de l'intérieur vous le refusait. Nous ne saurons tolérer votre comportement et votre attitude, en tout point inacceptable, et en particulier l'agressivité physique dont vous avez fait preuve à deux reprises, à peu de temps d'intervalle. - En matière de santé au travail, lors de l'entretien du 30 octobre, je vous ai alors confirmé que je n'étais pas qualifié pour évaluer la bonne santé d'une personne, mais que, en tout état de cause, nous prenions très au sérieux le bien-être physique et mental de nos salariés, pour lequel nous sommes soucieux et attentifs. Dans votre cas, les rapports de la Médecine du Travail font état de votre aptitude au poste, et nous n'avons pas eu à déplorer, de votre part, au cours des dernières années, d'absences prolongées pour maladie. A ce titre, nous n'admettrons pas vos accusations, infondées selon nous, par lesquelles vous considéreriez que nous serions à l'origine d'une santé déficiente, la vôtre. Je vous informe dans le droit fil de ces propos que nous avons contesté auprès de la CPAM l'avis d'arrêt de travail pour maladie, établi par votre médecin traitant postérieurement à votre mise à pied à titre conservatoire, soit le 17 octobre dernier. A toutes fins utiles, nous vous rappelons les dispositions du code du travail relatives à la portabilité du droit individuel à la formation (...) La gravité de la faute commise ne permet pas votre maintien dans l'entreprise ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date d'envoi de cette lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement (...)" ;
Que pour l'infirmation du jugement et un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M V... soutient en substance que les griefs énoncés sont imprécis, subjectifs, invérifiables pour reposer sur des attestations de complaisance, en tout état de cause inexacts et que les fautes et leur gravité ne sont pas établies ;
Que les intimés et l'AGS font valoir que les faits précis visés dans la lettre de licenciement sont fautifs, prouvés et constitutifs d'une faute grave, en ce que l'employeur, tenu à une obligation de sécurité de résultat, ne pouvait se permettre de voir M. V... maintenir son comportement violent à l'égard des salariés et de ne pas respecter les consignes ;
Qu'il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;
Que la lettre de licenciement parfaitement précise et motivée dans les faits imputés à M. V... et qui permet à la cour d'appel d'exercer son contrôle, fait grief à M. V... d'un comportement menaçant, agressif et violent le 16 octobre 2013 au siège de la société à Wissous, ainsi que le lendemain matin à l'égard du président de la société M Y... ;
Qu'il résulte des attestations de l'employeur, dont la conformité aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile n'est pas prescrite à peine de nullité et qui ne sont pas arguées de faux que :
- selon E... H... née en [...], assistante administrative de cette entreprise : "Le 16 octobre, en cours d'après-midi, j'ai vu M. V... monté à l'étage du bureau en furie, très énervé. Il est parti dans une colère très forte allant jusqu'à insulter et même provoquer notre chef d'exploitation. Il l'a menacé très fortement, je me rappelle avoir été choquée et avoir eu peur de cette personne" ;
- selon S... R..., responsable du garde-meubles au sein de la société : "Le 16 octobre 2013, je me trouvais dans le bureau exploitation en compagnie de M. F..., Melle N... et Melle H.... M. V... est arrivé dans le bureau très énervé sous prétexte d'avoir rencontré des difficultés au cours de la journée et a proféré des injures envers le personnel présent. Son comportement menaçant a terrorisé Melles N... et H..., secrétaires. Le lendemain matin à 7h00 lors de l'embauche, une seconde altercation a eu lieu entre M. V..., M. Y... et M. F..., ce qui a contraint Monsieur Y... à prendre des sanctions à l'encontre de M. V..." ;
- selon Q... N..., assistante commerciale née en [...] : "je certifie ma présence le jour de l'altercation entre M. F... et M. V..., je me trouve dans le même bureau que M. F... (...) C'était le 16 octobre 2013 dans l'après-midi. Je vous décris les faits : deux ou trois déménageurs entrent dans notre bureau et l'un d'entre eux, M. V..., s'en est immédiatement pris à M. F..., l'agressant verbalement en le pointant du doigt, le menaçant et ce devant tout le monde sans même laisser le temps à quiconque de comprendre ce qu'il se passait. M. F... lui-même n'a pas réagi, c'était vraiment soudain et violent. Je suis restée "choquée" le reste de la journée, étant récente dans l'entreprise (...) J'ai vraiment eu peur. De plus, je sais que les rapports sont courtois et aimables dans cette entreprise. J'aurais aimé être capable d'intervenir pour défendre M. F... pour calmer le jeu. Je ne me souviens pas exactement des paroles de M. V... mais j'ai eu de la peine pour M. F... qui est une personne discrète et sympathique" ;
- selon M. F..., chef d'exploitation : "Le 16 octobre 2013, je me trouvais à mon poste de travail à Wissous, en compagnie de mes collègues, Melle N..., Melle H... et M. R... au 1er étage des bureaux. M. V... a fait irruption dans les bureaux déjà énervé de sa journée de travail qui ne lui avait pas plu. Ensuite lorsqu'il a appris qu'il devait embaucher à Wissous le lendemain matin, comme pour l'ensemble du personnel, c'est là qu'il s'est vraiment mis en colère proférant des menaces verbales gesticulant nerveusement en me pointant du doigt d'un air menaçant. Il a également indiqué qu'il ne souhaitait plus faire de déménagements de particuliers. Cette scène violente a particulièrement impressionné le personnel présent notamment Melles N... et H... qui ont ensuite, une fois que M. V... avait quitté les lieux dans un élan furieux, m'ont indiqué avoir eu la peur de leur vie. Le lendemain matin, lorsque j'étais au comptoir à 7h00 à Wissous, j'ai vu arriver M. V... furieux et agressif qui m'a dit d'un air menaçant "je sais où tu habites" et qu'il est reparti ensuite comme il est venu" ;
Que les attestations de M. V... selon lesquelles il est un bon collègue et travailleur ne contredisent en rien les attestations de l'employeur émanant de témoins directs des faits dont le caractère concordant exclut tout caractère de complaisance ;
Que les menaces et le comportement agressif réitérés de M. V... à l'encontre de ses supérieurs, qui plus est au sein de l'entreprise et en présence de salariés, de nature à porter atteinte à la sécurité et à la santé de ceux-ci interdisaient le maintien dans l'entreprise de M. V..., y compris pendant la durée du préavis quand bien même son comportement n'avait pas fait l'objet de reproche jusque-là ; que le licenciement pour faute grave est donc fondé et le jugement doit être infirmé, M V... étant débouté de toutes ses demandes ».
1/ ALORS QU'un salarié ne peut être licencié pour s'être plaint auprès de son employeur de l'état psychologique dans lequel il le plaçait ; que dans la lettre de notification du licenciement du 5 novembre 2013, la société avait reproché à M. V... les termes de ses courriers recommandés par lesquels il avait invoqué le fait que l'entreprise était à l'origine de la dégradation de sa santé et indiqué sur ce point : « nous n'admettrons pas vos accusations, infondées selon nous, par lesquelles vous considéreriez que nous serions à l'origine d'une santé déficiente, la vôtre » ; que la cour d'appel qui, bien qu'ayant repris intégralement les termes de cette lettre reprochant au salarié d'avoir invoqué une atteinte de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat à son égard, a néanmoins conclu que le licenciement était fondé sur une faute grave, a d'ores et déjà violé les articles L.1231-1, L.1234-1 et L.4121-1 du code du travail ;
2/ ALORS QUE (subsidiairement) ne peut être constitutive d'une faute grave l'attitude agressive ou violente d'un salarié justifiée par l'état psychologique dans lequel il se trouve du fait de son employeur ; qu'en se bornant à retenir la matérialité des faits reprochés à M. V... sans rechercher si son comportement ne résultait pas d'un état psychologique dégradé dû aux conditions de travail difficiles auxquelles il avait été soumis par son employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1231-1 et L.1234-1 du code du travail ;
3/ ALORS QUE (subsidiairement) en se bornant, pour conclure au bien fondé du licenciement pour faute grave de M. V..., à retenir qu'il s'évinçait des quatre attestations produites par l'employeur et émanant toutes de subordonnés, qu'il aurait proféré des « injures » et des « menaces », quand aucun de ces documents ne comportait de détails sur la teneur des propos tenus, la cour d'appel n'a pas permis de s'assurer qu'ils étaient bien d'une gravité suffisante pour justifier la rupture immédiate des relations contractuelles ; qu'en statuant de la sorte, elle a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L.1231-1 et L.1234-1 du code du travail.