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02/10/2019 | FRANCE | N°17-26858

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 octobre 2019, 17-26858


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Tiana Real Estate du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le directeur chargé de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 juin 2017), que la société de droit luxembourgeois Tiana Real Estate (la société Tiana), détenue par un trust de droit anglais au bénéfice de M. R..., représenté par un trustee, la société Dominium Pension Plan Trustees Ltd (la

société Dominium), possède des immeubles en France par l'intermédiaire de ses filiales de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Tiana Real Estate du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le directeur chargé de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 juin 2017), que la société de droit luxembourgeois Tiana Real Estate (la société Tiana), détenue par un trust de droit anglais au bénéfice de M. R..., représenté par un trustee, la société Dominium Pension Plan Trustees Ltd (la société Dominium), possède des immeubles en France par l'intermédiaire de ses filiales de droit français ; que, le 26 mai 2010, l'administration fiscale a mis en demeure la société Dominium de déposer, pour les années 2008 et 2009, les déclarations relatives à l'exonération de la taxe de 3 % sur la valeur vénale de ces immeubles, prévue par l'article 990 E du code général des impôts ; que ces mises en demeure lui ont été retournées avec la mention « destinataire inconnu » ; qu'estimant que la société Tiana ne remplissait pas les conditions d'exonération, l'administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification portant sur cette taxe ; qu'après mise en recouvrement de la taxe litigieuse et rejet de sa réclamation, la société Tiana a assigné l'administration fiscale devant le tribunal de grande instance afin de contester la régularité et le bien-fondé de la rectification ayant conduit aux rappels des droits ;

Attendu que la société Tiana fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que le juge a obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en considérant, pour juger que le principe des droits de la défense n'avait pas été méconnu, qu'il résultait des échanges avec l'administration fiscale ayant suivi la proposition de rectification que la société Tania n'avait pas demandé de façon explicite la communication des mises en demeure préalablement adressées au trustee avant la mise en recouvrement de la taxe, la société s'étant bornée à indiquer à l'administration fiscale, dans ses observations du 26 septembre 2011 sur la proposition de rectification, d'une part, « qu'à défaut de préciser la nature de la demande faite au trustee à laquelle celui-ci n'a pas répondu faute d'avoir reçu la demande, Tiana n'est pas en mesure de contester l'imposition litigieuse à laquelle elle est soumise » et, d'autre part, que « l'unique motivation de la proposition de rectification à savoir l'adresse inexacte du trustee, ne lui permet aucune contestation utile à défaut de demander à Tiana de fournir les informations qui auraient pu être demandées au trustee », quand ces observations du 26 septembre 2011 faisaient en outre valoir, entre les deux passages relevés, que « le contribuable doit dans le cadre de la procédure contradictoire disposer des éléments permettant de contester les impositions auxquelles l'administration fiscale souhaite la soumettre. A défaut n'étant pas en mesure de contester la rectification proposée, Tiana est privée de tout moyen de défense », ce dont il ressortait clairement et précisément que la société Tiana demandait, sous peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, la communication des deux mises en demeure adressées au trustee, la cour d'appel a dénaturé les observations du 26 septembre 2011 du contribuable sur la proposition de rectification ;

2°/ que l'administration fiscale a l'obligation de communiquer les documents sur lesquels elle s'est fondée pour établir ces impositions, dès lors que le contribuable en fait la demande avant la mise en recouvrement des impositions ; qu'en jugeant, pour écarter l'irrégularité de la procédure d'imposition résultant de l'absence de communication à la société Tiana des deux mises en demeure envoyées à son associé et retournées à l'administration, qu'il ne pouvait en toute hypothèse être reproché à l'administration fiscale de s'être fondée sur une inexactitude déclarative dès lors qu'elle avait été expressément reconnue par le contribuable, quand cette reconnaissance, par la société Tiana, de l'inexactitude de l'adresse de l'associé déclarée ne faisait pas disparaître le défaut de communication ni ne justifiait l'atteinte ainsi portée aux droits de la défense, la cour d'appel a méconnu le principe des droits de la défense ;

3°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant à juger que la société Tiana ne peut se prévaloir de l'obligation de mise en demeure préalable aux fins de régularisation prévue par l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, s'agissant d'une déclaration effectivement souscrite comportant une information inexacte et non pas d'une déclaration omise, sans répondre aux conclusions de la société Tiana selon lesquelles cette obligation de mise en demeure résultait non pas seulement de dispositions législatives mais d'un principe général du droit garantissant à tout contribuable la possibilité de régulariser les éléments qu'il a déclarés, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que l'obligation de loyauté au respect de laquelle l'administration fiscale est tenue dans ses relations avec le contribuable, doit la conduire à mettre en demeure ce dernier de régulariser sa déclaration qu'elle estime incomplète, avant la mise en recouvrement d'impositions supplémentaires résultant du caractère incomplet de la déclaration ; qu'en considérant, pour écarter l'existence de cette obligation, que les dispositions de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales relatives à une procédure de taxation d'office sont inapplicables lorsqu'une procédure de redressement contradictoire a été engagée et qu'il appartenait à la société Tiana de fournir les informations exactes concernant l'adresse précise de son associé, la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel l'administration fiscale est tenue d'une obligation de loyauté envers le contribuable ;

5°/ que pour maintenir les cotisations supplémentaires de taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles situés en France à la charge de la société Tiana, la cour d'appel a retenu que l'application de la taxe aux entités ne remplissant pas les conditions légales pour en être exonérées demeure le principe de sorte que son application ne constitue pas une sanction à leur égard ; qu'en jugeant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'application de la taxe ne conduisait pas à mettre à la charge du contribuable un impôt-sanction manifestement disproportionné au regard de la simple erreur matérielle d'adresse commise dans le cadre de ses obligations déclaratives, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 990 D et 990 E, 3°, du code général des impôts ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est sans dénaturer les observations produites le 26 septembre 2011 que la cour d'appel a retenu qu'elles ne comportaient pas de demande explicite faite à l'administration fiscale de communication des mises en demeure adressées à la société Dominium ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant constaté que la société Tiana avait, dans ses observations du 26 septembre 2011, expressément admis que l'adresse de la société Dominium, indiquée dans ses déclarations relatives à la taxe de 3 % au titre des années 2008 et 2009, était inexacte et relevé que la société Tiana avait été mise en mesure de discuter la rectification qui lui avait été notifiée, fondée sur le non-respect des conditions d'exonération de la taxe de 3 % prévues à l'article 990 E du code général des impôts, la cour d'appel a pu écarter le grief de la société Tiana pris d'une atteinte à ses droits de la défense résultant du défaut de communication des mises en demeure adressées à la société Dominium ;

Attendu, en troisième lieu, que l'obligation pour l'administration fiscale de mettre en demeure le contribuable de régulariser sa situation découle de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales et non d'un principe général du droit ; que l'arrêt relève que l'administration fiscale a engagé une procédure contradictoire de rectification après avoir constaté que les déclarations souscrites par la société Tiana comportaient des informations inexactes puis retient qu'il appartenait à celle-ci de produire à l'administration les informations exactes relatives à la société Dominium tandis qu'elle n'a déclaré l'adresse de cette dernière à Jersey que plusieurs semaines après avoir déposé ses observations à la proposition de rectification, et ce, alors même que cette adresse était effective depuis 2006 ; qu'il retient encore que rien n'interdisait à la société Tiana de déposer spontanément des déclarations rectificatives ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, c'est sans méconnaître le principe de loyauté auquel est soumise l'administration fiscale, que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées et n'avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée par la troisième branche, a écarté le grief pris de l'irrégularité de la procédure ;

Et attendu, en dernier lieu, qu'après avoir énoncé que la condition légale pour l'application de l'exonération de la taxe prévue à l'article 990 D du code général des impôts est d'interprétation stricte, l'arrêt retient que la société Tiana ne peut se prévaloir de sa propre carence et de son manque de diligence quant à la vérification des informations qu'elle a reportées sur ses déclarations ; qu'il retient encore que la société Tiana ne démontre pas en quoi l'absence d'exonération de la taxe est une sanction disproportionnée, le paiement de la taxe par les sociétés qui ne remplissent pas les conditions de l'exonération ne pouvant être regardé comme une sanction mais comme l'application de la loi ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Tiana Real Estate aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros au directeur général des finances publiques et au directeur chargé de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf et signé par M. Guérin, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme Orsini.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société Tiana Real Estate

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté l'intégralité des demandes de la société Tiana ;

AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales que « la juridiction saisie (
) prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France » ; que l'article L. 57 alinéa 1er du livre des procédures fiscales dispose que « l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation » ; qu'en premier lieu, concernant la possibilité pour la société Tiana de contester utilement la proposition de rectification du 9 août 2011 au regard des droits de la défense et de l'exigence de motivation, la société Tiana ne conteste pas que l'adresse du trustee indiquée dans ses déclarations relatives à la taxe de 3 % pour les années 2008 et 2009 est inexacte, l'ayant expressément reconnu dans les observations qu'elle a adressées à l'administration fiscale par courrier du 26 septembre 2011 ; que de plus, il résulte des échanges avec l'administration fiscale ayant suivi la proposition de rectification que l'appelante n'a pas demandé de façon explicite la communication des mises en demeure préalablement adressées au trustee, avant l'engagement de la présente procédure ; qu'il ressort notamment des observations produites le 26 septembre 2011, que la société Tiana se borne à indiquer à l'administration fiscale « qu'à défaut de préciser la nature de la demande faite au trustee à laquelle celui-ci n'a pas répondu faute d'avoir reçu la demande, Tiana n'est pas en mesure de contester l'imposition litigieuse à laquelle elle est soumise », ajoutant que « l'unique motivation de la proposition de rectification à savoir l'adresse inexacte du trustee, ne lui permet aucune contestation utile à défaut de demander à Tiana de fournir les informations qui auraient pu être demandées au trustee » (page 3) ; que cette argumentation a été reprise dans la réclamation de la société en date du 5 mars 2012 ; qu'or, ce raisonnement ne saurait dans tous les cas emporter l'adhésion dès lors que si la procédure contradictoire de rectification doit permettre au contribuable de présenter utilement ses observations, il ne peut être reproché à l'administration fiscale de fonder sa proposition sur une inexactitude déclarative expressément reconnue par le contribuable lui-même ; qu'au surplus, la société Tiana était parfaitement en mesure de discuter la rectification qui lui a été notifiée au regard de sa motivation, qui repose sur le non-respect des conditions d'exonération de la taxe de 3 % prévue à l'article 990 E du code général des impôts, ce qu'elle a d'ailleurs fait en la forme et au fond selon les termes des courriers susvisés ; que surabondamment, la preuve de l'envoi des mises en demeure du 26 mai 2010 à l'adresse du trustee indiquée dans les déclarations souscrites par la société Tiana pour 2008 et 2009 (dominion pension plan services (hong kong) limited, [...] est rapportée à travers les bordereaux d'expédition ups produits par l'administration fiscale (pièces 7 et 8), retournés le 4 juin 2010 avec la mention « destinataire inconnu » ; qu'en second lieu, concernant la régularité de la procédure au regard de la possibilité de régularisation, il convient de rappeler que les dispositions de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales ne sont applicables qu'en matière de taxation d'office, notamment pour absence de déclaration ; qu'au cas particulier, la société Tiana ne peut se prévaloir de l'obligation de mise en demeure préalable aux fins de régularisation, s'agissant d'une déclaration effectivement souscrite mais comportant une information inexacte ; qu'en effet, l'administration fiscale a engagé la procédure contradictoire de rectification à son égard après avoir vainement tenté de mettre en demeure le trust de remplir les déclarations relatives à la taxe de 3 % pour les années 2008 et 2009, et ce en raison de la mauvaise adresse indiquée par la société Tiana dans ses déclarations ; que l'administration fiscale était ainsi dans l'impossibilité de remonter la chaîne de participations à partir de la société Tiana et de localiser ledit trust ; que dans ces conditions, dès lors qu'il appartenait à la société de fournir à l'administration fiscale les informations exactes concernant l'adresse précise du trustee, l'administration n'était pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires ni demander préalablement à la société Tiana de régulariser sa situation ; qu'il convient également de relever que l'engagement de la procédure de rectification n'interdisait pas à la société Tiana et au trustee de régulariser spontanément leur situation en adressant des déclarations rectificatives, ce qu'ils n'ont pas fait ; qu'à cet égard, l'adresse exacte du trustee à Jersey n'a été portée à la connaissance de l'administration fiscale que par le courrier du 14 novembre 2011 adressé par celui-ci, sans déclarations pour la taxe de 3 %, et après le courrier du 26 septembre 2011 par lequel la société Tiana contestait la rectification envisagée mais ne donnait pas à l'administration fiscale l'adresse exacte du trustee ; que par conséquent, au regard des éléments énoncés ci-avant, les demandes de l'appelante concernant la régularité de la procédure de rectification à son égard seront rejetées dans leur ensemble et le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny rendu le 16 avril 2015 confirmé sur ce point ; que sur le bien-fondé de la rectification, l'appelante souligne qu'elle a toujours entendu communiquer en toute bonne foi et transparence la situation, la consistance et la valeur des immeubles détenus en Franc, ainsi que l'identité et l'adresse de son actionnaire, tel qu'il ressort de ses déclarations pour la taxe à 3 % ; qu'elle indique qu'il est très facile de vérifier l'exactitude de l'adresse du trustee sur internet et que l'administration fiscale connaissait parfaitement l'identité du trust et donc du bénéficiaire préalablement à l'envoi de la proposition de rectification ; qu'elle ajoute qu'il s'agit d'une simple erreur matérielle sur l'adresse du trustee uniquement et qu'elle n'aurait aucun intérêt à mentionner une adresse située à Hong Kong plutôt que Jersey, le trust institué en l'espèce pour gérer un plan d'épargne retraite, entité de droit anglais, étant de plus exonéré de plein droit de la taxe à 3 % tel qu'il résulte de l'article 990 d 3°) b) du cgi ; que l'administration fiscale soutient en réponse que les conditions d'exonération de la taxe à 3 % sont d'application stricte et que la société Tiana ne peut s'en prévaloir à défaut de communiquer l'adresse valable de son associé ; que l'intimée expose également que le trust ne pouvait pas non plus bénéficier de l'exonération de la taxe à 3 % pour les années en litige, l'accord d'échange de renseignements France-Jersey étant entré en vigueur le 11 octobre 2010 ; qu'elle ajoute que la nouvelle adresse du trust n'a été communiquée que le 14 novembre 2011, sans justificatifs quant à son changement de domiciliation, et que les déclarations doivent être exactes et complètes ; que sur ce point, l'article 990 E du code général des impôts dispose que « la taxe prévue à l'article 990 D n'est pas applicable : 3° Aux entités juridiques : personnes morales, organismes, fiducies ou institutions comparables qui ont leur siège en France, dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un pays ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ou dans un Etat ayant conclu avec la France un traité leur permettant de bénéficier du même traitement que les entités qui ont leur siège en France : (
) e) ou qui déclarent chaque année au plus tard le 15 mai, au lieu fixé par l'arrêté prévu à l'article 990 F, la situation, la consistance et la valeur des immeubles possédés au 1er janvier, l'identité et l'adresse des actionnaires, associés ou autres membres qui détiennent plus de 1 % des actions, parts ou autres droits dont ils ont connaissance à la même date, ainsi que le nombre des actions, parts ou autres droits détenus au 1er janvier par des actionnaires, associés ou autres membres dont l'identité et l'adresse ont été déclarées. » ; qu'il convient de préciser que s'agissant d'une exonération de la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles situés en France, ses conditions d'application sont d'interprétation stricte, ce qui implique que les informations transmises au titre de la déclaration souscrite doivent être exactes ; que ces conditions doivent s'apprécier successivement à l'égard de chaque entité juridique concernée, indépendamment de l'éventuelle exonération applicable aux autres entités faisant partie de la même chaîne de participations ; qu'en l'espèce, la société Tiana reconnaît avoir indiqué par erreur l'ancienne adresse du trustee représentant le trust qui la détient à 100 % dans les déclarations qu'elle a souscrites au titre de la taxe de 3 % pour les années 2008 et 2009 ; que comme indiqué ci-avant, le caractère inexact de cette information a été relevé par l'administration fiscale et n'a pas fait l'objet d'une déclaration rectificative de la part de la société Tiana ; que partant, les conditions d'application de l'exonération de la taxe de 3 %, prévues aux dispositions susvisées ne sont pas remplies, en ce que l'adresse de l'entité le détenant est inexacte, et la société Tiana est donc redevable de la taxe au titre des années 2008 et 2009 ; que comme rappelé ci-dessus, la qualité du trust, sa localisation ainsi que son éligibilité à l'exonération de la taxe de 3 % sont des éléments indifférents pour l'appréciation du respect des conditions de l'exonération au niveau de la société Tiana ; que de même, la société Tiana ne peut se prévaloir de sa propre carence et de son manque de diligence dans la vérification des informations qu'elle reporte dans les déclarations qu'elle adresse à l'administration fiscale, s'agissant d'une condition légale d'interprétation stricte pour l'application de l'exonération de taxe prévue aux dispositions susvisées ; qu'enfin, la société Tiana ne démontre pas en quoi l'application de la taxe de 3 % dans ces conditions constitue une sanction manifestement disproportionnée à son égard ; qu'en effet, d'une part, l'application de la taxe aux entités ne remplissant pas les conditions légales pour en être exonérées demeure le principe et ne constitue pas une sanction à leur égard ; que d'autre part, l'appelante se contente d'alléguer l'existence d'une « simple erreur matérielle » commise de bonne foi, alors qu'elle indique elle-même que le trustee a changé de domiciliation depuis 2006, soit 5 ans avant la proposition de rectification ; qu'en l'état, la société Tiana n'apporte aucun élément tangible de nature à expliquer son manque de diligence quant à l'exactitude des informations qu'elle soumet à l'administration fiscale pour bénéficier de l'exonération de la taxe de 3 %, le courrier du 14 novembre 2011 adressé par le trustee à l'administration fiscale ne pouvant suffire à établir sa volonté de transparence, en l'absence de déclarations rectificatives ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE l'article 990 du CGI prévoit que les entités juridiques, qui, directement ou par entité interposée, possèdent un ou plusieurs immeubles situés en France ou sont titulaires de droits réels portant sur ces biens sont redevables d'une taxe annuelle égale à 3 % de la valeur vénale de ces immeubles ou droits ; que l'article 990 E du même code prévoit que certaines entités juridiques ot la possibilité de s'exonérer de cette taxe de 3 % sous réserve de déposer annuellement une déclaration n° 2746 devant comporter « la situation, la consistance et la valeur des immeubles possédés au 1er janvier, l'identité et l'adresse des actionnaires, associés ou autres membres qui détiennent plus de 1 % des actions, parts ou autres droits dont ils ont connaissance à la même date, ainsi que le nombre des actions, parts ou autres droits détenus par chacun d'eux, au prorata du nombre d'actions, parts ou autres droits détenus au 1er janvier par des actionnaires associés ou autres membres dont l'identité et l'adresse ont été déclarés » ; que détenant des biens immobiliers en France, la SA Tian reak estate a souscrit une déclaration de ce type au titre des exercices 2008 et 2009, mentionnant la consistance et la valeur des immeubles possédés au 1er janvier de l'année d'imposition ainsi que le nom et l'adresse de son principal associé, la société Dominium Pension Plan Services Limited (Hong Kong) (agissant en tant que trustees), domiciliée [...] ; que les investigations menées par l'administration ont cependant révélé que cet associé était inconnu à l'adresse indiquée ; que l'administration en a déduit qu'en souscrivant une déclaration inexacte, la privant de tous moyens d'identification de cet associé, la société Tania Real Estate n'avait pas rempli les conditions limitativement énumérées et imposées par le texte légal reproduit ci-dessus, pour bénéficier de l'exonération ; que, sur la régularité de la procédure contradictoire, il y a lieu de rappeler qu'en matière fiscale, les conditions d'exonération prévues par un texte sont d'interprétation et d'application strictes ; qu'au cas présent, si la société Tiana fait grief aux services fiscaux de ne pas l'avoir sollicité pour des informations complémentaires avant de procéder aux rehaussements litigieux, force est de constater qu'aucune disposition légale n'impose à l'administration d'adresser à la société qui aurait déposé une déclaration erronée, une mise en demeure préalable, avant l'envoi de la proposition de rectification ; que l'obligation de mise en demeure ne s'impose à l'administration que pour la régularisation de la situation des contribuables qui n'ont pas souscrit la déclaration n° 2746 pour bénéficier de l'exonération et non pour ceux qui ont rempli des déclarations incomplètes ou erronées ; que les obligations déclaratives sont absolues et inconditionnelles de telle sorte que la communication de l'identité des actionnaires ainsi que leur adresse doivent figurer dans la déclaration ; qu'au cas d'espèce, aucun élément ne permet de conclure, de manière aussi hâtive et affirmative que le fait la société Tiana, à une erreur « matérielle » et ce, au regard du motif invoqué pour justifier qu'elle ait pu se tromper sur l'adresse du trust, se contentant d'affirmer qu'elle n'aurait jamais été informée de ce changement d'adresse intervenu en 2006 ; que force est de constater par ailleurs que l'adresse de domiciliation à Jersey n'a finalement été communiquée que le 14 novembre 2011, soit plus de deux mois après la notification de la proposition de rectification et qu'au surplus, aucun élément probant n'est produit à ce jour pour en justifie, la seule copie de la « déclaration of trust » présenté comme l'acte instituant le trust, rédigé en anglais et non traduit, en l'absence de toute autre pièce, ne présentant aucune valeur probante ; qu'il résulte de ces éléments que la proposition de rectification adressée le 9 août 2011 comportant la nature des rehaussements envisagés, leurs montants par année, l'impôt concerné, les années d'imposition, est parfaitement régulière ; que l'administration n'a donc enfreint aucune règle de procédure, la société Tiana ayant été en mesure de critiquer la proposition de rectification ; que, sur la saisine du conciliateur fiscal, s'il est exact que par courriel du 2 novembre 2011, la société Tiana a demandé un entretien au conciliateur fiscal en vue d'obtenir l'abandon des rectifications proposées, contrairement aux allégations de la société requérante, le médiateur n'a pas refusé d'y donner suite mais indiqué qu'il n'entrait pas dans ses attributions de recevoir les usagers et que la demande d'abandon des rectifications n'étant accompagnée d'aucun élément susceptible d'appuyer la position de la société, aucune suite ne pouvait y être donnée ; que comme l'administration le relève encore à bon droit, la saisine du conciliateur ne suspend pas la mise en recouvrement des impositions et un éventuel défaut de réponse ne pourrait avoir aucune incidence sur la régularité de la procédure, étant fait observer que la société Tiana ne cite aucune disposition à l'appui de la thèse inverse ; que, sur le bien-fondé des impositions, ainsi qu'il a été dit plus avant, la société Tiana admet que l'adresse indiquée dans ses déclarations 2746 comme étant celle du trustee représentant son associé était erronée tant en 2008 qu'en 2009, celui-ci ayant changé d'adresse dès 2006 ; que ce n'est que par lettre du 14 novembre que le trustee a communiqué une autre adresse ; qu'en ne communiquant pas dans les délais légaux l'adresse exacte de son actionnaire unique, la société Tiana ne s'est pas acquittée de ses obligations déclaratives ; que contrairement à ce qu'elle soutient dans ses écritures, les possibilités de régularisation offertes par la doctrine administrative (BOI-PAT-TPC-30-20130318), en cas de première infraction, pour les sociétés qui déposent tardivement mais spontanément leur déclaration ou qui les souscrivent dans les trente jours d'une première mesure, ne sont pas prévues quand les informations relatives aux coordonnées des associés ne sont pas produites dans les délais légaux ; qu'au cas présent, l'adresse des associés n'a pas été produite dans le délai légal, ni même à l'expiration du délai de 30 jours suivant la proposition de rectification ; qu'il appartenait à la société Tiana de se donner les moyens de remplir correctement ses obligations déclaratives – au demeurant fort simple s'agissant de fournir le nom et l'adresse exacte d'un actionnaire unique – afin de bénéficier de l'exonération de la taxe litigieuse ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, l'obligation déclarative présente un caractère absolu et inconditionnel de sorte que la société Tiana ne saurait s'en décharger en imputant à l'administration sa propre carence lors de l'indication de l'adresse de son associé ; qu'elle ne peut pas non plus feindre d'ignorer que le dispositif légal de l'exonération de la taxe de 3 % vise à rendre aussi transparente que possible, les sociétés actionnaires domiciliées à l'étranger ; que partant, dès lors qu'elle entendait revendiquer le bénéfice de l'exonération, il lui appartenait d'effectuer toutes vérifications utiles quant à l'adresse exacte du trust de manière à permettre à l'administration de le soumettre éventuellement à l'imposition ; qu'elle ne justifie d'aucune circonstance indépendante de sa volonté qui l'aurait empêchée de connaître l'adresse de son actionnaire à la date des déclarations, ses explications étant manifestement peu crédibles ou en tout état de cause insuffisantes, se limitant en effet à déclarer ne pas avoir été informée d'un changement d'adresse ; qu'en réalité, sous couvert d'une erreur matérielle, la société Tiana fait preuve de la plus grande opacité sur l'adresse du trust à la date de la déclaration, étant surabondamment observé qu'à ce jour, les justificatifs d'une domiciliation du trust à Jersey se limitant à la production d'une photocopie non traduite de l'acte instituant le trust, sont également très indigents ; qu'en conséquence, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les conditions exigées par l'article 990 E 3° pour bénéficier de l'exonération n'étaient pas remplies par la société Tiana et a procédé aux rehaussements notifiés le 9 août 2011 ; que l'administration entend soumettre la société Tiana real estate à la taxe de 3 % et non le trust, The Tradition (Alexandre R...) Pension Plan ; que dans ces conditions, il n'y a pas lieu de répondre aux développements de la société requérante quant à la situation du trust au regard de la taxe de 3 %, son régime fiscal étant sans incidence dans la solution du présent litige ;

ALORS, 1°), QUE le juge a obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en considérant, pour juger que le principe des droits de la défense n'avait pas été méconnu, qu'il résultait des échanges avec l'administration fiscale ayant suivi la proposition de rectification que l'appelante n'avait pas demandé de façon explicite la communication des mises en demeure préalablement adressées au trustee avant la mise en recouvrement de la taxe, la société s'étant bornée à indiquer à l'administration fiscale, dans ses observations du 26 septembre 2011 sur la proposition de rectification, d'une part, « qu'à défaut de préciser la nature de la demande faite au trustee à laquelle celui-ci n'a pas répondu faute d'avoir reçu la demande, Tiana n'est pas en mesure de contester l'imposition litigieuse à laquelle elle est soumise » et, d'autre part, que « l'unique motivation de la proposition de rectification à savoir l'adresse inexacte du trustee, ne lui permet aucune contestation utile à défaut de demander à Tiana de fournir les informations qui auraient pu être demandées au trustee », quand ces observations du 26 septembre 2011 faisaient en outre valoir, entre les deux passages relevés, que « le contribuable doit dans le cadre de la procédure contradictoire disposer des éléments permettant de contester les impositions auxquelles l'administration fiscale souhaite la soumettre. A défaut n'étant pas en mesure de contester la rectification proposée, Tiana est privée de tout moyen de défense », ce dont il ressortait clairement et précisément que la société Tiana demandait, sous peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, la communication des deux mises en demeure adressées au trustee, la cour d'appel a dénaturé les observations du 26 septembre 2011 du contribuable sur la proposition de rectification ;

ALORS, 2°), QUE l'administration fiscale a l'obligation de communiquer les documents sur lesquels elle s'est fondée pour établir ces impositions, dès lors que le contribuable en fait la demande avant la mise en recouvrement des impositions ; qu'en jugeant, pour écarter l'irrégularité de la procédure d'imposition résultant de l'absence de communication à la société Tiana des deux mises en demeure envoyées à son associé et retournées à l'administration, qu'il ne pouvait en toute hypothèse être reproché à l'administration fiscale de s'être fondée sur une inexactitude déclarative dès lors qu'elle avait été expressément reconnue par le contribuable, quand cette reconnaissance, par la société Tiana, de l'inexactitude de l'adresse de l'associé déclarée ne faisait pas disparaître le défaut de communication ni ne justifiait l'atteinte ainsi portée aux droits de la défense, la cour d'appel a méconnu le principe des droits de la défense ;

ALORS, 3°), QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant à juger que la société Tiana ne peut se prévaloir de l'obligation de mise en demeure préalable aux fins de régularisation prévue par l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, s'agissant d'une déclaration effectivement souscrite comportant une information inexacte et non pas d'une déclaration omise, sans répondre aux conclusions de la société Tiana selon lesquelles cette obligation de mise en demeure résultait non pas seulement de dispositions législatives mais d'un principe général du droit garantissant à tout contribuable la possibilité de régulariser les éléments qu'il a déclarés, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, 4°), en toute hypothèse, QUE l'obligation de loyauté au respect de laquelle l'administration fiscale est tenue dans ses relations avec le contribuable, doit la conduire à mettre en demeure ce dernier de régulariser sa déclaration qu'elle estime incomplète, avant la mise en recouvrement d'impositions supplémentaires résultant du caractère incomplet de la déclaration ; qu'en considérant, pour écarter l'existence de cette obligation, que les dispositions de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales relatives à une procédure de taxation d'office sont inapplicables lorsqu'une procédure de redressement contradictoire a été engagée et qu'il appartenait à la société Tiana de fournir les informations exactes concernant l'adresse précise de son associé, la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel l'administration fiscale est tenue d'une obligation de loyauté envers le contribuable ;

ALORS, 5°), en toute hypothèse, QUE pour maintenir les cotisations supplémentaires de taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles situés en France à la charge de la société Tiana, la cour d'appel a retenu que l'application de la taxe aux entités ne remplissant pas les conditions légales pour en être exonérées demeure le principe de sorte que son application ne constitue pas une sanction à leur égard ; qu'en jugeant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'application de la taxe ne conduisait pas à mettre à la charge du contribuable un impôt-sanction manifestement disproportionné au regard de la simple erreur matérielle d'adresse commise dans le cadre de ses obligations déclaratives, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 990 D et 990 E, 3°, du code général des impôts.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-26858
Date de la décision : 02/10/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 oct. 2019, pourvoi n°17-26858


Composition du Tribunal
Président : Mme Orsini (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26858
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