LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 septembre 2017), que le 16 mars 2010, l'administration fiscale a notifié à M. Y... une proposition de rectification de son impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2006 et 2007, considérant que ce dernier ne pouvait déduire de l'assiette de cet impôt la totalité d'une dette dont il était tenu solidairement avec quatre autres codébiteurs envers la société Total lubrifiants, en vertu d'un arrêt définitif rendu par une cour d'appel le 31 mars 2005 ; qu'après rejet partiel de ses réclamations et mise en recouvrement d'un supplément d'imposition au titre de l'année 2007, assorti d'intérêts de retard, M. Y... a saisi le tribunal de grande instance aux fins de décharge ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de décharge des impositions dues au titre des années 2006 et 2007 alors, selon le moyen, que, pour être prise en compte dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, la dette du redevable doit être certaine dans son principe et personnelle ; que le débiteur solidaire d'une dette est tenu de payer au créancier qui lui en fait la demande l'intégralité de la dette au paiement de laquelle il a été condamné, sans pouvoir lui opposer le bénéfice de la division ; qu'il s'ensuit que lorsque le créancier a poursuivi le recouvrement de sa créance auprès de l'un des codébiteurs solidaires, celui-ci détient une dette personnelle, pour le tout, nonobstant son recours contre les autres codébiteurs ; qu'en l'espèce, par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 mars 2005 devenu irrévocable, M. Y... a été condamné solidairement avec quatre autres personnes à payer à la société Total Lubrifiants, la somme de 13 795 541 euros avec intérêts au taux légal ; qu'en exécution de cet arrêt, par procès-verbal de saisie attribution délivré le 12 juillet 2007 auprès de la Caisse des dépôts et consignation où M. Y... détenait des fonds, a été saisie la somme de 16 693 316,28 euros, due par M. Y... à la société Total Lubrifiants ; qu'en jugeant qu'il ne pouvait déduire cette somme de l'actif imposable à l'impôt de solidarité sur la fortune, la cour d'appel a violé les articles 768 et 885 D du code général des impôts, ensemble les articles 1200, 1203 et 1213 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que seule une dette certaine au jour du fait générateur de l'impôt est déductible de l'assiette de l'ISF, l'arrêt retient que le fait que la société Total lubrifiants ait fait procéder, le 12 juillet 2007, sur les biens de M. Y..., à une saisie-attribution pour un montant représentant la totalité de sa créance au 10 juillet 2007 n'implique pas pour autant que ce dernier doive supporter la totalité de la dette, puisqu'en sa qualité de codébiteur il dispose d'un recours contre les autres débiteurs solidaires à hauteur des 4/5e de la dette et relève que des règlements émanant d'un codébiteur solidaire sont avérés ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que la dette à l'égard de la société Total lubrifiants ne pouvait être considérée comme certaine, à la date du fait générateur des impositions contestées, qu'à concurrence de la seule part incombant à M. Y... ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer la somme de 3 000 euros au directeur général des finances publiques et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf et signé par M. Guérin, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme Orsini.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. Y... de ses demandes tendant à la décharge des impositions supplémentaires d'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année 2007, et à la réduction des impositions d'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année 2006 ;
AUX MOTIFS QUE le tribunal a relevé que le fait que la société Total Lubrifiants lui ait réclamé, par procès-verbal de saisie attribution délivré le 12 juillet 2007, la totalité de la dette restant due au 10 juillet 2007, soit 16 693 316,28 euros ne suffit pas à établir que sa dette personnelle corresponde à l'intégralité de ce montant, étant précisé qu'un autre codébiteur a réglé la somme de 473 557 euros ; qu'ainsi que l'a justement rappelé le tribunal, pour être prise en compte dans l'assiette d'imposition la dette du redevable de l'ISF doit être personnelle et certaine mais le caractère liquide n'est pas exigé ; qu'en l'espèce, la dette de M. Y... est certaine en son principe ainsi qu'en son montant déterminé par la quote-part qui lui a été décernée, en vertu de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 31 mars 2005 ; que dans ces conditions, la cour adopte les motifs du tribunal en ce qu'il a jugé que le créancier d'une obligation contractée solidairement peut s'adresser à celui des débiteurs qu'il veut choisir sans que celui-ci puisse opposer le bénéfice de division, ainsi que le fait que la société Total se soit adressée à M. Y... pour le paiement de la totalité de la dette en sa qualité de débiteur solidaire, selon procès-verbal de saisie attribution du 12 juillet 2007, n'implique pas pour autant que le contribuable doive supporter la totalité de la dette, puisqu'en sa qualité de codébiteur, il dispose d'un recours contre les autres débiteurs solidaires à hauteur des 4/5 de la dette en application de l'article 1213 du code civil ; qu'il est par ailleurs avéré que des règlements émanant d'un autre codébiteur sont intervenus à hauteur de 453 557 euros ; qu'enfin, si l'on devait suivre le raisonnement de M. Y..., la déduction de la totalité de la dette par chacun des codébiteurs aboutirait à un passif supérieur au montant de la créance ; qu'il s'ensuit que M. Y... échoue à démontrer l'amoindrissement de son patrimoine à hauteur de la totalité de la créance du groupe Total ;
1°) ALORS QUE, pour être prise en compte dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, la dette du redevable doit être certaine dans son principe et personnelle ; que le débiteur solidaire d'une dette est tenu de payer au créancier qui lui en fait la demande l'intégralité de la dette au paiement de laquelle il a été condamné, sans pouvoir lui opposer le bénéfice de la division ; qu'il s'ensuit que lorsque le créancier a poursuivi le recouvrement de sa créance auprès de l'un des codébiteurs solidaires, celui-ci détient une dette personnelle, pour le tout, nonobstant son recours contre les autres codébiteurs ; qu'en l'espèce, par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 mars 2005 devenu irrévocable, M. Y... a été condamné solidairement avec quatre autres personnes à payer à la société Total Lubrifiants, la somme de 13 795 541 euros avec intérêts au taux légal ; qu'en exécution de cet arrêt, par procès-verbal de saisie attribution délivré le 12 juillet 2007 auprès de la Caisse des dépôts et consignation où M. Y... détenait des fonds, a été saisie la somme de 16 693 316,28 euros, due par M. Y... à la société Total Lubrifiants ; qu'en jugeant qu'il ne pouvait déduire cette somme de l'actif imposable à l'impôt de solidarité sur la fortune, la cour d'appel a violé les articles 768 et 885 D du code général des impôts, ensemble les articles 1200, 1203 et 12013 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause.