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03/10/2019 | FRANCE | N°18-19857

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 octobre 2019, 18-19857


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Bordeaux, 29 mai 2018) et les productions, que Mme R... a confié à la société W... Y... (l'avocat) la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à son ancien concubin relativement à la liquidation de leurs intérêts pécuniaires ; qu'aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties ; que par décision du 28 avril 2017, le bâtonn

ier de l'ordre, saisi par Mme R..., a fixé les honoraires dus à l'avocat, puis a ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Bordeaux, 29 mai 2018) et les productions, que Mme R... a confié à la société W... Y... (l'avocat) la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à son ancien concubin relativement à la liquidation de leurs intérêts pécuniaires ; qu'aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties ; que par décision du 28 avril 2017, le bâtonnier de l'ordre, saisi par Mme R..., a fixé les honoraires dus à l'avocat, puis a constaté qu'ils avaient été réglés ; que l'avocat a formé un recours contre cette décision ;

Attendu que l'avocat fait grief à l'ordonnance de confirmer la décision du bâtonnier du 28 avril 2017 ayant fixé à la somme de 22 002,16 euros TTC le montant des honoraires et frais qui lui étaient dus par Mme R... et ayant constaté que cette somme avait été réglée, alors, selon le moyen, qu'aux termes des articles 418 et 419 du code de procédure civile, lorsque la représentation est obligatoire, la révocation d'un avocat par sa partie ou la décision d'un avocat de mettre fin à son mandat est sans effet sur le déroulement de la procédure juridictionnelle et ne met un terme aux obligations professionnelles incombant à cet avocat que lorsqu'un autre avocat s'est effectivement constitué en ses lieu et place pour le remplacer ; qu'en l'espèce, le juge taxateur a constaté que par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 décembre 2015 soit en cours de délibéré, Mme R... avait mis un terme à la mission de l'avocat ; que l'avocat avait cependant pris soin de rappeler dans ses conclusions après sommation et itératives sommations que le tribunal de grande instance de Paris dans son jugement du 25 janvier 2016, rectifié le 14 mars 2016, avait renvoyé les parties pour être entendues fin 2016 ; que l'avocat postulant avait refusé de prêter son concours à Mme R... après que celle-ci ait mis fin au mandat de la société W... Y... et en avait informé cette dernière ; que ce n'était que le 27 septembre 2016 que M. O..., avocat au barreau de Paris, avait informé par mail l'avocat qu'il était le nouveau conseil de Mme R... ; que l'avocat avait d'ailleurs fait sommation et itérative sommation le 21 février 2018 au conseil de Mme R... devant le juge taxateur de communiquer notamment « tous les actes de procédure de reprise d'instance devant le tribunal de grande instance de Paris conformément aux dispositions du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 janvier 2016 rectifié le 14 mars 2016 et à défaut de remise au rôle de la procédure devant le tribunal de grande instance de Paris l'accord intervenu entre M. N..., conseil de M. A... et M. O..., qui me succède, conseil de Mme R... dans le cadre de la négociation qu'ils ont engagée » (en gras et souligné dans le texte) : qu'en décidant qu'il convenait, pour déterminer l'honoraire qui pourrait être dû par Mme R..., que l'avocat justifie les diligences effectuées entre le 23 mai 2014 date de la dernière facture, et le 4 décembre, date de la fin du mandat, sans constater qu'un autre avocat s'était valablement constitué à cette dernière date en lieu et place de l'avocat seul document de nature à démontrer que la société W... Y... était bien déchargée de son mandat de représentation, le délégué du premier président a violé les articles 418 et 419 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le premier président a apprécié la rémunération de l'avocat en prenant en compte, d'une part, le nombre d'heures mentionné par la fiche de suivi du temps passé produite par celui-ci, couvrant une période postérieure au 4 décembre 2015 puisqu'elle correspondait à celle du 23 mars 2007 au 27 juillet 2016 et, d'autre part, la liste des documents établis durant cette même période par l'avocat, dont ce dernier se prévalait ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en ce qu'il critique un motif surabondant, ne peut être accueilli ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deux dernières branches du premier moyen et sur le second moyen, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société W... Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à Mme R... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société W... Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

- IL EST FAIT GRIEF A l'ordonnance de taxe attaquée d'avoir confirmé la décision du bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Bordeaux en date du 28 avril 2017 ayant fixé à la somme de 22.002,16 € TTC le montant des honoraires et frais dus à Me J... par Mme C... R... et ayant constaté que cette somme avait été réglée.

- AU MOTIF QUE Sur la demande principale. Il est constant, au vu des explications et des documents versés aux débats par les parties, qu'en 2007 Mme C... R... a confié ses intérêts à la Selarl W... Y... dans le litige qui l'opposait à son ancien compagnon et que, par courrier du 15 décembre 2015, elle a mis fin au mandat de son conseil (pièce 10 des productions de la Selarl W... Y...). Il est également établi que de 2007 à 2014 Mme C... R... a versé à la Selarl Y... une somme totale de 22.002,16 € et que sur cette somme 18.502,16 € correspondent aux règlements des factures que son conseil lui a adressées de 2007 au 23 mai 2014. Enfin, force est de constater qu'aucune convention d'honoraire n'a jamais été régularisée. Si la Selarl Y... a bien adressé un projet de convention d'honoraires à Mme C... R...... en 2014, soit 7 ans après le début du mandat, la cliente ne l'a pas régularisée. Pour déterminer l'honoraire qui pourrait être dû par Mme C... R... à la Selarl Y..., il appartient au conseil, conformément au droit commun de la preuve, de justifier des diligences effectuées pour le compte de sa cliente entre le 23 mai 2014, date de la dernière facture, et le 4 décembre 2015, date de la fin du mandat. La fiche de suivi du temps passé révèle que la Selarl Y... aurait consacré 15 heures de son temps sur le dossier de sa cliente avec 25/54 interventions d'une durée inférieure à 11 minutes (pièce 14 des productions de Selarl Y...). Dans la même période, la liste des documents établis par le cabinet se limite à deux jeux de conclusions qui ne sont d'ailleurs pas produits (pièce n°13 des productions du conseil). On notera, comme le souligne, Mme C... R... qu'il n'existe aucune correspondance entre la fiche horaire et la liste des documents. Au vu de ces éléments en l'absence de tout autre justificatif, la somme de 3.500 € encaissée par la Selarl Y... rémunère suffisamment les diligences effectuées par la Selarl Y... entre 23 mai 2014 et la fin de son mandat qui pour l'essentiel paraissent avoir été constituées de conversations téléphoniques.

- ALORS QUE D'UNE PART aux termes des articles 418 et 419 du code de procédure civile, lorsque la représentation est obligatoire, la révocation d'un avocat par sa partie ou la décision d'un avocat de mettre fin à son mandat est sans effet sur le déroulement de la procédure juridictionnelle et ne met un terme aux obligations professionnelles incombant à cet avocat que lorsqu'un autre avocat s'est effectivement constitué en ses lieu et place pour le remplacer ; qu'en l'espèce, le juge taxateur a constaté que par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 décembre 2015 soit en cours de délibéré, Mme R... avait mis un terme à la mission de la Selarl W... Y... ; que la Selarl Y... avait cependant pris soin de rappeler dans ses conclusions après sommation et itératives sommations (p 7 et s) que le tribunal de grande instance de Paris dans son jugement du 25 janvier 2016, rectifié le 14 mars 2016, avait renvoyé les parties pour être entendues fin 2016 ; que l'avocat postulant avait refusé de prêter son concours à Mme R... après que celle-ci ait mis fin au mandat de la SELARL W... Y... et en avait informé cette dernière ; que ce n'était que le 27 septembre 2016 que Me G... O..., avocat au barreau de Paris, avait informé par mail la Selarl W... Y... qu'il était le nouveau conseil de Mme R... ; que la SELARL Y... avait d'ailleurs fait sommation et itérative sommation le 21 février 2018 au conseil de Mme R... devant le juge taxateur de communiquer notamment « tous les actes de procédure de reprise d'instance devant le tribunal de grande instance de Paris conformément aux dispositions du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 janvier 2016 rectifié le 14 mars 2016 et à défaut de remise au rôle de la procédure devant le tribunal de grande instance de Paris l'accord intervenu entre Maitre K... N..., conseil de M A... et Maitre G... O..., qui me succède, conseil de Mme R... dans le cadre de la négociation qu'ils ont engagée » (en gras et souligné dans le texte) : qu'en décidant qu'il convenait, pour déterminer l'honoraire qui pourrait être dû par Mme C... R..., que la SELARL Y... justifie les diligences effectuées entre le 23 mai 2014 date de la dernière facture, et le 4 décembre, date de la fin du mandat, sans constater qu'un autre avocat s'était valablement constitué à cette dernière date en lieu et place de la SELARL W... Y... seul document de nature à démontrer que la Selarl W... Y... était bien déchargée de son mandat de représentation, le délégué du premier président a violé les articles 418 et 419 du code de procédure civile ;

- ALORS QUE D'AUTRE PART et en tout état de cause, le juge doit en toutes circonstances observer et faire observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut limiter les droit d'une partie au motif que des pièces ne figurent pas à son dossier sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de ces pièces qui figurent sur le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions et dont la communication n'a pas été contestée ; qu'au cas présent à l'appui de ses conclusions après sommation et itérative sommation de communiquer en date du 19 avril 2018, la SELARL W... Y... avait produit en pièce 18 de son bordereau de communication de pièces les conclusions au fond sur rapport d'expertise qu'elle avait rédigées au nom de Mme R..., lesdites pièces ayant au surplus déjà été communiquées, via le RPVA le 12 janvier 2018 ; que le juge taxateur a affirmé qu'entre le 23 mai 2014, date de la dernière facture, et le 4 décembre 2015, date de la fin du mandat la liste des documents établis par le cabinet se limite à deux jeux de conclusions qui ne sont d'ailleurs pas produits (pièce n°13 des productions du conseil) pour en déduire qu'en l'absence de tout autre justificatif, la somme de 3.500 € encaissée pendant cette période par la Selarl Y... rémunérait suffisamment les diligences effectuées par celle-ci qui pour l'essentiel paraissaient avoir été constituées de conversations téléphoniques ; qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de la pièce n° 18 qui figurait au bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions de la SELARL W... Y..., et dont la communication n'avait pas été contestée, le délégué du premier président a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble 6 de la convention européenne des droits de l'Homme ;

- ALORS QU'ENFIN le défaut de motif est caractérisé, notamment, lorsque le juge procède par voie de simple affirmation, sans analyser, même sommairement, les documents sur lesquels il se fonde pour rejeter une demande ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement « qu'on notera , comme le souligne, Mme C... R... qu'il n'existe aucune correspondance entre la fiche horaire et la liste des documents » sans analyser les documents susvisés, le délégué du premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
SUBISIDIAIRE :

- IL EST FAIT GRIEF A l'ordonnance attaquée d'avoir, avant de l'en débouter, examiné la demande de dommages-intérêts formée par Mme R... à l'encontre de la SELARL W... Y....

- AU MOTIF QUE Mme C... R... fonde sa demande sur le courrier que la Selarl Y... a adressé à Me I... le 29 juillet 2016 indiquant au notaire qu'elle aurait une créance potentielle de quelques 34.440,18 € sur son ancienne cliente qu'elle se propose de faire arbitrer par son bâtonnier. Mais, Mme C... R... n'établit pas en quoi ce courrier a pu entraver en quoique ce soit le travail de son notaire. Par voie de conséquence, sa demande de dommages et intérêts ne saurait prospérer.

- ALORS QUE la procédure spéciale prévue par l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client; que dès lors en examinant la demande de dommages-intérêts formée par Mme R... à l'encontre de la SELARL W... Y..., le délégué du premier président a excédé ses pouvoir au regard de l'article susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-19857
Date de la décision : 03/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 29 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 oct. 2019, pourvoi n°18-19857


Composition du Tribunal
Président : Mme Gelbard-Le Dauphin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19857
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