LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 4 décembre 2017), que Mme O... et M. et Mme I... (les consorts I...), respectivement usufruitière et nu-propriétaires indivis d'un lot constitué d'un garage dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, ont assigné le syndicat des copropriétaires de cet immeuble (le syndicat) en annulation de la résolution n° 6 prise le 5 décembre 2014 par l'assemblée générale des copropriétaires, en restitution de la jouissance paisible de leur lot par la réalisation des travaux nécessaires et en indemnisation de leur préjudice ;
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa sixième branche :
Vu l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu que le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes ;
Attendu que, pour rejeter les demandes des consorts I... en restitution de la jouissance paisible de leur lot et en indemnisation de leur préjudice, l'arrêt retient que l'ouvrage comprenant le box leur appartenant menace ruine et que cet état de fait existe depuis 1990, que la majorité des copropriétaires s'est prononcée contre l'engagement de travaux de rénovation, que l'ouvrage est dans un tel état qu'il présente des risques importants pour la sécurité et que des mesures conservatoires de fermeture ont dû être prises dans l'attente d'une décision sur l'engagement des travaux ou la démolition ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la décision des copropriétaires de ne pas effectuer les travaux de rénovation des garages ne privait pas les consorts I... du droit de demander réparation des dommages qu'ils estimaient causés par les manquements du syndicat aux obligations légales lui incombant en application du texte susvisé, la cour d'appel l'a violé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de Mme O..., M. et Mme I... tendant à la condamnation du syndicat des copropriétaires de la résidence Croix-Blanche à leur restituer la jouissance paisible de leur lot par la réalisation des travaux nécessaires, sauf à ce que soit constaté l'accord unanime des copropriétaires du bâtiment F pour qu'il soit procédé à sa destruction, et à leur payer une indemnité mensuelle de 50,00 € d'avril 2013 jusqu'au jour où cette jouissance leur sera restituée, l'arrêt rendu entre les parties, le 4 décembre 2017, par la cour d'appel de Riom , remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de la résidence Croix-Blanche aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Croix-Blanche et le condamne à payer à Mme O... et à M. et Mme I... une somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour les consorts I....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts I... de leurs demandes dirigées contre le syndicat des copropriétaires de la Résidence Croix Blanche ;
AUX MOTIFS QUE, sur la demande d'annulation de la résolution n° 6 de l'assemblée générale du 5 décembre 2014, il sera rappelé que lors de l'assemblée générale de la copropriété du 21 février 2013, a été soumise au vote des copropriétaires, une résolution dite « question 5 », qui a été adoptée à la majorité des copropriétaires présents et a été ainsi retranscrite au procès-verbal d'assemblée : « Après discussion et échange de vues, les copropriétaires : -décident de retenir le principe d'effectuer les travaux de rénovation des parkings et garages – bâtiment F, - donnent mission à Mme X..., architecte DPLG, d'obtenir un second devis, M. V... contacté par téléphone ne pouvant assurer le maintien du prix de son devis au-delà de la fin mars. En effet, le syndicat des copropriétaires souhaitait le maintien du devis sur un délai de quatre mois pour prévoir le financement (prêt ou autres) » ; que le 5 décembre 2014 a été réunie à l'initiative du syndic, une assemblée générale dite « supplémentaire » par laquelle a été soumise au vote, sous l'intitulé « question n° 6 », une résolution tendant à « l'annulation de la résolution n° 5 votée lors de l'assemblée générale du 21 février 2013 » ; que cette résolution a été adoptée à la majorité des copropriétaires présents et représentés dans les termes suivants : « Après discussion et échanges de vues, les copropriétaires : -décident d'annuler la résolution n° 5 votée lors de l'assemblée générale du 21 mars 2013 ainsi libellée (
) » ; que les consorts I... poursuivent l'annulation de cette résolution n° 6 soutenant que, faute de contestation par l'un quelconque des copropriétaires, la résolution n° 5 était devenue définitive et ne pouvait être annulée par une résolution postérieure dès lors qu'elle avait retenu à une large majorité le principe de réaliser les travaux de rénovation des boxes et garages et avait créé un droit acquis des copropriétaires de ces boxes et garages, (dont les consorts I...) à en obtenir la rénovation ; qu'il sera rappelé que, selon les dispositions de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, seules les décisions de l'assemblée générale peuvent faire l'objet de contestations ; qu'un acte préparatoire est dépourvu de ce caractère et ne saurait faire l'objet d'une contestation en justice ; que la résolution n° 5 adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires du 21 décembre 2013 constituait un simple accord de principe qui ne valait pas décision et ne conférait aucun droit acquis en ce que le coût des travaux à effectuer n'était pas encore définitivement connu ; que les copropriétaires avaient dans un premier temps voté le principe des travaux, et non ses modalités, et avaient conservé le pouvoir de rejeter, par un vote ultérieur, les travaux envisagés tant que les devis n'avaient pas été acceptés ; que dans ces conditions, si les copropriétaires ont, dans un premier temps, voté le principe des travaux et non ses modalités, ils ont conservé le pouvoir de rejeter, par un vote ultérieur, les travaux envisagés tant que les devis n'avaient pas été acceptés ; que la résolution n° 5 du 21 février 2013, qui ne constitue qu'un acte préparatoire préalablement à la prise d'une décision, ne vaut pas décision et ne confère aucun droit acquis aux copropriétaires ; qu'il sera relevé, d'ailleurs, que lors de l'assemblée générale du 5 décembre 2014, a été posée préalablement à la question n° 6, objet de la résolution n° 6, une question n° 5 intitulée « décision à prendre concernant la rénovation des parkings et garages avec les points suivants : choix de l'architecte ou du maître d'oeuvre suivi de 2 propositions (Cabinet X... ou Sarl Modebat), coût de rénovation pour un garage : de l'ordre de 7.780 € sauf mémoire, coût de rénovation pour un box : de l'ordre de 5.450 € sauf mémoire » ; que cette résolution a été rejetée à la majorité des copropriétaires présents ou représentés (v. arrêt, p. 6 et 7) ;
1°) ALORS QU'un syndicat de copropriétaires ne peut annuler ou rétracter une précédente décision si cette rétractation ou annulation porte atteinte aux droits acquis par un ou plusieurs copropriétaires ; qu'en considérant, pour rejeter la demande d'annulation de la résolution n° 6 de l'assemblée générale du 5 décembre 2014 par laquelle la majorité des copropriétaires présents et représentés, « après discussion et échange de vues », avait décidé « d'annuler la résolution n° 5 votée lors de l'assemblée générale du 21 mars 2013 », que si les copropriétaires avaient, dans un premier temps, voté le principe des travaux des boxes et garages et non ses modalités, ils avaient conservé le pouvoir de rejeter, par un vote ultérieur, les travaux envisagés tant que les devis n'avaient pas été acceptés et que la résolution n° 5 du 21 février 2013, ne constituant qu'un acte préparatoire préalablement à la prise d'une décision, ne valait pas décision et ne conférait aucun droit acquis aux copropriétaires, dont les consorts I..., outre que, lors de l'assemblée générale du 5 décembre 2014, avait été posée préalablement à la question n° 6, objet de la résolution n° 6, une question n° 5 intitulée « décision à prendre concernant la rénovation des parkings et garages avec les points suivants : choix de l'architecte ou du maître d'oeuvre suivi de 2 propositions (Cabinet X... ou Sarl Modebat), coût de rénovation pour un garage : de l'ordre de 7.780 € sauf mémoire, coût de rénovation pour un box : de l'ordre de 5.450 € sauf mémoire » et que cette résolution avait été rejetée à la majorité des copropriétaires présents ou représentés, quand la résolution n° 5 de l'assemblée du 21 février 2013, en ce qu'elle avait retenu à un large majorité le principe de réaliser les travaux de rénovation des boxes et garages, était une décision qui avait créé des droits acquis pour les copropriétaires, dont les consorts I..., sur le principe de travaux de rénovation, droits qui avaient été méconnus par la résolution n° 6, laquelle devait être annulée, la cour d'appel a violé l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;
2°) ALORS QU'un syndicat de copropriétaires ne peut annuler ou rétracter une précédente décision si cette rétractation ou annulation porte atteinte aux droits acquis par un ou plusieurs copropriétaires ; qu'au demeurant, en se déterminant de la sorte sans rechercher s'il n'était pas contradictoire que le syndicat des copropriétaires ait cru devoir, le 5 décembre 2014, soumettre à l'assemblée générale, sous l'intitulé « question n° 6 », l'annulation de la résolution n° 5 du 21 février 2013 si elle n'était qu'un acte préparatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;
3°) ALORS QU'un syndicat de copropriétaires ne peut annuler ou rétracter une précédente décision si cette rétractation ou annulation porte atteinte aux droits acquis par un ou plusieurs copropriétaires ; qu'en ne recherchant plus si la résolution n° 5 votée le 21 février 2013 ne faisait pas suite à la présentation de devis détaillés tant en ce qui concernait les travaux que le coût de la maîtrise d'oeuvre et l'assurance de dommage-ouvrage, ce dont il résultait encore qu'elle était une décision qui avait créé des droits acquis au titre de la rénovation des boxes et garages, droits qui avaient été méconnus par la résolution n° 6, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;
4°) ALORS QU'un syndicat de copropriétaires ne peut annuler ou rétracter une précédente décision si cette rétractation ou annulation porte atteinte aux droits acquis par un ou plusieurs copropriétaires ; qu'au demeurant encore, en ne recherchant pas si la convocation en vue du vote de la résolution n° 5 n'était pas libellée comme invitant les copropriétaires à se prononcer sur « la décision à prendre concernant la rénovation des parkings et garages », de sorte que les copropriétaires n'avaient pas été invités à se prononcer sur le seul « principe » d'une décision, ce dont il résultait de plus fort que la résolution n° 5 du 21 février 2013 était une décision qui avait créé des droits acquis au profit des copropriétaires, dont les consorts I..., pour la rénovation des boxes et garages, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;
5°) ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que, dans leurs conclusions d'appel, les consorts I... faisaient aussi valoir que, sauf unanimité, non réunie lors de l'assemblée générale du 5 décembre 2014 et de l'adoption de la résolution n° 6, il n'était pas possible aux copropriétaires de voter la destruction ou démolition d'un élément de l'immeuble ayant pour effet d'entraîner la perte pour un copropriétaire de son lot privatif ; qu'en ne répondant par aucun motif à ce moyen opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
et AUX MOTIFS QUE, sur les autres demandes des consorts I..., les consorts I... demandent, au visa de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, à la cour de condamner le syndicat des copropriétaires de la Résidence Croix Blanche, sous astreinte de 500 € par jour de retard passé un délai de trois mois suivant la décision à intervenir, à leur restituer la jouissance paisible de leur lot n° 432 par la réalisation des travaux nécessaires, et ce sauf à justifier d'un accord unanime des copropriétaires du bâtiment F pour qu'il soit procédé à la destruction de celui-ci et de condamner le syndicat des copropriétaires à leur payer une indemnité mensuelle de 50 € depuis le mois d'avril 2013 jusqu'au jour où leur sera restituée la libre jouissance de leur box constitutif du lot n° 432 ; que selon l'article 14 de la loi du 10 juillet 2015, « le syndicat a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes. Il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toute action récursoire » ; que le rétablissement de la jouissance de leur box sollicité par les consorts suppose la réalisation préalable de travaux d'un coût très élevé ; que l'ouvrage comprenant les boxes et garages dont celui des consorts I... menace ruine et cet état de fait existe depuis 1990 au vu d'un procès-verbal d'assemblée générale du 16 juin 1990 rapportant l'avis d'un ingénieur spécialisé béton selon lequel il existait un risque d'effondrement dans le temps de cette dalle garage qui n'est pas étanche ; qu'en février 2006, le bureau d'études Euclid a établi un diagnostic sur l'état de la structure de l'ouvrage F d'où il ressort que la dalle haute présentait déjà des déformations importantes et que l'exploitation des relevés effectués concluait à « l'état de ruine des dalles » ; que le bureau d'études préconisait alors la démolition intégrale de l'ouvrage ou un réaménagement du rez-de-chaussée, mais avec de toute façon condamnation définitive du parking à l'étage et démolition des boxes ; que le 20 octobre 2008, M. D..., architecte, reprenait son avis du 8 avril 2015 selon lequel « la structure même du bâtiment présente des malfaçons et des dégradations telles que ce bâtiment ne doit plus être utilisé. En effet, des ouvrages de structure principale sont à même de se briser entraînant la ruine partielle de l'édifice » ; qu'il ajoutait que, depuis, les ouvrages n'ont pu que se dégrader sans s'améliorer, et les risques augmenter ; qu'enfin, le 16 mars 210, le bureau d'études concluait qu'« a minima il semble évident que l'étage doit être condamné pour la sécurité des personnes » ; qu'il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats que le coût estimatif des travaux de rénovation des parkings et garages est de l'ordre de 406.000 € et que lors de cette assemblée générale du 5 décembre 2014, la majorité des copropriétaires s'est prononcée contre l'engagement des travaux de rénovation à une très large majorité ; que l'ouvrage est dans un état tel qu'il présente des risques importants pour la sécurité de sorte que des mesures conservatoires ont dû être prises ; que lors de l'assemblée générale du 21 février 2013, il a été indiqué, en note d'information n° 9, que dans l'hypothèse où les travaux de réfection ne seraient pas votés, ce qui était le cas puisque seul le principe était acquis et après l'avis de Mme X..., il serait procédé à la fermeture définitive de l'ensemble du bâtiment F et des mesures de fermeture ont été prises, à titre conservatoire, dans l'attente d'une décision sur l'engagement de travaux d'aménagement ou de démolition ; que dans ces conditions, au regard des diverses assemblées générales qui ont abordé la question des travaux de rénovation des boxes et garages sans voter la réalisation de travaux de rénovation trop onéreux ou leur démolition, compte tenu de la dangerosité de l'ouvrage où est situé le box des consorts I..., la demande de ces derniers, aux fins d'être rétablis dans leur jouissance ne peut qu'être rejetée ainsi que leur demande indemnitaire (v. arrêt, p. 7 à 9) ;
6°) ALORS QUE si le syndicat a pour objet la conservation de l'immeuble et l'administration des parties communes et est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, il se doit d'assurer à chaque copropriétaire la jouissance paisible de son lot ; qu'en déboutant les consorts I... de leurs autres demandes en se fondant sur les diverses assemblées générales qui avaient abordé la question des travaux de rénovation des boxes et garages sans voter la réalisation de travaux de rénovation trop onéreux ou leur démolition, compte tenu de la dangerosité de l'ouvrage où était situé le box des intéressés, sans rechercher si le syndicat des copropriétaires n'était pas tenu d'assurer à chaque copropriétaire la jouissance paisible de son lot et, partant, celle des consorts I... de leur lot n° 432, sauf à justifier que, conformément au règlement de copropriété, l'ensemble des copropriétaires avait donné une approbation unanime à la démolition des garages, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 14 et 26 de la loi du 10 juillet 1965.