LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 juin 2018), que, par acte du 13 juillet 2006, M. Q... a vendu à V... R... la totalité des parts qu'il détenait dans la société civile immobilière [...] (la SCI) ; qu'en 2009, M. Q... a assigné MM. K... et G... R... et Mme A... R... (les consorts R...), ayants droit de V... R..., en constatation de la résolution de la cession de ses parts ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. Q... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de constatation de la résolution du contrat ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'acte de cession prévoyait que le prix serait réglé au plus tard le 31 décembre 2008, sous peine de résolution de plein droit du contrat, sans que les parties aient prévu que la résolution interviendrait sans sommation ou formalité préalable, la cour d'appel, qui a constaté que M. Q... n'avait jamais mis en demeure V... R... de lui payer le prix sous un certain délai, avec avis que, faute d'exécution, le contrat serait résilié de plein droit, en a exactement déduit que la clause résolutoire n'avait pu produire ses effets ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
Attendu que, pour condamner M. Q... à payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient qu'il ne rapporte pas la preuve que la somme reçue de V... R... aurait été destinée à régler une autre dette que celle relative à la cession des parts sociales, qu'il a attendu plus de trois ans après ce paiement et le décès de V... R... pour intenter l'action en résolution, sans ne s'être jamais manifesté auprès de sa succession, que l'emprunt contracté par la SCI est soldé et qu'il ne justifie pas avoir réglé, en tant que caution, tout ou partie des échéances, que, dès lors, le maintien d'une action qui tend à se prévaloir à tort de l'inexécution d'une obligation pour se voir attribuer sans bourse délier la moitié des parts de la SCI relève de la plus parfaite mauvaise foi ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières, qu'il appartient au juge de spécifier, constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont la décision a été l'objet en appel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Q... à payer à MM. G... et K... R... et Mme A... O... la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 12 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par MM. G... et K... R... et Mme A... O... ;
Condamne MM. G... et K... R... et Mme A... R... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. Q...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. D... Q... de toutes ses demandes et dit qu'il n'était pas propriétaire de la moitié des parts sociales de la SCI [...] ;
Aux motifs que « sur la demande de D... Q..., l'acte sous seing privé du 13 juillet 2006 par lequel D... Q... a cédé à V... R... la moitié des parts sociales qu'il détenait dans la SCI [...] prévoit en page 2 que le prix de 7 000 euros "sera réglé, sans intérêts, au plus tard le 31 décembre 2008, sous peine de résolution de plein droit des présentes." ; que, lorsqu'il a saisi le tribunal de grande Instance, D... Q... ne lui a pas demandé de prononcer pour inexécution la résolution du contrat de cession des parts sociales du 13 juillet 2006, mais de la constater par le jeu de la clause résolutoire de plein droit ; que le premier juge a fait droit à sa demande en considérant que la clause résolutoire avait produit son plein et entier effet ; que D... Q... maintient cette seule demande devant la cour puisqu'il sollicite uniquement la confirmation du jugement ; qu'il ressort de la formulation de la clause que les parties n'ont pas organisé les conditions de la résolution et n'ont nullement prévu que la résolution de plein droit interviendra sans sommation ou formalité préalable ; qu'il est de jurisprudence constante que lorsque les parties n'ont pas organisé les modalités de la résolution, une clause résolutoire ne peut être acquise au créancier tant que le débiteur n'a pas été mis en demeure d'exécuter son obligation dans un certain délai et qu'il ne lui a pas été rappelé qu'en cas d'inexécution, la convention sera résiliée de plein droit ; qu'en l'espèce, après la date du 31 décembre 2008, D... Q... n'a jamais mis en demeure V... R... de lui payer sous un certain délai la somme de 7 000 euros correspondant au prix de cession des parts sociales, avec avis que faute d'exécution le contrat serait résilié de plein droit ; que la clause résolutoire n'a donc pas pu produire son effet et l'action de D... Q... tendant à faire constater son acquisition - demande qu'il maintient devant la cour-, ne pouvait manifestement pas prospérer ; que, pour cette unique raison, le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions et D... Q... débouté de l'intégralité de ses demandes » ;
Alors que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que la cour d'appel a elle-même constaté que l'acte de cession stipule que le prix de 7 000 euros « sera réglé, sans intérêts, au plus tard le 31 décembre 2008, sous peine de résolution de plein droit des présentes » ; que, pour refuser de constater la résolution de plein droit de cession, la cour d'appel a énoncé que M. Q... n'a jamais mis en demeure V... R... de lui payer sous un certain délai la somme de 7 000 euros correspondant au prix de cession des parts sociales, avec avis que faute d'exécution le contrat serait résilié de plein droit ; qu'en ajoutant ainsi aux prévisions de l'acte, qui prévoyait une résolution de plein droit pour défaut de paiement du prix dans un certain délai, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieur à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. D... Q... à payer à M. G... R..., M. K... R... et Mme A... O... la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Aux motifs que « sur la demande reconventionnelle des consorts R.../O..., les appelants sollicitent la condamnation de D... Q... à leur payer des dommages- intérêts pour procédure abusive et dilatoire ; qu'il n'est pas contesté qu'au mois de juin 2009, D... Q... a reçu d'V... R... un paiement de 10 000 euros ; que D... Q... soutient que ce paiement n'a pas soldé la dette d'V... R... au titre de la cession des parts sociales, mais il ne justifie par aucune pièce probante qu'V... R... était son débiteur à d'autres titres ; qu'il doit donc être considéré que le paiement fait au mois de juin 2009 solde la dette d'V... R... au titre de la cession des parts sociales, étant observé que D... Q... a attendu plus de trois ans après le paiement et le décès d'V... R... pour intenter l'action en résolution sans s'être jamais manifesté auprès de la succession ; qu'il ressort des pièces produites aux débats que l'emprunt contracté en 2003 par la SCI pour l'acquisition du bien immobilier était remboursable sur 13 ans, de sorte qu'au jour où la cour statue, il est soldé, point qu'aucune des parties n'aborde pour le contester ; que D... Q... ne justifie pas qu'il a, en tant que caution, payé tout ou partie des échéances du prêt ; que, dès lors le maintien d'une action qui tend à se prévaloir à tort de l'inexécution d'une obligation pour se voir attribuer sans bourse délier la moitié des parts sociales de la SCI [...], relève de la plus parfaite mauvaise foi et cause aux appelants un préjudice qui sera réparé par la somme de 6 000 euros à titre de dommages intérêts » ;
Alors 1°) que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. Q..., la cour d'appel a énoncé au mois de juin 2009, M. Q... a reçu d'V... R... un paiement de 10 000 euros, que M. Q... soutient que ce paiement n'a pas soldé la dette d'V... R... au titre de la cession des parts sociales, mais ne justifie par aucune pièce probante qu'V... R... était son débiteur à d'autres titres, pour en déduire que ce paiement soldait la dette d'V... R... au titre de la cession des parts sociales, étant observé que D... Q... a attendu plus de trois ans après le paiement et le décès d'V... R... pour intenter l'action en résolution sans s'être jamais manifesté auprès de la succession ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il revenait au débiteur ou à ses ayants droit de faire la preuve que le paiement litigieux avait éteint l'obligation de payer le prix de cession, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;
Alors 2°) et en toute hypothèse que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 6 s.), M. Q... a fait valoir que le chèque de 10 000 euros, était postérieur à la date prévue à la cession pour le paiement du prix (31 décembre 2008) et avait pour objet de régulariser les avances qu'il avait fait à la SCI et dont il justifiait par des relevés bancaires (pièce n° 9) ; que, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. Q..., la cour d'appel a énoncé qu'au mois de juin 2009, M. Q... avait reçu d'V... R... un paiement de 10 000 euros, que M. Q... soutenait que ce paiement n'avait pas soldé la dette d'V... R... au titre de la cession des parts sociales, mais ne justifiait par aucune pièce probante qu'V... R... était son débiteur à d'autres titres, pour en déduire que ce paiement solde la dette d'V... R... au titre de la cession des parts sociales ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur ces chefs de conclusions et pièce, établissant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 3°) qu'une action en justice ne peut constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel ; que M. D... Q... a obtenu gain de cause devant la juridiction de premier degré, l'arrêt attaqué étant infirmatif ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour le condamner à payer aux consorts R... une somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.