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02/10/2019 | FRANCE | N°18-20641

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 octobre 2019, 18-20641


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. F... a été engagé le 27 septembre 1979 en qualité d'ouvrier qualifié par la société Howa tramico ; qu'il s'est trouvé en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 2 mai 2013 au 30 septembre 2014 ; qu'au cours de l'été 2013, la société a mis en place un projet de réorganisation impliquant la suppression de 39 postes ; que, le 11 décembre 2013, la société a soumis diverses

offres de reclassement au salarié, que ce dernier a refusées ; qu'il a été licencié p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. F... a été engagé le 27 septembre 1979 en qualité d'ouvrier qualifié par la société Howa tramico ; qu'il s'est trouvé en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 2 mai 2013 au 30 septembre 2014 ; qu'au cours de l'été 2013, la société a mis en place un projet de réorganisation impliquant la suppression de 39 postes ; que, le 11 décembre 2013, la société a soumis diverses offres de reclassement au salarié, que ce dernier a refusées ; qu'il a été licencié pour motif économique le 28 juillet 2014 ;

Attendu que, pour juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les offres de reclassement étaient sérieuses, précises et susceptibles de correspondre aux compétences du salarié et que la société ne pouvait pas solliciter l'avis du médecin du travail sur les postes de reclassement dès lors que le contrat de travail du salarié était suspendu du 2 mai 2013 au 30 septembre 2014 pour arrêt de travail d'origine non professionnelle ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui faisait valoir qu'il avait informé son employeur de son classement en invalidité deuxième catégorie le 13 janvier 2014, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il juge le licenciement de M. F... fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute ce dernier de sa demande de dommages-intérêts à ce titre et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 7 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Howa Tramico aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Howa Tramico à payer à M. F... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. F...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement pour motif économique de M. F... fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté ce salarié de sa demande de condamnation de la société Howa Tramico au paiement de dommages et intérêts et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS propres QUE "le salarié fait valoir que toutes les offres de reclassement ne convenaient pas à son profil professionnel, qu'aucun poste situé en Europe en France ne lui avait été proposé, que certaines offres ne relevaient pas de ses compétences, supposaient des diplômes qu'il n'avait pas ou la pratique de l'anglais qu'il ne maîtrisait pas, et enfin qu'elles étaient identiques à celles proposées aux autres salariés ;

QU'en l'espèce, par lettre du 25 novembre 2013, l'employeur a interrogé le salarié sur les possibilités d'un reclassement à l'étranger en précisant les pays et les villes d'implantation dans le monde entier ; que le salarié a répondu positivement le 30 novembre en indiquant qu'il acceptait de recevoir des offres pour l'étranger sans restriction ;

QUE par lettre circonstanciée du 11 décembre 2013, la société a soumis à M. F... 11 propositions d'emploi en contrat à durée indéterminée dont trois à l'étranger (deux pour la Russie, et une pour le Mexique) selon le voeu du salarié ; qu'à cette lettre était jointe la description des mesures d'accompagnement prévues par le PSE, destinées à favoriser le reclassement interne notamment par voie de formation, la présentation de l'espace d'information et conseil, destiné à accompagner les salariés en cas de reclassement ; qu'il n'est pas contesté que M. F... n'en a accepté aucune ;

QUE M. F... était jusqu'alors cariste, ouvrier qualifié ; qu'il avait acquis une expérience de 35 années ; qu'il bénéficiait d'un coefficient 720 selon la convention collective de la plasturgie ; qu'il exerçait son activité à Coulombs ; que sa rémunération mensuelle de base était de 2 092,97 euros ;

QUE l'examen de ces offres de reclassement conduit aux constatations suivantes : elles sont extraites des 28 postes disponibles au sein du groupe. Certaines sont équivalentes au poste occupé par M. F... soit en terme de fonction soit en terme de rémunération ;

QUE chacune de ces offres de reclassement précisait le nom de l'employeur (Howa Tramico ou sa filiale PullFlex, ou les filiales étrangères), la fonction (agent services généraux, employé polyvalent, assistant d'administration des ventes, opérateurs de production (3 postes), assistant logistique, techniciens qualité, cariste, opérateur « tramivex »), le statut (ouvriers, employés, agents de maîtrise), le coefficient selon la convention applicable (allant de 140 à 800 selon le statut), les compétences requises, la durée du temps de travail, le lieu travail en France (Coulombs, Brionne, Saint-Martin le Beau), le cas échéant, la convention collective applicable (plasturgie, caoutchouc), la nature du contrat (CDI, CDD), la date d'entrée en fonction ; que chaque proposition était accompagnée d'une fiche de définition de fonction précisant pour les offres en France, son intitulé, sa raison d'être, décrivant les principales missions, les responsabilités et l'autorité de la fonction, le rattachement hiérarchique, les principaux interlocuteurs, la formation initiale ou l'expérience nécessaire requises, et la formation interne lors de la prise de poste ; que ces offres sont donc claires et précises ;

QUE le salarié fait valoir qu'elles ne sont pas personnalisées d'une part parce que d'autres salariés auraient reçu les mêmes et d'autre part parce qu'elles ne correspondent pas à ses compétences notamment en terme de pré requis (diplôme, langue) ;

QU'il ne résulte pas du dossier que ces 11 offres de reclassement aient été adressées à des salariés placés dans la même situation que celle de M. F... ; que les 11 propositions sont extraites d'une liste de 28 postes disponibles au sein de laquelle 12 postes concernaient la France ; que parmi ces 12 postes figuraient des postes requérant une formation d'ingénieur ou d'école de commerce qui n'ont pas été proposés au salarié ; qu'il s'en déduit que les offres de reclassement effectivement proposées étaient personnalisées et adaptées à la situation de M. F... ; que certes certaines d'entre elles supposaient la connaissance de l'anglais ou du russe mais que le salarié avait accepté des propositions de filiales étrangères sans restriction ; que par ailleurs, certaines (agents services généraux, opérateurs de production) supposaient la détention d'un diplôme ou d'une expérience acquise dans le domaine, la détention de ces diplômes n'étant alors pas nécessaire ; qu'outre que dans le cadre du reclassement, l'employeur proposait des formations externes, chaque prise de poste prévoyait une formation interne ;

QUE de ces constatations, il se déduit que les offres de reclassement étaient sérieuses, précises et susceptibles de correspondre aux compétences du salarié, même si elles ne relevaient pas d'un emploi à catégorie et rémunération équivalents, le salarié étant libre de les refuser ce qu'il a fait ;

QU'il [en] résulte que l'employeur a respecté son obligation de reclassement ;

QUE le jugement sera confirmé sur ce point et le salarié débouté de sa demande de dommages-intérêts" ;

ET AUX MOTIFS adopté QUE "l'article R.4624-20 du code du travail dispose : "En vue de favoriser le maintien dans l'emploi des salariés en arrêt de travail d'une durée de plus de trois mois, une visite de préreprise est organisée par le médecin du travail à l'initiative du médecin traitant, du médecin conseil des organismes de sécurité sociale ou du salarié" ;

QUE l'article R.4624-20 du code du travail dispose : " L'examen de reprise a pour objet :

1° De délivrer l'avis d'aptitude médicale du salarié à reprendre son poste ;

2° De préconiser l'aménagement, l'adaptation du poste ou le reclassement du salarié ;

3° D'examiner les propositions d'aménagement, d'adaptation du poste ou de reclassement faites par l'employeur à la suite des préconisations émises par le médecin du travail lors de la visite de préreprise.

Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail par le salarié" ;

QU'en l'espèce, la société Howa Tramico ne pouvait pas solliciter l'avis du médecin du travail sur les postes de reclassement dès lors que le contrat de travail de M. F... était suspendu du 2 mai 2013 au 30 septembre 2014 pour arrêt de travail d'origine non professionnelle ;

QUE de plus, la société Howa Tramico a expliqué sa démarche dans le courrier du 20 décembre 2013 ;

QUE la société Howa Tramico nous a fourni le courrier de proposition de reclassement du 11 décembre 2013 (20 pages), avec 11 propositions de reclassement compatibles avec les compétences professionnelles de M. F... ; que la société Howa Tramico a respecté son obligation de reclassement ;

QUE M. F... n'a pas accepté les postes de reclassement qui lui étaient proposés, dont les postes d'opérateur ; que M. F... n'a adhéré à aucun des dispositifs proposés pour faciliter son retour à l'emploi ; qu'en effet, il n'a adhéré ni au contrat de sécurisation professionnelle, ni à l'antenne emploi animée par le cabinet Sodie ;

QU'en conséquence, il résulte des éléments versés que la société Howa Tramico a correctement rempli son obligation de reclassement (
)" ;

1°) ALORS QUE dès lors qu'il a connaissance du classement en invalidité de deuxième catégorie d'un salarié au moment d'engager la procédure de licenciement pour motif économique ou pendant son déroulement, l'employeur est tenu, après avoir fait procéder à une visite de reprise, de lui proposer une offre de reclassement qui prenne en compte les préconisations du médecin du travail exprimées à l'issue de cette visite ; qu'en déclarant satisfactoires les propositions de reclassement faites au salarié et en constatant que "ce dernier n'en avait accepté aucune" sans répondre aux conclusions étayées de M. F... faisant valoir qu'après avoir informé son employeur de son classement en invalidité de deuxième catégorie, il lui avait rappelé qu'il se tenait à sa disposition pour examiner toute proposition de reclassement compatible avec son état de santé, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS subsidiairement QUE lorsque le salarié informe son employeur de son classement en invalidité de deuxième catégorie et manifeste sa volonté de reprendre le travail, il appartient à celui-ci de prendre l'initiative de faire procéder à une visite de reprise laquelle met fin à la suspension du contrat de travail ; qu'il importe peu que, dans l'attente de cette visite, le salarié continue à adresser à son employeur des avis d'arrêt de travail ; qu'en l'espèce, M. F... faisait valoir dans ses écritures étayées par la production de pièces objectives qu'après avoir informé son employeur de son classement en invalidité de deuxième catégorie, il lui avait rappelé qu'il se tenait à sa disposition pour reprendre le travail et examiner toute proposition de reclassement que le médecin du travail jugerait compatible avec son état de santé ; qu'en retenant cependant, pour débouter le salarié de sa demande, que "
la société Howa Tramico ne pouvait pas solliciter l'avis du médecin du travail sur les postes de reclassement dès lors que le contrat de travail de M. F... était suspendu du 2 mai 2013 au 30 septembre 2014 pour arrêt de travail d'origine non professionnelle", la cour d'appel a violé les articles R.4624-22 et R.4624-23 du code du travail dans leur rédaction, applicable au litige, issue du décret n° 2012-1035 du 30 janvier 2012.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-20641
Date de la décision : 02/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 07 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 oct. 2019, pourvoi n°18-20641


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.20641
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