LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° M 18-11.467 et E 18-11.484 ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que Mme W... a été engagée par la société Repass'chic en qualité d'agent de production suivant contrat de travail du 18 juin 2009, faisant mention de la convention collective nationale de la blanchisserie, teinturerie et nettoyage du 17 novembre 1997 ; que les parties sont convenues d'une durée du travail de 25 heures hebdomadaires ; qu'elles ont, le même jour, signé un second contrat de travail mentionnant la convention collective nationale des organismes d'aide à domicile ou de maintien à domicile du 11 mai 1983 ; que la salariée a, le 10 juin 2016, saisi la juridiction prud'homale de demandes en rappel de salaires pour heures complémentaires et supplémentaires, congés payés et dommages-intérêts ;
Sur la recevabilité du pourvoi n° E 18-11.484, examinée d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu le principe « pourvoi sur pourvoi ne vaut » ;
Attendu que, par application de ce principe, le pourvoi formé
le 31 janvier 2018, à 14 heures 15, par la société Repass'chic sous le n° E 18-11.484, qui succède au pourvoi n° M 18-11.467 formé par elle le 31 janvier 2018, à 9 heures 57, contre la même décision, n'est pas recevable ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 12 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la société à payer à la salariée des sommes à titre de rappel de salaires, congés payés afférents et dommages-intérêts et lui ordonner de remettre à la salariée, sous astreinte par jour de retard et par document, les bulletins de salaire rectifiés pour les mois de juillet 2013, mars, septembre, octobre et novembre 2014, janvier, mai, juin, septembre, octobre et novembre 2015 et janvier 2016, le jugement retient qu'il ressort de la convention collective nationale que la société doit décompter les heures supplémentaires à la semaine, appliquer les taux de majoration conventionnels et appliquer les majorations quand les heures réalisées dépassent 10 % de la durée contractuelle du travail, qu'il ressort des bulletins de salaire produits aux débats que les heures complémentaires ont été rémunérées sur la base du taux normal alors que la convention collective nationale prévoit des majorations et que les éléments du dossier lui ont permis de valider les calculs proposés par la salariée ;
Qu'en statuant ainsi, sans indiquer le fondement juridique de ces condamnations, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi n° E 18-11.484 formé par la société Repass'chic à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes d'Orléans du 27 novembre 2017 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Repass'chic à payer à Mme W... les sommes de 1 272,63 euros à titre de rappel de salaires et 127,26 euros au titre des congés payés afférents, ainsi que la somme de 150 euros à titre de dommages-intérêts, et en ce qu'il ordonne à la société Repass'chic de lui remettre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, à compter du 30e jour suivant la notification du jugement, les bulletins de salaire rectifiés pour les mois de juillet 2013, mars, septembre, octobre et novembre 2014, janvier, mai, juin, septembre, octobre et novembre 2015 et janvier 2016, le jugement rendu le 27 novembre 2017, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Blois ;
Condamne Mme W... aux dépens du pourvoi n° M 18-11.467 ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Repass'chic
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit que la convention collective nationale applicable est la convention collective nationale de pressing blanchisserie, condamné la SARL Repass'chic à payer à Mme W... les sommes de 1 272,63 € brut à titre de rappel de salaires, 127,26 € brut au titre des congés payés afférents, 150 € à titre de dommages et intérêts, 1 200 € au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et 700 alinéa 2 du code de procédure civile, ordonné à la SARL Repass'chic de remettre à Mme W... sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement, les bulletins de salaire rectifiés ;
AUX MOTIFS QUE "le 6 février 2008, la SARL Repass'chic a obtenu de la Préfecture du Loiret un arrêté portant agrément simple d'un organisme de service à la personne ;
QUE l'INSEE propose deux types d'activités répondant à la qualification "Aide à domicile" : - 8559 B Autres enseignements,
- 8810 A aide à domicile ;
QUE le fait que la SARL Repass'chic ait obtenu un agrément préfectoral n'a pas pour conséquence ;
- de modifier la convention collective nationale applicable,
- de lui permettre de créer un "droit maison" ;
QUE Mme B... W... produit un contrat de travail daté du 18 juin 2009 signé par la SARL Repass'chic et Mme B... W... ;
QUE ce contrat de travail fait référence à la convention collective nationale de pressing blanchisserie ;
QUE la SARL Repass'chic a produit aux débats un contrat de travail daté du 18 juin 2009 signé par la SARL Repass'chic et Mme B... W... ;
QUE la convention collective nationale de travail des salariés autres services personnels est visée par ce contrat ;
QUE cette convention collective nationale n'existe pas ; que l'appellation exacte est "convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012" et correspond à l'identifiant de convention collective numéro 3127 ;
QUE Mme B... W... dit avoir signé ce document, mais n'a pas reçu une copie ;
QUE les feuilles de paie établies par la SARL Repass'chic font référence :
- à la convention collective nationale des blanchisseries,
- au code NACE (nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne) 9601B qui regroupe le blanchissage, le nettoyage à sec, le repassage etc. de tous les articles d'habillement (y compris les fourrures) et de matières textiles, effectués pour le compte de particuliers, les activités des blanchisseries de détail, y compris dépôts, les services des laveries automatiques en libre service, la fourniture par les blanchisseries de détail, de linge, de vêtements de travail et d'articles similaires ;
QUE le conseil relève que la SARL Repass'chic argue que le contrat faisant référence à la convention collective nationale de travail des salariés Autres services personnels annule et remplace celui qui vise la convention collective nationale des pressings blanchisseries ;
QUE le conseil relève que la mention "annule et remplace" n'est pas mentionnée sur le contrat "exhumé" par la SARL Repass'chic quelques jours avant l'audience ;
QUE l'article 1190 nouveau du code civil, nouvelles références issues de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose :
"Dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé" ;
QU'en conséquence, le conseil estime que le contrat de travail applicable entre Mme B... W... et la SARL Repass'chic est celui dont Mme B... W... revendique l'application" ;
ET AUX MOTIFS sur la demande de dommages et intérêts QUE "le conseil estime le fait que la SARL Repass'chic, malgré les multiples demandes formées par Mme W... , a persisté à ne pas appliquer la bonne convention collective nationale ;
QUE le conseil estime que le non paiement de l'intégralité du salaire a généré pour Mme W... un préjudice différend de celui sanctionné par l'article 1231-6 nouveau du code civil (nouvelles références issues de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) ;
QUE Mme W... est en arrêt depuis le 22 février 2016 ;
QUE les indemnités journalières sont égales à 50 % du salaire journalier de base ;
QU'en cas de mensualisation, le salaire journalier de base est égal au total des trois derniers salaires perçus avant l'arrêt de travail, divisé par 91,25 ainsi qu'il ressort du code de la sécurité sociale ;
QUE le fait que la SARL Repass'chic n'ait pas payé l'intégralité du salaire a une incidence sur le montant des indemnités journalières ;
QUE le conseil regrette que Mme W... n'ait pas jugé utile de calculer précisément l'incidence de cette omission ;
QUE de plus, le fait de percevoir un salaire, puis des indemnités journalières, amputés d'une partie depuis 2009 a occasionné un préjudice de jouissance à Mme W... qui n'a pas pu bénéficier de l'intégralité de son salaire pendant plusieurs années" ;
1°) ALORS QUE l'application d'une convention collective au personnel d'une entreprise dépend de l'activité principale de celle-ci ; qu'en se déterminant, en l'état de mentions contradictoires des contrats de travail signés le même jour par les deux parties, aux termes de motifs inopérants déduits des règles générales d'interprétation des conventions sans rechercher l'activité principale de la SARL Repass'chic dont elle constatait qu'elle avait obtenu l'agrément préfectoral pour exercer une activité de prestation de services à domicile, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles L.2222-1 et L.2261-2 du code du travail ;
2°) ALORS QUE si l'employeur peut reconnaître à un salarié, dans les rapports individuels de travail, le bénéfice d'une convention collective autre que celle dont relève l'entreprise en raison de son activité, c'est à la condition que cette application procède de sa volonté claire et non équivoque ; qu'en faisant au contraire application au profit de Mme W... de la convention collective de la blanchisserie aux termes de motifs constatant expressément l'existence d'un doute relativement à la volonté des parties quant à la convention collective applicable, le conseil de prud'hommes a violé l'article 1134 devenu 1103 et 1104 ensemble, par fausse application, l'article 1162 devenu 1190 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR condamné la SARL Repass chic à payer à Mme W... les sommes de 1 272,63 € brut à titre de rappel de salaires, 127,26 € brut au titre des congés payés afférents, 150 € à titre de dommages et intérêts, 1 200 € au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et 700 alinéa 2 du code de procédure civile, ordonné à la SARL Repass'chic de remettre à Mme W... sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement, les bulletins de salaire rectifiés
AUX MOTIFS QU' "il ressort de la convention collective nationale que la SARL Repass'chic doit :
- décompter les heures supplémentaires à la semaine,
- appliquer les taux de majoration conventionnels,
- appliquer les majorations quand les heures réalisées dépassent 10 % de la durée contractuelle du travail ;
QU'il ressort des bulletins de salaire produits aux débats que les heures complémentaires ont été rémunérées sur la base du taux normal alors que la convention collective nationale prévoit des majorations :
- pour l'année 2013, les heures complémentaires doivent être payées au taux normal et les heures au-delà du dixième majorées de 25 %,
- pour l'année 2014, les heures complémentaires doivent être payées au taux normal et les heures au-delà du dixième majorées de 25 %,
- pour l'année 2015, les heures complémentaires doivent être payées au taux normal et les heures au-delà du dixième majorées de 25 %,
- pour l'année 2016, les heures complémentaires doivent être payées au taux normal et les heures au-delà du dixième majorées de 25 % ;
QUE les éléments du dossier ont permis au conseil de valider les calculs proposés par Mme W... ;
QUE pour la période non prescrite, la SARL Repass'chic est redevable :
- pour l'année 2013, de 83,74 € auxquels s'ajoutent les congés payés afférents, soit 8,37 €,
- pour l'année 2014, de 702,96 € auxquels s'ajoutent les congés payés afférents, soit 70,30 €,
- pour l'année 2015, de 466,76 € auxquels s'ajoutent les congés payés afférents, soit 46,67 €,
- pour l'année 2016, de 19,17 € auxquels s'ajoutent les congés payés afférents, soit 1,91 €,
Soit au total 1 272,63 € brut et 127,26 € brut de congés payés afférents" ;
1°) ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit applicables ; qu'en définissant les obligations de la SARL Repass'chic pour la rémunération de Mme W... , salariée à temps partiel, au regard de "la convention collective nationale" quand ni la convention collective nationale de la blanchisserie – teinturerie et nettoyage (blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie) du 17 novembre 1997, ni ses accords ou avenants relatifs à la durée du travail ou au travail à temps partiel ne prévoient que les heures complémentaires des salariés à temps partiel doivent être décomptées "à la semaine", le conseil de prud'hommes a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2°) ALORS en toute hypothèse QUE seules les heures complémentaires effectuées à la demande ou au moins avec l'accord de l'employeur peuvent donner lieu à rémunération ; qu'en condamnant la SARL Repass'chic au paiement de la totalité des heures complémentaires dont Mme W... réclamait le paiement sans rechercher si ces heures avaient été accomplies avec l'accord de la SARL Repass'chic qui le contestait et versait aux débats une note d'information du 18 mars 2011 signée par Mme W... proscrivant la réalisation d'heures au-delà de l'horaire contractuel sans autorisation écrite préalable de l'employeur, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-22 et L. 3171-4 du code du travail.