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04/09/2019 | FRANCE | N°18-15490

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 septembre 2019, 18-15490


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, d'une part, que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la ruptur

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, d'une part, que si l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale, la juridiction prud'homale est seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu, d'autre part, qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme B..., engagée en mars 1979 par l'Association régionale les amis des ateliers protégés (l'ARAAP) en qualité de monitrice-éducatrice, exerçant en dernier lieu les fonctions de directrice, a été victime d'un accident du travail le 28 novembre 2008 ; qu'elle a été licenciée le 6 novembre 2009 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que contestant cette mesure, elle a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour dire irrecevable la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée par la salariée, l'arrêt retient que, sous couvert d'une telle demande, la salariée sollicite en réalité l'indemnisation des conséquences matérielles et morales de son accident du travail du 28 novembre 2008 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée formait une demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que l'inaptitude trouvait son origine dans un manquement de l'employeur qui l'avait provoquée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit irrecevable la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 20 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;

Condamne l'Association régionale des amis des ateliers protégés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Association régionale des amis des ateliers protégés à payer à Mme B... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre septembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme B...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande principale de Mme M... B... ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit ; que relève en conséquence de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale l'indemnisation de tous les dommages résultant d'un accident du travail, qu'il soit ou non la conséquence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; que tel est le cas de la demande d'indemnisation de la perte, même consécutive au licenciement du salarié pour inaptitude, tant de l'emploi que des droits à la retraite, correspondant en réalité à une demande de réparation des conséquences de l'accident du travail ; qu'en l'espèce, placée en arrêt de travail pour accident du travail à compter du 5 décembre 2008 et déclarée par le médecin du travail inapte à tous postes à l'issue d'une unique visite de reprise en raison d'un danger immédiat, le 1er septembre 2009, Mme M... B... a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, par lettre du 6 novembre 2009 ; qu'au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle expose que le 28 novembre 2008, elle a été victime d'une agression commise par M. Q... G..., président de l'association, qui a levé la main sur elle, menaçant de la gifler (cf. attestations, enquête de police, rappel à la loi
), que fortement traumatisée, elle s'est vu prescrire un arrêt de travail pour maladie, ultérieurement rectifié en arrêt pour accident du travail et prolongé jusqu'au 31 août 2009, date de la consolidation, et encore au-delà, que les faits ont été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie en tant qu'accident du travail, l'employeur débouté de sa contestation, et son pourvoi formé contre l'arrêt confirmatif de la cour de céans rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 2017, que déclarée définitivement inapte à tous postes à l'issue d'une unique visite de reprise par le médecin du travail, le 1er septembre 2009, en raison d'un danger immédiat, et licenciée pour inaptitude, le 6 novembre 2009, elle a saisi le conseil de prud'hommes afin de faire imputer la rupture à son employeur eu égard aux circonstances génératrice de son inaptitude, laquelle procède en réalité de cette seule agression surabondamment établie, qui est la cause réelle et déterminante de son licenciement, et qu'elle a saisi parallèlement le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, lequel a sursis à statuer, par jugement du 15 février 2017, jusqu'à la décision de la Cour de cassation, qu'elle a subi une perte importante de revenus suite à son licenciement, car elle était alors âgée de 60 ans, titulaire d'une ancienneté de presque trente années au sein de l'association, et qu'elle a été mise à la retraite d'office à compter de novembre 2009, date anniversaire de ses 65 ans, alors que son départ était initialement fixé au 4 mars 2013, ainsi qu'un préjudice moral certain résultant des circonstances de l'agression à l'origine de troubles anxio-dépressifs et de symptômes de décompensation ultérieurs nécessitant des soins toujours en cours ; qu'il résulte ainsi clairement de ces éléments que, sous couvert d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme B..., licenciée pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement, le 6 novembre 2009, sollicite en réalité l'indemnisation des conséquences matérielles et morales de son accident du travail du 28 novembre 2008 ; que si l'exception d'incompétence soulevée par l'employeur pour la première fois en cause d'appel est irrecevable en application de l'article 74 du code de procédure civile pour n'avoir pas été invoquée avant toute défense au fond devant le premier juge, il n'en demeure pas moins que la demande formée par la salariée devant le juge prud'homal, et non devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, exclusivement compétent pour en connaître, est irrecevable ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le défendeur représenté en première instance, qui aurait pu invoquer, à ce stade de la procédure, le moyen d'incompétence du juge saisi, et qui ne l'a pas valablement fait, est irrecevable à soulever une telle exception pour la première fois en cause d'appel ; qu'en constatant en l'espèce que « l'exception d'incompétence soulevée par l'employeur pour la première fois en cause d'appel est irrecevable en application de l'article 74 du code de procédure civile pour n'avoir pas été invoquée avant toute défense au fond devant le premier juge » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 1er), puis en en déclarant irrecevable la demande de Mme B..., en raison de la supposée incompétence du juge prud'homal sans indiquer qu'elle soulevait elle-même d'office cette exception d'incompétence, et donc en accueillant celle que soulevait l'employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 74 du code de procédure civile ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU' en admettant même qu'en statuant comme elle l'a fait de ce chef, la cour d'appel aurait relevé d'office l'exception d'incompétence qu'elle a cru pouvoir retenir, cependant qu'en appel l'incompétence ne peut être relevée d'office par le juge que si l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française, la cour d'appel a violé l'article 92 du code de procédure civile ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU' en outre, et toujours à supposer qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel aurait relevé d'office l'exception d'incompétence qu'elle a cru pouvoir retenir, faute pour elle d'avoir invité les parties à présenter leurs observations sur cette exception, elle a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QU' en tout état de cause, la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice consécutif au licenciement ; que la demande du salarié tendant à voir juger son licenciement pour inaptitude dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que la rupture du contrat de travail est imputable aux agissements de l'employeur, n'a pas pour objet la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail, mais la réparation du préjudice lié à son licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, Mme B... demandait des dommages et intérêts au titre d'un licenciement « dépourvu de cause réelle et sérieuse », au motif que « la rupture du contrat de travail est imputable aux agissements de l'employeur » ; qu'en considérant que cette demande était irrecevable comme ressortissant à la seule compétence des juridictions de sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 du code du travail, ensemble les articles L. 451-1 et L. 142-1 du code de la sécurité sociale ;

ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE le juge ne peut dénaturer les sens clair et précis des conclusions dont il est saisi ; que dans le dispositif de ses conclusions d'appel, Mme B... sollicitait le paiement de dommages et intérêts au titre d'un licenciement « dépourvu de cause réelle et sérieuse », au motif que « la rupture du contrat de travail est imputable aux agissements de l'employeur » ; qu'en énonçant que « sous couvert d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme B..., licenciée pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement, le 6 novembre 2009, sollicite en réalité l'indemnisation des conséquences matérielles et morales de son accident du travail du 28 novembre 2008 » (arrêt attaqué, p. 5, in fine), la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis des conclusions dont elle était saisie et a violé ce faisant l'article 4 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-15490
Date de la décision : 04/09/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 20 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 sep. 2019, pourvoi n°18-15490


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.15490
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