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19/09/2019 | FRANCE | N°18-12826

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 septembre 2019, 18-12826


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 novembre 2017), rendu en référé, qu'en 1988 la société civile immobilière Les Maisons Guislain (la SCI) a acquis un immeuble qu'elle a donné à bail commercial jusqu'au 30 juin 2015 ; que, par certificats d'urbanisme en date des 8 janvier et 16 août 2016, la mairie de la commune lui a indiqué que son projet de transformation du bâtiment existant en plusieurs logements n'était pas réalisable en raison de la présence à moins de cinquante mètres d'un élev

age porcin et bovin appartenant à la société X... ; que la SCI a assigné c...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 novembre 2017), rendu en référé, qu'en 1988 la société civile immobilière Les Maisons Guislain (la SCI) a acquis un immeuble qu'elle a donné à bail commercial jusqu'au 30 juin 2015 ; que, par certificats d'urbanisme en date des 8 janvier et 16 août 2016, la mairie de la commune lui a indiqué que son projet de transformation du bâtiment existant en plusieurs logements n'était pas réalisable en raison de la présence à moins de cinquante mètres d'un élevage porcin et bovin appartenant à la société X... ; que la SCI a assigné celle-ci en référé, ainsi que son gérant, M. X..., aux fins de voir ordonner la mise en conformité de leurs installations avec les prescriptions réglementaire et légales liées à l'exploitation des élevages porcins et la mise en oeuvre des mesures nécessaires pour faire cesser les troubles anormaux de voisinage ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. X... et la société X... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs conclusions n° 2 et pièces n° 3 à 5 notifiées le 26 septembre 2017 ;

Mais attendu qu'ayant relevé, sans dénaturation, que M. X... et la société X... avaient notifié le jour de l'ordonnance de clôture des conclusions qui s'appuyaient sur de nouvelles pièces et ajoutaient une demande subsidiaire relative à la liquidation de l'astreinte, et souverainement retenu qu'en agissant ainsi, dans une procédure de référé visant à faire cesser un trouble manifestement illicite, ils n'avaient pas permis à la SCI de répondre et de discuter les pièces et avaient violé le principe de loyauté des débats, une telle communication tardive ayant fait obstacle à l'instauration d'un débat contradictoire à leur sujet, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs que ces conclusions et ces pièces étaient irrecevables ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, septième et huitième branches, ci-après annexé :

Attendu que M. X... et la société X... font grief à l'arrêt de les condamner à faire cesser le trouble manifestement illicite subi par la SCI ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'il n'était pas contesté que la société X... exploitait un élevage porcin dans une porcherie installée à proximité immédiate de l'immeuble à usage commercial et industriel appartenant à la SCI et relevé que cette activité ne respectait pas les dispositions réglementaires du code de l'urbanisme et le règlement sanitaire départemental du Nord puisque l'élevage porcin était implanté à une distance de moins de cinquante mètres de tout établissement recevant du public et que la SCI justifiait de l'atteinte portée à son droit de propriété puisque la mairie avait refusé son projet de transformation du bâtiment et qu'elle n'était pas parvenue, depuis l'expiration du bail commercial, à relouer l'immeuble ou à le vendre, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que le règlement sanitaire départemental du Nord n'était pas applicable à l'exploitation de M. X..., a pu, par ces seuls motifs, en déduire l'existence d'un trouble manifestement illicite et condamner la société X... à le faire cesser ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième et sixième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... et la société X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et de la société X... ; les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Les Maisons Guislain ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X... et la société X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les conclusions no 2 et les pièces nos 3 à 5 de la Sarl X... et de M. X..., notifiées le 26 septembre 2017 ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaitre mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ; qu'aux termes de l'article 135 du code de procédure civile, le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile ; qu'en l'espèce, alors que l'article 905 du code de procédure civile dispose que, lorsque l'appel est relatif à une ordonnance de référé, le président de la chambre saisie fixe à bref délai l'audience à laquelle l'affaire sera appelée, il s'observe que les appelants ont notifié à l'intimée de nouvelles conclusions et pièces le jour même de l'ordonnance de clôture, dont la date avait été préalablement portée à leur connaissance suivant calendrier de procédure ; qu'en agissant ainsi dans une procédure de référé visant à faire cesser un trouble manifestement illicite, alors d'une part que les conclusions litigieuses s'appuient sur de nouvelles pièces et ajoutent une demande subsidiaire relative à la liquidation de l'astreinte, et d'autre part que les contraintes de fonctionnement d'un cabinet d'avocat ne sauraient constituer un cas de force majeure empêchant les parties de respecter le principe de la contradiction, les appelants ne permettent pas à leur adversaire de répondre et de discuter les pièces, et violent ainsi le principe de loyauté des débats ; que dans ces conditions, il convient d'écarter des débats les conclusions no 2 et les pièces nos 3 à 5 notifiées le 26 septembre 2017, dans la mesure où cette communication tardive a fait obstacle à l'instauration d'un débat contradictoire à leur sujet ;

1°) ALORS QUE les conclusions déposées le jour même de la clôture ne peuvent être déclarées irrecevables que si elles contiennent des moyens nouveaux ou des demandes nouvelles ; que la cour d'appel qui, pour déclarer irrecevables les conclusions no 2 déposées le jour de la clôture, n'a pas constaté que celles-ci soulevaient des moyens nouveaux ou des demandes nouvelles, a privé sa décision de base légale au regard des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE ne saurait constituer une demande nouvelle, autorisant le juge à déclarer irrecevables des conclusions produites le jour de la clôture de l'instruction, une demande tendant à ce que soient rejetées les prétentions adverses ; qu'en se fondant, pour déclarer irrecevables les conclusions no 2 déposées le jour de la clôture, sur ce qu'elles ajoutaient une demande subsidiaire relatives à la liquidation de l'astreinte demandée par la SCI Les Maisons Guislain, la cour a violé les articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 21 et 22), M. X... et la Sarl X... demandaient l'infirmation de l'ordonnance entreprise, qui avait prononcé une astreinte, et le rejet de l'ensemble des demandes de la SCI Les Maisons Guislain, qui avait réclamé une astreinte ; qu'en jugeant que, dans leur conclusions no 2, M. X... et la Sarl X... avaient ajouté une demande subsidiaire relative à la liquidation de l'astreinte, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE des conclusions produites le jour de la clôture ne peuvent être déclarées irrecevables que s'il est fait état de circonstances particulières caractérisant l'atteinte portée au principe de la contradiction ; que la cour d'appel, qui a déclaré irrecevables les conclusions no 2 déposées le jour de la clôture sans préciser les circonstances particulières caractérisant l'atteinte portée au principe de la contradiction, a privé sa décision de base légale au regard des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Sarl X... à faire cesser le trouble manifestement illicite subi par la SCI Les Maisons Guislain ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 809 du code de procédure civile : « le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire » ; que si l'existence d'une contestation sérieuse sur le fond du droit n'interdit pas au juge des référés de prendre les mesures prévues par l'article 809 alinéa 1er, il lui appartient d'apprécier le caractère manifestement illicite du trouble causé ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces versées au débat que la SCI les Maisons Guislain est propriétaire depuis 1988 de parcelles cadastrées nos 325 et 326, situées [...] , et jouxtant les parcelles nos [...] ct [...] situées [...] , appartenant à M. Y... X..., exploitant agricole d'un élevage porcin et bovin ; qu'il n'est pas contesté que la société X... exploite un élevage porcin dans une porcherie installée à proximité immédiate de l'ensemble immobilier à usage commercial et industriel, appartenant à la SCI les Maisons Guislain ; que les articles 153.4 et 153.5 du règlement sanitaire départemental du Nord prévoient qu'en cas d'implantation, de réaménagement ou d'extension de bâtiments agricoles existant pour y loger des animaux, un élevage porcin ne peut être implanté à moins de cinquante mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public ; que suivant certificats d'urbanisme des 8 janvier et 16 août 2016, la mairie d'Aniche a d'ailleurs refusé à la SCI les Maisons Guislain son projet de transformation d'un bâtiment en quatre logements, au motif qu'il se situait à moins de cinquante mètres des bâtiments d'élevage porcin et bovin de la ferme X... ; que la cour constate au surplus que la rue Verrier se situe dans la zone UB du plan d'occupation des sols de la commune d'Aniche, qui se définit comme une zone urbaine de densité moyenne affectée à l'habitation, aux services et aux activités sans nuisances ; que suivant procès-verbaux de constat des 30 juin 2015 et 20 septembre 2016, Me L..., huissier de justice, relève sur le mur séparatif des deux propriétés des taches d'humidité noirâtres, des traces de pourrissement au niveau du soubassement, des traces de végétation pourrie et des racines ; qu'il constate une odeur d'excréments d'animaux de type lisier, ainsi que des cris d'animaux de type grognements de porcs à proximité immédiate du mur ; que la SCI les Maisons Guislain produit également des attestations de clients du commerce Gedimat, auparavant installé dans ses locaux, qui témoignent de l'odeur pestilentielle perçue dans la cour et provenant de la ferme voisine ; qu'il y a lieu de relever que la SCI les Maisons Guislain justifie bien de l'atteinte portée à son droit de propriété en ce qu'elle n'est parvenue, depuis l'expiration du bail commercial le 30 juin 2015, ni à relouer l'immeuble, ni à le vendre, ni à en transformer la destination, et qu'elle a eu des difficultés à assurer les bâtiments vides d'occupant ; que pour que la règle de la préoccupation prévue par l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation reçoive application, encore faut-il que l'antériorité des activités agricoles soit démontrée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que celles-ci s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, et qu'elles se soient poursuivies dans des conditions demeurées inchangées ; qu'en l'espèce, l'activité génératrice du trouble ne respecte pas les dispositions réglementaires du code de l'urbanisme et du règlement sanitaire départemental du Nord, puisque la société X... a implanté son élevage porcin à une distance de moins de cinquante mètres de tout établissement recevant du public ; que de l'ensemble de ces éléments, il ressort que le non-respect par la société X... et M. X... des prescriptions légales liées à l'exploitation de l'élevage porcin et à l'établissement de la porcherie au mépris des dispositions législatives et réglementaires constitue bien un trouble manifestement illicite existant au jour de l'ordonnance de référé qu'il convient de faire cesser ; que, dans ces conditions, la cour confirme l'ordonnance querellée, sauf à préciser que la société X... est condamnée à faire cesser le trouble manifestement illicite subi par la SCI les Maisons Guislain, et non pas le trouble anormal de voisinage, dans le délai de trois mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur le trouble manifestement illicite, l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que : « Le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. » ; que, sur l'existence d'un trouble manifestement illicite, en l'espèce, la SCI Les Maisons Guislain soutient qu'il existe un trouble manifestement illicite constitué par : le non-respect par la Sarl X... et M. X... des prescriptions légales liées à l'exploitation de l'élevage, le non-respect par la Sarl X... et M. X... des prescriptions légales liées à la construction de la porcherie, l'existence d'un trouble anormal de voisinage ; que, sur les mesures propres à assurer la cessation du trouble manifestement illicite, en conséquence de ce qui précède, il convient de constater au préjudice de la SCI Maisons De Guislain l'existence d'un trouble manifestement illicite occasionné par la Sarl X... ; qu'il convient dès lors de faire cesser ce trouble ; que, par suite, la Sarl X... devra, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la présente ordonnance et non à compter de la décision ainsi que le demande la SCI Les Maisons Guislain, faire cesser les troubles anormaux de voisinage subis par la SCI Les Maisons Guislain ; qu'à défaut, à l'issue de ce délai, la Sarl X... devra s'acquitter d'une astreinte de 200 € par jour de retard ; que la demande tendant à voir ordonner la cessation de l'activité de l'exploitation X..., insuffisamment justifiée en l'état, sera rejetée ; que, sur le trouble anormal du voisinage, en vertu de l'article 544 du code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements » ; qu'il est constant que « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ou encore excédant les inconvénients normaux du voisinage » ; qu'en l'espèce, la SCI Les Maisons Guislain soutient que le trouble anormal de voisinage est constitué par : les nuisances olfactives provenant des exploitations bovines et porcines de la Sarl X..., l'atteinte des murs en limite de propriété par l'humidité, l'odeur et les moisissures provenant du mur appartenant à la Sarl X..., ce dernier étant gorgé de lisier, l'atteinte portée à son droit de propriété en ce que, du fait des exploitations litigieuses, elle ne peut disposer de sa propriété : elle ne peut ni la vendre, ni la louer, ni détruire pour reconstruire, ni même assurer ses bâtiments ; qu'il ressort des pièces produites au débats que : l'exploitation X... dégage « une odeur insupportable » (pièces nos 5 à 9 du demandeur) ; qu'il existe sur le mur séparatif des deux propriétés des tâches d'humidité et de pourrissement au niveau du soubassement ainsi que des traces de végétation pourrie et des racines ; qu'une odeur d'excrément est également constatée (pièce no 23 du demandeur / constat d'huissier du 20 septembre 2016) ; que le mur mitoyen s'est effondré sur plusieurs mètres et que le mur de parpaing de la Sarl X... accolé au mur de la SCI ne comporte pas d'égout de toit, laissant s'infiltrer entre ces deux murs de l'humidité ; que l'expert amiable estime que les réparations seraient d'un montant global TTC de 68 066,90 € (pièce no 29 du demandeur / rapport d'expertise établi par M. S... le 17 octobre 2016) ; que la SCI Les Maisons Guislain s'est vu refuser l'autorisation de transformer un bâtiment existant en quatre logements au motif de la présence d'un élevage porcins à lisier à moins de 50 mètres (pièces nos 10 et 24 du demandeur) ; que l'établissement d'un bail commercial a été refusé par le notaire, Me François C..., qui ne se disait pas en mesure d'assurer que le local à louer pouvait être exploité à proximité de l'élevage de porcs (pièce no 13 du demandeur) ; qu'il est ainsi suffisamment établi que la SCI Les Maisons Guislain souffre du fait de l'exploitation X..., de nuisances excédant les inconvénients normaux de voisinage, de telle sorte qu'elles constituent un trouble anormal de voisinage, manifestement illicite ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu d'examiner les questions : du non-respect des prescriptions légales par l'exploitation de l'élevage, de l'application du principe d'occupation antérieure, du non-respect des prescriptions légales liées à la construction de la porcherie, ces questions relevant de la compétence du juge du fond et excédant les pouvoirs du juge des référés ; que , sur la demande de provision : en vertu de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, « dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire » ; que la demande en provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice formée la SCI Les Maisons Guislain exige du juge des référés qu'il apprécie la responsabilité imputable aux défendeurs, alors au surplus que ceux-ci contestent leur responsabilité en réclamant le bénéfice de l'antériorité de leur activité ; que le prononcé de cette provision ne constituerait pas une mesure à caractère provisoire, mais une décision tranchant le fond du litige ; que, dès lors, la demande en provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice formée par la SCI Les Maisons Guislain doit être rejetée comme excédant les pouvoirs du juge des référés ;

1°) ALORS QUE les articles 153.4 et 153.5 du règlement sanitaire départemental du Nord ne sont pas applicables aux installations soumises au régime des installations classées pour la protection de l'environnement ; que, pour retenir l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel, qui s'est fondée sur la méconnaissance de ces dispositions par le bâtiment d'élevage porcin, lequel était soumis au régime des installations classées pour la protection de l'environnement, a violé les articles 153.4 et 153.5 du règlement sanitaire départemental du Nord ;

2°) ALORS QUE tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en se bornant à énoncer que « l'activité génératrice du trouble du trouble ne respecte pas les dispositions règlementaires du code de l'urbanisme », sans énoncer précisément laquelle des normes d'urbanisme était ainsi méconnue, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le trouble anormal de voisinage suppose la démonstration de ce que les nuisances invoquées excèdent les inconvénients normaux du voisinage ; que la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme il le lui était demandé, si les troubles invoqués n'excédaient pas les inconvénients normaux du voisinage, a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage et de l'article 544 du code civil ;

4°) ALORS QU'un trouble anormal de voisinage suppose la caractérisation d'un préjudice et d'un lien de causalité entre le trouble et le préjudice ; qu'en se bornant à juger que la SCI Les Maisons Guislain justifiait d'une atteinte à son droit de propriété dès lors que, depuis l'expiration du bail commercial, elle n'était parvenue ni à relouer l'immeuble, ni à le vendre, ni à en transformer la destination, et qu'elle avait eu des difficultés à assurer les bâtiments vides d'occupant, sans caractériser un lien de causalité entre ces difficultés et les troubles qu'elle relevait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage et de l'article 544 du code civil ;

5°) ALORS QUE M. X... et la Sarl X..., pour établir que l'activité agricole avait précédé la constitution, le 9 mai 1988, de la SCI La Maison Guislain, avait produit un courrier de la préfecture du 26 septembre 2016 qui indiquait que « l'exploitation familiale d'élevage de porcs sur paille et de bovins allaitants, est exploitée par M. X... Y... depuis le 1er mars 1980 » ; qu'en jugeant, pour rejeter l'exception de pré-occupation, que la condition d'antériorité n'était pas démontrée, sans se prononcer sur cet élément, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QU'à tout le moins, en jugeant que la condition d'antériorité n'était pas démontrée, la cour d'appel a dénaturé ce document par omission, en violation de l'obligation pour les juges de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

7°) ALORS QUE le respect des règles de distances, qui doivent être laissées entre l'implantation d'un bâtiment agricole et les immeubles habités ou habituellement occupés par les tiers, les zones de loisirs et les établissements recevant du public, doit être apprécié au regard des circonstances de fait existant au jour de cette implantation ; que, pour retenir une méconnaissance des règles de distances, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée au regard de la situation qui existait au jour de l'implantation du bâtiment agricole litigieux, a violé les articles 153.4 et 153.5 du règlement sanitaire du Nord ;

8°) ALORS QU'en tout état de cause, en jugeant que la société X... avait implanté son élevage porcin à une distance de moins de cinquante mètres de « tout établissement recevant du public », sans s'expliquer sur les éléments qui lui permettaient de retenir l'existence d'un établissement de cette nature au jour de l'implantation du bâtiment agricole, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-12826
Date de la décision : 19/09/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 30 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 sep. 2019, pourvoi n°18-12826


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12826
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