LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 9 avril 2015, 9 février 2017 et 28 septembre 2017), que les titres de la société Geodis étaient admis aux négociations sur le compartiment B du marché réglementé d'Euronext Paris ; que le 6 avril 2008, la société SNCF Participations, alors principal actionnaire de la société Geodis, a annoncé, par un communiqué de presse, le lancement d'une offre publique d'achat (OPA) amicale sur la totalité des actions de la société ; que le service de la surveillance des marchés de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) ayant constaté, avant cette annonce publique, une nette augmentation des volumes échangés sur le titre Geodis ainsi que de son cours, le secrétaire général de l'AMF a décidé d'ouvrir, le 28 avril 2008, une enquête sur le marché de ce titre à partir du 1er septembre 2007 ; qu'à la suite de cette enquête, le collège de l'AMF a notifié des griefs à M. R... et M. A..., son cousin, reprochant au premier, "managing director" au sein de la banque UBS, chargée par la société SNCF Participations de présenter l'OPA sur la société Geodis, d'avoir communiqué à M. A... une information privilégiée relative à cette opération, détenue dès le 19 mars 2008, et au second d'avoir utilisé, entre le 20 mars et le 4 avril 2008, cette information privilégiée pour acquérir, pour son compte personnel, des titres et des « contracts for difference » (CFD), instruments financiers à terme dotés d'un effet de levier, sur le titre Geodis, pour un montant total de 8 000 224 euros ; que par décision du 12 avril 2013, la Commission des sanctions de l'AMF a sursis à statuer sur les griefs notifiés à MM. A... et R... jusqu'à ce qu'il soit procédé à un supplément d'information concernant l'existence des ordres que M. A... prétendait avoir passés entre les 28 février et 18 mars 2008 ; que par décision du 18 octobre 2013, elle a retenu que les manquements reprochés étaient caractérisés et prononcé à l'encontre de M. A... une sanction pécuniaire de 14 millions d'euros et à l'encontre de M. R..., une sanction pécuniaire de 400 000 euros ; que M. A... ayant formé un recours contre ces décisions, la cour d'appel de Paris a, par un arrêt du 9 avril 2015, sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir du Conseil d'Etat sur le recours formé devant lui par M. R... contre les mêmes décisions ; que par un arrêt du 6 avril 2016, le Conseil d'Etat a rejeté la requête de M. R... et porté la sanction financière à 600 000 euros ; que par un arrêt du 9 février 2017, rectifié le 23 mars 2017, la cour d'appel de Paris a dit que l'instance suspendue par son précédent arrêt du 9 avril 2015 avait valablement été rétablie au rôle ; que par un arrêt du 28 septembre 2017, elle a rejeté le recours formé par M. A... ;
Sur la recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 9 avril 2015, contestée par la défense :
Vu l'article 380-1 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le recours en cassation n'est ouvert contre les décisions de sursis à statuer rendues en dernier ressort que pour violation de la règle de droit gouvernant le sursis à statuer ; qu'il n'est dérogé à cette règle, comme à toute règle interdisant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir ;
Attendu que l'arrêt du 9 avril 2015 ordonne le sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, et que M. A... n'invoque, au soutien du pourvoi formé contre cet arrêt, aucune violation de la règle gouvernant le sursis à statuer ni n'allègue l'existence d'un excès de pouvoir ;
D'où il suit que le pourvoi, en ce qu'il est formé contre cet arrêt,
n'est pas recevable ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt du 28 septembre 2017 de rejeter son recours alors, selon le moyen :
1°/ que la coopération et les échanges d'informations entre l'AMF et l'étranger, notamment pour les besoins des contrôles et des enquêtes, sont exclusivement régis par les dispositions impératives du chapitre II du titre III du livre VI du code monétaire et financier ; qu'en ce qui a trait aux échanges d'informations avec les autorités émanant d'Etats non-membres de l'Union européenne et non-parties à l'Accord sur l'Espace économique européen, les seules dispositions pertinentes sont celles des articles L. 632-7 et L. 632-16 du code monétaire et financier ; qu'en retenant néanmoins que la collecte d'informations et de pièces par l'AMF auprès d'autorités de tels Etats pouvait valablement avoir lieu « hors [du] champ d'application » des articles L. 632-7 et L. 632-16 du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé ces deux textes ;
2°/ que tant l'article L. 632-7 que l'article L. 632-16 du code monétaire et financier imposent la conclusion par écrit d'un accord préalablement à tout échange d'informations entre l'AMF et des autorités d'Etats non-membres de l'Union européenne et non-parties à l'Accord sur l'Espace économique européen ; qu'en particulier, l'exigence de réciprocité figurant au second de ces textes, loin d'emporter dispense de la conclusion préalable d'un accord écrit, ne peut être respectée qu'en l'état d'un tel accord ; qu'en retenant au contraire que les dispositions des textes susvisés ne faisaient pas obstacle à ce que l'Autorité des marchés financiers « sollicite » et « obtienne » d'une autorité étrangère, sans conclusion préalable d'un accord de coopération, des informations pour les besoins d'une enquête dont elle avait la responsabilité, la cour d'appel a violé lesdits textes ;
3°/ que la disposition de l'article L. 621-10 du code monétaire et financier autorisant les enquêteurs de l'AMF à « se faire communiquer tous documents », n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de permettre à celle-ci de collecter des informations auprès d'autorités d'Etats non-membres de l'Union européenne et non-parties à l'Accord sur l'Espace économique européen sans conclusion préalable d'un accord écrit de coopération ; qu'en retenant au contraire que la disposition précitée autoriserait l'AMF à demander des informations et pièces à une autorité d'un tel Etat, même en l'absence d'accord de coopération préalable, la cour d'appel a violé l'article L. 621-10 du code monétaire et financier ;
4°/ que le recours contre une décision de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n'est pas un appel, mais un recours de pleine juridiction contre une décision administrative individuelle, d'où il suit que l'office de la cour d'appel de Paris, en cette matière, ne l'autorise pas à procéder à une substitution de motifs qui n'aurait pas été demandée par ladite autorité publique indépendante ; que pour justifier la prétendue régularité de la procédure d'enquête en ce qui avait trait aux informations collectées au Liban, la décision rendue le 12 avril 2013 par l'AMF, frappée de recours, retenait exclusivement que l'article L. 632-16 du code monétaire et financier autoriserait une coopération entre les autorités françaises et libanaises, nonobstant l'absence d'accord écrit préexistant ; qu'il en allait de même des observations produites par l'AMF devant la cour d'appel dans l'instance ouverte sur le recours contre cette décision ; qu'en substituant d'office à un tel motif, des motifs distincts pris de ce que, d'une part, la collecte d'informations et de pièces par l'AMF auprès d'autorités libanaises pourrait valablement avoir lieu hors du champ d'application des articles L. 632-7 et L. 632-16 du code monétaire et financier, d'autre part, l'article L. 621-10 du même code autoriserait l'AMF à demander des informations et pièces à des autorités libanaises, même en l'absence d'accord de coopération préalable, cependant qu'une telle substitution de motifs n'avait pas été suggérée par l'autorité publique indépendante, la cour d'appel a méconnu son office et violé les articles L. 621-30 et R. 621-46 du code monétaire et financier ;
5°/ qu'en relevant d'office, et sans recueillir à tout le moins les observations de la personne mise en cause, le moyen pris de ce que, d'une part, la collecte d'informations et de pièces par l'AMF auprès d'autorités libanaises pourrait valablement avoir lieu hors du champ d'application des articles L. 632-7 et L. 632-16 du code monétaire et financier, d'autre part, l'article L. 621-10 du même code autoriserait l'AMF à demander des informations et pièces à des autorités libanaises, même en l'absence d'accord de coopération préalable, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;
6°/ que ce faisant, la cour d'appel a aussi méconnu le droit à un procès équitable et violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, en premier lieu, que, contrairement à ce que postule le moyen, en ses première et deuxième branches, les dispositions des articles L. 632-7 et L. 632-16 du code monétaire et financier ne régissent pas les modalités de recueil d'informations reçues de l'étranger mais seulement celles de la transmission d'informations à l'étranger et ne font pas obstacle à ce que l'AMF utilise, pour les besoins d'une enquête dont elle a la responsabilité, des informations obtenues d'autorités étrangères en dehors de tout accord de coopération préalable ;
Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'inviter les parties à formuler leurs observations dès lors qu'elle se bornait à vérifier l'absence ou la réunion des conditions d'application des articles L. 632-7 et L. 632-16 du code monétaire et financier, n'a pas substitué d'office un motif relatif à ces dispositions et n'a violé ni le principe de la contradiction ni l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Et attendu, en dernier lieu, que les griefs des troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, qui critiquent des motifs surabondants en ce qu'ils sont relatifs à l'article L. 621-10 du code monétaire et financier, sont inopérants ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches :
Attendu que M. A... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que l'office du rapporteur désigné par le président de la Commission des sanctions de l'AMF est non seulement de procéder à des investigations en vue de réunir des preuves, mais aussi de prendre parti dans son rapport sur la réalité des manquements susceptibles d'être retenus ; que l'instruction doit avoir lieu à charge et à décharge et ne peut donc valablement être le fait d'un rapporteur qui ne serait pas exempt de tout soupçon de partialité, par exemple pour avoir déjà opiné dans l'affaire concernée ; qu'il suit de là que, dans le cas où, après dépôt d'un rapport comportant l'expression d'une opinion sur la culpabilité de la personne mise en cause, la Commission des sanctions estime utile de faire procéder à des investigations complémentaires, celles-ci ne peuvent être valablement confiées au rapporteur auteur de ce premier rapport ; qu'en retenant au contraire que la Commission des sanctions avait pu régulièrement confier au rapporteur initial une instruction complémentaire, la cour d'appel a méconnu le principe d'impartialité et violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu'aux termes de la décision rendue le 12 avril 2013 par la Commission des sanctions de l'AMF, la mission d'instruction complémentaire confiée au même rapporteur avait pour objet de mettre celle-ci « en mesure de porter, en toute connaissance de cause, une appréciation sur l'existence et, le cas échéant, sur la date [des] ordres » que M. A..., pour contester l'existence d'un manquement d'initié, disait avoir passés antérieurement à la date de la prétendue information privilégiée ; que M. A... faisait valoir que, dans son rapport antérieur du 29 janvier 2013, le rapporteur de la Commission des sanctions de l'AMF avait écrit que les extraits du registre des ordres de la société de courtage AIDI, produits pour démontrer l'existence de ces ordres, étaient « sujets à caution », qu'il convenait de « les écarter des débats » et qu'ils n'étaient « produits par le mise en cause qu'à raison d'une thèse qui sembl[ait] avoir été construite à rebours pour les besoins de la cause » ; qu'en l'état d'une telle contestation, il incombait à la cour d'appel d'examiner si l'opinion déjà émise par le rapporteur, dans un sens défavorable à la personne mise en cause, relativement à la sincérité des extraits du registre des ordres produits par cette dernière et même à son honnêteté procédurale, n'excluait pas que l'on pût confier valablement au même rapporteur une mesure d'instruction complémentaire destinée à éclairer la Commission des sanctions sur l'existence des ordres concernés ; qu'en se fondant, pour en déduire que le principe d'impartialité n'aurait pas été méconnu, sur le caractère exclusivement factuel des recherches complémentaires confiées au même rapporteur, cependant que la question à trancher était celle, distincte, de la possibilité ou non de confier une instruction sur l'existence des ordres passés par le mis en cause à un rapporteur ayant déjà retenu la prétendue fausseté des pièces les constatant et l'improbité procédurale du mis en cause à cet égard, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que l'impartialité n'est respectée qu'en l'absence de tout doute légitime de la personne mise en cause sur la neutralité du rapporteur tenu d'instruire l'affaire à charge et à décharge ; que, dès lors que le rapporteur a déjà opiné, un tel doute légitime existe nécessairement, quand bien même le rapporteur n'aurait pas excédé les limites de sa mission ; qu'en se fondant néanmoins, pour exclure tout manquement à l'exigence d'impartialité, sur le respect par le rapporteur du cadre et des limites de sa mission, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la circonstance que la Commission des sanctions de l'AMF désigne, pour effectuer un complément d'instruction, le rapporteur qui, conformément à sa mission, s'est déjà prononcé, dans son rapport initial, sur les éléments de preuve apportés par la personne mise en cause et a porté une appréciation, en l'état de l'instruction, sur les faits reprochés et sur la valeur des arguments en défense, n'est pas par elle-même contraire au principe d'impartialité ; qu'ayant relevé que, par décision du 12 avril 2013, la Commission des sanctions de l'AMF a demandé au rapporteur de procéder à un supplément d'information concernant l'existence des ordres que M. A... prétendait avoir passés entre les 28 février et 18 mars 2008 sur les actions et CFD Geodis et a, en conséquence, sursis à statuer sur les griefs notifiés à MM. A... et R..., l'arrêt retient que, faisant application de l'article R. 621-40 du code monétaire et financier, elle a défini précisément la mission du rapporteur, limitée à la recherche d'éléments exclusivement factuels et objectifs, et que le rapporteur en a strictement respecté le cadre et les limites ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, c'est sans méconnaître le principe d'impartialité que la cour d'appel a retenu que la Commission des sanctions avait valablement confié au rapporteur initial une instruction complémentaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors, selon le moyen :
1°/ que le recours contre une décision de la Commission des sanctions de l'AMF est un recours de pleine juridiction par l'effet duquel la cour d'appel de Paris peut soit confirmer la décision de la Commission des sanctions, soit l'annuler ou la réformer en tout ou partie ; qu'il suit de là que l'office de la cour d'appel de Paris, en cette matière, lui impose de procéder elle-même à un réexamen effectif et concret des faits de la cause, en vue de porter une appréciation sur la culpabilité du mis en cause, et lui interdit de tenir pour acquis les faits retenus par la décision frappée de recours ; qu'en s'estimant néanmoins liée par l'« élément déterminant » retenu au plan factuel par la Commission des sanctions à l'encontre de M. A..., élément tenant à la détention et la prétendue transmission à ce dernier d'une information privilégiée par M. R..., et en en déduisant la nécessité de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du Conseil d'Etat sur le recours parallèle exercé par M. R... à raison des mêmes faits, la cour d'appel, qui s'est abstenue de porter elle-même une appréciation concrète et effective sur les faits dont elle était saisie et à l'égard desquels elle ne pouvait valablement se contenter de démarquer l'analyse de la Commission des sanctions, a méconnu son office, en violation des articles L. 621-30 et R. 621-46 du code monétaire et financier ;
2°/ que l'office de la cour d'appel de Paris, saisie du recours contre une décision de la Commission des sanctions de l'AMF, lui interdit de s'en remettre, sur les faits dont elle a à connaître, à l'appréciation d'une autre juridiction, fût-elle le Conseil d'Etat saisi du recours d'une autre personne mise en cause dans la même affaire à propos des mêmes faits ; qu'en estimant qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer elle-même sur la détention et la prétendue transmission à M. A... de l'information privilégiée par M. R... et qu'il lui fallait au contraire attendre sur ce point de connaître la position du Conseil d'Etat, saisi du recours parallèle de M. R..., la cour d'appel, qui a abdiqué son pouvoir d'appréciation des faits, a de plus fort méconnu son office, en violation des textes susvisés ;
3°/ que le principe de l'égalité des armes, qui est l'un des éléments de la notion plus large de procès équitable, requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions ne la plaçant pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; que la cour d'appel, sursoyant à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du Conseil d'Etat concernant la prétendue transmission à M. A... de l'information privilégiée par M. R..., a manifesté l'intention de prendre en considération ladite décision sur le point concerné ; que le Conseil d'Etat - au terme d'une instance dans laquelle M. A..., dénué de la qualité de partie et n'ayant pu former qu'une intervention volontaire accessoire au soutien de la requête de M. R..., n'avait pu défendre ses propres intérêts - a statué défavorablement à l'égard de M. R... et retenu, en particulier, la prétendue transmission par ce dernier de l'information privilégiée à M. A... ; que cette décision du Conseil d'Etat a donc constitué, dès la reprise de l'instance devant la cour d'appel de Paris, un élément à charge, plaçant M. A... dans une situation de net désavantage par rapport à l'AMF ; que l'arrêt attaqué du 28 septembre 2017 a dès lors été rendu en méconnaissance du principe de l'égalité des armes et de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en raison de l'irrecevabilité du pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 9 avril 2015, le moyen, pris en ses première et deuxième branches, est sans portée ;
Et attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que le Conseil d'Etat, s'il a admis l'intervention de M. A..., n'a statué qu'à l'égard de M. R..., en rejetant sa requête et en aggravant les sanctions prononcées à son encontre, et retenu que l'AMF ne saurait opposer à M. A... l'autorité de la chose jugée par cette décision, l'arrêt énonce exactement qu'il relève de l'office de la cour d'appel, conformément aux règles de répartition des compétences juridictionnelles prévues par le code monétaire et financier, d'apprécier le bien-fondé de l'intégralité des moyens de fait et de droit soulevés par M. A... à l'appui du recours qu'il a formé le 26 décembre 2013 contre les décisions de la Commission des sanctions de l'AMF ; qu'il en résulte que le seul fait que la cour d'appel ait pris en considération la décision du Conseil d'Etat, parmi tous les éléments du débat apportés par les parties, n'a pas porté atteinte au principe de l'égalité des armes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen :
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt du 28 septembre 2017 de rejeter son recours alors, selon le moyen, que si la sanction pécuniaire infligée par l'AMF peut et doit être dissuasive, elle ne peut en revanche valablement revêtir un caractère confiscatoire, à peine d'enfreindre le principe de proportionnalité ; qu'en relevant, pour justifier la sanction de quatorze millions d'euros infligée à M. A..., que celui-ci détenait « un patrimoine de plusieurs dizaines de millions d'euros, qu'il ne prétend[ait] ni ne démontr[ait] avoir perdu », la cour d'appel s'est fondée sur une considération impropre, en raison de son imprécision, à exclure le caractère confiscatoire de la sanction rapportée au patrimoine de l'intéressé ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 621-15 du code monétaire et financier ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que le manquement d'initié commis par M. A... lui a permis de réaliser, en moins d'une dizaine de jours, un bénéfice de 6 248 593 euros, l'arrêt relève que, bien que M. A... n'ait pas donné d'informations complètes durant l'enquête ou l'instruction sur le montant de son patrimoine, il ressort néanmoins de ses comptes bancaires, ainsi que de l'historique des opérations boursières effectuées à titre personnel quasi quotidiennement, qu'il détenait un patrimoine de plusieurs dizaines de millions d'euros, qu'il ne prétend ni ne démontre avoir perdu ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que la sanction pécuniaire prononcée à l'encontre de M. A... n'était pas excessive au regard de sa capacité financière, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la proportionnalité de la sanction, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et cinquième branches, ni sur le quatrième moyen, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 9 avril 2015 ;
REJETTE le pourvoi en ce qu'il est formé contre les arrêts du 9 février 2017 et du 28 septembre 2017 ;
Condamne M. A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à l'Autorité des marchés financiers la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf et signé par M. Guérin, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme ORSINI.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. A...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(sur la coopération internationale)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué du 28 septembre 2017 D'AVOIR rejeté le recours formé par M. A... contre les décisions rendues le 12 avril et le 18 octobre 2013 par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers ;
AUX MOTIFS QUE, sur la régularité de la procédure d'enquête, la cour observe, en premier lieu, que les articles L. 632-7 et L. 632-16 du code monétaire et financier dérogent l'un et l'autre aux dispositions de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication des documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, dite « loi de blocage », en permettant à l'AMF de communiquer à une autorité étrangère des informations dont cette loi consacre la confidentialité ; qu'en ce qui concerne le champ d'application de la loi de blocage, celle-ci, contrairement à ce que prétend M. A..., ne protège pas d'une façon générale « le secret des affaires », les « intérêts économiques », « les renseignements relatifs aux marchés financiers » ou encore le « le principe essentiel du secret des affaires », mais seulement les informations « de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l'ordre public » (article 1er de la loi de blocage) et il s'applique, en conséquence, aux informations susceptibles d'être transmises à l'étranger, à l'exclusion des informations reçues de l'étranger ; que force est de constater qu'en l'espèce les informations en cause, d'une part, n'ont pas été communiquées à une autorité étrangère par l'AMF, mais ont été reçues par elle de la part de l'autorité libanaise, et que, d'autre part, elles ne mettaient en jeu que les intérêts privés de M. A... et non l'un des intérêts protégés, selon les termes ci-dessus rappelés, par la loi de blocage précitée, dans le champ d'application duquel [sic] elles n'entraient donc pas ; qu'en second lieu, si les articles L. 632-7 et L. 632-16 du code monétaire et financier fixent, chacun, un cadre juridique particulier à l'échange d'informations entre autorités compétentes - le premier par la voie conventionnelle, le second sous réserve de réciprocité -, leurs dispositions ne font pas obstacle à ce que, hors de leur champ d'application et donc sans conclusion préalable d'un accord de coopération, l'AMF obtienne d'une autorité étrangère des informations qu'elle utilise pour les besoins d'une enquête dont elle a la responsabilité et à l'occasion de laquelle ses enquêteurs peuvent, selon l'article L. 621-10 du même code, « se faire communiquer tous documents » ; qu'aussi l'AMF, compétente selon l'article L. 621-15 II pour sanctionner toute personne qui se serait livrée à une opération d'initié « sur le territoire français ou à l'étranger », a-t-elle pu, dans la présente affaire, solliciter des autorités libanaises et faire usage des informations que celles-ci lui ont communiquées sans que, contrairement à ce que soutient M. A..., l'absence d'accord de coopération entache d'irrégularité la procédure d'enquête ; que les moyens développés à ce titre par le requérant seront donc rejetés (arrêt attaqué du 28 septembre 2017, p. 9, § 3 à 6) ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE l'ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007 a regroupé dans le chapitre II du titre III du code monétaire et financier les dispositions relatives à la « coopération » et aux « échanges d'informations avec l'étranger » en distinguant selon que les autorités avec lesquelles il s'agit de coopérer, soit sont membres d'un Etat de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, la coopération étant alors en principe obligatoire, soit ne le sont pas ; que, dans cette dernière hypothèse, la coopération et les échanges d'information entre l'AMF et l'autorité compétente de l'Etat étranger sont régis notamment par l'article L. 632-7 du code monétaire et financier (ci-après « article L. 632-7 ») et par les dispositions de l'article L. 632-16 dudit code (ci-après « article L. 632-16 »), le premier article étant applicable à l'ACP et à l'AMF, tandis que le second est réservé à l'AMF ; que les dispositions de l'article L. 632-16 reprennent pour l'essentiel le contenu, dans une rédaction identique à celle en vigueur avant l'ordonnance susvisée, de l'article L. 621-21, qui était alors inséré dans la section IV, intitulée « Pouvoirs », du chapitre unique du titre II du code monétaire et financier consacré à l'AMF ; qu'il résulte du premier alinéa de l'article L. 632-16 que, s'agissant « d'un Etat non membre de la Communauté européenne et qui n'est pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen », l'AMF « peut conduire des activités de surveillance, de contrôle et d'enquêtes à la demande d'autorités étrangères ayant des compétences analogues », ces activités étant alors « exercées sous réserve de réciprocité » ; qu'en pareille hypothèse, la mise en oeuvre de la coopération est donc subordonnée à la seule condition de la réciprocité entre l'autorité requérante et l'autorité requise ; que cette référence à la « réserve de réciprocité », expressément maintenue par l'ordonnance du 12 avril 2007 en même temps qu'elle a été insérée dans le chapitre consacré à la coopération avec l'étranger, n'a de sens qu'en l'absence de conclusion, entre ces autorités, d'une convention, laquelle, par nature, comporterait nécessairement des engagements réciproques ; qu'ainsi, l'alinéa premier de l'article L. 632-16 constitue une disposition « spéciale », qui autorise l'AMF à coopérer avec l'autorité d'un Etat étranger extérieur à la Communauté européenne, même s'il n'a pas été conclu d'accord avec elle ; qu'après avoir autorisé, dans son premier alinéa, cette modalité spécifique de coopération, l'article L. 632-16 en organise la mise en oeuvre dans son deuxième alinéa ; que les deux derniers alinéas de l'article L. 632-16 portent, quant à eux, sur la coopération « de droit commun » établie sur la base d'accords passés avec l'autorité compétente de l'Etat étranger non membre de la Communauté européenne et qui n'est pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen ; qu'il résulte ainsi du quatrième alinéa que, « outre les accords mentionnés à l'article L. 632-7, l'Autorité des Marchés Financiers peut, pour la mise en oeuvre des alinéas précédents, conclure des accords organisant ses relations avec des autorités étrangères exerçant des compétences analogues aux siennes » ; qu'il se déduit de l'emploi du verbe « peut » que la conclusion de tels accords n'est pas obligatoire, ce qui confirme, s'il en était besoin, l'alternative, offerte à l'AMF par les deux premiers alinéas de l'article L. 632-16, d'établir une coopération subordonnée à la seule condition de réciprocité ; qu'en fait, la coopération fondée, comme en l'espèce, sur ces deux premiers alinéas peut être fournie aussi bien par le régulateur français que par l'autorité étrangère requise ; que c'est en application de ces dispositions, qu'elle a visées dans ses demandes, que la DESM devenue la DEC (ci-après « DEC ») a sollicité la Banque du Liban, CCB, laquelle a transmis la demande, pour instruction, à la SIC qui a confirmé, en accomplissant les actes demandés, avoir une compétence comparable à celle de l'AMF; qu'ainsi, l'autorité requise était compétente pour traiter la demande et a donné son accord pour le faire ; qu'en conséquence, c'est à bon droit et à juste titre que la DEC a sollicité, sur le fondement des deux premiers alinéas de l'article L. 632-16, la coopération de la Banque du Liban, à laquelle il appartenait de choisir en son sein, en fonction des demandes dont elle était saisie, celle de ses Commissions compétentes pour y répondre (décision rendue le 12 avril 2013 par la commission des sanctions de l'AMF, p. 6, § 3 à p. 7, § 2) ;
1) ALORS QUE la coopération et les échanges d'informations entre l'Autorité des marchés financiers et l'étranger, notamment pour les besoins des contrôles et des enquêtes, sont exclusivement régis par les dispositions impératives du chapitre II du titre III du livre VI du code monétaire et financier ; qu'en ce qui a trait aux échanges d'informations avec les autorités émanant d'Etats non membres de l'Union européenne et non parties à l'Accord sur l'Espace économique européen, les seules dispositions pertinentes sont celles des articles L. 632-7 et L. 632-16 du code monétaire et financier ; qu'en retenant néanmoins que la collecte d'informations et de pièces par l'Autorité des marchés financiers auprès d'autorités de tels Etats pouvait valablement avoir lieu « hors [du] champ d'application » des articles L. 632-7 et L. 632-16 du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé ces deux textes ;
2) ALORS QUE tant l'article L. 632-7 que l'article L. 632-16 du code monétaire et financier imposent la conclusion par écrit d'un accord préalablement à tout échange d'informations entre l'Autorité des marchés financiers et des autorités d'Etats non membres de l'Union européenne et non parties à l'Accord sur l'Espace économique européen ; qu'en particulier, l'exigence de réciprocité figurant au second de ces textes, loin d'emporter dispense de la conclusion préalable d'un accord écrit, ne peut être respectée qu'en l'état d'un tel accord ; qu'en retenant au contraire que les dispositions des textes susvisés ne faisaient pas obstacle à ce que l'Autorité des marchés financiers « sollicite » et « obtienne » d'une autorité étrangère, sans conclusion préalable d'un accord de coopération, des informations pour les besoins d'une enquête dont elle avait la responsabilité, la cour d'appel a violé lesdits textes ;
3) ALORS QUE la disposition de l'article L. 621-10 du code monétaire et financier autorisant les enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers à « se faire communiquer tous documents », n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de permettre à celle-ci de collecter des informations auprès d'autorités d'Etats non membres de l'Union européenne et non parties à l'Accord sur l'Espace économique européen sans conclusion préalable d'un accord écrit de coopération ; qu'en retenant au contraire que la disposition précitée autoriserait l'Autorité des marchés financiers à demander des informations et pièces à une autorité d'un tel Etat, même en l'absence d'accord de coopération préalable, la cour d'appel a violé l'article L. 621-10 du code monétaire et financier ;
4) ALORS QUE le recours contre une décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n'est pas un appel, mais un recours de pleine juridiction contre une décision administrative individuelle, d'où il suit que l'office de la cour d'appel de Paris, en cette matière, ne l'autorise pas à procéder à une substitution de motifs qui n'aurait pas été demandée par ladite autorité publique indépendante ; que pour justifier la prétendue régularité de la procédure d'enquête en ce qui avait trait aux informations collectées au Liban, la décision rendue le 12 avril 2013 par l'Autorité des marchés financiers, frappée de recours, retenait exclusivement que l'article L. 632-16 du code monétaire et financier autoriserait une coopération entre les autorités françaises et libanaises, nonobstant l'absence d'accord écrit préexistant ; qu'il en allait de même des observations produites par l'Autorité des marchés financiers devant la cour d'appel dans l'instance ouverte sur le recours contre cette décision ; qu'en substituant d'office à un tel motif, des motifs distincts pris de ce que, d'une part, la collecte d'informations et de pièces par l'Autorité des marchés financiers auprès d'autorités libanaises pourrait valablement avoir lieu hors du champ d'application des articles L. 632-7 et L. 632-16 du code monétaire et financier, d'autre part, l'article L. 621-10 du même code autoriserait l'Autorité des marchés financiers à demander des informations et pièces à des autorités libanaises, même en l'absence d'accord de coopération préalable, cependant qu'une telle substitution de motifs n'avait pas été suggérée par l'autorité publique indépendante, la cour d'appel a méconnu son office et violé les articles L. 621-30 et R. 621-46 du code monétaire et financier ;
5) ALORS QU'en relevant d'office, et sans recueillir à tout le moins les observations de la personne mise en cause, le moyen pris de ce que, d'une part, la collecte d'informations et de pièces par l'Autorité des marchés financiers auprès d'autorités libanaises pourrait valablement avoir lieu hors du champ d'application des articles L. 632-7 et L. 632-16 du code monétaire et financier, d'autre part, l'article L. 621-10 du même code autoriserait l'Autorité des marchés financiers à demander des informations et pièces à des autorités libanaises, même en l'absence d'accord de coopération préalable, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;
6) ALORS QUE ce faisant, la cour d'appel a aussi méconnu le droit à un procès équitable et violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(sur le principe d'impartialité)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué du 28 septembre 2017 D'AVOIR rejeté le recours formé par M. A... contre les décisions rendues le 12 avril et le 18 octobre 2013 par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers ;
AUX MOTIFS QUE, sur la régularité de la procédure de sanction au regard du principe d'impartialité, la cour relève, à la lecture de la décision du 12 avril 2013 (page 14), que la commission des sanctions a défini précisément la mission du rapporteur lui demandant d'effectuer des recherches exclusivement factuelles ; qu'il ressort, par ailleurs, du rapport complémentaire, que le rapporteur a exécuté la mission qui lui était impartie, rappelant, dans la première partie du rapport, les interlocuteurs auxquels il s'était adressé et les courriers qu'il leur avait envoyés, dans la deuxième partie les réponses qu'il a obtenues, et que ce n'est que dans la quatrième et dernière partie, après avoir entendu M. A... à sa demande, qu'il livre son analyse, celle-ci reposant sur les données factuelles obtenues ; que dans ces conditions, il s'avère que la commission des sanctions, en faisant application de l'article R. 621-39 du code monétaire et financier, n'a pas méconnu le principe d'impartialité en confiant au même rapporteur une instruction complémentaire, dès lors que, d'une part, elle a limité la mission à la recherche d'éléments de fait objectifs et, d'autre part, que le rapporteur en a strictement respecté le cadre et les limites ; que la cour constate aussi qu'il n'a pas non plus été porté atteinte aux droits de la défense puisque M. A... qui avait été destinataire des éléments obtenus par le rapporteur, a été entendu, à sa demande, par ce dernier (arrêt attaqué du 28 septembre 2017, p. 10, § 4 et 5) ;
1) ALORS QUE l'office du rapporteur désigné par le président de la commissions des sanctions de l'Autorité des marchés financiers est, non seulement de procéder à des investigations en vue de réunir des preuves, mais aussi de prendre parti dans son rapport sur la réalité des manquements susceptibles d'être retenus ; que l'instruction doit avoir lieu à charge et à décharge et ne peut donc valablement être le fait d'un rapporteur qui ne serait pas exempt de tout soupçon de partialité, par exemple pour avoir déjà opiné dans l'affaire concernée ; qu'il suit de là que, dans le cas où, après dépôt d'un rapport comportant l'expression d'une opinion sur la culpabilité de la personne mise en cause, la commission des sanctions estime utile de faire procéder à des investigations complémentaires, celles-ci ne peuvent être valablement confiées au rapporteur auteur de ce premier rapport ; qu'en retenant au contraire que la commission des sanctions avait pu régulièrement confier au rapporteur initial une instruction complémentaire, la cour d'appel a méconnu le principe d'impartialité et violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2) ALORS QUE la décision rendue le 12 avril 2013, par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, pour être « en mesure de porter, en toute connaissance de cause, une appréciation sur l'existence et, le cas échéant, sur la date » des ordres en CFD Geodis passés par M. A... à compter du 28 février 2008, avait ordonné une instruction complémentaire confiée au rapporteur initial, auquel elle avait demandé « de procéder à toutes diligences utiles, et notamment de rechercher [
] si les ordres sur les CFD Geodis qu'aurait émis M. G... A..., via la société de courtage libanaise, entre le 1er février 2008 et le 31 mars 2008, [avaient] bien été reçus » par les établissements financiers intermédiaires ; qu'en affirmant que par cette décision, la commission des sanctions avait « défini précisément la mission du rapporteur » et l'avait limitée « à la recherche d'éléments de fait objectifs », pour en déduire qu'il n'était pas nécessaire que le rapporteur présentât encore à ce stade des garanties d'impartialité, cependant qu'en réalité, la mission de « procéder à toutes diligences utiles » et l'énumération indicative de certaines recherches, fussent-elles purement factuelles, étaient trop imprécises et laissaient une trop grande marge d'initiative au rapporteur pour que l'exigence d'impartialité pût être regardée comme ayant perdu son objet, la cour d'appel, qui s'est méprise sur le sens clair et précis de la décision susmentionnée, a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
3) ALORS QU'aux termes de la décision rendue le 12 avril 2013 par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, la mission d'instruction complémentaire confiée au même rapporteur avait pour objet de mettre celle-ci « en mesure de porter, en toute connaissance de cause, une appréciation sur l'existence et, le cas échéant, sur la date [des] ordres » que M. A..., pour contester l'existence d'un manquement d'initié, disait avoir passés antérieurement à la date de la prétendue information privilégiée ; que M. A... faisait valoir (mémoire en réplique et récapitulatif déposé le 27 avril 2017, n° 171, p. 76) que, dans son rapport antérieur du 29 janvier 2013, le rapporteur de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers avait écrit que les extraits du registre des ordres de la société de courtage AIDI, produits pour démontrer l'existence de ces ordres, étaient « sujets à caution », qu'il convenait de « les écarter des débats » et qu'ils n'étaient « produits par le mise en cause qu'à raison d'une thèse qui sembl[ait] avoir été construite à rebours pour les besoins de la cause » ; qu'en l'état d'une telle contestation, il incombait à la cour d'appel d'examiner si l'opinion déjà émise par le rapporteur, dans un sens défavorable à la personne mise en cause, relativement à la sincérité des extraits du registre des ordres produits par cette dernière et même à son honnêteté procédurale, n'excluait pas que l'on pût confier valablement au même rapporteur une mesure d'instruction complémentaire destinée à éclairer la commission des sanctions sur l'existence des ordres concernés ; qu'en se fondant, pour en déduire que le principe d'impartialité n'aurait pas été méconnu, sur le caractère exclusivement factuel des recherches complémentaires confiées au même rapporteur, cependant que la question à trancher était celle, distincte, de la possibilité ou non de confier une instruction sur l'existence des ordres passés par le mis en cause à un rapporteur ayant déjà retenu la prétendue fausseté des pièces les constatant et l'improbité procédurale du mis en cause à cet égard, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4) ALORS QUE l'impartialité n'est respectée qu'en l'absence de tout doute légitime de la personne mise en cause sur la neutralité du rapporteur tenu d'instruire l'affaire à charge et à décharge ; que, dès lors que le rapporteur a déjà opiné, un tel doute légitime existe nécessairement, quand bien même le rapporteur n'aurait pas excédé les limites de sa mission ; qu'en se fondant néanmoins, pour exclure tout manquement à l'exigence d'impartialité, sur le respect par le rapporteur du cadre et des limites de sa mission, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5) ALORS QU'en affirmant que la mission complémentaire confiée au rapporteur avait été limitée à la recherche d'éléments de faits objectifs, tout en constatant par ailleurs qu'à la fin du rapport complémentaire établi au vu des diligences effectuées en exécution de cette mission, ledit rapporteur, « exécut[ant] la mission qui lui était impartie », avait « livr[é] son analyse », c'est-à-dire opiné à nouveau sur la culpabilité de la personne mise en cause, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et méconnu l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(sur le sursis à statuer ordonné le 9 avril 2015 par la cour d'appel)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué du 9 avril 2015 D'AVOIR ordonné le sursis à statuer sur l'intégralité des demandes formées par M. A... dans l'attente de la décision à intervenir du Conseil d'Etat sur les recours formés par M. R... et par le président de l'Autorité des marchés financiers, et à l'arrêt attaqué du 28 septembre 2017 D'AVOIR, en l'état de la décision rendue le 6 avril 2016 par le Conseil d'Etat, rejeté le recours formé par M. A... contre les décisions rendues le 12 avril et le 18 octobre 2013 par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers ;
AUX MOTIFS QUE M. A..., qui dénie avoir détenu l'information privilégiée relative au projet d'OPA, et a fortiori l'avoir utilisée pour réaliser les investissements incriminés, à compter du 20 mars 2008, poursuit l'annulation de la procédure d'enquête et des deux décisions déférées, en soulevant des moyens de procédure et des moyens de fond ; qu'aux termes de l'article 622-1 du règlement général de I'AMF : « Toute personne mentionnée à l'article 622-2 doit s'abstenir d'utiliser l'information privilégiée qu'elle détient en acquérant ou en cédant ou en tentant d'acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés
» ; que les obligations d'abstention prévues par ce texte s'appliquent notamment à toute personne détenant une information privilégiée et qui sait ou aurait dû savoir qu'il s'agit d'une information privilégiée (article 622-2 du même règlement) ; qu'il est constant que M. A... a acquis, entre le 20 mars et le 4 avril 2008 : 101 287 CFD Geodis sur son compte AIDI pour un montant total de 7 464 891 euros, et 6 500 actions Geodis sur ses comptes à la banque du Liban et d'Outre Mer à Beyrouth pour un montant de 535 333 euros ; qu'il a ensuite revendu l'intégralité de ces titres, les 7 et 8 avril 2008, pour un montant total de 14 248 816 euros, réalisant une plus-value brute globale évaluée à 6 248 593 euros ; que la notification de griefs énonce : « Il ressort des investigations que M. P... R..., votre cousin germain avec lequel vous étiez en relation au mois de mars 2008 et qui avait transféré en 2007 des fonds sur votre compte n° 897348 à la BLOM sur lequel vous êtes intervenu sur le titre Geodis, était informé du projet d'offre publique d'achat de SNCF Participations sur Geodis (information qui paraît avoir présenté, à tout le moins dès le 14 mars 2008, les caractéristiques d'une information privilégiée) en sa qualité de Managing Director en charge notamment du suivi des grands émetteurs français de dette au sein de l'équipe Capital Markets d'UBS. / L'enquête a mis en évidence un ensemble d'éléments objectifs susceptibles de montrer que vous pourriez avoir détenu l'information privilégiée telle que définie plus haut lorsque vous avez acquis des titres Geodis entre le 20 mars et le 4 avril 2008. / En premier lieu, vous avez commencé à intervenir de façon subite et massive sur le titre Geodis quelques jours seulement avant l'annonce de l'opération. Le moment opportun auquel vous avez choisi d'intervenir sur Geodis, titre sur lequel vous n'aviez jamais investi auparavant, constitue un indice temporel important. / En deuxième lieu, vous n'avez pas été en mesure d'expliquer vos acquisitions de façon concomitante. / En dernier lieu, vous êtes intervenu sur le titre Geodis de façon massive, allant jusqu'à réaliser 75 % du volume des transactions négociées sur le titre Geodis le 20 mars 2008 et plus de 30 % des volumes entre le 25 et le 28 mars 2008. Cette intervention importante sur le titre Geodis est d'autant plus surprenante qu'elle est apparue décorrélée de toute logique d'investissement et qu'elle a été réalisée en un temps court compte tenu de la liquidité de cette action (entre le 20 mars 2008 et le 4 avril 2008) alors même qu'en 2008 vous n'étiez jamais intervenu ni sur le titre Geodis ni sur le secteur fret et logistique. / Il résulte de cette analyse que l'ensemble des faits énoncés constituent des éléments précis et concordants pour considérer que les acquisitions de titres Geodis que vous avez réalisées entre le 20 mars et le 4 avril 2008 ne pourraient s'expliquer que par votre détention de l'information privilégiée décrite plus haut. / Enfin, de par votre expérience professionnelle au Crédit Libanais à Beyrouth, au sein duquel vous étiez, à l'époque des faits, selon vos dires lors de votre audition par les enquêteurs de l'AMF, "responsable de l'activité trading et sales au sein de la division trésorerie et marchés de capitaux", vous ne pouviez ignorer qu'un projet d'offre publique d'achat non encore public constituait une information privilégiée et que vous deviez donc vous abstenir de l'utiliser » ; que M. A... ayant fait valoir qu'il avait tenté d'acquérir des CFD Geodis dès le 28 février, puis les 4, 7, 11, 14, 17 et 18 mars 2008, mais sans succès, la commission a demandé au rapporteur, dans sa décision du 12 avril 2013, procéder à toutes diligences de nature à l'éclairer sur l'existence de tels ordres, passés antérieurement au 20 mars 2008 ; qu'à l'issue de ce complément d'instruction, la commission des sanctions, dans sa décision du 18 octobre 2013, a d'abord, déclaré faire siens les motifs retenus dans la décision du 12 avril 2013, selon lesquels l'information relative au projet d'OPA de SNCF-P sur les titres Geodis présentait, dès le 14 mars 2008 et jusqu'au communiqué du 6 avril suivant, toutes les caractéristiques d'une information privilégiée ; qu'ensuite, elle a examiné successivement, la nature des investissements réalisés par M. G... A... du 20 mars au 4 avril 2008, la date à partir de laquelle M. P... R... a pu prendre connaissance de l'information privilégiée et la transmettre à M. G... A..., et enfin, les éléments fournis par ce dernier, tendant à démontrer l'existence d'ordres d'achat de CFD Geodis, non exécutés, passés du 28 février au 18 mars 2008 ; qu'au terme de son analyse, elle a estimé avoir recueilli des éléments suffisamment probants pour établir la transmission de l'information privilégiée à celui-ci par son cousin P... R..., pouvoir retenir les indices tirés d'une part, de la proximité de dates entre l'annonce du projet de l'OPA le 6 avril 2008 et ses acquisitions du 20 mars au 4 avril 2008, et d'autre part, du caractère atypique des acquisitions réalisées par M. A..., par rapport à ses habitudes d'investissements, et pouvoir écarter comme non plausibles, les explications avancées par M. A... pour justifier ses investissements à compter précisément du 20 mars 2008, autrement que par la détention de l'information privilégiée ; qu'ainsi, pour déclarer constitué à l'égard de M. A..., le manquement relatif à l'utilisation d'une information privilégiée - et à l'égard de M. R... le manquement relatif à la transmission de cette information - la commission des sanctions a décidé (décision du 18 octobre 2013) qu'elle disposait « d'éléments précis et concordants lui permettant d'établir que seule la transmission par M. P... R..., de l'information privilégiée qu'il détenait depuis le 19 mars 2008 au soir, réalisée au profit de son cousin M. G... A..., avec lequel il entretenait des relations d'affaires et des liens de confiance, peut expliquer les acquisitions auxquelles ce dernier a procédé à partir du lendemain, 20 mars 2008, et qu'il a poursuivies jusqu'à la dernière séance précédant la communication de cette information au public » ; qu'il en découle que la commission des sanctions a retenu comme élément déterminant permettant de caractériser le manquement reproché à M. A..., la circonstance que l'information privilégiée lui avait été transmise par M. R... au plus tard le 20 mars 2008 ; que cette question, par voie de conséquence essentielle à la solution du litige, suppose de déterminer d'abord, à quelle date M. R... aurait détenu l'information privilégiée ; que d'ailleurs, la commission des sanctions s'est prêtée à cette analyse, en énonçant qu'il était nécessaire de « rechercher si l'information privilégiée relative au projet d'OPA de SNCF-P sur les titres Geodis était déjà parvenue le 20 mars 2008 à sa connaissance et s'il avait pu la transmettre à cette date ou auparavant, à M. A... » ; mais que comme M. A..., M. R... conteste les griefs qui lui sont adressés ; que dans le cadre de son recours, il fait notamment valoir, au soutien de sa demande d'annulation des décisions, qu'il n'a pas transmis à son cousin l'information en cause, dont il n'a eu possession qu'à partir du 25 mars 2008 ; que le Conseil d'Etat aura donc à déterminer si les griefs qui lui sont reprochés sont établis, et notamment si, alors qu'il le conteste, il avait connaissance de l'information en cause avant le 20 mars 2008 ; que dès lors, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient de surseoir à statuer sur l'ensemble des demandes formées par M. A..., jusqu'à l'arrêt à intervenir du Conseil d'Etat, seul compétent pour statuer sur le recours de M. R... (arrêt attaqué du 9 avril 2015, p. 4, dernier § à p. 6, dernier §) ;
1) ALORS QUE le recours contre une décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers est un recours de pleine juridiction, par l'effet duquel la cour d'appel de Paris peut soit confirmer la décision de la commission des sanctions, soit l'annuler ou la réformer en tout ou partie ; qu'il suit de là que l'office de la cour d'appel de Paris, en cette matière, lui impose de procéder elle-même à un réexamen effectif et concret des faits de la cause, en vue de porter une appréciation sur la culpabilité du mis en cause, et lui interdit de tenir pour acquis les faits retenus par la décision frappée de recours ; qu'en s'estimant néanmoins liée par l'« élément déterminant » retenu au plan factuel par la commission des sanctions à l'encontre de M. A..., élément tenant à la détention et la prétendue transmission à ce dernier d'une information privilégiée par M. R..., et en en déduisant la nécessité de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du Conseil d'Etat sur le recours parallèle exercé par M. R... à raison des mêmes faits, la cour d'appel, qui s'est abstenue de porter elle-même une appréciation concrète et effective sur les faits dont elle était saisie et à l'égard desquels elle ne pouvait valablement se contenter de démarquer l'analyse de la commission des sanctions, a méconnu son office, en violation des articles L. 621-30 et R. 621-46 du code monétaire et financier ;
2) ALORS QUE l'office de la cour d'appel de Paris, saisie du recours contre une décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, lui interdit de s'en remettre, sur les faits dont elle a à connaître, à l'appréciation d'une autre juridiction, fût-elle le Conseil d'Etat saisi du recours d'une autre personne mise en cause dans la même affaire à propos des mêmes faits ; qu'en estimant qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer elle-même sur la détention et la prétendue transmission à M. A... de l'information privilégiée par M. R... et qu'il lui fallait au contraire attendre sur ce point de connaître la position du Conseil d'Etat, saisi du recours parallèle de M. R..., la cour d'appel, qui a abdiqué son pouvoir d'appréciation des faits, a de plus fort méconnu son office, en violation des textes susvisés ;
3) ALORS QUE le principe de l'égalité des armes, qui est l'un des éléments de la notion plus large de procès équitable, requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions ne la plaçant pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ; que la cour d'appel, sursoyant à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du Conseil d'Etat concernant la prétendue transmission à M. A... de l'information privilégiée par M. R..., a manifesté l'intention de prendre en considération ladite décision sur le point concerné ; que le Conseil d'Etat - au terme d'une instance dans laquelle M. A..., dénué de la qualité de partie et n'ayant pu former qu'une intervention volontaire accessoire au soutien de la requête de M. R..., n'avait pu défendre ses propres intérêts - a statué défavorablement à l'égard de M. R... et retenu, en particulier, la prétendue transmission par ce dernier de l'information privilégiée à M. A... ; que cette décision du Conseil d'Etat a donc constitué, dès la reprise de l'instance devant la cour d'appel de Paris, un élément à charge, plaçant M. A... dans une situation de net désavantage par rapport à l'Autorité des marchés financiers ; que l'arrêt attaqué du 28 septembre 2017 a dès lors été rendu en méconnaissance du principe de l'égalité des armes et de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
(sur l'indice temporel, plus particulièrement sur les ordres antérieurs au 20 mars 2008 ressortant des extraits du registre des ordres de la société AIDI produits par M. A...)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué du 28 septembre 2017 D'AVOIR rejeté le recours formé par M. A... contre les décisions rendues le 12 avril et le 18 octobre 2013 par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers ;
AUX MOTIFS QUE M. A... soutient qu'il s'était intéressé au titre Geodis avant le 20 mars 2008, et dès le 28 février 2008, et qu'il avait depuis cette date émis à plusieurs reprises des ordres d'achat de ce titre, ordres qui n'avaient pas été exécutés, car passés à un prix inférieur au cours du marché ; qu'il prétend en justifier par la production du livre d'ordres de la société de courtage à laquelle il a confié ses ordres d'achat de CFD Geodis, l'AIDI ; que selon lui, ce document établit qu'il a passé sept ordres d'achats de CFD Geodis entre le 28 février 2008 et le 18 mars 2008 inclus ; qu'il reproche à la commission des sanctions de n'avoir pas procédé à l'examen effectif de cet élément de preuve et d'avoir retenu des présomptions inexistantes ou équivoques ; que la cour observe cependant qu'il ressort des décisions des 12 avril et 18 octobre 2013 que la commission des sanctions a ordonné une instruction complémentaire, en raison de la production de ce livre d'ordres intervenue postérieurement à la clôture de l'enquête et invoqué à l'appui du moyen de défense de M. A... et que, dans la décision du 18 octobre 2013, la totalité du paragraphe 3 - intitulé « les ordres d'achats antérieurs au 20 mars 2008 invoqués par M. A... » - est consacrée à l'examen du livre d'ordres de l'AIDI ; que, quant à la force probatoire des éléments produits par M. A... au soutien des ordres prétendument passés avant le 20 mars 2008, si ces extraits du livre d'ordre de l'AIDI produits sont conformes à la réglementation libanaise en matière de conservation des ordres passés, en ce que celle-ci ne comporte aucune obligation pour les ordres non exécutés, les ordres exécutés devant être conservés durant cinq années, et si l'authenticité des copies d'extraits du livre d'ordres de l'AIDI a été certifiée par expert judiciaire (pièce M. A... n° 34-2), il n'en demeure pas moins qu'ils sont manuscrits et ne comportent pas de mention d'horodatage, de sorte que leur date certaine n'est pas établie et que l'expert judiciaire n'a, dès lors, pu garantir la conformité des copies aux originaux qu'au jour de son constat, le 27 février 2013, et non pas au jour où les ordres ont été passés, le 20 mars 2008 ; que par ailleurs, aucun autre élément de preuve ne vient corroborer, même partiellement, l'existence de ces sept ordres prétendument passés avant le 20 mars 2008, et ce alors même que la commission des sanctions a pris soin de faire diligenter une instruction complémentaire par le rapporteur ; que les critiques de M. A... quant au travail du rapporteur sont inopérantes dans la mesure où celui-ci a adressé aux régulateurs anglais et danois des courriers par lesquels il leur a demandé des informations relativement à tous les ordres, exécutés ou non (D5389, demande à l'autorité danoise : « Detail of all the orders (executed or not) in GEODIS CFDs... », souligné et mis en gras par le rapporteur ; D5402, demande à l'autorité anglaise : « Today, the AMF needs to obtain detailed information on the orders, executed or not... », souligné par le rapporteur) ; que nonobstant la teneur des réponses des différents intermédiaires, force est de constater que, malgré les diligences du rapporteur dans le cadre de cette instruction complémentaire, aucune des réponses obtenues n'est venue corroborer, même partiellement, l'existence des sept ordres que M. A... soutient avoir passés entre le 28 février et le 18 mars 2008 ; que de plus, la stratégie d'acquisition décrite par M. A... n'est pas cohérente, sans que celui-ci s'en explique et alors même que l'AMF soulève cette incohérence dans ses observations ; que le tableau suivant retranscrit les sept ordres inexécutés antérieurs au 20 mars 2008 et les six ordres exécutés à compter du 20 mars 2008 (pièce M. A... n° 46)
Date
Nombre de titres
Prix de l'ordre
28/02/08
7000
85,30 euros
04/03/08
8500
82,90 euros
07/03/08
8500
81,55 euros
11/03/08
10000
77,10 euros
14/03/08
10000
76 euros
17/03/08
10000
72,55 euros
18/03/08
10000
72,25 euros
20/03/08
10000
72 euros
25/03/08
20000
72,35 euros
26/03/08
13000
72,35 euros
27/03/08
15000
72,5 euros
28/03/08
10000
72,25 euros
31/03/08
30000
72,30 - 72,70 euros
qu'il n'est ni cohérent ni expliqué que sept ordres successifs n'aient pas été exécutés, ne serait-ce que partiellement, tandis que les six ordres ayant suivi la date à laquelle M. A... est censé avoir reçu l'information privilégiée de son cousin l'ont tous été ; qu'il n'est pas plus cohérent que le prix des ordres passés avant le 20 mars 2008 suive une progression décroissante, ce de façon continue, commençant à 85,30 euros pour finir à 72,25 euros ; qu'en effet, après un premier ordre d'achat à 85,30 euros, il n'est pas cohérent que M. A... n'ait plus été disposé à acquérir à ce prix et ait baissé le prix de son offre suivante à 82,90 euros, ce d'autant plus que l'insuffisance de sa première offre avait conduit à l'inexécution de son ordre d'achat ; que cette incohérence se répète successivement pour chacun de ses ordres suivants, ce jusqu'au 20 mars 2008, sans que M. A... ne puisse en apporter la moindre explication ; qu'il s'ensuit que les feuillets manuscrits de l'AIDI faisant mention de sept ordres non exécutés antérieurement au 20 mars 2008, ne suffisent pas à prouver la réalité des ordres que M. A... prétend avoir passés et dont, en conséquence, en l'absence d'autres éléments, la preuve n'est pas rapportée ; que le moyen fondé sur les ordres prétendument passés avant le 20 mars 2008 sera en conséquence rejeté (arrêt attaqué du 28 septembre 2017, p. 13, § 3 à p. 14, § 5) ;
1) ALORS QU'en matière de sanctions, le doute doit toujours profiter à la personne mise en cause, présumée innocente ; qu'ayant retenu que les éléments produits par M. A... pour prouver avoir passé des ordres d'acquisitions de CFD Geodis avant le 20 mars 2008 – date capitale comme étant, selon l'Autorité des marchés financiers, celle du premier jour de bourse au cours duquel M. A... aurait été mesure d'utiliser l'information privilégiée que lui aurait prétendument transmise M. R..., de sorte que les ordres antérieurs, si leur existence avait été retenue, auraient exclu la culpabilité de M. A... du chef de manquement d'initié pour les ordres passés à compter de cette date – laissaient subsister une incertitude quant à la réalité de ces ordres antérieurs – incertitude du reste suffisamment marquée pour que la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers ait elle-même estimé ne pas pouvoir entrer en voie de condamnation sans un complément d'information –, la cour d'appel aurait dû en déduire l'existence d'un doute sur la matérialité du manquement, rendant impossible une déclaration de culpabilité ; qu'en retenant néanmoins la culpabilité de la personne mise en cause, la cour d'appel a méconnu la présomption d'innocence et violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2) ALORS QU'en matière de sanctions, la charge de la preuve de la culpabilité de la personne mise en cause pèse sur l'autorité de poursuite ; qu'en exigeant de la personne mise en cause qu'elle corrobore, par d'autres éléments de preuve que ceux qu'elle avait produits, l'existence des ordres d'acquisition de CFD Geodis passés avant le 20 mars 2008, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3) ALORS QUE M. A... avait fait valoir (mémoire en réplique et récapitulatif déposé le 27 avril 2017, nos 271, p. 117 s.) que les intermédiaires financiers, notamment ceux chargés de commercialiser les CFD, interrogés par le rapporteur de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers – à l'occasion de l'instruction complémentaire ordonnée par cette commission – sur le point de savoir si des ordres d'achat de CFD Geodis au nom de M. A... avaient été reçus avant le 20 mars 2008, peu important que ces ordres eussent été exécutés ou non, n'avaient pas apporté à cette question une réponse pertinente ni utile à la solution du litige, puisqu'ils s'étaient bornés à faire état des transactions exécutées en CFD Geodis et des ordres exécutés ou non concernant, non pas les CFD Geodis, mais les actions Geodis, et n'avaient en particulier pas répondu sur l'existence d'ordres en CFD Geodis reçus et non exécutés, de telle sorte qu'aucune des mesures d'instruction complémentaire confiées au rapporteur n'avait permis de contredire l'existence des ordres d'achat de CFD Geodis passés par M. A..., constatés par les extraits de registre de la société AIDI qu'il avait produits ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y avait ainsi été invitée, si l'absence de résultat produit par l'instruction complémentaire ne faisait pas obstacle à une déclaration de culpabilité, dans la mesure, notamment, où la commission des sanctions avait elle-même retenu par sa décision rendue le 12 avril 2013 l'impossibilité d'entrer en voie de sanction en l'état de ces extraits de registre, produits pour sa défense par le mis en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
(sur le montant de la sanction infligée à M. A...)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué du 28 septembre 2017 D'AVOIR rejeté le recours formé par M. A... contre la décision rendue le 18 octobre 2013 par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers ;
AUX MOTIFS QUE M. A... considère qu'en lui infligeant une sanction de quatorze millions d'euros, la commission des sanctions a violé le principe de proportionnalité ; que la cour rappelle que le manquement d'initié commis par M. A... lui a permis de réaliser, en moins d'une dizaine de jours, un bénéfice de 6 248 593 euros ; qu'elle constate, de surcroît, que, bien qu'il n'ait pas agi dans le cadre de ses fonctions professionnelles de responsable de la salle des marchés d'une importante banque libanaise, M. A... n'était pas un profane ignorant de la matière boursière ; que par ailleurs, bien que M. A... n'ait pas donné d'informations complètes durant l'enquête ou l'instruction sur le montant de son patrimoine, il ressort néanmoins de ses comptes à l'AIDI et à la BLOM, ainsi que de l'historique des opérations boursières effectuées à titre personnel quasi-quotidiennement, qu'il détenait un patrimoine de plusieurs dizaines de millions d'euros, qu'il ne prétend ni ne démontre avoir perdu ; que pour l'ensemble de ces motifs, la cour considère que la sanction pécuniaire de quatorze millions d'euros prononcée à l'égard de M. A... est proportionnée à la gravité des faits commis, qui ont porté atteinte à l'intégrité du marché et à la confiance des investisseurs, ainsi qu'à l'importance des profits réalisés, et qu'elle n'est pas excessive au regard de sa capacité financière (arrêt attaqué du 28 septembre 2017, p. 27, § 1 à 6) ;
ALORS QUE si la sanction pécuniaire infligée par l'Autorité des marchés financiers peut et doit être dissuasive, elle ne peut en revanche valablement revêtir un caractère confiscatoire, à peine d'enfreindre le principe de proportionnalité ; qu'en relevant, pour justifier la sanction de quatorze millions d'euros infligée à M. A..., que celui-ci détenait « un patrimoine de plusieurs dizaines de millions d'euros, qu'il ne prétend[ait] ni ne démontr[ait] avoir perdu », la cour d'appel s'est fondée sur une considération impropre, en raison de son imprécision, à exclure le caractère confiscatoire de la sanction rapportée au patrimoine de l'intéressé ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 621-15 du code monétaire et financier.