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03/10/2019 | FRANCE | N°18-20286

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 03 octobre 2019, 18-20286


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société andorrane Pan'Am Difusio a souscrit auprès de la société française Generali IARD, par l'intermédiaire de la délégation andorrane de celle-ci, une police d'assurance pour ses locaux situés en Andorre ; qu'à la suite d'un dégât des eaux, l'assurée a assigné l'assureur en indemnisation devant le tribunal de commerce de Paris ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 15 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil conc

ernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en mati...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société andorrane Pan'Am Difusio a souscrit auprès de la société française Generali IARD, par l'intermédiaire de la délégation andorrane de celle-ci, une police d'assurance pour ses locaux situés en Andorre ; qu'à la suite d'un dégât des eaux, l'assurée a assigné l'assureur en indemnisation devant le tribunal de commerce de Paris ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 15 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

Attendu que, pour déclarer compétent le tribunal de commerce de Paris, après avoir énoncé que, selon l'article 15, 1), du règlement, il ne peut être dérogé aux dispositions de compétence en matière d'assurances de ce texte que par des conventions postérieures à la naissance du différend, l'arrêt retient qu'il n'y a pas lieu de rechercher si la police d'assurance conclue entre les parties avant la naissance du litige contenait une clause d'élection de for ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en application de l'article 15, 4), du règlement, les conventions attributives de juridiction peuvent être librement conclues par les assureurs européens avec un assuré domicilié dans un Etats tiers, sauf s'il s'agit d'une assurance obligatoire ou qui porte sur un immeuble situé dans un Etat membre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de litispendance, l'arrêt fait application de l'article 29 du règlement (UE) n° 1215/2012 ;

Qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ces dispositions appliquées d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de connexité, l'arrêt fait application de l'article 30 du règlement (UE) n° 1215/2012 ;

Qu'en statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ces dispositions appliquées d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Pan'Am Difusio aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Generali IARD

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître du litige opposant la société Generali Iard à la société de droit andorran Pan'Am Difusio Sl et d'AVOIR renvoyé le dossier de l'affaire au tribunal de commerce de Paris pour qu'il soit statué sur le fond ;

AUX MOTIFS QUE sur la compétence Il se déduit de l'arrêt de la CJCE du 13 juillet 2000 Group Josi Reinsurance Company SA (aff. C-412/98) que les dispositions du règlement (UE) nº 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 relatives à la compétence ont vocation à s'appliquer dès lors que le défendeur a son domicile ou son siège sur le territoire d'un Etat contractant, même si le demandeur est domicilié dans un Etat tiers ; l'affaire, introduite par une assignation délivrée le 15 mars 2016 par la société andorrane Pan'Am Difusio à la société Generali IARD ayant son siège social à Paris relève par conséquent, du seul fait que la défenderesse désignée par l'acte introductif d'instance est domiciliée dans un Etat membre, des dispositions de ce règlement, à l'exclusion de celles de l'article R. 114-1 du code des assurances aux termes de l'article 10 du règlement : « En matière d'assurances, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 6 et de l'article 7 point 5) »; en premier lieu, selon l'article 15 : « Il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions : 1) postérieures à la naissance du différend » ; il n'y a donc pas lieu de rechercher si la police d'assurance, conclue entre les parties avant la naissance du litige, contenait une clause d'élection de for ; en second lieu, suivant l'article 11 : « L'assureur domicilié sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait : a) devant les juridictions de l'Etat où il a son domicile »; Generali soutient que le contrat a été conclu par sa délégation andorrane et que c'est donc cette dernière qui aurait dû être assignée devant les juridictions andorranes; mais il n'est nullement démontré ni même allégué que « Assegurances Generali France » serait dotée de la personnalité morale; que dès lors, s'il était loisible à Pan'Am Difusio, en vertu de l'article 7.5 du règlement, d'attraire son assureur au lieu de situation de cette succursale, il s'agissait pour elle d'une simple faculté qui ne la privait pas de son droit d'agir devant la juridiction dans le ressort de laquelle la personne morale défenderesse avait son siège ; par conséquent, il convient de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il s'est déclaré compétent ;

ALORS QUE sous l'empire du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I bis), il peut être dérogé aux règles de principe gouvernant la compétence juridictionnelle en matière d'assurances énoncées à la section 3, dans cinq hypothèses prévues à l'article 15 du règlement et notamment par une convention postérieure au différend (hypothèse 1) ou bien par une convention conclue par un preneur d'assurance n'ayant pas son domicile dans un État membre (hypothèse 4) ; qu'en l'espèce, la société Generali Iard se prévalait d'une clause attributive de juridiction exclusive au profit des tribunaux andorrans pour connaître des litiges opposant l'assureur à l'assuré domicilié sur le territoire de la Principauté d'Andorre, relatifs à l'immeuble assuré situé sur ce territoire ; qu'en écartant l'application de cette clause au seul motif qu'elle figurait dans une convention antérieure à la naissance du litige, la cour d'appel a violé les articles 11 et 15 du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'exception de litispendance soulevée par la société Generali Iard et d'AVOIR renvoyé le dossier de l'affaire au tribunal de commerce de Paris pour qu'il soit statué sur le fond ;

AUX MOTIFS QUE sur la litispendance aux termes de l'article 29 du règlement susvisé : « Sans préjudice de l'article 31, paragraphe 2, lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie » ; Generali se prévaut, en premier lieu, d'un dépôt de fonds qu'elle a fait auprès du tribunal d'Andorre au titre du litige l'opposant à M. F..., qui a été enregistré le 18 novembre 2015; mais la société Pan'Am Difusio soutient, avec vraisemblance au regard de ses termes, que cet acte est un simple enregistrement administratif; si Generali prétend qu'il s'agit d'un « préalable entendu comme le commencement d'un litige portant sur l'indemnisation des dommages subis par M. F... » (concl., p. 15), il ne résulte pas de cette formule contournée, ni des énonciations de l'enregistrement de la consignation, que celui-ci serait équivalent à un acte introductif d'instance et qu'une juridiction andorrane serait saisie du fond du litige; Generali invoque, en second lieu, une instance pendante devant les juridictions andorranes portant sur l'action en responsabilité engagée par la Compagnie Axa, assureur de dommage de la société Pic Blanc, contre M. F..., bailleur du local loué par cette société, dans lequel s'est produit un dégât des eaux; mais cette procédure ne présente avec la présente affaire aucune identité de parties, de cause ou d'objet ; que l'exception de litispendance sera rejetée ;

1) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en décidant d'office d'appliquer le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, en particulier son article 29, pour écarter l'exception de litispendance soulevée par la société Generali Iard au profit des juridictions andorranes, cependant qu'aucune des parties n'avait revendiqué l'application de ce règlement, l'assureur fondant l'exception de litispendance sur l'article 100 du code de procédure civile transposé à l'ordre international, la cour d'appel, qui n'a pas sollicité les observations des parties sur ce moyen relevé d'office, a méconnu le principe de la contradiction et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'article 29 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale s'applique exclusivement aux cas de litispendance impliquant deux Etats membres de l'Union européenne, et non ceux impliquant un Etat membre et un Etat tiers ; qu'en écartant l'exception de litispendance soulevée par la société Generali Iard, établie en France, dans le cadre du litige l'opposant à la société Pan'Am Difusio Sl établie en principauté d'Andorre, soit sur le territoire d'un Etat tiers à l'Union, par application de l'article 29 du règlement (UE) n° 1215/2012, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble l'article 100 et les principes gouvernant la connexité internationale par refus d'application.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'exception de connexité soulevée par la société Generali Iard et d'AVOIR renvoyé le dossier de l'affaire au tribunal de commerce de Paris pour qu'il soit statué sur le fond ;

AUX MOTIFS QUE sur la connexité l'article 30.1 du règlement prévoit que « lorsque des demandes connexes sont pendantes devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer »; suivant l'article 30.3 : « Sont connexes, au sens du présent article, les demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément »; Generali se prévaut à nouveau, au titre de la connexité, de l'action en responsabilité exercée par Axa, assureur de la société Pic Blanc, contre M. F..., bailleur de cette dernière; mais la présente affaire concerne la demande de versement d'indemnité adressée par la société Pan'Am Difusio à son propre assureur de dommage pour la réparation d'un dégât des eaux dont elle a été victime; la circonstance que les locaux exploités par Pan'Am Difusio et par Pic Blanc soient situés dans le même immeuble et que M. F... soit le dirigeant de la société Pan'Am Difusio ne suffit pas à faire considérer que des solutions inconciliables pourraient résulter d'un jugement séparé des deux affaires ; il convient de rejeter l'exception de connexité et d'infirmer le jugement en ce qu'il s'est dessaisi au profit des juridictions andorranes ;

1) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en décidant d'office d'appliquer le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, en particulier son article 30, pour écarter l'exception de connexité soulevée par la société Generali Iard au profit des juridictions andorranes, cependant qu'aucune des parties n'avait soulevé l'application de ce règlement, l'assureur fondant l'exception de connexité sur l'article 101 du code de procédure civile transposé à l'ordre international, la cour d'appel, qui n'a pas sollicité les observations des parties sur ce moyen relevé d'office, a méconnu le principe de la contradiction et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'article 30 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale résout exclusivement les cas de connexité impliquant deux Etats membres de l'Union européenne, et non ceux impliquant un Etat membre et un Etat tiers ; qu'en statuant sur l'exception de connexité soulevée par la société Generali Iard, domiciliée en France dans le cadre du litige l'opposant à la société Pan'Am Difusio Sl domiciliée en principauté d'Andorre, soit sur le territoire d'un Etat tiers à l'Union, par application de l'article 30 du règlement (UE) n° 1215/2012, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, ensemble l'article 101 et les principes gouvernant la connexité internationale par refus d'application.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-20286
Date de la décision : 03/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 03 oct. 2019, pourvoi n°18-20286


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.20286
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