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02/10/2019 | FRANCE | N°18-15395

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 octobre 2019, 18-15395


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. W..., X... et B... ont été engagés entre 1977 et 1979 par la société Revco, spécialisée dans la conception et la fabrication de matériaux destinés à l'industrie automobile ; qu'ils ont travaillé sur le site de la société d'Ozouer le Voulgis puis à compter de 1980, MM. B... et X... ont poursuivi leur activité sur le site de Saint-Just-en-Chaussée ; q

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. W..., X... et B... ont été engagés entre 1977 et 1979 par la société Revco, spécialisée dans la conception et la fabrication de matériaux destinés à l'industrie automobile ; qu'ils ont travaillé sur le site de la société d'Ozouer le Voulgis puis à compter de 1980, MM. B... et X... ont poursuivi leur activité sur le site de Saint-Just-en-Chaussée ; que par suite de cessions et restructurations, la société Revco est devenue successivement Gurit Essex et Dow Automotive France ; que le 2 février 2009, cette dernière a cédé le fonds de commerce lié au site de Saint-Just-en-Chaussée à la société Revocoat, devenue Axson France ; que trois arrêtés ministériels sont intervenus les 24 avril 2002, 25 mars 2003 et 10 mai 2013 afin de classer les sites de l'entreprise sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) ; que les salariés, qui ont cessé leur activité entre 1981 et 1987, ont, le 22 juillet 2014, saisi la juridiction prud'homale de demandes en réparation de leur préjudice d'anxiété à l'encontre de la société Axson France aux droits de laquelle est venue la société Revocoat France ;

Attendu que pour condamner solidairement la société Axson France et la société Revocoat France à payer aux salariés une somme au titre de leur préjudice d'anxiété, l'arrêt retient qu'il ressort de l'acte réitératif du 2 février 2009 que la société Dow France a cédé à la société Revocoat un fonds de commerce exploité dans un établissement situé [...] , qu'il est spécifié la liste des actifs incorporels cédés ainsi que la liste des actifs corporels cédés, qu'il est mentionné que des passifs relatifs au fonds cédé seraient pris en charge par l'acquéreur (congés payés, RTT, indemnités de départ à la retraite et médailles du travail), qu'aucune mention n'apparaît, dans l'acte de cession d'actif original, sur l'exclusion de l'obligation résultant du risque lié à l'amiante pour les salariés encore en exercice au moment de la cession, qu'il en résulte qu'à défaut de dérogation expresse prévue par les parties dans le traité, la cession emporte la transmission à l'acquéreur des droits et obligations dépendant de la branche d'activité dont dépendait le fonds de commerce, de sorte que les obligations nées des activités d'Ozouer le Voulgis, transférées préalablement à Saint-Just-en-Chaussée, ont été cédées à la société Revocoat le 2 février 2009, indépendamment des obligations nées des contrats de travail en cours d'exécution ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat de cession d'actifs du 2 février 2009 stipule en son article 2-4 que l'activité transférée ne comprendra pas les responsabilités et obligations du vendeur, à l'exception des responsabilités expressément visées à l'article 2-3, que l'article 2-3 mentionne que l'acquéreur reprendra et libérera le vendeur de toutes les obligations et responsabilités résultant des contrats de travail transférés à compter de la date de réalisation, ainsi que toutes les médailles du travail, indemnités de départ en retraite, congés payés et réduction du temps de travail des salariés transférés accumulés à la date de réalisation, la cour d'appel, qui a dénaturé cet acte, a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 21 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne MM. W..., X... et B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axson France et la société Revocoat France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné solidairement la société Axson France et Revocoat France à payer à MM. W..., X... et B... la somme de 8.000 € chacun en réparation du préjudice d'anxiété ;

AUX MOTIFS QUE « sur le défaut d'intérêt et la qualité pour agir. Les salariés appelants font valoir que ce qui détermine le transfert des obligations concernant les salariés d'un employeur vers un autre est la notion de transfert d'une branche autonome d'activité et que la totalité de l'activité développée sur le site d'Ozouer le Voulgis a été incluse dans la cession du 2 février 2009. Ils soutiennent que la société AXSON doit être tenue des conséquences dommageables de l'activité reprise. La société AXSON fait valoir qu'elle n'a jamais eu la qualité d'employeur à l'égard des salariés appelants qui avaient déjà quitté l'entreprise au moment de la cession, de sorte que les dispositions des articles L.224-1 et L.1224-2 du code du travail ne s'appliquent pas. Elle soutient ensuite qu'elle n'a acquis que le site de Saint Just, de sorte que monsieur W... n'ayant travaillé que sur le site d'Ozouer le Voulgis est irrecevable en ses demandes. Elle demande l'application des clauses contractuelles de la reprise de l'activité transférée, qui ont exclu de façon générale les responsabilités et obligations du vendeur à l'exception de celles expressément visées, à savoir les contrats de travail transférés. Enfin, elle demande que soit déclarée irrecevable la demande à son encontre, n'ayant jamais eu la qualité d'employeur à l'égard de ces salariés et n'étant donc pas soumise à l'obligation de sécurité qui est de nature contractuelle et personnelle qui est restée attachée à la société Dow, laquelle n'a pas disparu et a exploité le site jusqu'en 2009, ayant repris l'activité du site d'Ozouer le Voulgis. Il ressort de l'acte réitératif de contrat en date du 2 février 2009 que la société DOW FRANCE a cédé à la société REVOCOAT un fonds de commerce exploité dans un établissement situé [...]. Il était spécifié la liste des actifs incorporels cédés, soit la clientèle ainsi que tous droits, réclamations ou privilèges attachés à la propriété ou à l'exploitation du fonds cédé, et les droits et obligations attachés à certains contrats conclus dans le cadre de l'exploitation du fonds cédé. Il était également précisé la liste des actifs corporels cédés et il était mentionné que des passifs relatifs au fonds cédé seraient pris en charge par l'acquéreur (congés payés, RTT, indemnités de départ à la retraite et médailles du travail) dont le montant était évalué au 31 décembre 2008. Il était également déclaré sur l'origine de propriété que le fonds cédé appartenait au cédant pour l'avoir acquis le 9 septembre 2005 à la suite de l'acquisition par la société Dow europe Gmbh de 100% du capital de la société Revco suivie de la transmission universelle de patrimoine dans Dow France le 31 octobre 2005. Aucune mention n'apparaissait, non plus que dans l'acte de cession d'actif original, sur l'exclusion de l'obligation résultant du risque lié à l'amiante pour les salariés encore en exercice au moment de la cession. Il en résulte qu'à défaut de dérogation expresse prévues par les parties dans le traité, la cession emportait la transmission à l'acquéreur des droits et obligations dépendant de la branche d'activité dont dépendait le fonds de commerce, de sorte que les obligations nées des activités d'Ozouer le Voulgis, transférées préalablement à Saint Just en Chaussée, ont été cédées à la société Revocoat le 2 février 2009, indépendamment des obligations nées des contrats de travail en cours d'exécution. Les salariés appelants seront donc déclarés recevables en leur action » ;

1. ALORS QU'en l'absence de disposition légale, une personne ne peut être substituée dans les droits et obligations d'une autre personne qu'en cas de transmission universelle de patrimoine ou d'engagement exprès de sa part ; que seul l'apport partiel d'actifs soumis au régime des scissions emporte, en application des article L. 236-3 du code de commerce, une transmission universelle du patrimoine ; que le contrat de cession d'actifs, non soumis au régime des scissions, n'emporte la reprise d'obligations liées à l'exploitation antérieure de l'activité reprise qu'en cas de disposition légale ou de clause expresse en ce sens ; qu'au cas présent, les sociétés Axson France et la société Revocoat France faisaient valoir que la reprise de l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée était intervenue à la suite d'un contrat de cession de fonds de commerce du 2 février 2009 avec la société Dow Automotive France et non d'un apport partiel d'actifs soumis au régime des scissions ; qu'elles soulignaient que l'article 2.4 du contrat de cession stipulait expressément que « l'activité ne comprendra pas les responsabilités du vendeur, à l'exception celles expressément visée par l'article 2.3 » et que l'article 2.3 précisait que les obligations à la charge du repreneur concernaient uniquement (i) l'utilisation et l'exploitation des équipements transférés à compter de la date de réalisation de l'opération, (ii) les commandes passées par le vendeur avant la clôture et qui sont des contrats transférés et (iii) aux contrats de travail transférés à compter du jour de la clôture ; qu'il en résultait que les sociétés Axson France et Revocoat France ne pouvaient être tenues d'aucune obligation résultant du travail au sein de l'établissement de Saint-Just classé ACAATA à l'égard de travailleurs dont les contrats de travail avaient cessé avant la cession de l'activité et dont elles n'ont jamais été les employeurs ; que pour décider le contraire, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'« à défaut de dérogation expresse par les parties dans le traité, la cession emportait la transmission à l'acquéreur à l'acquéreur des droits et obligations dépendant de la branche d'activité dont dépendait le fonds de commerce » ; qu'en statuant de la sorte, sans relever que l'acte de cession prévoyait sa soumission au régime des scissions, seule susceptible d'entrainer une telle transmission universelle de patrimoine, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 236-3 du code de commerce et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2. ALORS QUE l'acte de cession de fonds de commerce du 2 février 2009 ne comporte aucune stipulation le soumettant au régime des scissions ; que l'article 2.4 du contrat de cession stipule expressément que « l'activité ne comprendra pas les responsabilités du vendeur, à l'exception celles expressément visée par l'article 2.3 » et que l'article 2.3 précise que les obligations à la charge du repreneur concernent uniquement (i) l'utilisation et l'exploitation des équipements transférés à compter de la date de réalisation de l'opération, (ii) les commandes passées par le vendeur avant la clôture et qui sont des contrats transférés et (iii) aux contrats de travail transférés à compter du jour de la clôture ; qu'en énonçant néanmoins que les sociétés Axson France et Revocoat France seraient, en vertu de ce contrat, tenues des obligations liées au travail au sein des établissements d'Ozouer-le-Voulgis et de Saint-Just-en-Chaussée de salariés dont les contrats de travail avaient cessé avant 2009 et dont elles n'ont jamais été les employeurs, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de cession du 2 février 2009, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3. ALORS QU'il résulte des constatations de l'arrêt que les trois défendeurs aux pourvois avaient été salariés des société Revco, puis Gurit Essex, puis Dow Automotive France et que leurs contrats de travail avaient cessé antérieurement au contrat de cession de l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée à la société Axson France du 2 février 2009 ; qu'en relevant que le contrat de cession ne comportait aucune mention sur l'exclusion de l'obligation résultant du risque lié à l'amiante « pour les salariés encore en exercice au moment de la cession », la cour d'appel s'est fondée sur un motif inopérant en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRE
(concernant uniquement MM. X... et B...)

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement la société Axson France et Revocoat France à payer à MM. X... et B... la somme de 8.000 € chacun en réparation du préjudice d'anxiété ;

AUX MOTIFS QUE « sur la prescription de l'action. Les salariés appelants soutiennent que l'action n'est pas prescrite et font valoir que le site d'Ozouer le Voulgis, où ils ont travaillé, n'a été intégré que par arrêté du 10 mai. 2013 à la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activités des travailleurs de l'amiante dans la fabrication de flocage et calorifugeage. La société AXSON intimée soutient au contraire que l'arrêté ministériel concerné est celui du 24 avril 2002 et que la prescription quinquennale à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 a été atteinte le 19 juin 2013. L'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 disposait que toutes les actions tant réelles que personnelles se prescrivaient par 30 ans. La loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, reprise par l'article 2224 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Selon l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de prescription s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du jour d'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit 30 ans. L'article 2224 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause dispose que l'action personnelle se prescrit à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Le point de départ de la prescription de l'action du salarié est en conséquence le jour où celui-ci a eu conscience du danger pour sa santé de l'exposition à l'amiante et non le jour où les contenus précis du préjudice d'anxiété ont été définis. Un salarié a connaissance du risque à l'origine de l'anxiété à compter de l'arrêté ministériel ayant inscrit l'activité de son employeur sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre du régime légal de l'Acaata (allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante). En l'espèce le premier arrêté concernant l'entreprise en date du 24 avril 2002 mentionnait en Picardie "Gurit Essex, Dow automotive, [...] , de 1981 à 1983". Un second arrêté modificatif en date du 25 mars 2003 reprenait le même intitulé du site concerné et modifiait les années concernées "de 1977 à 1983". Enfin, un troisième arrêté complémentaire en date du 10 mai 2013 était rédigé comme suit : "Ile de France : au lieu de : Gurit Essex, Dow automotive, [...] , de 1977 à 1983, écrire : Revco puis Gurit Essex puis Dow Automotive, [...] de 1977 à 1983 puis Revco puis Gurit Essex puis Dow Automotive, [...] de 1981 à 1983". Il ressort de ces divers arrêtés que le site d'Ozouer-le-Voulgis, où ont travaillé les salariés appelants, n'a été inscrit sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre du régime légal de l'Acaata que le 10 mai 2013, et que le délai de prescription de cinq ans n'était pas atteint lorsque les salariés ont initié leur action le 22 juillet 2014. L'action sera déclarée recevable au regard des règles de prescription » ;

1. ALORS QUE selon l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compte du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par l'amiante mais est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque par les salariés, naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur les liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée (ACAATA) ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que, d'une part, MM. X... et B... avaient, après avoir travaillé pendant une courte durée au sein de l'établissement d'Ozouer-le-Voulgis, été mutés au sein de l'établissement de Saint-Just-en Chaussée en 1980 au sein duquel ils avaient travaillé jusqu'à leurs départs entre 2012 et 2014 (arrêt p. 4-5) et que, d'autre part, l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée a été classé sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA par arrêté ministériel du 24 avril 2002 pour les période 1981 à 1983 ; que, dès lors, qu'ils avaient travaillé au sein de l'établissement au cours de cette période, le préjudice d'anxiété est né et s'est réalisé à la date de publication de l'arrêt du 24 avril 2002, au Journal officiel du 5 mai 2002, de sorte que leurs actions introduites le 22 juillet 2014, soit plus de douze ans après la publication de l'arrêté de classement de l'établissement et plus de cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 soumettant les actions personnelles à la prescription quinquennale étaient irrecevables comme prescrites ; qu'en déclarant néanmoins ces actions recevables, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations en violation de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 et l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ;

2. ALORS QU'il résulte des constatations de l'arrêt que, d'une part, MM. X... et B... avaient, après avoir travaillé pendant une courte durée au sein de l'établissement d'Ozouer-le-Voulgis, été mutés au sein de l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée en 1980 au sein duquel ils avaient travaillé jusqu'à leurs départs entre 2012 et 2014 (arrêt p. 4) et que, d'autre part, l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée a été classé sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA par arrêté ministériel du 24 avril 2002 pour les période 1981 à 1983 ; que la publication d'un arrêté ministériel modificatif du 10 mai 2013 visant l'établissement d'Ozouer-le-Voulgis était sans aucun effet sur l'existence et la substance du préjudice d'anxiété qui était déjà né pour les salariés ayant, par ailleurs, travaillé au sein de l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée classé depuis 2002 et ne pouvait donc, pour ces salariés, avoir pour effet de faire renaître le droit d'agir en réparation de ce préjudice ; qu'en jugeant que la prescription quinquennale avait commencé à courir, pour les salariés ayant commencé à travailler au sein de l'établissement d'Ozouer-le-Voulgis avant d'être mutés en 1980 au sein de l'établissement de Saint-Just-en-Chaussée, à compter de l'arrêté du 10 mai 2013, la cour d'appel a violé les articles 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 et l'article 2224 du code civil, ensemble les articles 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
SUBSIDIAIRE

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné solidairement la société Axson France et Revocoat France à payer à MM. W..., X... et B... la somme de 8 000 € chacun en réparation du préjudice d'anxiété ;

AUX MOTIFS QUE « sur le préjudice lié à l'exposition au risque amiante.

Une société cessionnaire ayant reçu l'ensemble des biens, droits et obligations de toute nature constituant une branche d'activité exercée dans un établissement où travaillait le salarié lors de l'exposition au risque amiante est subrogée à la société cédante dans son obligation éventuelle d'indemniser la victime. Il résulte de l'article L.4121-1 du Code du travail que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes sur le fondement des principes généraux de prévention édictés à l'article L.4121-2. L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise dont il doit assurer l'effectivité. L'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 a créé un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante. Il a mis en place une allocation de cessation anticipée d'activité, dite ACAATA, versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparations navales, âgés d'au moins 50 ans sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle. Le salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 susvisé et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, et qui se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers, qu'il ait été ou non réellement exposé fonctionnellement, directement ou de façon environnementale à l'inhalation de poussières d'amiante, subit un préjudice spécifique d'anxiété dont il est en droit de solliciter l'indemnisation sur le fondement de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur qui doit alors démontrer une cause exonératoire de sa responsabilité. L'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, sans qu'il soit besoin que le salarié apporte la preuve de la réalité et de l'étendue de son préjudice. En outre, un salarié remplissant les conditions d'adhésion prévues par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel pris en son application, a droit à la réparation de son préjudice d'anxiété, qu'il ait ou non adhéré au régime légal. Le niveau d'anxiété est subjectif et dépend de la personnalité de chacun ; les études scientifiques ne permettent pas en l'état de la science de déterminer de façon certaine à partir de quel seuil d'exposition le salarié est susceptible de développer une maladie liée à l'amiante. En l'absence de tout élément permettant de mesurer ou de quantifier ce niveau, le préjudice d'anxiété ne peut donner lieu qu'à une réparation forfaitaire appréciée souverainement. En l'espèce, il n'est pas contesté que les sociétés Revco puis Gurit Essex puis Dow automotive d'Ozouer le Voulgis de 1977 à 1983 et de Saint Just en Chaussée de 1981 à 1983 ont été inscrites par arrêtés ministériels des 5 mai 2002, 25 mars 2003 et 10 mai 2013, pris en application de la loi du 23 décembre 1998, sur la liste des établissements donnant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante pour la période. Il est constant que les salariés ont travaillé sur le site de Ozouer le Voulgis ou Saint Just en Chaussée pendant la période considérée, en sorte que l'exposition professionnelle au risque amiante doit nécessairement être tenue pour établie, peu important que leur ex employeur ait été par la suite racheté par une autre société nécessairement tenue aux obligations résultant de la reprise des droits et obligations de la société cédante. Il ne résulte pas des pièces produites aux débats que l'employeur démontre une quelconque cause d'exonération de sa responsabilité. Par ailleurs l'absence de maladie constatée concernant les salariés de l'entreprise Revco n'est pas établie et ne saurait en tout cas tenir lieu de démonstration pour établir que l'employeur a respecté son obligation de sécurité. En conséquence, au vu de ces éléments, il convient de faire droit à la demande des salariés tendant à l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété » ;

ALORS QUE le salarié qui recherche la responsabilité de son employeur doit justifier des préjudices qu'il invoque en faisant état d'éléments personnels et circonstanciés pertinents ; que la circonstance qu'il ait travaillé dans un établissement susceptible d'ouvrir droit à l'ACAATA ne dispense pas l'intéressé, qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, de justifier de tels éléments personnels et circonstanciés ; qu'en dispensant les défendeurs au pourvoi de justifier de leur situation par des éléments personnels et circonstanciés pour leur allouer à chacun une somme de 8 000 € à titre de « réparation forfaitaire » du préjudice d'anxiété pour avoir travaillé au sein d'établissements classés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et du principe de la réparation intégrale du préjudice.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-15395
Date de la décision : 02/10/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 21 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 oct. 2019, pourvoi n°18-15395


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.15395
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