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11/09/2019 | FRANCE | N°18-82684

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 septembre 2019, 18-82684


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. P... D...,
et
- Mme W... V..., épouse U...,
- Mme K... V..., épouse F..., parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 14 février 2018, qui, pour recel aggravé, blanchiment aggravé, faux, défaut de tenue de registres, transfert de capitaux sans déclaration, défaut de déclaration d'existence, a condamné le premier à deux ans d'emprisonnement avec sursis, deux ans d'interdiction de gérer,

six amendes fiscales, une pénalité fiscale proportionnelle, une amende douanière, a ordon...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. P... D...,
et
- Mme W... V..., épouse U...,
- Mme K... V..., épouse F..., parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 14 février 2018, qui, pour recel aggravé, blanchiment aggravé, faux, défaut de tenue de registres, transfert de capitaux sans déclaration, défaut de déclaration d'existence, a condamné le premier à deux ans d'emprisonnement avec sursis, deux ans d'interdiction de gérer, six amendes fiscales, une pénalité fiscale proportionnelle, une amende douanière, a ordonné une mesure de confiscation et prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 juin 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray aux débats, M. Bétron au prononcé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller ZERBIB, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle POTIER DE LAVARDE,BUK-LAMENTet ROBILLOT et de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PETITPREZ ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

I - Sur les pourvois de Mmes W... V..., épouse U... et K... V..., épouse F... :

Attendu que Mmes W... V..., épouse U... et K... V..., épouse F..., qui se sont régulièrement pourvues en cassation contre l'arrêt susvisé, n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation ; qu'il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchues de leur pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale ;

II - Sur le pourvoi de M. P... D... :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'un signalement par le service Tracfin au procureur de la République d'une somme de 300 000 euros portée au crédit du compte bancaire de M. L... et réglée au moyen de deux chèques émis par M. D..., l'enquête diligentée a établi que trois maçons, MM. A..., L... et G..., en charge d'un chantier de rénovation d'une vielle bâtisse appartenant aux époux M..., ont découvert fortuitement, nivelant le sol, des bocaux en verre contenant quinze lingots d'or d'un kilo chacun et six cents pièces d'or consistant pour l'essentiel en vingt dollars américains frappés il y a plus d'un siècle ; que gardant secret leur trésor qu'ils se sont partagés, les inventeurs l'ont vendu à M. D..., numismate exerçant sous la dénomination "Monnaie d'Antan" et par ailleurs associé minoritaire au sein d'une société à responsabilité limitée affichant la même raison sociale, qui le leur a acheté par règlements sous forme de chèques ou d'espèces ;

Attendu que le ministère public a poursuivi M. D... pour avoir sciemment recelé les quinze lingots d'or et les six cents pièces d'or, pour avoir facilité la justification mensongère de l'origine des revenus de M. L... en établissant une fausse facture datée du 5 mai 2011, pour avoir apporté son concours à une opération de blanchiment en achetant lesdites marchandises, pour avoir falsifié la facture précitée au préjudice de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie-Seine et pour avoir omis de tenir, au jour le jour, en tant que vendeur d'objets mobiliers usagés ou acquis à des personnes autres que celles qui les fabriquent ou en font commerce, un registre permettant l'identification de ces biens acquis ou détenus en vue de la vente et de l'échange et des personnes qui les ont vendus ou apportés à l'échange ;

Attendu que l'administration des douanes a fait citer M. D... devant le tribunal correctionnel pour avoir transféré sans déclaration, sans l'entremise d'un établissement autorisé à effectuer des opérations de banque, depuis la Belgique jusqu'à son domicile en France, la somme de 242 220 euros en espèces provenant de la revente des marchandises précieuses acquises auprès des inventeurs, pour avoir détenu de l'or, de l'argent ou du platine sans déclaration d'existence et pour avoir omis, en sa qualité de détenteur de ces métaux, d'inscrire sur le registre de police de l'entreprise individuelle "Monnaie d'Antan", la date de sortie de ces marchandises et d'en faire une description exhaustive quant à leur nature, à leur poids, s'agissant notamment des opérations d'acquisition numérotées 48,52,54 et 55 ;

Attendu que déclaré coupable de la totalité des délits qui lui sont reprochés, M. D... a interjeté appel de même que le ministère public, la direction régionale des douanes, Mmes W... V..., épouse U..., K... V..., épouse F..., héritières de leur défunt père qui a vendu aux époux M... la propriété dans laquelle le trésor a été découvert, et les époux M..., parties civiles ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation du principe ne bis in idem, des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 4 du protocole additionnel n° 7 à cette convention, préliminaire, 321-1, 324- 1 et 441-1 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. D... coupable de l'ensemble des faits qui lui sont reprochés, et notamment des infractions de faux, de blanchiment et de recel, a statué sur la répression et sur les intérêts civils ;

"1°) alors que les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes ; qu'en déclarant M. D... coupable de blanchiment par facilitation de la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect, en l'occurrence par l'établissement d'une fausse facture d'achat du 5 mai 2011, tout en le déclarant coupable de l'infraction de faux pour la falsification de cette facture, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés ;

"2°) alors que les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes ; qu'en déclarant M. D... coupable de blanchiment par opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un délit, en l'occurrence par l'achat de lingots d'or et de pièces de monnaie de collection, quand il s'agissait d'une opération préalable à leur détention dont elle a déclaré le prévenu coupable au titre du recel, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés" ;

Vu le principe ne bis in idem ;

Attendu que des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à plusieurs déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes ;

Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. D... coupable de recel, de blanchiment et de faux, l'arrêt énonce, notamment, par motifs propres et adoptés, que les inventeurs du trésor, qui l'ont soustrait frauduleusement aux époux M..., lui ont vendu au total quinze lingots d'or et des pièces d'or sans justification d'origine ; qu'il a acheté et détenu ces marchandises, en connaissance de leur provenance frauduleuse et les a remises à un fondeur en Belgique pour les dissimuler ayant reçu de ce dernier des sommes en espèces non mentionnées dans sa comptabilité ; que les juges ajoutent que M. D... a reconnu avoir édité une facture d'achat de 262 710 euros pour M. O... L... et à sa demande, différente de ce qui est mentionné sur le registre de police, afin que sa banque encaisse le chèque, préférant faire croire que la transaction portait sur des pièces et non sur des lingots, commettant ainsi le délit de faux et apportant son concours à une opération de blanchiment de l'origine des revenus de M. L... ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans retenir des faits constitutifs de faux et de recel des marchandises distincts des faits de blanchiment de leur origine illicite par achat de ces mêmes marchandises et par établissement d'une fausse facture, dont elle a déclaré M. D... coupable, alors que leur acquisition était un préalable nécessaire à leur détention et que cette fausse facture n'était destinée qu'à étayer la justification mensongère des revenus de M. L..., la cour d'appel a méconnu le principe susénoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 112-1 du code pénal, 537, 1791, 1794 et 1800 du code général des impôts, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, du principe de proportionnalité et d'individualisation de la peine, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre de M. D... une pénalité fiscale proportionnelle de 790 090 euros, représentant une fois la valeur des marchandises litigieuses, et six amendes fiscales de 500 euros ;

"1°) alors que les dispositions législatives nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la cour d'appel a fixé les amendes et pénalités fiscales en application des dispositions des articles 1791 et 1794 du code général des impôts, alors en vigueur, enserrant le montant de celles-ci entre un minimum et un maximum ; que la situation du prévenu n'a pas été examinée au regard de l'article 1800 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, laquelle a supprimé le minimum applicable en matière d'amendes et de pénalités fiscales ; d'où il suit que la cassation de l'arrêt attaqué est encourue de ce chef ;

"2°) alors, en toute hypothèse, qu'en s'abstenant d'apprécier le montant des amendes et pénalités fiscales infligées au regard des critères énoncés par l'article 1800 du code général des impôts, soit l'ampleur et la gravité des infractions commises ainsi que la personnalité de leur auteur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes susvisés " ;

Vu l'article 112-1, alinéa 3, du code pénal ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, les dispositions législatives nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu' elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ;

Attendu qu'il résulte des motifs de l'arrêt que les juges ont fixé les amendes et la pénalité fiscales en application des dispositions des articles 1794 et 1804 du code général des impôts, alors en vigueur, enserrant le montant de celles-ci entre un minimum et un maximum ;

Mais attendu que la situation du prévenu n'a pas été examinée au regard de l'article 1800 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1918, du 29 décembre 2016, laquelle a supprimé le minimum applicable en matière d'amendes et de pénalités fiscales ;

D'où il suit que l'annulation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée, s'agissant des délits poursuivis par l'administration des douanes, aux seules amendes et pénalité proportionnelle fiscales en regard desquels elles ont été prononcées ;

Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 112-1 du code pénal, 152-4 du code monétaire et financier, 369 du code des douanes, du principe d'individualisation des peines, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre de M. D... une amende douanière de 60 555 euros ;

"1°) alors que les dispositions législatives nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la cour d'appel a fixé le montant de l'amende pour transfert non déclaré de capitaux au regard des dispositions de l'article L. 152-4, I du code monétaire et financier, alors en vigueur, fixant le montant de l'amende à un quart de la somme sur laquelle a porté l'infraction ; que la situation du prévenu n'a pas été examinée au regard de l'article 369 du code des douanes qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 a supprimé tout minimum applicable à cette amende ; d'où il suit que la cassation de l'arrêt attaqué est encourue de ce chef ;

"2°) alors, en toute hypothèse, qu'en s'abstenant d'apprécier le montant de l'amende infligée au titre de l'infraction douanière au regard des critères énoncés par l'article 369 du code des douanes, soit l'ampleur et la gravité de l'infraction commise ainsi que la personnalité de son auteur, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes et principes susvisés" ;

Vu l'article 112-1, alinéa 3, du code pénal ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, les dispositions législatives nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu' elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ;

Attendu qu'il résulte des motifs de l'arrêt que les juges ont fixé, en répression au manquement à l'obligation déclarative de transfert de Belgique en France de capitaux dont ils ont déclaré le prévenu coupable, au quart de la somme sur laquelle a porté l'infraction l'amende fiscale à laquelle ils l'ont condamné en application de l'article L. 152-4 du code monétaire et financier, dans sa version applicable à la date des faits ;

Mais attendu que la situation du prévenu n'a pas été appréciée au regard de l'article 369 du code des douanes dans sa rédaction issue de la loi 2013-1279 du 29 décembre 2013 qui a supprimé le minimum des amendes fiscales et permis aux juges d'en réduire le montant jusqu'à un montant inférieur à leur montant minimal ;

D'où il suit que l'annulation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à l'amende douanière, la déclaration de culpabilité n'encourant pas la censure ;

Par ces motifs et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens proposés pou M. D... :

I - Sur les pourvois de Mme W... V..., épouse U..., Mme K... V..., épouse F... :

Les DECLARE déchues de leurs pourvois ;

II - Sur le pourvoi de M. D... :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rouen, en date du 14 février 2018, mais en ses seules dispositions pénales et civiles relatives aux délits de recel, blanchiment et faux, ainsi qu'en celles relatives au prononcé des amendes fiscales, de la pénalité proportionnelle fiscale et de l'amende douanière, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rouen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze septembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et M. Bétron, le greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 18-82684
Date de la décision : 11/09/2019
Sens de l'arrêt : Déchéance
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 14 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 sep. 2019, pourvoi n°18-82684


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.82684
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