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18/09/2019 | FRANCE | N°18-22226;18-22229;18-22230;18-22235;18-22236;18-22237;18-22238;18-22239;18-22240;18-22247;18-22250;18-22255;18-22257;18-22260;18-22281;18-22282;18-22284;18-22285;18-22286;18-22287;18-22289;18-22291;18-22292;18-22293;18-22294;18-22295;18-22296;18-22297;18-22298;18-22299;18-22300;18-22301;18-22302;18-22303;18-22304;18-22305;18-22306;18-22307;18-22308;18-22309;18-22310;18-22311;18-22312;18-22313;18-22314;18-22315;18-22327;18-22328;18-22329;18-22330;18-22331

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 septembre 2019, 18-22226 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'ordonnance du premier président de cette Cour, en date du 26 décembre 2018, qui, au vu de leur connexité, a joint les pourvois nos J 18-22.229, R 18-22.235, S 18-22. 236, T 18-22.237, U 18-22.238, V 18-22.239, W 18-22.240, D 18-22.247, H 18-22.250, N 18-22.255, Q 18-22.257, T 18-22.260, R 18-22.281, S 18-22.282, U 18-22.284, V 18-22.285, W 18-22.286, X 18-22.287, Z 18-22.289, B 18-22.291, C 18-22.292, D 18-22.293, E 18-22.294, F 18-22.295, H 18-22.296, G 18-22.297, J 18-22.298, K 18-22.299, M 18-22.300, N 18-

22.301, P 18-22.302, Q 18-22.303, R 18-22.304, S 18-22.30...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu l'ordonnance du premier président de cette Cour, en date du 26 décembre 2018, qui, au vu de leur connexité, a joint les pourvois nos J 18-22.229, R 18-22.235, S 18-22. 236, T 18-22.237, U 18-22.238, V 18-22.239, W 18-22.240, D 18-22.247, H 18-22.250, N 18-22.255, Q 18-22.257, T 18-22.260, R 18-22.281, S 18-22.282, U 18-22.284, V 18-22.285, W 18-22.286, X 18-22.287, Z 18-22.289, B 18-22.291, C 18-22.292, D 18-22.293, E 18-22.294, F 18-22.295, H 18-22.296, G 18-22.297, J 18-22.298, K 18-22.299, M 18-22.300, N 18-22.301, P 18-22.302, Q 18-22.303, R 18-22.304, S 18-22.305, T 18-22.306, U 18-22.307, V 18-22.308, W 18-22.309, Y 18-22.311, Z 18-22.312, A 18-22.313, B 18-22.314, C 18-22.315, R 18-22.327, S 18-22.328, T 18-22.329, U 18-22.330, V 18-22.331 et F 18-22.226 et désigné ce dernier pourvoi comme dossier pilote en autorisant les avocats constitués à déposer un mémoire unique tant en demande qu'en défense ;

Vu leur connexité, joint également aux précédents les pourvois nos X 18-22.310 et K 18-22.230 ;

Donne acte à la société Prod'Energreen du désistement de son pourvoi n° R 18-22.235 ;

Attendu, selon les cinquante et un arrêts attaqués (Versailles, 3, 4 et 5 juillet 2018), que la société Elecsol Rhône, comme les sociétés Paref, Voltafrance 5, Voltafrance 3, Hyseo, Ariane Energy, Roux frères énergie, SPI Rhône, venant aux droits de la société Batisolaire 2, Solyos, Starwatt énergies, Voltafrance 4, Elecsol France 56, Elecsol France 50, Elecsol France 45, Voltafrance 10, Voltafrance 11, Voltafrance 16, Voltafrance, Voltafrance 19, Himalayagestion, Luxel, Samfisol, venant aux droits des sociétés Voltafrance 33, Voltafrance 25, Voltafrance 35, Voltafrance 32, Voltafrance 20, Mme O..., M. D... et le syndicat intercommunal de l'abattoir de Cerdagne (les pétitionnaires), qui ont pour activité la production d'électricité d'origine photovoltaïque en vue de sa vente à la société Electricité de France (la société EDF), dans le cadre de l'obligation d'achat de cette dernière, ont chacun, postérieurement à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 12 janvier 2010 fixant les tarifs d'achat d'électricité, présenté une demande de raccordement au réseau à la société Enedis, gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité ; que la société Enedis, qui disposait, selon le cas, soit d'un délai de trois mois, à compter de la date à laquelle la demande était complète, pour transmettre à chaque producteur une proposition technique et financière (PTF) de raccordement de l'installation considérée au réseau, soit d'un délai de six semaines pour transmettre une proposition de raccordement, n'a pas respecté ces délais ; que le décret, dit moratoire, n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 a suspendu, pour trois mois, l'obligation d'achat d'électricité d'origine photovoltaïque à la charge de la société EDF, sauf pour les installations pour lesquelles le producteur aurait notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la PTF de raccordement au réseau, tout en précisant qu'à l'issue de la période de suspension, des demandes nouvelles de raccordement au réseau devraient être présentées ; que le 4 mars 2011, un arrêté a fixé les nouveaux tarifs d'achat par la société EDF de l'électricité d'origine photovoltaïque à des conditions moins avantageuses pour les producteurs ; que reprochant à la société Enedis d'avoir manqué à son obligation d'instruire leur demande de raccordement dans les délais qui lui étaient impartis, la société Elecsol et chacun des autres producteurs l'ont assignée en réparation de leur préjudice résultant de leur soumission au régime du moratoire instauré par le décret du 9 décembre 2010 et consistant en la perte de la chance de réaliser les gains qu'aurait permis l'application du tarif antérieur ; que la société Enedis a soutenu que le préjudice allégué n'était pas réparable dès lors que le tarif fixé par l'arrêté du 12 janvier 2010 constituait, au regard du droit de l'Union européenne, une aide d'État illégale pour n'avoir pas été notifiée à la Commission européenne avant sa mise à exécution ; qu'elle a mis en cause, dans certaines instances, ses assureurs, les sociétés Axa Corporate Solutions et Allianz Global Corporate etamp; Specialty ;

Sur le premier moyen des pourvois, rédigés en termes similaires ou identiques, réunis :

Attendu que les pétitionnaires font grief aux arrêts de dire que le préjudice invoqué n'est pas réparable et de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen :

1°/ qu'une mesure ne peut être qualifiée d'aide d'État que si elle est susceptible d'affecter les échanges entre États membres, accorde à son bénéficiaire un avantage sélectif et fausse ou menace de fausser la concurrence grâce à une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État ; qu'en ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l'avantage, la notion d'aide d'État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et donc, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l'économie du système dans lequel elles s'inscrivent ; que l'appréciation de cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d'un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d'autres qui se trouvent, au regard de l'objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de « discriminatoire » ; que la détermination de l'ensemble des entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable dépend de la définition préalable du régime juridique au regard de l'objectif duquel doit, le cas échéant, être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des entreprises favorisées par la mesure en cause et de celles qui ne le sont pas ; qu'en l'espèce, en affirmant que les arrêtés du 12 janvier 2010 et du 10 juillet 2006 permettant d'acquérir l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à sa valeur de marché accordaient un avantage aux seuls producteurs de cette électricité, sans définir au préalable le régime juridique au regard de l'objectif duquel devait être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des producteurs d'électricité photovoltaïque et des autres producteurs d'électricité, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le caractère sélectif de l'avantage dont elle a constaté l'existence, ni justifié par suite la qualification d'aide d'État qu'elle a cependant retenue, a privé ses décisions de base légale au regard de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

2°/ qu'en ne caractérisant pas en quoi les producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque seraient dans une situation factuelle et juridique identique aux autres entreprises produisant de l'électricité à partir d'autres énergies, renouvelables ou non, compte tenu de l'objectif poursuivi par le régime juridique dans lequel s'inscrivent l'arrêté du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010, de sorte que l'allocation à leur profit d'un tarif supérieur à celui qu'ils auraient pu obtenir sur le marché de l'électricité constituerait une discrimination à l'égard de ces autres entreprises, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la sélectivité de l'avantage dont elle a constaté l'existence, ni justifié par suite la qualification d'aide d'État qu'elle a cependant retenue, a derechef privé ses décisions de base légale au regard de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

3°/ que sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l'article 107, paragraphe 1, du Traité et comme n'étant pas soumises de ce fait à l'obligation de notification prévue à l'article 108, paragraphe 3, du Traité les aides dont le montant total octroyé par État membre à une entreprise unique n'excède pas 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux ; qu'en affirmant péremptoirement, pour refuser l'application de l'exception de minimis invoquée par les producteurs d'électricité, que le montant des aides résultant de l'arrêté du 12 janvier 2010 et de celui du 10 juillet 2006 est très supérieur à 200 000 euros par entreprise sur trois années, sans préciser quel était ce montant s'agissant de chacune des entreprises considérées, qui rappelaient que l'aide éventuelle correspondait à la différence entre le tarif réglementé et le tarif d'achat bonifié, la cour d'appel a privé ses décisions de base légale au regard de l'article 3 du règlement n° 1407/2013 du 18 décembre 2013, ensemble l'article 108, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

4°/ que selon l'article 3 du règlement n° 1407/2013 du 18 décembre 2013, sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l'article 107, paragraphe 1, du Traité et comme n'étant pas soumises de ce fait à l'obligation de notification prévue à l'article 108, paragraphe 3, du Traité les aides dont le montant total octroyées par État membre à une entreprise unique n'excède pas 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux ; qu'en ne répondant pas aux conclusions d'appel de la société Paref, qui soutenait que l'aide prétendue, correspondant à la différence entre le tarif réglementé et le tarif d'achat bonifié, était inférieure à ce montant de 200 000 euros par tranche de trois ans de sorte que par application du règlement de la Commission sur les aides de minimis, elle ne pouvait être qualifiée d'aide d'État, la cour d'appel a privé sa décision de motif et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que par règlement n° 800/2008 du 6 août 2008, la Commission européenne a posé en principe à son article 23 que les aides environnementales à l'investissement dans la promotion de l'énergie produite à partir de sources d'énergie renouvelables sont compatibles avec le marché commun au sens de l'article 87, devenu 107, paragraphe 3, du Traité et sont exemptées de l'obligation de notification prévue à l'article 88, devenue 108, paragraphe 3, du Traité ; que dans leurs conclusions d'appel, les producteurs d'électricité exposaient que la France avait notifié à la Commission un régime d'aides s'inscrivant dans le cadre de cette disposition, qui concernaient particulièrement la production d'électricité d'origine photovoltaïque ; qu'ils faisaient valoir, pour conclure au rejet de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 2010, que les mesures prévues par les autorités françaises pour la mise en oeuvre de centrales photovoltaïques avaient été jugées conformes à la section 3.1.6 des lignes directrices par la Commission qui avait indiqué en outre dans sa décision que les autorités françaises avaient respecté leurs obligations en vertu de l'article 108, paragraphe 3, du Traité ; qu'en retenant l'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 2010, faute d'avoir été notifié à la Commission, sans répondre à ces conclusions dont il résultait que l'arrêté du 12 janvier 2010 s'inscrivait dans le cadre des aides exemptées de l'obligation de notification à la Commission européenne, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que les juridictions nationales n'ont pas compétence pour interdire l'exécution d'une aide existante, qui doit être considérée comme légale aussi longtemps que la Commission européenne n'a pas constaté son incompatibilité au marché intérieur (CJUE, 18 juillet 2013, c-6/12) ; qu'est une aide existante toute aide réputée existante conformément à l'article 15 du règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, c'est-à-dire toute aide à l'égard de laquelle le délai de prescription de dix ans imparti à la Commission pour la récupérer a expiré ; qu'en affirmant que les règles de prescription définies par le règlement n° 659/1999 du 22 mars 1999 du Conseil de l'Union européenne sont sans incidence sur le caractère licite (sic) de l'indemnisation sollicitée sur le fondement de l'article 1240 du code civil, pour débouter les producteurs d'électricité de leur demande d'indemnisation fondée à titre subsidiaire sur l'arrêté du 10 juillet 2006, cependant que l'expiration du délai de prescription de dix ans a pour conséquence que le tarif fixé par l'arrêté de 2006 était réputé être une aide existante et légale dont elle ne pouvait interdire l'exécution, la cour d'appel a violé les articles 1-b, iv et 15 du règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, ensemble l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Mais attendu, en premier lieu, que les arrêts retiennent que l'arrêté du 12 janvier 2010 permettant aux producteurs de vendre à la société EDF l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à sa valeur de marché accordait un avantage aux seuls producteurs de cette électricité ; qu'ayant ainsi suffisamment caractérisé l'existence d'un avantage au bénéfice des seuls producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque et, partant, l'avantage sélectif dont ils avaient profité, dans le cadre de référence du marché libéralisé de l'électricité au sein de l'Union européenne, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'en l'état des conclusions des pétitionnaires, qui se bornaient à invoquer le règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 concernant les aides de minimis, aux termes duquel ne sont pas soumises à l'obligation de notification prévue à l'article 108, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) les aides octroyées à une entreprise unique dont le montant n'excède pas la somme de 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux, en soutenant, au prix d'une inversion de la charge de la preuve, qu'il appartenait au groupe EDF et à ses assureurs de démontrer que le projet de chaque producteur aboutissait à une aide supérieure à ladite somme, il ne peut être fait grief à la cour d'appel, devant laquelle aucun pétitionnaire ne démontrait, ni même ne soutenait, que le montant des aides dont il aurait ainsi bénéficié était inférieur à la somme précitée, d'avoir retenu que les conditions d'exemption du règlement n° 1407/2013 du 18 décembre 2013 n'étaient pas vérifiées ;

Attendu, en troisième lieu, que la série de mesures d'aides pour la protection de l'environnement, qui concernait notamment les aides en faveur des investissements dans la promotion de l'énergie produite à partir de sources d'énergie renouvelables et, plus particulièrement encore, l'énergie photovoltaïque, qui était exemptée de l'obligation de notification préalable à la Commission européenne en application du règlement n° 800/2008 adopté par celle-ci le 6 août 2008 et dont la mise en oeuvre a été portée à la connaissance de la Commission, par les autorités françaises, le 23 décembre 2008, avait pour objet d'encourager les collectivités territoriales à mettre en place, sous la forme de subventions, de prêts ou de garanties, des aides à l'investissement en matière environnementale et ne visait donc pas la mesure litigieuse, prise, en dernier lieu, par l'arrêté du 12 janvier 2010 des ministres chargés de l'écologie et de l'économie, de fixer un tarif d'achat de l'électricité photovoltaïque à un prix supérieur à sa valeur de marché ; que la décision de la Commission européenne du 21 décembre 2009 de ne pas soulever d'objections à l'encontre des mesures d'aides à l'investissement qui lui avaient été soumises et de dire que les autorités françaises avaient respecté leurs obligations résultant de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE, était donc sans emport sur la légalité, au regard du droit de l'Union européenne, du mécanisme d'aide par les tarifs de vente à la société EDF de l'électricité d'origine photovoltaïque ; que la cour d'appel n'avait donc pas à répondre à ce moyen, qui était inopérant ;

Et attendu, enfin, qu'à la date à laquelle les pétitionnaires ont présenté leurs demandes de raccordement au gestionnaire de réseau, l'arrêté du 12 janvier 2010 était entré en vigueur et avait abrogé l'arrêté du 10 juillet 2006, auquel il s'était substitué ; que l'illégalité éventuelle de l'arrêté du 12 janvier 2010 pour défaut de notification préalable à la Commission européenne ne pourrait avoir pour effet de remettre en vigueur les tarifs fixés par l'arrêté précédent du 10 juillet 2006 ; que la sixième branche, qui revendique l'application de ce dernier arrêté, n'est donc pas fondée ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que les pétitionnaires font le même grief aux arrêts alors, selon le moyen :

1°/ que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans son arrêt CELF du 12 février 2008 (C-199/06) que l'article 88, devenu 108, paragraphe 3, dernière phrase, du Traité doit être interprété en ce sens que le juge national n'est pas tenu d'ordonner la récupération d'une aide mise à exécution en méconnaissance de cette disposition, lorsque la Commission des Communautés européennes a adopté une décision finale constatant la compatibilité de ladite aide avec le marché commun au sens de l'article 87, devenu 107, du Traité mais seulement d'ordonner au bénéficiaire de l'aide le paiement d'intérêts au titre de la période d'illégalité ; que ce n'est qu'en cas de déclaration d'incompatibilité que l'aide doit être intégralement récupérée, avec les intérêts ; que l'illégalité d'une aide d'État, pour absence de notification à la Commission européenne, ne suffit donc pas à elle seule à rendre irréparable le préjudice constitué par la privation d'une telle aide, ce qui ne pourrait résulter que d'une déclaration d'incompatibilité par la Commission européenne ; qu'en l'espèce, en déduisant l'absence de préjudice réparable des producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque de l'absence de notification à la Commission de l'arrêté du 12 janvier 2010, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 108, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, ensemble l'article 11 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 et l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°/ que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; qu'en l'espèce, sans la faute de la société ERDF, les producteurs auraient eu une chance de conclure des contrats d'achat au tarif fixé par l'arrêté du 12 janvier 2010, lesquels contrats seraient toujours en cours comme le sont actuellement tous les contrats qui ont été effectivement conclus sous l'empire de cet arrêté et de celui de 2006, et ne pourraient être remis en cause en l'absence de toute action en annulation de ces arrêtés fondée sur leur absence de notification à la commission européenne, désormais impossible du fait de leur abrogation ; qu'en refusant de tenir compte du sort des contrats en cours pour rejeter leur demande d'indemnisation, la cour d'appel, qui n'a pas replacé les producteurs dans la situation dans laquelle ils se seraient trouvés sans la faute d'ERDF, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

3°/ que la perte d'une chance est toujours indemnisable, quand bien même elle ne résulterait pas de la lésion d'un droit dont l'exécution aurait pu être réclamée, en l'absence de toute faute de la part de la victime ; que les producteurs d'électricité, qui ne demandent pas la conclusion de contrats d'achat d'électricité au tarif fixé par l'arrêté du 12 janvier 2010 mais la réparation d'un préjudice, n'étant en rien responsables de l'absence de notification de cet arrêté à la Commission européenne qui résulte de la seule négligence des autorités françaises, ne peuvent se voir opposer cette illégalité pour refuser d'indemniser le préjudice certain qu'ils subissent du fait de la perte d'une chance de conclure un contrat d'achat au tarif en vigueur à la date à laquelle leur dommage s'est réalisé par la faute de la société ERDF ; qu'en affirmant toutefois que le préjudice subi par les producteurs d'électricité n'est pas réparable parce que l'obtention de ce tarif aurait été contraire au droit de l'Union, faute de notification de l'arrêté à la Commission, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4°/ que la réparation du préjudice constitué par une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et est égale à une fraction de l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, déterminée en fonction des risques susceptibles d'affecter sa réalisation ; que tenue d'évaluer le préjudice consistant en une perte de chance de conclure un contrat d'achat d'électricité au tarif fixé par l'arrêté du 12 janvier 2010, la cour d'appel ne pouvait pas exclure toute indemnisation des producteurs sans avoir même recherché s'il existait ou non un risque que la Commission européenne puisse en être encore saisie et qu'elle le déclare incompatible au marché intérieur, entraînant l'obligation générale de remboursement des aides perçues par tous les producteurs ayant conclu un contrat d'achat à ce tarif ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (la CJUE) qu'une mesure d'aide au sens de l'article 107, paragraphe 3, du TFUE, mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE, est illégale et qu'une décision de la Commission européenne déclarant une aide d'État non notifiée compatible avec le marché intérieur n'a pas pour conséquence de régulariser, a posteriori, les actes d'exécution qui sont invalides, du fait qu'ils ont été pris en méconnaissance de l'interdiction visée à l'article 108, paragraphe 3, du TFUE (CJCE, 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon contre République française, aff C-354/90, CJCE, 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich GmbH et autres contre Finanzlandesdirektion für Tirol et autres, aff C-368/04, point 41 ; CJUE, 23 janvier 2019, Presidenza del Consiglio dei Ministri contre Fallimento Traghetti del Mediterraneo SpA, aff C-387/17, point 59) ; qu'ainsi que l'a précisé la CJUE, il incombe aux juridictions nationales de sauvegarder les droits que les particuliers tirent de l'effet direct de l'article précité, en examinant si les projets tendant à instituer ou à modifier ces aides n'auraient pas dû être notifiés à la Commission européenne avant d'être mis à exécution, et de tirer toutes les conséquences de la méconnaissance par les autorités nationales de cette obligation de notification ; qu'ayant retenu que le mécanisme d'obligation d'achat par la société EDF de l'électricité d'origine photovoltaïque à un prix supérieur à celui du marché et mis à exécution par l'arrêté du 12 janvier 2010 constitue une aide d'État illégale en ce qu'il n'a pas été notifié à la Commission, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que les pétitionnaires n'étaient pas fondés à invoquer un préjudice constitué de la perte de la chance de bénéficier d'un tarif procédant d'une aide d'État illégale, un tel préjudice n'étant pas réparable ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les sociétés Elecsol Rhône, Paref, Voltafrance 5, Voltafrance 3, Hyseo, Samfisol, Ariane Energy, Roux frères énergie, SPI Rhône, Solyos, Starwatt énergies, Voltafrance 4, Elecsol France 56, Elecsol France 50, Elecsol France 45, Voltafrance 10, Voltafrance 11, Voltafrance 16, Voltafrance, Voltafrance 19, Himalayagestion, Luxel, Mme O..., M. D... et le syndicat intercommunal de l'abattoir de Cerdagne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour les demandeurs aux pourvois sauf la société Paref

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'avoir dit que le préjudice sollicité n'est pas réparable et d'avoir débouté les producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque de leurs demandes ;

Aux motifs que la perte de marge que la société Elecsol Rhône sollicite au titre de l'indemnisation de son préjudice est estimée par rapport à la perte du tarif d'achat de l'électricité fixé par l'arrêté tarifaire du 12 janvier 2010. Or, la perte d'un avantage dont l'obtention aurait été contraire au droit ne peut être considérée comme un préjudice réparable. Rétablir, comme c'est le propre de la responsabilité civile, « l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit » ne peut conduire à reconstituer un avantage illicite. Tel est le cas d'un régime d'aide contraire au droit de l'Union européenne. En effet, le juge national, chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire, et le juge judiciaire doit appliquer le droit de l'Union dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne.

Il convient par conséquent de rechercher si tel est le cas des arrêtés tarifaires du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil. L'article 107 alinéa 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) dispose que sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. En son alinéa 2, l'article 107 précise que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur (
) c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. L'article 108 du même traité fonde le pouvoir de contrôle de la Commission européenne pour procéder à l'examen permanent des régimes d'aides d'État, proposer des évolutions, déclarer compatibles ou non avec le marché les aides d'État et la nécessité de lui notifier les projets d'aides préalablement à leur mise en oeuvre. Il se déduit de ces dispositions que toute aide d'État qui n'a pas été soumise à la Commission européenne préalablement à sa mise à exécution est présumée illégale jusqu'à ce qu'elle ait statué.

Ensuite des deux questions préjudicielles qui lui ont été posées par la présente cour dans le litige opposant les sociétés Enedis et Axa à la SAS Ombrière le Bosc, la CJUE a, par ordonnance du 15 mars 2017, dit s'agissant de la première question que : 1) l'article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu'un mécanisme, tel que celui instauré par la réglementation nationale en cause au principal, d'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité doit être considéré comme une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État ; et s'agissant de la seconde question, après avoir précisé qu'il appartenait à la juridiction de renvoi de déterminer préalablement si la mesure nationale en cause au principal constitue une aide d'État en vérifiant si les trois autres conditions visées à l'article 107 sont remplies, que 2) l'article 108 paragraphe 3 TFUE doit être interprété en ce sens que, en cas de défaut de notification préalable à la Commission européenne d'une mesure nationale constituant une aide d'État, au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, il incombe aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de cette illégalité, notamment en ce qui concerne la validité des actes d'exécution de cette mesure. La CJUE ayant ainsi répondu que l'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité est une intervention de l'État ou au moyen de ressources de l'État, il convient de rechercher si les trois autres conditions de l'aide d'État sont réunies, étant précisé qu'elle a également indiqué que le mécanisme relatif au tarif photovoltaïque instauré par la loi 2000-108 est identique à celui en cause dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 19 décembre 2013 (C-262/12 EU :C/2013 :851) en matière éolienne à la suite duquel le Conseil d'État, dans un arrêt du 28 mai 2014 n° 324852, a considéré que l'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie mécanique du vent à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans les conditions définies par les arrêtés attaqués, a le caractère d'une aide d'État.

La Commission de régulation de l'énergie, dans son avis consultatif préalable à l'adoption de l'arrêté du 4 mars 2011 qui fixait les tarifs d'achat à des niveaux moindres que ceux des arrêtés du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010 a considéré que « les tarifs proposés induisaient des rentabilités comparables ou supérieures au coût moyen pondéré du capital de référence » estimé à 5,1% sur la base du coût du capital moyen d'un échantillon d'entreprises du secteur des énergies renouvelables. Dans son rapport de juillet 2013, portant sur la politique de développement des énergies renouvelables, la Cour des comptes a considéré que « la situation qu'a connue la filière solaire photovoltaïque durant la période 2010 à 2011 pouvait être qualifiée de « bulle photovoltaïque, provoquée par une déconnexion entre les tarifs d'achat et la réalité des coûts » de production. La Commission européenne a également relevé dans sa décision du 27 mars 2014 que pour « le photovoltaïque en France, le tarif offrait des rentabilités excédant la rentabilité normale des capitaux ». Le succès du mécanisme d'achat dans le secteur photovoltaïque a été tel qu'il a de fait obligé le Gouvernement à revoir les tarifs applicables à la baisse. Il est ainsi démontré que les arrêtés du 12 janvier 2010 et du 10 juillet 2006 permettant d'acquérir l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à sa valeur de marché accordaient un avantage aux seuls producteurs de cette électricité. En garantissant un prix d'achat supérieur au prix du marché, ces dispositions législatives et réglementaires étaient de nature à fausser la concurrence et donc à avoir une incidence sur celle-ci. Enfin, cet avantage était susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres en raison de la libéralisation du secteur de l'électricité au niveau de l'Union européenne. Il se déduit de ces éléments que le mécanisme d'obligation d'achat par la société EDF de l'électricité d'origine photovoltaïque à un prix supérieur à celui du marché et mis à exécution par l'arrêté du 12 janvier 2010 et celui du 10 juillet 2006 constitue une aide d'État, qui ne peut pas justifier l'application de l'exception de minimis au sens du règlement n° 1407/2013 du 18 décembre 2013 au regard du montant des aides très supérieures à 200 000 € par entreprise sur trois années. Il est établi par la réponse apportée par le secrétaire d'État auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes sur le régime d'aides accordées aux producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque, à la question écrite de m. U... du 27 septembre 2016, que l'arrêté du 12 janvier 2010 n'a pas été notifié à la Commission européenne. Selon les écritures des parties, il en est de même de l'arrêté du 10 juillet 2006.

Ces deux arrêtés ayant été remplacés depuis, aucune régularisation n'est possible. Contrairement à ce qui est vainement soutenu par la société Elecsol Rhône, le IV de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 n'a validé l'arrêté du 12 janvier 2010 qu'en tant qu'il serait contesté par des moyens tirés d'une part, d'une irrégularité de consultation, laquelle ne peut viser que les consultations du conseil supérieur de l'énergie et de la Commission de régulation de l'énergie et d'autre part, de l'application immédiate de nouvelles règles tarifaires aux demandes de contrat d'achat formulées sous l'empire de l'ancienne tarification de l'arrêté du 10 juillet 2006 et non au regard de l'obligation de notification préalable d'une aide d'État à la Commission en application de l'article 108 TFUE, ce que la loi n'aurait au demeurant pas pu faire sauf à compromettre l'effectivité du droit de l'Union. Si les juridictions nationales sont compétentes pour apprécier le respect par les Etats membres de la procédure de notification, seule la Commission européenne est compétente pour statuer sur la compatibilité d'une aide d'État avec le marché intérieur. Dès lors, la cour ne peut se substituer à elle dans cette appréciation, même si, ultérieurement, la Commission européenne a, à plusieurs reprises, décidé que les mécanismes d'aide mis en place par la France en matière de production d'électricité photovoltaïque après le moratoire étaient compatibles avec le marché intérieur, étant en outre observé que ces décisions postérieures de la Commission européenne ont porté sur des mécanismes d'aide différents, plus contraignants, et qui instauraient des tarifs bien inférieures à ceux promulgués par les arrêtés des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010.

Le seul défaut de notification à la Commission européenne préalablement à leur mise en oeuvre rend les arrêtés du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010 non conformes au droit de l'Union et par suite, illicite et non réparable le préjudice sollicité qui correspond à au moins 80% de la différence, sur une durée de 20 ans, de la marge entre les tarifs d'achat d'électricité résultant des arrêtés du 12 janvier 2010 et du 4 mars 2011, soit à la perte d'un avantage résultant d'une aide illégale. (
)

La société Elecsol Rhône doit donc être déboutée de sa demande d'indemnisation de son préjudice résultant de la perte de marge née de la perte du tarif fixé par l'arrêté du 12 janvier 2010.

1. ALORS QU'une mesure ne peut être qualifiée d'aide d'État que si elle est susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres, accorde à son bénéficiaire un avantage sélectif et fausse ou menace de fausser la concurrence grâce à une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat ; qu'en ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l'avantage, la notion d'aide d'État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et donc, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l'économie du système dans lequel elles s'inscrivent ; que l'appréciation de cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d'un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d'autres qui se trouvent, au regard de l'objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de « discriminatoire » ; que la détermination de l'ensemble des entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable dépend de la définition préalable du régime juridique au regard de l'objectif duquel doit, le cas échéant, être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des entreprises favorisées par la mesure en cause et de celles qui ne le sont pas ; qu'en l'espèce, en affirmant que les arrêtés du 12 janvier 2010 et du 10 juillet 2006 permettant d'acquérir l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à sa valeur de marché accordaient un avantage aux seuls producteurs de cette électricité, sans définir au préalable le régime juridique au regard de l'objectif duquel devait être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des producteurs d'électricité photovoltaïque et des autres producteurs d'électricité, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le caractère sélectif de l'avantage dont elle a constaté l'existence, ni justifié par suite la qualification d'aide d'État qu'elle a cependant retenue, a privé ses décisions de base légale au regard de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

2. ALORS QU'en ne caractérisant pas en quoi les producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque seraient dans une situation factuelle et juridique identique aux autres entreprises produisant de l'électricité à partir d'autres énergies, renouvelables ou non, compte tenu de l'objectif poursuivi par le régime juridique dans lequel s'inscrivent l'arrêté du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010, de sorte que l'allocation à leur profit d'un tarif supérieur à celui qu'ils auraient pu obtenir sur le marché de l'électricité constituerait une discrimination à l'égard de ces autres entreprises, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la sélectivité de l'avantage dont elle a constaté l'existence, ni justifié par suite la qualification d'aide d'État qu'elle a cependant retenue, a derechef privé ses décisions de base légale au regard de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

3. ALORS QUE sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l'article 107, paragraphe 1 du traité et comme n'étant pas soumises de ce fait à l'obligation de notification prévue à l'article 108 § 3 du traité les aides dont le montant total octroyé par État membre à une entreprise unique n'excède pas 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux ; qu'en affirmant péremptoirement, pour refuser l'application de l'exception de minimis invoquée par les producteurs d'électricité, que le montant des aides résultant de l'arrêté du 12 janvier 2010 et de celui du 10 juillet 2006 est très supérieur à 200 000 € par entreprise sur trois années, sans préciser quel était ce montant s'agissant de chacune des entreprises considérées, qui rappelaient que l'aide éventuelle correspondait à la différence entre le tarif réglementé et le tarif d'achat bonifié, la cour d'appel a privé ses décisions de base légale au regard de l'article 3 du règlement n° 1407/2013 du 18 décembre 2013, ensemble l'article 108, § 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

4. ALORS, subsidiairement, QUE par règlement n° 800/2008 du 6 août 2008, la Commission européenne a posé en principe à son article 23 que les aides environnementales à l'investissement dans la promotion de l'énergie produite à partir de sources d'énergie renouvelables sont compatibles avec le marché commun au sens de l'article 87, devenu 107, paragraphe 3 du Traité et sont exemptées de l'obligation de notification prévue à l'article 88, devenue 108, paragraphe 3, du Traité ; que dans leurs conclusions d'appel (II-9°-f ou II-10°-f), les producteurs d'électricité exposaient que la France avait notifié à la Commission un régime d'aides s'inscrivant dans le cadre de cette disposition, qui concernaient particulièrement la production d'électricité d'origine photovoltaïque ; qu'ils faisaient valoir, pour conclure au rejet de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 2010, que les mesures prévues par les autorités françaises pour la mise en oeuvre de centrales photovoltaïques avaient été jugées conformes à la section 3.1.6 des lignes directrices par la Commission qui avait indiqué en outre dans sa décision que les autorités françaises avaient respecté leurs obligations en vertu de l'article 108 § 3 du Traité ; qu'en retenant l'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 2010, faute d'avoir été notifié à la Commission, sans répondre à ces conclusions dont il résultait que l'arrêté du 12 janvier 2010 s'inscrivait dans le cadre des aides exemptées de l'obligation de notification à la Commission européenne, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5. ALORS subsidiairement QUE les juridictions nationales n'ont pas compétence pour interdire l'exécution d'une aide existante, qui doit être considérée comme légale aussi longtemps que la Commission européenne n'a pas constaté son incompatibilité au marché intérieur (CJUE, 18 juillet 2013, c-6/12) ; qu'est une aide existante toute aide réputée existante conformément à l'article 15 du règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, c'est-à-dire toute aide à l'égard de laquelle le délai de prescription de dix ans imparti à la Commission pour la récupérer a expiré ; qu'en affirmant que les règles de prescription définies par le règlement n° 659/1999 du 22 mars 1999 du Conseil de l'Union européenne sont sans incidence sur le caractère licite (sic) de l'indemnisation sollicitée sur le fondement de l'article 1240 du code civil, pour débouter les producteurs d'électricité de leur demande d'indemnisation fondée à titre subsidiaire sur l'arrêté du 10 juillet 2006, cependant que l'expiration du délai de prescription de 10 ans a pour conséquence que le tarif fixé par l'arrêté de 2006 était réputé être une aide existante et légale dont elle ne pouvait interdire l'exécution, la cour d'appel a violé les articles 1-b, iv et 15 du règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, ensemble l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'avoir dit que le préjudice sollicité n'est pas réparable et d'avoir débouté les producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque de leurs demandes ;

Aux motifs que la perte de marge que la société Elecsol Rhône sollicite au titre de l'indemnisation de son préjudice est estimée par rapport à la perte du tarif d'achat de l'électricité fixé par l'arrêté tarifaire du 12 janvier 2010. Or, la perte d'un avantage dont l'obtention aurait été contraire au droit ne peut être considérée comme un préjudice réparable. Rétablir, comme c'est le propre de la responsabilité civile, « l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit » ne peut conduire à reconstituer un avantage illicite. Tel est le cas d'un régime d'aide contraire au droit de l'Union européenne. En effet, le juge national, chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire, et le juge judiciaire doit appliquer le droit de l'Union dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne (
)

que le mécanisme d'obligation d'achat par la société EDF de l'électricité d'origine photovoltaïque à un prix supérieur à celui du marché et mis à exécution par l'arrêté du 12 janvier 2010 et celui du 10 juillet 2006 constitue une aide d'État, qui ne peut pas justifier l'application de l'exception de minimis au sens du règlement n° 1407/2013 du 18 décembre 2013 au regard du montant des aides très supérieures à 200 000 € par entreprise sur trois années. Il est établi par la réponse apportée par le secrétaire d'État auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes sur le régime d'aides accordées aux producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque, à la question écrite de m. U... du 27 septembre 2016, que l'arrêté du 12 janvier 2010 n'a pas été notifié à la Commission européenne. Selon les écritures des parties, il en est de même de l'arrêté du 10 juillet 2006.

Ces deux arrêtés ayant été remplacés depuis, aucune régularisation n'est possible. Contrairement à ce qui est vainement soutenu par la société Elecsol Rhône, le IV de l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 n'a validé l'arrêté du 12 janvier 2010 qu'en tant qu'il serait contesté par des moyens tirés d'une part, d'une irrégularité de consultation, laquelle ne peut viser que les consultations du conseil supérieur de l'énergie et de la Commission de régulation de l'énergie et d'autre part, de l'application immédiate de nouvelles règles tarifaires aux demandes de contrat d'achat formulées sous l'empire de l'ancienne tarification de l'arrêté du 10 juillet 2006 et non au regard de l'obligation de notification préalable d'une aide d'État à la Commission en application de l'article 108 TFUE, ce que la loi n'aurait au demeurant pas pu faire sauf à compromettre l'effectivité du droit de l'Union. Si les juridictions nationales sont compétentes pour apprécier le respect par les Etats membres de la procédure de notification, seule la Commission européenne est compétente pour statuer sur la compatibilité d'une aide d'État avec le marché intérieur. Dès lors, la cour ne peut se substituer à elle dans cette appréciation, même si, ultérieurement, la Commission européenne a, à plusieurs reprises, décidé que les mécanismes d'aide mis en place par la France en matière de production d'électricité photovoltaïque après le moratoire étaient compatibles avec le marché intérieur, étant en outre observé que ces décisions postérieures de la Commission européenne ont porté sur des mécanismes d'aide différents, plus contraignants, et qui instauraient des tarifs bien inférieures à ceux promulgués par les arrêtés des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010.

Le seul défaut de notification à la Commission européenne préalablement à leur mise en oeuvre rend les arrêtés du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010 non conformes au droit de l'Union et par suite, illicite et non réparable le préjudice sollicité qui correspond à au moins 80% de la différence, sur une durée de 20 ans, de la marge entre les tarifs d'achat d'électricité résultant des arrêtés du 12 janvier 2010 et du 4 mars 2011, soit à la perte d'un avantage résultant d'une aide illégale. Le sort des contrats en cours, l'absence de toute action en récupération d'une aide susceptible d'être considérée comme contraire au droit de l'Union et les modalités d'une telle action en récupération, dont les règles de prescription définies par le règlement n° 659/1999 du 22 mars 1999 du Conseil de l'Union européenne sont sans incidence sur le caractère licite de l'indemnisation sollicitée sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

La société Elecsol Rhône doit donc être déboutée de sa demande d'indemnisation de son préjudice résultant de la perte de marge née de la perte du tarif fixé par l'arrêté du 12 janvier 2010.

Elle doit également l'être de sa demande subsidiaire d'une indemnisation forfaitaire évaluée à un montant identique. En effet, sous couvert d'une telle demande, le producteur sollicite en réalité la réparation du même préjudice forfaitairement évalué « à un montant identique à celui découlant de l'arrêté tarifaire inapplicable ». Or, le fait d'évaluer forfaitairement ce même préjudice ne le rend pas plus réparable, étant précisé au surplus que le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime permet à celle-ci de demander la réparation de tout son préjudice mais seulement de son préjudice et s'oppose à ce qu'il puisse lui être alloué des dommages-intérêts forfaitairement évalués ;

1. ALORS QUE la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit pour droit, dans son arrêt CELF du 12 février 2008 (C-199/06) que l'article 88, devenu 108, paragraphe 3, dernière phrase, du Traité doit être interprété en ce sens que le juge national n'est pas tenu d'ordonner la récupération d'une aide mise à exécution en méconnaissance de cette disposition, lorsque la Commission des Communautés européennes a adopté une décision finale constatant la compatibilité de ladite aide avec le marché commun au sens de l'article 87, devenu 107, du Traité mais seulement d'ordonner au bénéficiaire de l'aide le paiement d'intérêts au titre de la période d'illégalité ; que ce n'est qu'en cas de déclaration d'incompatibilité que l'aide doit être intégralement récupérée, avec les intérêts ; que l'illégalité d'une aide d'État, pour absence de notification à la Commission européenne ne suffit donc pas à elle seule à rendre irréparable le préjudice constitué par la privation d'un telle aide, ce qui ne pourrait résulter que d'une déclaration d'incompatibilité par la Commission européenne ; qu'en l'espèce, en déduisant l'absence de préjudice réparable des producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque de l'absence de notification à la Commission de l'arrêté du 12 janvier 2010, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 108, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de Justice de l'Union Européenne, ensemble l'article 11 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 et l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

2. ALORS QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; qu'en l'espèce, sans la faute de la société Erdf, les producteurs auraient eu une chance de conclure des contrats d'achat au tarif fixé par l'arrêté du 12 janvier 2010, lesquels contrats seraient toujours en cours comme le sont actuellement tous les contrats qui ont été effectivement conclus sous l'empire de cet arrêté et de celui de 2006, et ne pourraient être remis en cause en l'absence de toute action en annulation de ces arrêtés fondée sur leur absence de notification à la commission européenne, désormais impossible du fait de leur abrogation ; qu'en refusant de tenir compte du sort des contrats en cours pour rejeter leur demande d'indemnisation, la cour d'appel, qui n'a pas replacé les producteurs dans la situation dans laquelle ils se seraient trouvés sans la faute d'Erdf, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

3. ALORS QUE la perte d'une chance est toujours indemnisable, quand bien même elle ne résulterait pas de la lésion d'un droit dont l'exécution aurait pu être réclamée, en l'absence de toute faute de la part de la victime ; que les producteurs d'électricité, qui ne demandent pas la conclusion de contrats d'achat d'électricité au tarif fixé par l'arrêté du 12 janvier 2010 mais la réparation d'un préjudice, n'étant en rien responsables de l'absence de notification de cet arrêté à la Commission européenne qui résulte de la seule négligence des autorités françaises, ne peuvent se voir opposer cette illégalité pour refuser d'indemniser le préjudice certain qu'ils subissent du fait de la perte d'une chance de conclure un contrat d'achat au tarif en vigueur à la date à laquelle leur dommage s'est réalisé par la faute de la société Erdf ; qu'en affirmant toutefois que le préjudice subi par les producteurs d'électricité n'est pas réparable parce que l'obtention de ce tarif aurait été contraire au droit de l'Union, faute de notification de l'arrêté à la Commission, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4. ALORS QUE la réparation du préjudice constitué par une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et est égale à une fraction de l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, déterminée en fonction des risques susceptibles d'affecter sa réalisation ; que tenue d'évaluer le préjudice consistant en une perte de chance de conclure un contrat d'achat d'électricité au tarif fixé par l'arrêté du 12 janvier 2010, la cour d'appel ne pouvait pas exclure toute indemnisation des producteurs sans avoir même recherché s'il existait ou non un risque que la Commission européenne puisse en être encore saisie et qu'elle le déclare incompatible au marché intérieur, entraînant l'obligation générale de remboursement des aides perçues par tous les producteurs ayant conclu un contrat d'achat à ce tarif ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Paref

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, après avoir dit que la SA Enedis a commis une faute à l'égard à l'égard de la société Paref et que le lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué par la société Paref est établi, d'avoir dit que le préjudice sollicité n'est pas réparable et d'avoir débouté la société Paref de ses demandes ;

Aux motifs que la perte de marge que la société Paref sollicite au titre de l'indemnisation de son préjudice est estimée par rapport à la perte du tarif d'achat de l'électricité fixé par l'arrêté tarifaire du 10 juillet 2006, nonobstant ses références récurrentes à l'arrêté du 12 janvier 2010. C'est ce même arrêté tarifaire du 10 juillet 2006 qui a été pris en compte dans le cadre de l'expertise ordonnée par le Tribunal de commerce. Or, la perte d'un avantage dont l'obtention aurait été contraire au droit ne peut être considérée comme un préjudice réparable. Rétablir, comme c'est le propre de la responsabilité civile, « l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit » ne peut conduire à reconstituer un avantage illicite. Tel est le cas d'un régime d'aide contraire au droit de l'Union européenne. En effet, le juge national, chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire, et le juge judiciaire doit appliquer le droit de l'Union dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne.
Il convient par conséquent de rechercher si tel est le cas des arrêtés tarifaires du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil. L'article 107 alinéa 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) dispose que sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. En son alinéa 2, l'article 107 précise que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur (
) c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. L'article 108 du même traité fonde le pouvoir de contrôle de la Commission européenne pour procéder à l'examen permanent des régimes d'aides d'État, proposer des évolutions, déclarer compatibles ou non avec le marché les aides d'État et la nécessité de lui notifier les projets d'aides préalablement à leur mise en oeuvre. Il se déduit de ces dispositions que toute aide d'État qui n'a pas été soumise à la Commission européenne préalablement à sa mise à exécution est présumée illégale jusqu'à ce qu'elle ait statué.
Ensuite des deux questions préjudicielles qui lui ont été posées par la présente cour dans le litige opposant les sociétés Enedis et Axa à la SAS Ombrière le Bosc, la CJUE a, par ordonnance du 15 mars 2017, dit s'agissant de la première question que : 1) l'article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu'un mécanisme, tel que celui instauré par la réglementation nationale en cause au principal, d'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité doit être considéré comme une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État ; et s'agissant de la seconde question, après avoir précisé qu'il appartenait à la juridiction de renvoi de déterminer préalablement si la mesure nationale en cause au principal constitue une aide d'État en vérifiant si les trois autres conditions visées à l'article 107 sont remplies, que 2) l'article 108 paragraphe 3 TFUE doit être interprété en ce sens que, en cas de défaut de notification préalable à la Commission européenne d'une mesure nationale constituant une aide d'État, au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, il incombe aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de cette illégalité, notamment en ce qui concerne la validité des actes d'exécution de cette mesure. La CJUE ayant ainsi répondu que l'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d'électricité est une intervention de l'État ou au moyen de ressources de l'État, il convient de rechercher si les trois autres conditions de l'aide d'État sont réunies, étant précisé qu'elle a également indiqué que le mécanisme relatif au tarif photovoltaïque instauré par la loi 2000-108 est identique à celui en cause dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 19 décembre 2013 (C-262/12 EU :C/2013 :851) en matière éolienne à la suite duquel le Conseil d'État, dans un arrêt du 28 mai 2014 n° 324852, a considéré que l'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie mécanique du vent à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans les conditions définies par les arrêtés attaqués, a le caractère d'une aide d'État.
La Commission de régulation de l'énergie, dans son avis consultatif préalable à l'adoption de l'arrêté du 4 mars 2011 qui fixait les tarifs d'achat à des niveaux moindres que ceux des arrêtés du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010 a considéré que « les tarifs proposés induisaient des rentabilités comparables ou supérieures au coût moyen pondéré du capital de référence » estimé à 5,1% sur la base du coût du capital moyen d'un échantillon d'entreprises du secteur des énergies renouvelables. Dans son rapport de juillet 2013, portant sur la politique de développement des énergies renouvelables, la Cour des comptes a considéré que « la situation qu'a connue la filière solaire photovoltaïque durant la période 2010 à 2011 pouvait être qualifiée de « bulle photovoltaïque, provoquée par une déconnexion entre les tarifs d'achat et la réalité des coûts » de production. La Commission européenne a également relevé dans sa décision du 27 mars 2014 que pour « le photovoltaïque en France, le tarif offrait des rentabilités excédant la rentabilité normale des capitaux ». Le succès du mécanisme d'achat dans le secteur photovoltaïque a été tel qu'il a de fait obligé le Gouvernement à revoir les tarifs applicables à la baisse. Il est ainsi démontré que les arrêtés du 12 janvier 2010 et du 10 juillet 2006 permettant d'acquérir l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à sa valeur de marché accordaient un avantage aux seuls producteurs de cette électricité. En garantissant un prix d'achat supérieur au prix du marché, ces dispositions législatives et réglementaires étaient de nature à fausser la concurrence et donc à avoir une incidence sur celle-ci. Enfin, cet avantage était susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres en raison de la libéralisation du secteur de l'électricité au niveau de l'Union européenne. Il se déduit de ces éléments que le mécanisme d'obligation d'achat par la société EDF de l'électricité d'origine photovoltaïque à un prix supérieur à celui du marché et mis à exécution par l'arrêté du 12 janvier 2010 et celui du 10 juillet 2006 constitue une aide d'État.
Il est constant que ces arrêtés n'ont pas été notifiés à la Commission européenne et comme ils ont été remplacés depuis, aucune régularisation n'est possible. Si les juridictions nationales sont compétentes pour apprécier le respect par les Etats membres de la procédure de notification, seule la Commission européenne est compétente pour statuer sur la compatibilité d'une aide d'État avec le marché intérieur. Dès lors, la cour ne peut se substituer à elle dans cette appréciation, même si, ultérieurement, la Commission européenne a, à plusieurs reprises, décidé que les mécanismes d'aide mis en place par la France en matière de production d'électricité photovoltaïque après le moratoire étaient compatibles avec le marché intérieur, étant en outre observé que ces décisions postérieures de la Commission européenne ont porté sur des mécanismes d'aide différents, plus contraignants, et qui instauraient des tarifs bien inférieures à ceux promulgués par les arrêtés des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010.
Le seul défaut de notification à la Commission européenne préalablement à leur mise en oeuvre rend les arrêtés du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010 non conformes au droit de l'Union et par suite, illicite et non réparable le préjudice sollicité qui correspond à la perte d'un avantage résultant d'une aide illégale. (
)
La société Paref doit donc être déboutée de sa demande d'indemnisation de son préjudice résultant de la perte de marge née de la perte du tarif fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006, voire de l'arrêté du 12 janvier 2010.

1. ALORS QU'une mesure ne peut être qualifiée d'aide d'État que si elle est susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres, accorde à son bénéficiaire un avantage sélectif et fausse ou menace de fausser la concurrence grâce à une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat ; qu'en ce qui concerne la condition relative à la sélectivité de l'avantage, la notion d'aide d'État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et donc, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l'économie du système dans lequel elles s'inscrivent ; que l'appréciation de cette condition impose de déterminer si, dans le cadre d'un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d'autres qui se trouvent, au regard de l'objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable et qui subissent ainsi un traitement différencié pouvant en substance être qualifié de « discriminatoire » ; que la détermination de l'ensemble des entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable dépend de la définition préalable du régime juridique au regard de l'objectif duquel doit, le cas échéant, être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des entreprises favorisées par la mesure en cause et de celles qui ne le sont pas ; qu'en l'espèce, en affirmant que les arrêtés du 12 janvier 2010 et du 10 juillet 2006 permettant d'acquérir l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à sa valeur de marché accordaient un avantage aux seuls producteurs de cette électricité, sans définir au préalable le régime juridique au regard de l'objectif duquel devait être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des producteurs d'électricité photovoltaïque et des autres producteurs d'électricité, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le caractère sélectif de l'avantage dont elle a constaté l'existence, ni justifié par suite la qualification d'aide d'État qu'elle a cependant retenue, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

2. ALORS QU'en ne caractérisant pas en quoi les producteurs d'électricité d'origine photovoltaïque seraient dans une situation factuelle et juridique identique aux autres entreprises produisant de l'électricité à partir d'autres énergies, renouvelables ou non, compte tenu de l'objectif poursuivi par le régime juridique dans lequel s'inscrivent les arrêtés du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010, de sorte que l'allocation à leur profit d'un tarif supérieur à celui qu'ils auraient pu obtenir sur le marché de l'électricité constituerait une discrimination à l'égard de ces autres entreprises, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la sélectivité de l'avantage dont elle a constaté l'existence, ni justifié par suite la qualification d'aide d'État qu'elle a cependant retenue, a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

3. ALORS QUE selon l'article 3 du règlement n° 1407/2013 du 18 décembre 2013, sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l'article 107, paragraphe 1 du traité et comme n'étant pas soumises de ce fait à l'obligation de notification prévue à l'article 108 § 3 du traité les aides dont le montant total octroyées par État membre à une entreprise unique n'excède pas 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux ; qu'en ne répondant pas aux conclusions d'appel de la société Paref (p. 45 in fine et 46), qui soutenait que l'aide prétendue, correspondant à la différence entre le tarif réglementé et le tarif d'achat bonifié, était inférieure à ce montant de 200.000 € par tranche de trois ans de sorte que par application du règlement de la Commission sur les aides de minimis, elle ne pouvait être qualifiée d'aide d'État, la cour d'appel a privé sa décision de motif et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4. ALORS, subsidiairement, QUE par règlement n° 800/2008 du 6 août 2008, la Commission européenne a posé en principe à son article 23 que les aides environnementales à l'investissement dans la promotion de l'énergie produite à partir de sources d'énergie renouvelables sont compatibles avec le marché commun au sens de l'article 87, devenu 107, paragraphe 3 du Traité et sont exemptées de l'obligation de notification prévue à l'article 88, devenue 108, paragraphe 3, du Traité ; que dans ses conclusions d'appel (p. 48 et s.), la société Paref exposait que la France avait notifié à la Commission un régime d'aides s'inscrivant dans le cadre de cette disposition, qui concernaient particulièrement la production d'électricité d'origine photovoltaïque ; qu'elle faisait valoir, pour conclure au rejet de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 2010, que les mesures prévues par les autorités françaises pour la mise en oeuvre de centrales photovoltaïques avaient été jugées conformes à la section 3.1.6 des lignes directrices par la Commission qui avait indiqué en outre dans sa décision que les autorités françaises avaient respecté leurs obligations en vertu de l'article 108 § 3 du Traité ; qu'en retenant l'illégalité de l'arrêté du 12 janvier 2010, faute d'avoir été notifié à la Commission, sans répondre à ces conclusions dont il résultait que l'arrêté du 12 janvier 2010 s'inscrivait dans le cadre des aides exemptées de l'obligation de notification à la Commission européenne, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5. ALORS QUE les juridictions nationales n'ont pas compétence pour interdire l'exécution d'une aide existante, qui doit être considérée comme légale aussi longtemps que la Commission européenne n'a pas constaté son incompatibilité au marché intérieur (CJUE, 18 juillet 2013, c-6/12) ; qu'est une aide existante toute aide réputée existante conformément à l'article 15 du règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, c'est-à-dire toute aide à l'égard de laquelle le délai de prescription de dix ans imparti à la Commission pour la récupérer a expiré ; qu'en affirmant que les règles de prescription définies par le règlement n° 659/1999 du 22 mars 1999 du Conseil de l'Union européenne sont sans incidence sur le caractère licite (sic) de l'indemnisation sollicitée sur le fondement de l'article 1240 du code civil, pour débouter la société Paref de sa demande d'indemnisation fondée sur l'arrêté du 10 juillet 2006, cependant que l'expiration du délai de prescription de 10 ans a pour conséquence que le tarif fixé par l'arrêté de 2006 était réputé être une aide existante et légale dont elle ne pouvait interdire l'exécution, la cour d'appel a violé les articles 1-b, iv et 15 du règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, ensemble l'article 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, après avoir dit que la SA Enedis a commis une faute à l'égard à l'égard de la société Paref et que le lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué par la société Paref est établi, d'avoir dit que le préjudice sollicité n'est pas réparable et d'avoir débouté la société Paref de ses demandes ;

Aux motifs que la perte de marge que la société Paref sollicite au titre de l'indemnisation de son préjudice est estimée par rapport à la perte du tarif d'achat de l'électricité fixé par l'arrêté tarifaire du 10 juillet 2006, nonobstant ses références récurrentes à l'arrêté du 12 janvier 2010. C'est ce même arrêté tarifaire du 10 juillet 2006 qui a été pris en compte dans le cadre de l'expertise ordonnée par le Tribunal de commerce. Or, la perte d'un avantage dont l'obtention aurait été contraire au droit ne peut être considérée comme un préjudice réparable. Rétablir, comme c'est le propre de la responsabilité civile, « l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit » ne peut conduire à reconstituer un avantage illicite. Tel est le cas d'un régime d'aide contraire au droit de l'Union européenne. En effet, le juge national, chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire, et le juge judiciaire doit appliquer le droit de l'Union dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne.(
)

le mécanisme d'obligation d'achat par la société EDF de l'électricité d'origine photovoltaïque à un prix supérieur à celui du marché et mis à exécution par l'arrêté du 12 janvier 2010 et celui du 10 juillet 2006 constitue une aide d'État.
Il est constant que ces arrêtés n'ont pas été notifiés à la Commission européenne et comme ils ont été remplacés depuis, aucune régularisation n'est possible. Si les juridictions nationales sont compétentes pour apprécier le respect par les Etats membres de la procédure de notification, seule la Commission européenne est compétente pour statuer sur la compatibilité d'une aide d'État avec le marché intérieur. Dès lors, la cour ne peut se substituer à elle dans cette appréciation, même si, ultérieurement, la Commission européenne a, à plusieurs reprises, décidé que les mécanismes d'aide mis en place par la France en matière de production d'électricité photovoltaïque après le moratoire étaient compatibles avec le marché intérieur, étant en outre observé que ces décisions postérieures de la Commission européenne ont porté sur des mécanismes d'aide différents, plus contraignants, et qui instauraient des tarifs bien inférieures à ceux promulgués par les arrêtés des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010.
Le seul défaut de notification à la Commission européenne préalablement à leur mise en oeuvre rend les arrêtés du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010 non conformes au droit de l'Union et par suite, illicite et non réparable le préjudice sollicité qui correspond à la perte d'un avantage résultant d'une aide illégale. Le sort des contrats en cours, l'absence de toute action en récupération d'une aide susceptible d'être considérée comme contraire au droit de l'Union et les modalités d'une telle action en récupération, dont les règles de prescription définies par le règlement n° 659/1999 du 22 mars 1999 du Conseil de l'Union européenne sont sans incidence sur le caractère licite de l'indemnisation sollicitée sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
La société Paref doit donc être déboutée de sa demande d'indemnisation de son préjudice résultant de la perte de marge née de la perte du tarif fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006, voire de l'arrêté du 12 janvier 2010.
Elle doit également l'être de sa demande subsidiaire d'une indemnisation forfaitaire évaluée à un montant identique. En effet, sous couvert d'une telle demande, le producteur sollicite en réalité la réparation du même préjudice forfaitairement évalué « à un montant identique à celui découlant de l'arrêté tarifaire inapplicable ». Or, le fait d'évaluer forfaitairement ce même préjudice ne le rend pas plus réparable, étant précisé au surplus que le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime permet à celle-ci de demander la réparation de tout son préjudice mais seulement de son préjudice et s'oppose à ce qu'il puisse lui être alloué des dommages-intérêts forfaitairement évalués ;

1. ALORS QUE la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit pour droit, dans son arrêt CELF du 12 février 2008 (C-199/06) que l'article 88, devenu 108, paragraphe 3, dernière phrase, du Traité doit être interprété en ce sens que le juge national n'est pas tenu d'ordonner la récupération d'une aide mise à exécution en méconnaissance de cette disposition, lorsque la Commission des Communautés européennes a adopté une décision finale constatant la compatibilité de ladite aide avec le marché commun au sens de l'article 87, devenu 107, du Traité mais seulement d'ordonner au bénéficiaire de l'aide le paiement d'intérêts au titre de la période d'illégalité ; que ce n'est qu'en cas de déclaration d'incompatibilité que l'aide doit être intégralement récupérée, avec les intérêts ; que l'illégalité d'une aide d'État, pour absence de notification à la Commission européenne ne suffit donc pas à elle seule à rendre irréparable le préjudice constitué par la privation d'un telle aide, ce qui ne pourrait résulter que d'une déclaration d'incompatibilité par la Commission européenne ; qu'en l'espèce, en déduisant l'absence de préjudice réparable de la société Paref de l'absence de notification à la Commission des arrêtés du 10 juillet 2006 et du 12 janvier 2010, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 108, paragraphe 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de Justice de l'Union Européenne, ensemble l'article 11 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 et l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

2. ALORS QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; qu'en l'espèce, sans la faute de la société Erdf, la société Paref aurait eu une chance de conclure un contrat d'achat au tarif fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006, lequel contrat serait toujours en cours comme le sont actuellement tous les contrats qui ont été effectivement conclus sous l'empire de cet arrêté et de celui de 2010, et ne pourrait être remis en cause en l'absence de toute action en annulation de ces arrêtés fondée sur leur absence de notification à la commission européenne, désormais impossible du fait de leur abrogation ; qu'en refusant de tenir compte du sort des contrats en cours pour rejeter sa demande d'indemnisation, la cour d'appel, qui n'a pas replacé la société Paref dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée sans la faute d'Erdf, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

3. ALORS QUE la perte d'une chance est toujours indemnisable, quand bien même elle ne résulterait pas de la lésion d'un droit dont l'exécution aurait pu être réclamée, en l'absence de toute faute de la part de la victime ; que la société Paref, qui ne demande pas la conclusion d'un contrat d'achat d'électricité au tarif fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006 mais la réparation d'un préjudice, n'étant en rien responsable de l'absence de notification de cet arrêté à la Commission européenne qui résulte de la seule négligence des autorités françaises, ne peut se voir opposer cette illégalité pour refuser d'indemniser le préjudice certain qu'elle subit du fait de la perte d'une chance de conclure un contrat d'achat au tarif en vigueur à la date à laquelle son dommage s'est réalisé par la faute de la société Erdf ; qu'en affirmant toutefois que le préjudice subi par la société Paref n'est pas réparable parce que l'obtention de ce tarif aurait été contraire au droit de l'Union, faute de notification de l'arrêté à la Commission, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

4. ALORS QUE la réparation du préjudice constitué par une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et est égale à une fraction de l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, déterminée en fonction des risques susceptibles d'affecter sa réalisation ; que tenue d'évaluer le préjudice consistant en une perte de chance de conclure un contrat d'achat d'électricité au tarif fixé par l'arrêté du 10 juillet 2006, la cour d'appel ne pouvait pas exclure toute indemnisation des producteurs sans avoir même recherché s'il existait ou non un risque que la Commission européenne puisse en être encore saisie et qu'elle le déclare incompatible au marché intérieur, entraînant l'obligation générale de remboursement des aides perçues par tous les producteurs ayant conclu un contrat d'achat à ce tarif ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-22226;18-22229;18-22230;18-22235;18-22236;18-22237;18-22238;18-22239;18-22240;18-22247;18-22250;18-22255;18-22257;18-22260;18-22281;18-22282;18-22284;18-22285;18-22286;18-22287;18-22289;18-22291;18-22292;18-22293;18-22294;18-22295;18-22296;18-22297;18-22298;18-22299;18-22300;18-22301;18-22302;18-22303;18-22304;18-22305;18-22306;18-22307;18-22308;18-22309;18-22310;18-22311;18-22312;18-22313;18-22314;18-22315;18-22327;18-22328;18-22329;18-22330;18-22331
Date de la décision : 18/09/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 juillet 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 sep. 2019, pourvoi n°18-22226;18-22229;18-22230;18-22235;18-22236;18-22237;18-22238;18-22239;18-22240;18-22247;18-22250;18-22255;18-22257;18-22260;18-22281;18-22282;18-22284;18-22285;18-22286;18-22287;18-22289;18-22291;18-22292;18-22293;18-22294;18-22295;18-22296;18-22297;18-22298;18-22299;18-22300;18-22301;18-22302;18-22303;18-22304;18-22305;18-22306;18-22307;18-22308;18-22309;18-22310;18-22311;18-22312;18-22313;18-22314;18-22315;18-22327;18-22328;18-22329;18-22330;18-22331


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Lesourd, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.22226
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