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11/07/2019 | FRANCE | N°18-11950

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 juillet 2019, 18-11950


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 6114-1, L. 6114-2, L. 6114-3 et L. 6114-4 du code de la santé publique et L. 162-22-2, L. 162-22-3, L. 162-22-4 et L. 162-22-5 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à la date de la prescription des transports litigieux ;

Attendu, selon les trois premiers de ces textes, que l'agence régionale de santé conclut avec les établi

ssements de santé qu'ils mentionnent un contrat pluriannuel d'objectifs et de m...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 6114-1, L. 6114-2, L. 6114-3 et L. 6114-4 du code de la santé publique et L. 162-22-2, L. 162-22-3, L. 162-22-4 et L. 162-22-5 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à la date de la prescription des transports litigieux ;

Attendu, selon les trois premiers de ces textes, que l'agence régionale de santé conclut avec les établissements de santé qu'ils mentionnent un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens d'une durée maximale de cinq ans qui détermine les orientations stratégiques de l'établissement et fixe des objectifs notamment en matière de qualité et de sécurité des soins, d'accueil et de traitement des patients et d'amélioration de la gestion ; que, selon le quatrième et le huitième, le montant des tarifs de prestations prises en charge par l'assurance maladie est fixé dans le respect des quatre derniers textes par un avenant tarifaire au contrat, les litiges en résultant relevant de la compétence du contentieux général de la sécurité sociale ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que si elle procède non d'une décision unilatérale de l'agence régionale de santé, mais d'une annexe annuelle au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens pourvue d'effets réglementaires, la fixation des tarifs de prestations obéit exclusivement aux règles de prise en charge, objectifs quantifiés et modulations tarifaires déterminés par les autorités de l'Etat ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Clinique l'Amandier (la clinique) a fait l'objet d'un contrôle à la suite duquel la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) lui a notifié, le 23 octobre 2014, un indu d'un certain montant, correspondant à des anomalies relevées dans la facturation de frais de transport pour la période du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2013 ; que la clinique a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour débouter la caisse de sa demande en paiement de l'indu, l'arrêt retient que si le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, conclu entre la clinique et l'agence régionale de santé d'Ile-de-France, prévoit expressément, en plus du prix de journée tout compris, la prise en charge des frais de transport liés aux soins de chimiothérapie, de radiothérapie ou de dialyse, il est muet s'agissant des transports qui ne sont pas liés aux soins de suite et de réadaptation des personnes âgées pris en charge par la clinique et qui sont prescrits par des médecins non salariés de celle-ci, et que la caisse ne fournit aucun élément permettant de considérer qu'ils ont été pris en compte lors des discussions ayant conduit à la fixation du prix de journée ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs tirés essentiellement des clauses du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable le recours de la société Clinique l'Amandier et dit que la procédure de recouvrement de l'indu suivie par la caisse est régulière, l'arrêt rendu le 9 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Clinique l'Amandier aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine en date du 26 septembre 2016 (RG 15/01087) en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours de la société Clinique de l'Amandier sarl, d'avoir annulé la décision de rejet de la commission de recours amiable de la cpam des Hauts-de-Seine notifiée le 11 août 2014, d'avoir débouté la cpam des Hauts-de-Seine de sa demande de condamnation de la société Clinique de l'Amandier sarl à lui payer la somme de 98 033,49 euros au titre du recouvrement d'un indu et d'avoir condamné la cpam des Hauts-de-Seine à payer à la société Clinique de l'Amandier sarl une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'indu La clinique souligne que la caisse a changé d'opinion par rapport à la pratique antérieure, sans s'expliquer sur ce revirement, alors que « les accords appliqués de manière constante, de 2004 à 2013, entre la clinique et la caisse, excluaient du prix de journée les transports prescrits pour des soins ne relevant pas du séjour en SSR et prescrits par des praticiens extérieurs ». La clinique rappelle les dispositions de la circulaire DGOS/R2/1A/2013/262 du 27 juin 2013, aux termes de laquelle les « transports secondaires provisoires sont à la charge de l'établissement de santé d'origine du patient, celui dans lequel il est hospitalisé au moment du premier transport, lorsqu'il relève des ‘a, b et c' de l'article L. 1062-22-6 du code de la sécurité sociale, à la charge de l'assurance maladie lorsque l'établissement relève du d du même article » ; or, précisément, la clinique relève de ce paragraphe ‘d'. En tout état de cause, la clinique relève que la caisse « n'a jamais établi que les transports litigieux étaient relatifs à des actes prescrits par des médecins de l'établissement ou qu'ils avaient été réalisés en son sein ». La clinique ajoute qu' « il n'est aucunement référencé dans (le) tableau (annexé à la notification d'indu) la cause (du) transport et le motif de non-prise en charge de celui-ci par la cpam ». Au demeurant, l'indu ne pouvait pas être réclamé à la clinique, puisqu'elle n'avait perçu aucune somme. La caisse réplique, notamment, que les dispositions de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale lui permettent, en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facture des frais de transport, de les recouvrer « auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement ». La caisse ajoute que la clinique a souscrit des engagements spécifiques en contrepartie à un « prix de journée tout compris », à la seule exception, expressément prévue, des soins de dialyse, chimiothérapie et radiothérapie. Se référant à une note de l'ARS, la caisse souligne que celle-ci a relevé que les « tarifs ont été fixés après une étude approfondie des charges d'un ou deux établissements de référence pour chaque spécialisation et en fonction d'un organigramme validé en commission exécutive. Chaque poste de dépense a été étudié avec la Fédération Hospitalière privée et le représentant légal de l'établissement identifié comme premier demandeur et référence pour les autres structures exerçant la même modalité » (en gras comme dans l'original des conclusions). Faute de dénonciation, l'engagement contractuel demeure valable. La caisse souligne qu'elle a rapporté la somme réclamée au montant de 10 890,72 euros et que la clinique est parfaitement à même d'identifier les dossiers concernés. La cour considère que la question n'est pas de savoir si l'indu peut ou non être réclamé à la clinique : les termes de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale sont dénués de toute ambiguïté à cet égard et, si l'indu était considéré fondé, la clinique serait tenue au paiement des sommes réclamées par la caisse, dont le montant total, 98 033,49 euros, n'est au demeurant pas contesté. Mais encore faudrait-il que cet indu puisse être réclamé à la clinique, ce qui n'est pas le cas. En effet, il est constant que, dans un souci de meilleure gestion mais surtout d'économie, l'agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France a souhaité mettre en place un système spécifique de prise en charge des soins, notamment des soins de suite et de réadaptation, par la signature de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens. Aux termes de ces CPOM, l'établissement « s'engage à respecter les tarifs qui lui sont applicables tels que fixés par les avenants tarifaires. Il se conforme aux caractéristiques de fonctionnement attachées au bénéfice de modalités tarifaires particulières, notamment prix de journée tout compris (pour les cliniques privées) ». Aux termes des annexes au contrat, trois activités étaient autorisées dans le cadre des orientations stratégiques prioritaires de l'établissement : soin de suite gériatrique, soin de suite polyvalent, soin de suite cancérologique. Les ‘actions prioritaires en relation avec les priorités du SROS' sont les personnes âgées et la cancérologie. Les ‘spécificités liées à l'activité » visent une population adulte, pour une activité SSR en gériatrie, cancérologie, hématologie et soins palliatifs. Au nombre des ‘engagements antérieurs à la signature du contrat', on relève les SSR polyvalents, en gériatrie et en cancérologie. L'avenant tarifaire à effet du 1er mars 2012 prévoit un prix de journée de 218,81 euros en SSR gériatrie, ce qui, il faut en convenir, laisse peu de disponibilités de transport qui devrait être pris en charge en plus des dépenses habituelles. Il en est de même pour les SSR polyvalents (157,04 euros). Pour la cancérologie, le montant du prix de journée est plus élevé (312,92 euros) il est vrai que les exceptions admises par la cpam concernent, justement, plus particulièrement ces malades. L'avenant tarifaire à effet du 1er mars 2013 ne modifiera pas sensiblement des ordres de grandeur. Le contrat et ses annexes sont muets en ce qui concerne les transports, notamment les transports non liés aux SSR. La cour ne peut que constater que la caisse ne justifie en aucune mesure que les transports hors cadre auraient été prix en compte à un quelconque moment, que ce soit au moment de l'évaluation par la fédération hospitalière ou l'ARS du prix de journée, au moment de la négociation du contrat ou ultérieurement. Par ailleurs, la caisse ne conteste pas que sa réclamation résulte d'un changement d'interprétation des conventions, sans qu'elle ne fournisse aucune explication sur ce revirement. Pourtant, rien ne justifie que le principe du ‘prescripteur-payeur' soit remis en cause soudainement. Si les CPOM prévoient expressément trois exceptions seulement, à savoir les transports liés aux soins de chimiothérapie, de radiothérapie ou de dialyse, il demeure que, comme la caisse l'a souligné elle-même dans ses écritures, chaque poste de dépense a été étudié par la fédération hospitalière avant que ne soit déterminé le prix de journée. Or, précisément, les transports en cause ici ne peuvent constituer un tel ‘poste de dépense' puisque, par définition, ils ne peuvent être ni anticipés ni connus par la clinique. En effet, il est constant que ces transports sont déterminés par la demande d'un médecin qui n'est pas le salarié de la clinique et à la demande duquel celle-ci ne saurait s'opposer (sauf motif impératif de santé, naturellement). En d'autres termes, imposer aux établissements privés de santé sous CPOM de payer pour de tels transports reviendrait à leur demander d'anticiper sur l'imprévisible. La caisse ne fournit au demeurant aucun élément d'aucune sorte qui permettrait de considérer que de tels transports ont été pris en compte lors des discussions ayant conduit au prix de journée. Enfin, la position de la caisse est incohérente puisque, si les transports devaient être pris en charge par la clinique, celle-ci devrait également prendre les soins justifiant ce transport. Or, précisément, la caisse ne demande pas que ces frais soient imputés à la clinique. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que la caisse a prétendu au remboursement par la clinique, en fait par la clinique d'une somme d'un montant de 98 033,49 euros » ;

1) ALORS QUE la fixation, dans le cadre d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (cpom), d'un prix de journée forfaitaire tout compris constitue un mode de facturation et de remboursement dérogatoire qui interdit à l'établissement de soins de réclamer, en sus du prix de journée convenu, le remboursement de frais de transports secondaires ne correspondant pas aux hypothèses de sortie de forfait expressément envisagées par le contrat et ses avenants tarifaires ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la clinique avait conclu un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens stipulant un prix de journée tout compris et n'envisageant expressément une sortie de forfait que pour les seuls frais de transport liés aux soins de chimiothérapie, radiothérapie et dialyse ; qu'en considérant cependant que la clinique était en droit d'obtenir, en sus du prix de journée, le remboursement de frais de transport n'étant pas afférents à ces soins spécifiques, au prétexte que le contrat et ses annexes sont muets s'agissant des transports non liés aux soins de suite et de rééducation et que la caisse ne prouve pas que ceux-ci ont été envisagés lors de la négociation, la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien et 1103 nouveau du code civil, L. 162-22-6, d, L. 322-5 et R. 322-10 du code de la sécurité sociale.

2) ALORS QUE l'erreur de droit ou la tolérance administrative ne sont pas créatrices de droits ; que la CPAM pouvait revenir sans s'en expliquer sur l'interprétation antérieure qu'elle faisait, à tort, de la convention litigieuse ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel a violé les articles 1134 ancien et 1103 nouveau du code civil, L. 162-22-6, d, L. 322-5 et R. 322-10 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-11950
Date de la décision : 11/07/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 09 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 11 jui. 2019, pourvoi n°18-11950


Composition du Tribunal
Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.11950
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