LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 23 mai 2017), que le 30 janvier 2013, l'administration fiscale a notifié à M. M... et à Mme V..., liés par un pacte civil de solidarité, une proposition de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 2010 et 2011, en raison d'une sous-estimation des parts de la société civile immobilière Rhône Alpes Méditerranée (la SCI) dont ils étaient propriétaires ; qu'après saisine de la commission départementale de conciliation, puis rejet de leur réclamation et mise en recouvrement des impositions rappelées, majorées de pénalités de retard, M. M... et Mme V... ont saisi le tribunal de grande instance aux fins d'annulation de la décision de rejet et de décharge ;
Attendu que M. M... et Mme V... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande alors, selon le moyen :
1°/ que la valeur des immeubles constituant l'assiette de l'impôt sur la fortune correspond à leur valeur vénale réelle au 1er janvier de l'année d'imposition ; que les cessions ultérieures sont insusceptibles de constituer un élément adéquat de comparaison ; qu'en se fondant, pour évaluer l'immeuble en vue d'établir l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2010 et 2011, sur une cession de parts sociales intervenus le 31 janvier 2012, soit postérieurement au 1er janvier de chaque année considérée, la cour d'appel a violé les articles L. 17 du livre des procédures fiscales, 761 et 885 E du code général des impôts ;
2°/ qu'il incombe à l'administration de rapporter la preuve de l'insuffisance des prix et des évaluations fournis dans les déclarations ; qu'il appartient au juge de vérifier et d'indiquer en quoi les éléments de comparaison produits par l'administration sont pertinents au regard des caractéristiques propres au bien litigieux ; que s'il entend ne pas retenir un prix identique à celui des éléments de comparaison faisant apparaître la valeur la plus basse, il doit indiquer en quoi cette valeur ne peut être retenue, au regard des caractéristiques propres au bien litigieux ; qu'en décidant néanmoins qu'il convenait de retenir par principe la moyenne mathématique des prix résultant de l'ensemble des éléments de comparaison, du plus bas au plus élevé, sans indiquer en quoi les caractéristiques du bien appartenant à la SCI RAM, détenue par M. M... et Mme V..., auraient été différentes des caractéristiques du bien constituant l'élément de comparaison faisant apparaître la valeur vénale la plus basse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 17 du livre des procédures fiscales, 761 et 885 E du code général des impôts ;
3°/ que l'évaluation de la valeur vénale réelle de titres non cotés en bourse doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments disponibles de façon à faire apparaître une valeur aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande sur un marché réel ; qu'en conséquence, la clause d'agrément figurant dans les statuts d'une société doit être prise en considération afin d'évaluer la valeur des titres en causes ; qu'en se bornant à affirmer que les contraintes liées au fait que les parts sociales n'étaient pas librement négociables n'étaient « que très relatives », dès lors que la SCI RAM ne comptait que deux associés, M. M... et Mme V..., et n'était propriétaire que du seul bien immobilier litigieux, qu'elle n'avait aucune autre activité de gestion et aucun autre passif que les comptes courants des associés, et qu'il s'agissait d'une société civile immobilière à caractère familial, puisque les appelants vivaient en couple et étaient liés par un pacte civil de solidarité, sans rechercher si la circonstance que l'un des deux associés était dans l'impossibilité totale de céder ses parts sociales sans l'accord de son associé était de nature à affecter fortement leur valeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 17 du livre des procédures fiscales, 761 et 885 E du code général des impôts ;
Mais attendu, d'une part, que, pour évaluer l'immeuble en vue d'établir l'ISF au titre des années 2010 et 2011, la cour d'appel ne s'est pas appuyée sur la cession des parts sociales de la SCI intervenue le 31 janvier 2012, soit postérieurement au 1er janvier de chaque année considérée, mais a relevé que, si cet élément constituait une indication de la valeur vénale réelle du bien, il ne pouvait fonder l'évaluation retenue en elle-même pour le redressement ; que le moyen manque en fait ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir constaté que la méthode de la valeur mathématique employée par l'administration pour l'évaluation des parts de la SCI, propriétaire d'un terrain constructible à Demi-Quartier (Haute-Savoie) n'était pas en elle-même contestée, puis énoncé que la valeur vénale d'un bien immobilier correspond au prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande sur un marché réel, compte tenu de sa situation de fait et de droit à la date du fait générateur de l'impôt, l'arrêt relève que les éléments de comparaison produits par l'administration portent sur des cessions de biens comparables intervenues antérieurement aux 1er janvier 2010 et 2011, situés dans la même commune, cadastrés à la même section et soumis aux mêmes règles d'urbanisme ; qu'il relève ensuite que le recours à la moyenne arithmétique de tous les prix de terrains retenus comme éléments de comparaison permet, contrairement à une unique référence, d'obtenir une meilleure adéquation de la valeur vénale au marché réel ; qu'il ajoute qu'aucune contrainte particulière de nature à justifier une importante minoration de sa valeur ne l'affecte ; que par ces motifs, dont il résulte que le bien immobilier détenu par la SCI était intrinsèquement similaire à ceux retenus à titre de comparaison, et que rien ne justifiait qu'il soit estimé par référence aux valeurs vénales les moins élevées, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, enfin, qu'après avoir constaté qu'au cours des années 2010 et 2011, la SCI ne comptait que deux associés, qu'elle n'était propriétaire que d'un bien immobilier, qu'elle n'avait aucune autre activité de gestion ni aucun passif autre que les comptes courants de ses associés, qu'il s'agissait d'une société à caractère familial, dont les associés vivaient en couple, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et en a déduit que les contraintes tenant à l'absence de liquidité de ses parts sociales étaient très relatives et ne justifiaient que l'application d'un abattement de 10 %, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. M... et Mme V... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du deux octobre deux mille dix-neuf et signé par M. Guérin, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme Orsini.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. M... et Mme V...
IL EST FAIT GRIEF d'avoir débouté Monsieur C... M... et Madame O... V... de leurs demandes tendant à être déchargés de la totalité des rappels mis à leur charge par l'avis de mise en recouvrement du 23 mai 2014, d'un montant de 16.194 euros.
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 761 du Code général des impôts, les immeubles, quelle que soit leur nature, sont estimés d'après leur valeur vénale réelle d'après la déclaration détaillée et estimative des parties ; que l'article L. du Livre des procédures fiscales dispose que l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition, lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations ; que la rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations ; qu'il appartient à l'administration fiscale, en application de ces textes, de rapporter la preuve de l'évaluation qu'elle entend voir retenir pour le calcul de l'imposition ; que la valeur vénale réelle d'un bien immobilier correspond au prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande sur un marché réel, compte tenu de la situation de fait et de droit dans laquelle l'immeuble se trouve avant la survenance du fait générateur de l'impôt ; que les appelants contestent l'évaluation des parts sociales de la SCI RAM retenue par l'administration fiscale, en ce qu'elle repose sur une moyenne des prix constatés dans les éléments de comparaison produits, alors qu'ils entendent bénéficier du prix le plus bas constaté dans les ventes relevées par l'administration fiscale ; que la méthode d'évaluation des parts sociales retenue, soit par la valeur vénale du seul immeuble détenu par la SCI RAM, n'est pas critiquée en elle-même ; qu'il résulte des pièces produites aux débats que les éléments de comparaison produits par l'administration fiscale, soit quatre pour l'imposition 2010 et quatre pour l'imposition 2011, correspondent tous à des ventes intervenues antérieurement pour des terrains constructibles, situés dans la même commune, la même section cadastrale et soumis aux même règles d'urbanisme (zones UB ou Nab, coefficient d'occupation des sols de 0,20) que le terrain de la SCI RAM ; que ces éléments de comparaison apparaissent dès lors parfaitement pertinents, étant souligné que les appelants ne produisent aucune autre référence qui pourrait contredire les prix constatés ; que les prix les plus bas constatés sont revendiqués par les appelants qui soutiennent qu'en ne les retenant pas, l'administration fiscale commet une discrimination à leur détriment, puisque les cessions intervenues à ces prix n'ont fait l'objet d'aucun redressement ; que toutefois, la discrimination alléguée n'est pas établie dès lors que l'évaluation de la valeur vénale réelle doit reposer sur un nombre d'éléments de comparaison en nombre suffisant et pas sur une seule référence, ce qui serait alors légitimement reproché à l'administration fiscale ; qu'en procédant à une moyenne mathématique, qui prend en compte tous les prix des éléments de comparaison, du plus bas au plus élevé, l'administration recherche une meilleure adéquation de la valeur vénale au marché réel qu'en se fondant sur une seule référence ; qu'en effet, les prix varient en fonction des caractéristiques propres à chaque bien, et en l'espèce, le bien propriété de la SCI RAM n'apparaît pas souffrir de contraintes particulières qui justifieraient une importante minoration de sa valeur ; que l'administration fiscale souligne par ailleurs à juste titre, sans être contredite par les appelants, que le bien litigieux a été évalué par eux-mêmes lors de la cession de leurs parts sociales intervenue le 31 janvier 2012 à 2.200.000 euros, soit 724 euros le m2, valeur proche de celle proposée pour le redressement ; que si cet élément ne peut fonder l'évaluation retenue en ellemême pour le redressement, il est toutefois une indication de la valeur vénale réelle du bien, et confirme l'évaluation proposée par l'administration fiscale, de 693 euros le m2 pour 2010 et de 707 euros le m2 pour 2011, qui a été justement retenue par le Tribunal ; que, concernant la pondération de 15 % consentie par l'administration fiscale, celle-ci résulte à la fois d'une volonté de conciliation ensuite des réclamations des appelants, mais également de l'attention portée par l'administration fiscale aux particularités du bien litigieux avancées par eux, soit principalement la taille importante du terrain, de nature à rendre sa vente plus aléatoire, mais aussi sa situation géographique dans la commune (proximité d'un cours d'eau et vue paysagère moins attractive qu'à d'autres endroits, pièces n° 4 et 7 des appelants) ; qu'elle n'a donc rien d'arbitraire et doit être validée ; que les appelants contestent encore l'abattement pour absence de liquidité, retenu à 10 % par l'administration fiscale et validée par le Tribunal ; qu'ils réclament à ce titre un abattement de 40 % compte tenu du fait que les biens soumis à l'impôt sont des parts sociales de SCI non librement négociables aux termes des statuts ; que toutefois, pour les années d'imposition 2010 et 2011, la SCI RAM ne comptait que deux associés, M. M... et Mme V..., et n'était propriétaire que du seul bien immobilier litigieux, n'avait aucune autre activité de gestion et aucun autre passif que les comptes courants d'associés des appelants ; qu'il s'agit d'une SCI à caractère familial, puisque les appelants vivent en couple et sont liés par pacte civil de solidarité ; qu'ainsi, les contraintes alléguées par les appelants ne sont que très relatives et c'est à bon droit que le Tribunal a validé l'abattement de 10 % pour absence de liquidité ; qu'il résulte de ce qui précède que la contestation émise par les appelants n'est pas fondée et le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;
1°) ALORS QUE la valeur des immeubles constituant l'assiette de l'impôt sur la fortune correspond à leur valeur vénale réelle au 1er janvier de l'année d'imposition ; que les cessions ultérieures sont insusceptibles de constituer un élément adéquat de comparaison ; qu'en se fondant, pour évaluer l'immeuble en vue d'établir l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2010 et 2011, sur une cession de parts sociales intervenue le 31 janvier 2012, soit postérieurement au 1er janvier de chaque année considérée, la Cour d'appel a violé les articles L. 17 du Livre des procédures fiscales, 761 et 885-E du Code général des impôts ;
2°) ALORS QU'il incombe à l'administration de rapporter la preuve de l'insuffisance des prix et des évaluations fournis dans les déclarations ; qu'il appartient au juge de vérifier et d'indiquer en quoi les éléments de comparaison produits par l'administration sont pertinents au regard des caractéristiques propres au bien litigieux ; que s'il entend ne pas retenir un prix identique à celui des éléments de comparaison faisant apparaître la valeur la plus basse, il doit indiquer en quoi cette valeur ne peut être retenue, au regard des caractéristiques propres au bien litigieux ; qu'en décidant néanmoins qu'il convenait de retenir par principe la moyenne mathématique des prix résultant de l'ensemble des éléments de comparaison, du plus bas au plus élevé, sans indiquer en quoi les caractéristiques du bien appartenant à la SCI RAM, détenue par Monsieur M... et Madame V..., auraient été différentes des caractéristiques du bien constituant l'élément de comparaison faisant apparaître la valeur vénale la plus basse, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 17 du Livre des procédures fiscales, 761 et 885-E du Code général des impôts ;
3°) ALORS QUE l'évaluation de la valeur vénale réelle de titres non cotés en bourse doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments disponibles de façon à faire apparaître une valeur aussi proche que possible de celle qu'aurait entrainé le jeu normal de l'offre et de la demande sur un marché réel ; qu'en conséquence, la clause d'agrément figurant dans les statuts d'une société doit être prise en considération afin d'évaluer la valeur des titres en causes ; qu'en se bornant à affirmer que les contraintes liées au fait que les parts sociales n'étaient pas librement négociables n'étaient « que très relatives », dès lors que la SCI RAM ne comptait que deux associés, Monsieur M... et Madame V..., et n'était propriétaire que du seul bien immobilier litigieux, qu'elle n'avait aucune autre activité de gestion et aucun autre passif que les comptes courants des associés, et qu'il s'agissait d'une société civile immobilière à caractère familial, puisque les appelants vivaient en couple et étaient liés par un pacte civil de solidarité, sans rechercher si la circonstance que l'un des deux associés était dans l'impossibilité totale de céder ses parts sociales sans l'accord de son associé était de nature à affecter fortement leur valeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 17 du Livre des procédures fiscales, 761 et 885-E du Code général des impôts.