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25/09/2019 | FRANCE | N°18-23487

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 septembre 2019, 18-23487


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre, 18 septembre 2018), que la Confédération générale du travail de Guadeloupe (CGTG) a, le 19 juin 2018, saisi le tribunal d'instance aux fins d'annuler les élections des membres de la délégation du personnel au comité social et économique s'étant déroulées au sein de la société Grands Fonds (la société) les 4 et 18 juin 2018 et d'ordonner à la société d'organiser de nouvelles élections ;

Sur le premier moyen :

Att

endu que la société fait grief au jugement d'annuler les élections qui se sont tenues le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre, 18 septembre 2018), que la Confédération générale du travail de Guadeloupe (CGTG) a, le 19 juin 2018, saisi le tribunal d'instance aux fins d'annuler les élections des membres de la délégation du personnel au comité social et économique s'étant déroulées au sein de la société Grands Fonds (la société) les 4 et 18 juin 2018 et d'ordonner à la société d'organiser de nouvelles élections ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société fait grief au jugement d'annuler les élections qui se sont tenues les 4 et 18 juin 2018 en son sein, alors, selon le moyen :

1°/ que l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral doit parvenir aux organisations syndicales au plus tard quinze jours avant la date de la première réunion de négociation ; qu'en l'espèce où la SCEA Grands Fonds faisait valoir dans ses conclusions que la date qu'elle avait fixée pour négocier le protocole d'accord préélectoral était celle du 24 avril 2018 et où la CGTG se plaignait seulement de ce que la lettre l'ayant invitée à venir négocier ce protocole, qu'elle avait reçue le 5 avril 2018, comportait deux dates -celle du 16 avril 2018 et celle du 24 avril 2018- sans pour autant exclure que la bonne date fût celle du 24 avril 2018, le tribunal, en retenant qu'il n'était pas en mesure de vérifier si le délai de quinze jours devant séparer la lettre d'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral de la date de la réunion de négociation avait été respecté dès lors que la lettre d'invitation à négocier visait « le mardi 24 16 avril 2018 à 8 heures » et qu'aucun document quant à la date réelle de la réunion de négociation n'était produit, sans rechercher s'il ne résultait pas du fait que le protocole préélectoral conclu avec le syndicat FO, produit par la SCE Grands Fonds, ait été signé le 24 avril 2018 que c'était bien à cette date, et non à celle du 16 avril 2018, qui tombait de surcroît un lundi, que s'était tenue la réunion de négociation, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2314-3, devenu L. 2314-5, du code du travail ;

2°/ que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en se fondant, pour annuler les élections litigieuses, sur la circonstance qu'il n'était pas en mesure de vérifier si le délai de quinze jours devant séparer la lettre d'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral de la date de la réunion de négociation faute de production d'un document quant à la date réelle de la réunion de négociation, fixée de manière ambiguë dans la lettre d'invitation au « mardi 24 16 avril 2018 », le tribunal, qui s'est ainsi abstenu de déterminer lui-même, à partir des éléments de la cause et, le cas échéant, en ordonnant préalablement toute mesure d'instruction nécessaire, la date à laquelle la réunion de négociation s'était tenue ainsi qu'il aurait dû le faire, a méconnu son office et violé ainsi l'article 4 du code civil ;

3°/ qu'il appartient au syndicat qui prétend que le délai de quinze jours devant séparer l'invitation à négocier le protocole préélectoral de la date de la première réunion de négociation n'a pas été respecté d'en rapporter la preuve ; qu'en se fondant, pour annuler les élections litigieuses à la demande de la CGTG, sur la circonstance que faute de disposer d'un document quant à la date réelle de la réunion de négociation du protocole d'accord préélectoral, il n'était pas en mesure de vérifier si le délai de quinze jours devant séparer la réception de l'invitation à négocier ce protocole préélectoral de la date de la réunion de négociation avait été respecté, le tribunal, qui a ainsi fait peser le risque de la preuve sur la SCEA Grands Fonds, à qui il n'incombait pourtant pas d'établir que ce délai avait été respecté a violé ainsi les articles 9 du code de procédure civile et 1315 devenu 1353 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral, reçue par la CGTG, comportait la mention de deux dates distinctes pour la réunion de négociation, ce dont il a pu déduire que l'organisation syndicale n'avait pas été régulièrement conviée à la négociation du protocole, le tribunal a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief au jugement de la condamner à verser à la CGTG une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le retard dans la mise en place d'institutions représentatives du personnel n'ouvre droit à dommages-intérêts au profit du syndicat ou du salarié qui a sollicité la tenue des élections qu'à la condition qu'il ait causé à ce dernier un préjudice ; qu'en se bornant, pour condamner la SCEA Grands Fonds à verser à la CGTG des dommages-intérêts, à relever qu'elle avait tardé à engager la procédure aboutissant à l'élection des représentants du personnel dont la tenue lui avait été demandée par ce syndicat, sans constater que celui-ci avait subi un préjudice à raison de ce retard, le tribunal a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

Mais attendu que le tribunal ayant souverainement apprécié le montant du préjudice dont il a justifié l'existence par l'évaluation qu'il en a faite, le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Grands Fonds ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Grands Fonds

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La SCEA Grands Fonds fait grief au jugement attaqué d'avoir annulé les élections qui se sont tenues les 4 et 18 juin 2018 en son sein ;

AUX MOTIFS QU'il n'est pas contesté que l'invitation à venir négocier le protocole adressée par la SCEA Les Grands Fonds à la CGTG par lettre recommandée avec accusé de réception le 28 mars 2018, reçue le 5 avril 2018, comporte une erreur matérielle quant à la date desdites opérations de négociation ; qu'en effet, il y est indiqué « le mardi 24 16 avril 2018 à 8 heures » ; que cette erreur matérielle n'ayant pas été rectifiée et aucun document quant à la date réelle de la réunion visant à négocier le protocole préélectoral n'étant produit, la juridiction de céans n'est pas en mesure de vérifier si le délai de quinze jours entre la réception de l'invitation et la première réunion de négociation a été respecté et si la CGTG a été en mesure de participer aux négociations dudit protocole ;

1°) ALORS QUE l'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral doit parvenir aux organisations syndicales au plus tard quinze jours avant la date de la première réunion de négociation ; qu'en l'espèce où la SCEA Grands Fonds faisait valoir dans ses conclusions que la date qu'elle avait fixée pour négocier le protocole d'accord préélectoral était celle du 24 avril 2018 et où la CGTG se plaignait seulement de ce que la lettre l'ayant invitée à venir négocier ce protocole, qu'elle avait reçue le 5 avril 2018, comportait deux dates – celle du 16 avril 2018 et celle du 24 avril 2018 - sans pour autant exclure que la bonne date fût celle du 24 avril 2018, le tribunal, en retenant qu'il n'était pas en mesure de vérifier si le délai de quinze jours devant séparer la lettre d'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral de la date de la réunion de négociation avait été respecté dès lors que la lettre d'invitation à négocier visait « le mardi 24 16 avril 2018 à 8 heures » et qu'aucun document quant à la date réelle de la réunion de négociation n'était produit, sans rechercher s'il ne résultait pas du fait que le protocole préélectoral conclu avec le syndicat FO, produit par la SCE Grands Fonds, ait été signé le 24 avril 2018 que c'était bien à cette date, et non à celle du 16 avril 2018, qui tombait de surcroît un lundi, que s'était tenue la réunion de négociation, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2314-3, devenu L. 2314-5, du code du travail ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en se fondant, pour annuler les élections litigieuses, sur la circonstance qu'il n'était pas en mesure de vérifier si le délai de quinze jours devant séparer la lettre d'invitation à négocier le protocole d'accord préélectoral de la date de la réunion de négociation faute de production d'un document quant à la date réelle de la réunion de négociation, fixée de manière ambiguë dans la lettre d'invitation au « mardi 24 16 avril 2018 », le tribunal, qui s'est ainsi abstenu de déterminer lui-même, à partir des éléments de la cause et, le cas échéant, en ordonnant préalablement toute mesure d'instruction nécessaire, la date à laquelle la réunion de négociation s'était tenue ainsi qu'il aurait dû le faire, a méconnu son office et violé ainsi l'article 4 du code civil ;

3°) ALORS QU'il appartient au syndicat qui prétend que le délai de quinze jours devant séparer l'invitation à négocier le protocole préélectoral de la date de la première réunion de négociation n'a pas été respecté d'en rapporter la preuve ; qu'en se fondant, pour annuler les élections litigieuses à la demande de la CGTG, sur la circonstance que faute de disposer d'un document quant à la date réelle de la réunion de négociation du protocole d'accord préélectoral, il n'était pas en mesure de vérifier si le délai de quinze jours devant séparer la réception de l'invitation à négocier ce protocole préélectoral de la date de la réunion de négociation avait été respecté, le tribunal, qui a ainsi fait peser le risque de la preuve sur la SCEA Grands Fonds, à qui il n'incombait pourtant pas d'établir que ce délai avait été respecté a violé ainsi les articles 9 du code de procédure civile et 1315 devenu 1353 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

La SCEA Grands Fonds fait grief au jugement attaqué de l'avoir condamnée à verser à la CGTG la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE l'employeur qui, bien qu'il y soit légalement tenu, n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'aucun procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ; que lorsqu'il a été saisi d'une demande par un de ses salariés, il dispose d'un délai d'un mois pour engager la procédure de mise en place des institutions du personnel ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la CGTG a sollicité, par courrier du 26 janvier 2018, la tenue d'élections de délégués du personnel ; que le 26 mars 2018, soit deux mois plus tard, la gérante de la SCEA Grands Fonds a informé, par voie d'affichage, que les élections des membres du comité social économique se tiendrait « prochainement », la date du 4 juin 2018 étant envisagé ; que par ailleurs, il sera indiqué que le courrier adressé le 25 juillet 2017 aux mêmes fins concernait la plantation Tina Dambas, dont ce dernier était le gérant, et non la SCEA Grands Fonds ; qu'ainsi, la SCEA Grands Fonds, valablement saisie par la CGTG, a tardé à engager la procédure aboutissant à l'élection des représentants du personnel ; que ce retard étant nécessairement fautif, il convient de la condamner à verser à la CGTG la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts ;

ALORS QUE le retard dans la mise en place d'institutions représentatives du personnel n'ouvre droit à dommages-intérêts au profit du syndicat ou du salarié qui a sollicité la tenue des élections qu'à la condition qu'il ait causé à ce dernier un préjudice ; qu'en se bornant, pour condamner la SCEA Grands Fonds à verser à la CGTG des dommages-intérêts, à relever qu'elle avait tardé à engager la procédure aboutissant à l'élection des représentants du personnel dont la tenue lui avait été demandée par ce syndicat, sans constater que celui-ci avait subi un préjudice à raison de ce retard, le tribunal a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-23487
Date de la décision : 25/09/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre, 18 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 sep. 2019, pourvoi n°18-23487


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.23487
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