La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2019 | FRANCE | N°18-83966

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 septembre 2019, 18-83966


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
M. H... F...,

- Mme B... V...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de FORT-DE-FRANCE, chambre correctionnelle, en date du 26 avril 2018, qui, pour fraudes ou fausses déclarations pour obtenir des prestations indues et recours aux services d'un travailleur dissimulé a condamné le premier à un an d'emprisonnement avec sursis, à 30000 euros d'amende et à six mois d'interdiction professionnelle et, pour fraudes ou fausses déclarations pour obtenir des

prestations indues, a condamné la seconde à un an d'emprisonnement avec sursis, et ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

-
M. H... F...,

- Mme B... V...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de FORT-DE-FRANCE, chambre correctionnelle, en date du 26 avril 2018, qui, pour fraudes ou fausses déclarations pour obtenir des prestations indues et recours aux services d'un travailleur dissimulé a condamné le premier à un an d'emprisonnement avec sursis, à 30000 euros d'amende et à six mois d'interdiction professionnelle et, pour fraudes ou fausses déclarations pour obtenir des prestations indues, a condamné la seconde à un an d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 juin 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Pers, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Méano, conseiller rapporteur, M. Fossier, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MÉANO, les observations de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général QUINTARD ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'une plainte de la caisse générale de la sécurité sociale de la Martinique (CGSSM), qui a constaté une suractivité anormale de M. F..., infirmier libéral au Robert, celui-ci a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, du chef, notamment, de recours aux services d'un travailleur dissimulé, pour avoir au Lamentin, entre le 1er janvier 2012 et le 19 juillet 2014, directement et sciemment eu recours aux services de Mme L... K... exerçant dans un but lucratif une activité de prestations de service, sans procéder aux déclarations devant être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale; que Mme V... a été poursuivie pour avoir fourni sciemment de fausses déclarations ou des déclarations incomplètes en vue d'obtenir des prestations indues de la CGSSM ; que les juges du premier degré ont relaxé M. F... du chef de recours aux services d'un travailleur dissimulé mais l'ont déclaré coupable de fraudes ou fausses déclarations pour obtenir des prestations indues ; qu'ils ont déclaré Mme V... coupable des faits de fraudes ou fausses déclarations pour obtenir des prestations indues, commis du 1er mars 2010 au 31 décembre 2013 ; que le ministère public, M. F... et Mme V... ont relevé appel de cette décision ;

En cet état ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour M. F... ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Mme V... ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que les moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. F..., pris de la violation des articles 6-1 et 6-3 d) de la Convention des droits de l'homme, de l'article préliminaire et des articles 385, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que la cour a écarté des débats les conclusions in limine litis de M. F... et Mme V... et a refusé d'entendre l'expert témoin cité par la défense, avant de retenir les requérants dans les liens de la prévention et de statuer sur l'action publique et l'action civile ;

"1°) alors que, d'une part, excède ses pouvoirs la cour qui écarte des débats les conclusions régulièrement déposées par la défense in limine litis ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour a violé les textes cités au moyen, ensemble les droits de la défense ;

"2°) alors qu'aux termes de l'article 6-3 d) de la Convention des droits de l'homme, la juridiction saisie d'une demande portant sur l'audition d'un expert – témoin de la défense qui n'a jamais auparavant été entendu – doit, si elle refuse de faire droit à cette demande, s'en expliquer spécialement ; que le rejet immotivé opposé par la cour à la défense sur ce point viole de plus fort la garantie prévue par le texte susvisé" ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Mme V... , pris de la violation des articles 6-1 et 6-3 d) de la Convention des droits de l'homme, de l'article préliminaire et des articles 385, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que la cour a écarté des débats les conclusions in limine litis de M. F... et Mme V... et a refusé d'entendre l'expert témoin cité par la défense, avant de retenir les requérants dans les liens de la prévention et de statuer sur l'action publique et l'action civile ;

"1°) alors que, d'une part, excède ses pouvoirs la cour qui écarte des débats les conclusions régulièrement déposées par la défense in limine litis ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour a violé les textes cités au moyen, ensemble les droits de la défense ;

"2°) alors qu'aux termes de l'article 6-3 d) de la Convention des droits de l'homme, la juridiction saisie d'une demande portant sur l'audition d'un expert – témoin de la défense qui n'a jamais auparavant été entendu – doit, si elle refuse de faire droit à cette demande, s'en expliquer spécialement ; que le rejet immotivé opposé par la cour à la défense sur ce point viole de plus fort la garantie prévue par le texte susvisé" ;

Les moyens étant réunis ;

Sur la seconde branche du premier moyen de cassation proposé pour M. F... et du premier moyen proposé pour Mme V... ;

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur la première branche du premier moyen de cassation proposé pour M. F... et du premier moyen proposé pour Mme V... ;

Attendu que les demandeurs, qui n'invoquent pas un défaut de réponse à leurs conclusions écrites déposées à l'audience, ne sauraient se faire un grief de ce qu'elles ont été écartées à tort par la cour d'appel;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Mme V..., pris de la violation des articles 6 de la Convention des droits de l'homme, des articles 121-3 al. 1, 130-1, 131-10, 131-27, 131-28, 132-1, 441-6 et 441-10 du code pénal, des articles R. 4321-43 à R. 4321-48 du code de la santé publique et de l'article 5.2.3 du titre V de l'arrêté du 18 juillet 2007 portant approbation de la Convention nationale destinée à régir les rapports entre infirmiers libéraux et les organismes d'assurance maladie, de l'article préliminaire et des articles 591 et 593 du code procédure pénale ;

"en ce que la cour a condamné Mme V... du chef de fausse déclaration sciemment réalisée en vue d'obtenir d'un organisme de protection sociale une prestation ou un paiement indu, a prononcé à son encontre une peine d'emprisonnement de douze mois assortis intégralement du sursis ;

"alors que la cour n'a pas spécialement motivé la peine au regard de la situation matérielle, familiale et sociale de la requérante, qu'elle a ainsi condamné en violation du principe de personnalité des peines" ;

Attendu que, pour prononcer contre Mme V..., reconnue coupable de fraudes ou fausses déclarations pour obtenir des prestations indues, une peine d'emprisonnement avec sursis, l'arrêt, après avoir relevé que la prévenue a un casier judiciaire vierge, est commerçante, perçoit des revenus mensuels de 1 000 à 1 500 euros par mois et ne travaille plus pour son compagnon, retient que l'appât du gain, facilité par la faiblesse des contrôles de la CGSSM, a conduit Mme V... à commettre ces faits qui ont duré plusieurs années et ont augmenté considérablement leur train de vie, que les juges ajoutent que la peine prononcée doit être à la mesure du préjudice important subi par la CGSSM en premier lieu, mais plus encore la société toute entière ; que la cour d'appel en déduit que la peine d'emprisonnement avec sursis prononcée par les premiers juges est à même d'assurer la sanction de l'intéressée et de la dissuader de renouveler des faits de nature similaire ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui répondent à l'exigence résultant des articles 132-1 du code pénal et 485 du code de procédure pénale, selon laquelle, en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Mais sur le troisième moyen de cassation proposé pour M. F..., pris de la violation des articles 6 de la Convention des droits de l'homme, L. 8221-1 al. 1 3°, L. 8221-3, L.8 221-4, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-3 et L. 8224-4 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a retenu la culpabilité de M. F... du chef de travail dissimulé ;

"alors que l'incrimination de travail dissimulé exige la démonstration d'un rapport de subordination, lequel est inexistant du chef de la fille d'un patient ayant à ses dires procédé à la toilette de son père et reçu des espèces de la part de son infirmier ; que le caractère équivoque et unilatéral de pareille déclaration ne saurait en tout état de cause suffire à caractériser l'infraction de travail dissimulé" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale et l'article L. 8221-5 du code du travail, tel qu'en vigueur à la date des faits ;

Attendu que le juge répressif ne peut déclarer un prévenu coupable d'une infraction sans en avoir caractérisé tous les éléments constitutifs ;

Attendu que pour infirmer le jugement et déclarer M. F... coupable de recours aux services d'un travailleur dissimulé, l'arrêt retient que les agents assermentés de la CGSSM ont recueilli les déclarations de Mme K..., selon lesquelles, entre 2012 et 2014, M. F... l'avait payée en espèces, entre 50 et 200 euros par mois, pour réaliser elle même des soins à son père ; que les juges ajoutent qu'elle a confirmé aux gendarmes avoir procédé à ces soins jusqu'au décès de son père en [...], tous les soirs sur la tournée de M. F... et avoir été payée par ce dernier le montant indiqué plus haut ; que la cour d'appel ajoute que ces déclarations sont confortées par celles de Mme Y..., qui a dit aux agents de la CGSSM puis aux gendarmes enquêteurs que M. F... lui avait proposé de la rémunérer pour qu'elle réalise elle-même des actes de soins à sa mère et qu'aucun élément ne permet de remettre en cause les déclarations de ces deux personnes, dont il n'est pas allégué qu'elles se connaissent ;

Mais attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, qui ne caractérisent pas l'existence d'une relation de subordination permanente durant tout le temps d'exécution des tâches effectuées par Mme K... pour le compte du prévenu, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 26 avril 2018, mais en ses seules dispositions ayant déclaré coupable M. F... de travail dissimulé et sur les peines prononcées à l'égard de celui-ci, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Fort-de-France et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre septembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-83966
Date de la décision : 24/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 26 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 sep. 2019, pourvoi n°18-83966


Composition du Tribunal
Président : M. Pers (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.83966
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award