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19/09/2019 | FRANCE | N°18-11703

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 septembre 2019, 18-11703


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme S... (la victime), salariée de la société Solev (l'employeur), a été victime, le 26 juin 2009, d'un accident, puis, les 1er février 2010 et 14 mars 2011, de deux rechutes, pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie du Lot (la caisse) ; qu'à la suite de la seconde rechute, la victime a engagé, le 21 janvier 2014, une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son emplo

yeur ;

Attendu que la victime fait grief à l'arrêt de déclarer son acti...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme S... (la victime), salariée de la société Solev (l'employeur), a été victime, le 26 juin 2009, d'un accident, puis, les 1er février 2010 et 14 mars 2011, de deux rechutes, pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie du Lot (la caisse) ; qu'à la suite de la seconde rechute, la victime a engagé, le 21 janvier 2014, une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

Attendu que la victime fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite, alors, selon le moyen, que la décision prise par la caisse primaire d'assurance maladie étant sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, l'assurée victime d'un accident du travail peut, en demande d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, contester la qualification d'un nouvel arrêt de travail en rechute d'accident du travail par la caisse de sécurité sociale et obtenir la reconnaissance de l'aggravation de son état de santé après expositions répétées aux risques qui ont entraîné le traumatisme initial ; qu'en l'espèce, pour dire que l'exposante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêt de travail du 14 mars 2011 ne constituait pas une rechute de l'accident du travail du 26 juin 2009, la cour d'appel s'est bornée à juger que la décision de la caisse était définitive, faute pour l'assurée de l'avoir contestée, de sorte qu'elle n'est plus fondée à la contester dans le cadre d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur au regard de l'indivisibilité de cette procédure avec la caractère définitif de la décision de la caisse qui est partie à l'instance ;

Mais attendu que la victime, dont la lésion a été prise en charge par la caisse à titre de rechute, suivant décision devenue définitive à son égard, n'est pas fondée à contester ultérieurement cette qualification à l'appui de son action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;

Et attendu qu'ayant constaté que la lésion survenue le 14 mars 2011 avait été prise en charge par la caisse à titre de rechute de l'accident initial du 26 juin 2009, par décision devenue définitive à l'égard de la victime, la cour d'appel a exactement déduit que cette dernière n'était pas fondée à soutenir que cette lésion constituait un nouvel accident du travail susceptible de faire courir à nouveau le délai de prescription biennale prévu par l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme S... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, et prononcé par M. Prétot, conseiller doyen faisant fonction de président, en remplacement du président empêché, en son audience publique du dix-neuf septembre deux mille dix-neuf, signé par Mme Rosette, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme S...

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme W... de sa contestation de la décision de la caisse de sécurité sociale de qualifier l'arrêt de travail du 14 mars 2011 de rechute de l'accident du travail initial du 26 juin 2009 et de l'AVOIR, par conséquent, déboutée de ses demandes de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de son accident du travail, de majoration de la rente servie par la caisse à son taux maximum, de désignation d'un expert avec pour mission d'évaluer ses préjudices, de provision et de condamnation au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Sur la "rechute" déclarée du 14 mars 2011: Mme W... soutient que "l'incident" du 14 mars 2011 n'est pas en lien direct et exclusif avec le premier accident du travail survenu le 26 juin 2009 et ne correspond pas à l'évolution spontanée des séquelles de cet accident initial. Elle affirme que le fait que la caisse d'assurance maladie ait pu retenir de manière inappropriée la qualification de rechute dans son rapport avec la victime ne préjudicie pas au droit du salarié de caractériser une faute inexcusable dans son rapport avec l'employeur. Il résulte cependant de l'article R. 142-1 que "Les réclamations relevant de l'article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme. Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai." Conformément à cet article, la CPAM du Lot a, par courrier du 9 mai 2011, notifié à Mme W... que l' "incident" du 14 mars 2011 était pris en charge au titre d'une rechute de l'accident initial du 26 juin2009 en lui précisant qu'elle disposait d'un délai de 2 mois pour saisir la commission de recours amiable et contester cette décision. Mme W... n'ayant pas saisi la commission afin de contester la qualification de rechute de cet "incident", la décision est devenue définitive à son égard. Ainsi, au regard de l'indivisibilité de la présente procédure en reconnaissance du caractère de faute inexcusable, à laquelle la CPAM est partie et du caractère définitif de la décision, Mme W... n'est pas fondée à soutenir que l'incident du 14 mars 2011 ne constituait pas une rechute de l'accident du travail du 26 juin 2009.

Sur la demande de reconnaissance de faute inexcusable : Il résulte de l'article L. 452-1 que "Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants." Et l'article L. 431-2 précise que "Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater : 1°) du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ; 2°) dans les cas prévus respectivement au premier alinéa de l'article L. 443-1 et à l'article L. 443-2, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute ; 3°) du jour du décès de la victime en ce qui concerne la demande en révision prévue au troisième alinéa de l'article L. 443-1 4°) de la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure pour un détenu exécutant un travail pénal ou un pupille de l'éducation surveillée dans le cas où la victime n'a pas droit aux indemnités journalières. L'action des praticiens, pharmaciens, auxiliaires médicaux, fournisseurs et établissements pour les prestations mentionnées à l'article L. 431-1 se prescrit par deux ans à compter soit de l'exécution de l'acte, soit de la délivrance de la fourniture, soit de la date à laquelle la victime a quitté l'établissement, Cette prescription est également applicable, à compter du paiement des prestations entre les mains du bénéficiaire, à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration. Les prescriptions prévues aux trois alinéas précédents sont soumises aux règles de droit commun. Toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L. 452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident." Il est constant que la survenance d'une rechute, même accompagnée du versement de nouvelles indemnités journalières, n'a pas pour effet de faire courir à nouveau la prescription biennale prévue par l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, le délai de la prescription pour saisir la commission de recours amiable en demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur courrait dès la fin du paiement des indemnités journalières relatives à l'accident du travail initial. En l'espèce, suite à son accident du travail du 26 juin 2009, P... W... a perçu des indemnités journalières pour cet accident jusqu'à la date de reprise du travail, le 31 octobre 2009. La saisine de la caisse aux fins de conciliation sur la faute inexcusable étant intervenue Je 21janvier 2014, soit plus de deux ans après 1e31 octobre 2009, la demande de Mme W... est irrecevable, tel que l'a retenu le tribunal des affaires de sécurité sociale du Lot dont le jugement sera, partant, confirmé » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLMENT ADOPTES QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Sur la prescription de l'action en reconnaissance de faute inexcusable En application de l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale, l'action en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur doit être intentée dans le délai de 2 ans à compter 1°) du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière, 2°) dans les cas prévus respectivement au premier alinéa de l'article L 443-1 et à l'article L 443-2 de la date de la première constatation par Je médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute. Ce même article précise que les prescriptions qu'il prévoit sont soumises aux règles de droit commun. En outre, il indique qu'« en cas d'accident susceptible d'entraîner la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L 452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident». En ce qui concerne l'éventuel report du point de départ de la prescription en cas de rechute, la jurisprudence de la Cour de Cassation est constante sur le fait que la rechute d'un accident du travail n'est pas de nature à faire courir un nouveau délai au profit de la victime pour agir en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Dans un arrêt du 8 septembre 2016, la haute Juridiction, saisie d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité sur ce sujet a rejeté la demande, au motif suivant: « attendu qu'il ne peut être sérieusement soutenu que la disposition critiquée, en édictant des règles de prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, qui ne sont pas modifiées en cas de rechute de la victime, porte une atteinte disproportionnée à son droit d'obtenir réparation d'un acte fautif ou méconnaît les exigences du principe d'égalité ; qu'en effet l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur n'étant pas liée à l'importance de ses conséquences pour la victime et ne s'appréciant pas à la date de la rechute, l'ensemble des victimes disposent de la possibilité d'obtenir, dès la survenance de l'accident ou l'apparition de la maladie professionnelle, la consécration de la responsabilité de l'employeur; Qu'en tant qu'elle se rapporte à la reconnaissance et à l'indemnisation de la faute inexcusable de l'employeur, la question est étrangère aux exigences énoncées par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27octobre 1946; D'où il suit que la question n'apparaît pas sérieuse et qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. » La saisine de la caisse aux fins de conciliation sur la faute inexcusable étant intervenue le 21 janvier 2014, soit plus de deux ans après le 19 novembre 2009, date de reprise du travail après l'accident du 26 juin 2009, le tribunal ne peut que constater l'irrecevabilité de l'action engagée ».

ALORS QUE la décision prise par la caisse primaire d'assurance maladie étant sans incidence sur l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, l'assurée victime d'un accident du travail peut, en demande d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, contester la qualification d'un nouvel arrêt de travail en rechute d'accident du travail par la caisse de sécurité sociale et obtenir la reconnaissance de l'aggravation de son état de santé après expositions répétées aux risques qui ont entraîné le traumatisme initial ; qu'en l'espèce, pour dire que l'exposante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêt de travail du 14 mars 2011 ne constituait pas une rechute de l'accident du travail du 26 juin 2009, la cour d'appel s'est bornée à juger que la décision de la caisse était définitive, faute pour l'assurée de l'avoir contestée, de sorte qu'elle n'est plus fondée à la contester dans le cadre d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur au regard de l'indivisibilité de cette procédure avec la caractère définitif de la décision de la caisse qui est partie à l'instance ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 452-1 à L. 452-3 du code de procédure civile et l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale.

ET ALORS QUE la cassation à intervenir en ce que la cour d'appel a débouté Mme W... de sa contestation de la décision de la caisse de qualifier l'arrêt de travail du 14 mars 2011 de rechute de l'accident du travail du 26 juin 2009, entraînera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté Mme W... de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur aux motifs que la rechute d'accident du travail ne fait pas courir un nouveau délai de prescription et que l'action de l'assurée a été intentée postérieurement au délai de prescription de deux ans suivant la date à laquelle Mme W... a cessé de percevoir les indemnités journalières liées à l'accident du travail initial.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-11703
Date de la décision : 19/09/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 05 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 sep. 2019, pourvoi n°18-11703


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11703
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