LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 septembre 2019
Rejet
Mme FLISE, président
Arrêt n° 1166 F-P+B+I
Pourvoi n° D 18-13.438
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Eurofins analyses pour le bâtiment Est, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 1er mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société Flashlab, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 juillet 2019, où étaient présentes : Mme Flise, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brouard-Gallet, conseiller doyen, Mme Mainardi, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de la société Eurofins analyses pour le bâtiment Est, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Flashlab, l'avis de M. Girard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er mars 2018), que se plaignant d'actes de concurrence déloyale par la société Flashlab, la société Eurofins analyses pour le bâtiment Est (la société Eurofins) a saisi le président d'un tribunal de commerce à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que la requête de la société Eurofins a été accueillie ;
Attendu que la société Eurofins fait grief à l'arrêt de constater la caducité de l'autorisation donnée par le juge des requêtes aux fins de constat suivant ordonnance du 10 février 2015 rectifiée le 23 février 2015, de prononcer la rétractation de ladite ordonnance, et de dire que cette rétractation emporte toutes conséquences de droit et donc l'annulation des constats effectués en exécution de cette ordonnance, alors selon le moyen, que l'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire le bien-fondé de l'ordonnance initiale rendue à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire si bien qu'en retenant néanmoins que la constatation de la caducité d'une telle ordonnance pour défaut d'exécution de la mesure d'instruction autorisée dans le délai imparti, relevait de l'office du juge de la rétractation, la cour d'appel a violé les articles 493, 496 et 497 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les opérations de constat et de saisie avaient été réalisées après l'expiration du délai imparti dans l'ordonnance, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que, l'autorisation donnée par le juge pour exécuter ces mesures étant devenue caduque, il entrait dans les pouvoirs du juge de la rétractation de constater cette caducité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique annexé, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Eurofins analyses pour le bâtiment Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à la société Flashlab la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé et prononcé en l'audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-neuf par Mme Brouard-Gallet, conseiller doyen, non empêchée, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile et par Mme Rosette, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société Eurofins analyses pour le bâtiment Est.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté la caducité de l'autorisation donnée par le juge des requêtes aux fins de constat suivant ordonnance du 10 février 2015 rectifiée le 23 février 2015, d'avoir prononcé la rétractation de ladite ordonnance, et d'avoir dit que cette rétractation emporte toutes conséquences de droit et donc l'annulation des constats effectués en exécution de cette ordonnance,
AUX MOTIFS QUE
« [
] Lorsque les opérations de constat et de mise sous séquestre ordonnées par voie de requête en application des dispositions de l'article 493 et suivants du code de procédure civile sont réalisées après le délai imparti par le juge, l'autorisation de ce dernier devient caduque et les opérations menées en exécution de l'ordonnance n'ont plus de fondement juridique ;
Si le contentieux de l'exécution de la mesure d'instruction ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, qui n'affecte pas la décision ayant ordonné cette mesure, ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation la question de la caducité d'une ordonnance, qui remet en cause l'effectivité même de l'ordonnance relève de ce juge ;
En l'espèce, dans le cadre de l'ordonnance du 10 février 2015 rectifiée par l'ordonnance du 23 février, la mission confiée aux huissiers de justice, laquelle consistait notamment à dresser un procès-verbal de leurs opérations auquel serait annexée la copie des documents et des constatations effectuées, avait été expressément limitée dans le temps, ceux-ci devant accomplir leur mission dans le mois de leur saisine ; Il était prévu qu'à défaut de l'exécution de celle-ci par la remise à cette date du constat ordonné, les huissiers instrumentaires seraient de plein droit déchargés de leur mission, privés de tout pouvoir ;
L'absence de réalisation de la mesure d'instruction dans le mois de la saisine des huissiers instrumentaires entraînait donc aux termes de l'ordonnance du 10 février 2015 la caducité de ladite ordonnance en ce qu'elle ordonnait une mesure d'instruction in futurum ;
Il convient de constater que l'ordonnance en date du 5 mars [lire 23 février] 2015 est une pure ordonnance rectificative ; Elle se limite à préciser que pour mener à bien sa mission, l'huissier pourra se faire assister par un expert en informatique ;
Cette ordonnance rectificative ne peut par essence modifier le fond de la décision et modifier les droits des parties ; Cette décision fait corps avec la décision initiale, sans l'annuler et sans pouvoir s'y substituer ;
L'ordonnance rectificative n'a pas en l'espèce alloué un nouveau délai d'un mois à la société requérante pour faire exécuter la mission par les huissiers instrumentaires saisis ;
Il résulte des énonciations même de la société Eurofins dans ses écritures prises lors de la première procédure d'appel que ladite société a saisi les huissiers instrumentaires à la date du 16 février 2015 ;
La cour se doit de constater que les huissiers instrumentaires n'ont exécuté leur mission que le 31 mars 2015 soit plus d'un mois après leur saisine ;
A supposer même que l'ordonnance rectificative ait ouvert un nouveau délai de 1 mois pour l'exécution de la mesure, ce délai expirait au 23 mars 2015, puisque les huissiers avaient été saisis antérieurement par la société Eurofins, cette dernière n'ayant été aucunement dans l'impossibilité d'agir ;
Dès lors, il convient d'en conclure que la société Flashlab est en droit de se prévaloir de la caducité de l'ordonnance autorisant la mesure d'instruction in futurum ;
Aucune autorité de chose jugée ne peut s'opposer à cette demande dès lors que la cour dans le cadre de son arrêt rendu le 18 octobre 2016 s'est bornée à donner mainlevée du séquestre en ordonnant la communication du procès-verbal récapitulant l'ensemble des opérations des huissiers auquel est annexée la copie de l'ensemble des documents et constatations effectuées, la cour constatant par ailleurs que l'ordonnance du 10 février 2015 n'avait encore fait l'objet d'aucune procédure de nature à la remettre en cause et qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le bien-fondé de l'autorisation donnée par le président du tribunal de commerce d'Evry aux fins de constat par ordonnances des 10 et 23 février 2015 lesquelles n'entraient pas dans sa saisine et bénéficiaient d'une voie de recours spécifique ne pouvant être exercée par voie de demande reconventionnelle ;
Il convient en conséquence par infirmation de la décision entreprise de constater la caducité de l'autorisation donnée par le juge de la requête aux fins de constat et de rétracter ladite requête ;
Il sera précisé que cette décision emporte toutes conséquences de droit et donc l'annulation des mesures de constat » ;
1) - ALORS QUE l'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire le bien-fondé de l'ordonnance initiale rendue à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire si bien qu'en retenant néanmoins que la constatation de la caducité d'une telle ordonnance pour défaut d'exécution de la mesure d'instruction autorisée dans le délai imparti, relevait de l'office du juge de la rétractation, la cour d'appel a violé les articles 493, 496 et 497 du code de procédure civile ;
2) - ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE si une ordonnance sur requête devient caduque lorsque les opérations de constat et de saisie qu'elle autorise ne sont pas réalisées dans le délai imparti par le juge, le point de départ de ce délai doit être fixé à la date de la saisine de l'huissier de justice désigné intervenue après le prononcé d'une décision rectificative, lorsque cette décision rectificative affecte les conditions d'exécution de la mesure d'instruction pour permettre sa réalisation de sorte qu'en retenant que l'ordonnance rectificative du 23 février 2015 n'avait pas alloué un nouveau délai d'un mois à la société Eurofins pour faire exécuter la mesure d'instruction autorisée par l'ordonnance du 10 février précédent, cependant qu'elle constatait que l'ordonnance rectificative avait précisé que pour mener à bien sa mission, l'huissier pourra se faire assister par un expert informatique, ce dont il résultait que cette décision rectificativeavait affecté les conditions d'exécution de la mesure d'instruction, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles 493, 496 et 497 du code de procédure civile ;
3) ALORS, A TITRE EGALEMENT SUBSIDIAIRE, QU'un huissier de justice judiciairement désigné pour procéder à une mesure d'instruction in futurum n'est saisi qu'à la date à laquelle la décision libellant complètement et utilement sa mission lui est transmise si bien qu'en retenant que, même si l'ordonnance rectificative du 23 février 2015 avait ouvert un nouveau délai d'un mois pour l'exécution de la mesure d'instruction autorisée par l'ordonnance du 10 février précédent, ce délai expirait au 23 mars 2015, puisque les huissiers avaient été saisis par la société Eurofins dès le 16 février 2015 et que la société Eurofins n'était pas à cette date dans l'impossibilité d'agir, cependant que l'ordonnance du 10 février 2015, qui autorisait la recherche informatique d'éléments de preuve, n'avait pas prévu que les huissiers de justice désignés pourraient se faire assister par un expert informatique, ce chef de dispositif ayant été ajouté par l'ordonnance rectificative du 23 février 2015, de sorte que seule la demande d'exécution intervenue le 5 mars 2015, après le prononcé de cette ordonnance rectificative libellant complètement et utilement la mission des huissiers de justice, avait saisi ceux-ci et fait courir le délai d'un mois imparti pour accomplir la mission, lequel n'était donc venu à expiration que le 7 avril suivant, la cour d'appel a violé les articles 493, 496 et 497 du code de procédure civile ;
4) – ET ALORS, A TITRE EGALEMENT SUBSIDIAIRE, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en considérant que la société Eurofins avait affirmé dans ses écritures prises lors de la première procédure d'appel avoir saisi les huissiers de justice à la date du 16 février 2015, cependant que si la société Eurofins avait énoncé que « [
] la transmission de l'ordonnance du 10 février 2015 [
] a effectivement eu lieu le 16 février 2015 » (p. 10, § 7), elle contestait que les huissiers eussent été saisis à cette date, en soutenant que l'ordonnance du 10 février 2015 était incomplète et inexécutable, de sorte que « seule la transmission de l'ordonnance rectificative, libellant correctement la mission des huissiers, a réellement permis de les saisir de cette mission » (p. 10, dernier §), la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions déposées par la société Eurofins devant la cour d'appel de Paris dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 18 octobre 2016, a violé le principe susvisé .