LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'attaqué, que Mme S... a été engagée le 23 février 2009, par la société Château Miraval, en qualité d'assistante commerciale ; que sa rémunération était composée d'un salaire fixe et d'une prime sur résultats définie dans une annexe à son contrat de travail ; que la salariée a démissionné le 23 août 2012 puis a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes de rappel de salaire, d'indemnité compensatrice de congés payés et de dommages-intérêts pour non-respect des engagements contractuels et la condamner à rembourser à l'employeur la somme versée en exécution du jugement du 7 avril 2015, l'arrêt retient que l'annexe au contrat de travail prévoit une prime de 15 % sur le chiffre d'affaires réalisé au-dessus de 100 000 euros, sans qu'une fourchette ou une limite de la prime ne soit fixée en cas de chiffre d'affaires supérieur à 150 000 euros, qu'en ayant perçu une commission de 19 000 euros bruts pour l'année 2009 et en sollicitant expressément le paiement d'une commission de 19 000 euros bruts pour l'année 2010, sur la base d'un chiffre d'affaires annuel qu'elle avait évalué à 250 000 euros, la salariée avait reconnu que les parties avaient entendu limiter le montant de sa prime d'objectifs annuelle à la somme de 19 000 euros bruts, quel que soit le montant du chiffre d'affaires réalisé supérieur à 150 000 euros, qu'il résulte des pièces versées aux débats que les parties ont engagé des discussions sur la fixation des primes sur objectifs pour les années 2011 et suivantes, qu'il n'existe aucun élément de preuve établissant une manifestation claire et non équivoque de volonté de la salariée d'accepter un avenant à son contrat de travail pour les années 2011 et 2012, qu'il convient enfin de relever que suite à la contestation élevée par la salariée sur le montant de ses primes, la société Château Miraval lui a finalement réglé les commissions dues de 2010 à 2012 sur la base de la prime annuelle de 19 000 euros bruts lui remettant un chèque de 2 438,16 euros pour solde de tout compte ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'accord exprès de la salariée à la diminution du montant de la prime annuelle de résultats à laquelle elle pouvait prétendre pour les années 2010 à 2012, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la société Château Miraval aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Château Miraval à payer à Mme S... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme S....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mme S... de ses demandes de rappel de salaire, d'indemnité compensatrice de congés payés et de dommages et intérêts pour non-respect des engagements contractuels ;
AUX MOTIFS QU' aux termes du contrat de travail en date du 23/02/2009, il est stipulé : « en contrepartie de ses fonctions, Mlle S... percevra une rémunération mensuelle brute de 2000 € correspondant à 151,67 heures de travail par mois. A cette rémunération s'ajouteront des primes sur objectifs tel que précisé en annexe N° 1 du présent contrat." ; que l'annexe 1 intitulée "primes sur résultat E... S..." stipule :
- Primes sur C.A. réalisés pour la tranche de 50.000 à 75.000€ : 10% de primes sur CA H.T,
- Pour la tranche de 75.000 à 100.000€ : 12% ;
- Prime fixe si C.A. 100.000 € atteint : 2000 €
- Prime sur C.A. réalisé au-dessus de 100.000 € : 15%
- Prime fixe si C.A. 150.000 € atteint: 4000€
Le C.A. s'entend sur le total des ventes hors taxes réellement encaissés sur l'année civile par Château MIRAVAL.
Exemple de calcul si 150 000 €:
Prime sur tranche 50 à 75.000 : 25 000 x 10% = 2500 €
Prime sur tranche 75 à 100.000 : 25 000 x 12% = 3000 €
Bonus pour 100.000 € atteint: prime fixe = 2000 €
Prime sur CA 100 à 150.000 € : 50 000 x 15% = 7500 €
Bonus pour 150.000 atteint: prime fixe = 4000 €
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Total pour C.A. 150.000 € 19 000 €
Que l'annexe 1 précise bien une prime de 15% sur le chiffre d'affaire réalisé au-dessus de 100.000 €, sans qu'une fourchette ou une limite de la prime ne soit fixée en cas de chiffre d'affaire réalisé par la salariée supérieur à 150.000 € ; que si l'exemple chiffré mentionne le calcul d'une prime de 15% sur un chiffre d'affaires de 100 à 150.000 €, cette mention n'établit pas l'absence de versement d'une prime au-delà d'un chiffre d'affaire de 150.000 € dans la mesure où le chiffre d'affaire au-dessus de 100 000 € réalisé dans l'exemple retenu est bien de 50.000 € ; qu'il convient néanmoins de relever que E... S... a bénéficié pour l'année 2009 d'une prime de 19.000 € bruts ainsi que le mentionne son bulletin de salaire de mars 2010 ; qu'aux termes d'un courrier électronique du 08/12/2010, E... S... a relancé sur ses commissions F... D..., qui lui a indiqué qu'elle essayait de trouver « quelque chose de plus évolutif » pour que ses commissions restent motivantes ; qu'aux termes d'un courrier électronique du 30/11/2010, suite à une proposition d'un nouveau mode de calcul de ses primes sur objectifs émanant de l'employeur, E... S... a indiqué être d'accord sur le mode de calcul des commissions mais avec les pourcentages qu'elle lui avait indiqué soit 4,5 % du chiffre d'affaire HT équivalent à celui réalisé l'année précédente et 7% du chiffre d'affaire HT qui dépasse celui réalisé de l'année précédente ; que E... S... a alors établi un tableau retraçant l'évolution du montant de ses primes sur objectifs de 2009 à 2014 en fonction des nouvelles propositions de l'employeur en soulignant que le montant de sa prime sur objectif en 2010 pour un chiffres d'affaire de 250.000€ étaient de 19.000 €, ses primes de 2011, 2012, 2013 et 2014 pour des chiffres d'affaire estimés à 330.000 €, 400.000 €, 450.000€ et 500.000€ étant ainsi respectivement de 23.250 €, 26.250 €, 24.750 € et 27.000 € ; qu'elle a souligné que si elle atteignait 25% de coûts à partir de 2013, la valeur du point à 650 € lui ferait baisser ses commissions ; qu'elle a ainsi sollicité une nouvelle proposition sur la valeur du point plus élevée en dessous de 25% tout en ajoutant : « pour 2010, je préfère garder l'avenant en cours de 19.000 € bruts qui est certainement inférieur à ta proposition que j'ai dû mal à appréhender fin novembre 2010. En effet les chiffres ne sont pas tous bien exacts et définis entre nous... » ; que par courrier électronique du 02/02/2011, E... S... a réclamé le solde de ses commissions 2010 ; que par courrier électronique du 03/02/2011, Mme D... a répondu : « E..., on t'a versé le 17 janvier 3.000 € et le 24 janvier 5.000 €. La commission de 19.000 € brut correspondant à environ 15.000 € net. En enlevant les 2 acomptes, il reste à te payer 7.000 € environ. O... fait un chèque de cette somme qui part aujourd'hui et la prime apparaîtrait sur ton bulletin de février car celui de janvier est déjà fait et on ajustera avec le montant exact (probablement quelques dizaines d'euros en + ou en moins » ; que E... S... n'a pas contesté cette commission de 19.000 € brut telle qu'indiqué par F... D..., ne le faisant que par lettre du 09/11/2012, postérieurement à sa démission ; qu'en ayant perçu une commission de 19.000 € bruts pour l'année 2009 et en sollicitant expressément le paiement d'une commission de 19.000 € bruts pour l'année 2010 sur la base d'un chiffre d'affaire annuel qu'elle avait évalué à 250.000 €, E... S... a reconnu que les parties avaient entendu limiter le montant de sa prime d'objectifs annuelle à la somme de 19.000€ bruts, quel que soit le montant du chiffre d'affaire réalisé supérieur à 150.000 € ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que les parties ont engagé des discussions sur la fixation des primes sur objectifs pour les années 2011 et suivantes ; que par courrier électronique du 08/12/2010, E... S... a ainsi relancé F... D..., qui lui a indiqué qu'elle essayait de trouver « quelque chose de plus évolutif » pour que ses commissions restent motivantes ; que par courrier électronique du 10/12/2010, F... D... a proposé deux solutions pour calculer les primes de E... S... ; que le 21/12/2010, E... S... a confirmé avoir reçu un avenant ; que F... D... lui a par ailleurs adressé un second avenant le 08/01/2011 ; qu'aux termes d'un courrier électronique du 05/07/2011, E... S... a de nouveau relancé F... D... sur les problèmes des commissions qu'elle indiquait ne pas être réglés ; que le société CHÂTEAU MIRAVAL soutient que E... S... a toutefois accepté un avenant qu'elle verse aux débats aux termes duquel il est mentionné l'indexation de la partie fixe du salaire sur l'évolution du SMIC, le versement d'une commission de 5% sur le chiffre d'affaire HT facturé correspondant au chiffre d'affaire réalisé l'année précédente, le versement d'une commission de 10% sur le chiffre d'affaire HT facturé pour la partie du chiffre qui se situe au-delà du chiffre d'affaire réalisé l'année précédente ; qu'il convient de souligner que cet avenant n'est ni daté ni signé des parties ; que si la société CHÂTEAU MIRAVAL a par ailleurs bien versé à E... S... la commission de 17.118,24 euros net au titre de la prime de 2011 conformément à cet avenant, elle lui a réglé pour l'année 2012 une commission de 14.189,96 € bruts qui ne correspondent pas à la commission de 15.126,74 euros net qu'elle avait calculée selon ce même avenant ; qu'au vu de ces éléments, il n'existe aucun élément de preuve établissant une manifestation claire et non équivoque de volonté de la salariée d'accepter cet avenant ; qu'il convient enfin de relever que suite à la contestation élevée par la salariée sur le montant de ses primes, la société CHATEAU MIRAVAL lui a finalement réglé les commissions dues de 2010 à 2012 sur la base de la prime annuelle de 19.000 € bruts en lui remettant un chèque de 2.438,16 € pour solde de tout compte ; que la société CHÂTEAU MIRAVAL ne réclame pas le paiement d'une somme en vertu des accords qu'elle allègue avoir conclu pour les années 2010 à 2012 ; qu'elle ne sollicite que le remboursement des sommes qu'elle a versées en exécution du jugement du Conseil de prud'hommes qui a octroyé les primes de 15 % au-delà de 150.000 € de sorte que ses moyens fondés sur un nouvel avenant au contrat de travail est superfétatoire ; qu'il convient par conséquent d'infirmer le jugement déféré et de débouter E... S... de ses demandes en paiement des rappels de primes pour un montant de 39.196,84 euros net et de sa demande en paiement de l'indemnité de congés payés y afférent de 4.582,80 € bruts ; que le Conseil de prud'hommes a alloué à E... S... une somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant du non-respect par l'employeur de ses engagements contractuels ; que E... S... ayant contesté avoir conclu le moindre accord sur un nouveau mode de calcul de ses primes, la société CHATEAU MIRAVAL lui a alors réglé les primes conformément à l'annexe 1 du contrat de travail ; que la cour ayant par ailleurs estimé que la prime due en vertu de cet accord s'élevait à 19.000 € bruts, somme que l'employeur a réglée, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'employeur ne peut verser à son salarié un salaire inférieur à celui contractuellement prévu, sauf à obtenir son accord exprès et dénué d'équivoque ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que le contrat de travail prévoyait une prime de résultat non plafonnée ; que dès lors, la Cour ne pouvait déduire la renonciation de la salariée à percevoir la totalité de sa prime, y compris pour l'année 2010, en se bornant à relever que cette dernière « a reconnu » que les parties avaient entendu limiter le montant de la prime sans constater nulle part qu'elle avait, en connaissance de cause, accepté cette diminution de sa rémunération ; qu'ainsi la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE l'employeur ne peut verser à son salarié un salaire inférieur à celui contractuellement prévu, sauf à obtenir son accord exprès et dénué d'équivoque ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de la Cour d'appel que l'accord qu'aurait donné la salariée dans le courriel du 30 novembre 2010, de plafonner le montant de sa prime de résultat à la somme de 19.000 € même en cas de réalisation d'un chiffre d'affaires supérieur à 150.000 €, ne vise clairement que l'année 2010 et non les années suivantes ; qu'en appliquant néanmoins ce plafonnement aux années 2011 et 2012, malgré les termes du contrat, la Cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS, EGALEMENT, QUE la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; que l'arrêt attaqué ne pouvait d'un côté constater qu'aux termes du contrat, la prime d'objectifs n'était pas limitée et de l'autre que les parties avaient entendu plafonner le montant de la prime d'objectifs ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile.