LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société égyptienne Damietta International Port Company SAE (Dipco), titulaire d'une concession pour la construction et l'exploitation d'un mur de quai entièrement équipé dans le nouveau terminal à conteneurs du port de Damiette (Egypte) a confié les travaux à Archirodon-Arab Contractors Joint Venture (la joint venture), désignée comme l'« Entrepreneur », constituée à cet effet par les sociétés Archirodon Construction (Overseas) CO SA et The Arab Contractors I... et Co ; que des différends étant survenus entre les parties, ces dernières ont, en application de la clause compromissoire stipulée au contrat, engagé le 21 avril 2010 une procédure d'arbitrage, au nom de la joint venture ; que le tribunal arbitral a rendu à Paris, le 5 juillet 2011, une sentence partielle sur la compétence puis, le 18 juillet 2013, une sentence finale condamnant Dipco, d'une part, à payer à la joint venture la somme cumulée de 138 314 701,15 US dollars au titre des travaux exécutés, lui ordonnant, d'autre part, de permettre à la joint venture de retirer le matériel restant sur le site, et la condamnant, enfin, à prendre partiellement en charge les frais d'arbitrage de la joint venture à hauteur de 1 110 000 US dollars ; que Dipco a formé un recours en annulation contre les deux sentences ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :
Attendu que la joint venture, la société Archirodon Construction (Overseas) CO SA et la société The Arab Contractors I... et Co, soulèvent l'irrecevabilité du pourvoi au motif que, dans sa déclaration de pourvoi du 26 juin 2017, Dipco a déclaré être domiciliée à une adresse, qui indiquée comme étant celle de son siège social, n'était plus la sienne dès lors que l'huissier de justice chargé de l'exécution de l'arrêt attaqué, s'est heurté à une impossibilité de notifier l'acte, l'entité requise en Egypte ayant fait connaître que cette société avait « quitté son siège depuis longtemps », ce qui lui cause grief ;
Mais attendu que s'il résulte de l'article 975 du code de procédure civile que la déclaration de pourvoi comporte, à peine de nullité, l'indication du domicile du demandeur à la cassation, aucun texte ne lui impose de faire connaître son changement de domicile ultérieur ; que l'acte de tentative de signification de l'arrêt, dressé le 3 juillet 2017, n'établit pas que, le 26 juin 2017, l'adresse mentionnée par Dipco, dans sa déclaration de pourvoi, n'était plus la sienne ; que le pourvoi est recevable ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Dipco fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en annulation, alors, selon le moyen :
1°/ que le recours en annulation est ouvert si le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ; qu'en écartant le moyen d'annulation tiré de l'incompétence du tribunal arbitral résultant de ce que la joint venture, dépourvue de personnalité morale, ne pouvait se prévaloir de la convention d'arbitrage, après avoir pourtant constaté, d'une part, que ce sont « les sociétés Archirodon Construction (Overseas) CO SA et The Arab Contractors » qui « ont contracté avec Dipco » et, d'autre part, que c'est Archirodon-Arab Contractors Joint Venture qui a engagé la procédure d'arbitrage le 13 avril 2010 et que le tribunal arbitral a condamné la société Damietta à lui payer « la somme cumulée de 138 314 701,15 USD au titre des travaux exécutés, lui a ordonné de permettre à la joint venture de retirer le matériel restant sur le site, et l'a condamnée à prendre partiellement en charge les frais d'arbitrage de la joint venture à hauteur de 1 110 000 USD », ce dont il résultait que l'arbitrage avait été engagé par la joint venture et la sentence prononcée au profit de celle-ci, qui n'était pourtant pas partie à la convention d'arbitrage, la cour d'appel a violé l'article 1520, 1°, du code de procédure civile ;
2°/ qu'en se prononçant au motif inopérant que ce sont les sociétés Archirodon Construction (Overseas) CO SA et The Arab Contractors I... et Co, dotées de la personnalité morale, qui ont contracté avec Dipco, après avoir relevé, d'une part, que l'arbitrage a été engagé par la joint venture et, d'autre part, que la sentence arbitrale a été rendue à son profit, sans constater que la joint venture pouvait valablement se prévaloir de la convention d'arbitrage, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520, 1°, du code de procédure civile ;
3°/ que seule la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir ; qu'en écartant le moyen d'annulation de la sentence tirée de l'incompétence du tribunal arbitral dès lors que la clause compromissoire sur le fondement de laquelle le tribunal arbitral a été saisi était inapplicable à un entrepreneur égyptien, motifs pris que le moyen n'a été soulevé devant le tribunal arbitral « que par un mémoire déposé le 15 mars 2012 », alors que Dipco « connaissait cette circonstance dès la signature de l'acte de mission et (
) s'est abstenue de l'invoquer préalablement à la sentence sur la compétence », de sorte qu'elle ne « s'est pas conformée à l'obligation de relever les irrégularités en temps utile en s'en prévalant un an plus tard lors des débats sur le fond », le moyen ayant pourtant été soulevé plus d'an avant que la sentence dessaisissant les arbitres ne soit rendue, et presque un an avant la clôture de la procédure, soit dans un délai permettant au tribunal arbitral de statuer utilement sur cette question, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1466 et 1506, 3°, du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que l'arrêt constate que le contrat conclu entre Dipco et la joint venture a été signé par les représentants des sociétés Archirodon Construction (Overseas) CO SA, et The Arab Contractors I... et Co, lesquelles ont porté à la connaissance du maître de l'ouvrage, par la dénomination de « joint venture », le fait qu'elles avaient conclu entre elles un accord fixant les conditions de leur coopération ; que, de ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que ces deux sociétés, dotées de la personnalité morale, étaient les cocontractantes de Dipco et que la convention d'arbitrage ayant été valablement conclue, le tribunal arbitral était compétent pour connaître de la demande ;
Attendu, ensuite, que la capacité pour agir dans l'instance arbitrale est une question de recevabilité de l'action devant le tribunal arbitral et non de compétence de celui-ci ; que, dès lors, la cour d'appel a exactement retenu que la contestation par Dipco de la capacité de la « joint venture » à déposer une demande d'arbitrage ne constituait pas un des cas d'ouverture du recours en annulation de la sentence, limitativement énumérés à l'article 1520 du code de procédure civile ;
Attendu, enfin, que l'arrêt constate qu'aux termes de l'article 20.6, a) du contrat, les parties étaient convenues de recourir à un arbitrage international institutionnel pour les contrats avec des entrepreneurs étrangers ; qu'il relève que si la demande d'arbitrage a été adressée le 13 avril 2010, l'acte de mission signé le 9 mars 2011, et une sentence partielle sur la compétence rendue le 5 juillet 2011, Dipco n'a contesté la compétence du tribunal arbitral que par un mémoire déposé le 15 mars 2012, en faisant valoir que, toutes les parties étant égyptiennes, les différends devaient, en vertu de l'article 20.6, d) du contrat, être soumis à un arbitrage conduit conformément au droit égyptien et non à un arbitrage international ; que, de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a déduit, à bon droit, que Dipco, qui connaissait cette circonstance dès la signature de l'acte de mission et s'était abstenue de l'invoquer préalablement à la sentence sur la compétence, n'était pas recevable, faute d'avoir soulevé cette irrégularité en temps utile, à s'en prévaloir lors des débats sur le fond un an plus tard ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Damietta International Port Company SAE aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Archirodon-Arab Contractors Joint Venture et aux sociétés Archirodon Construction (Overseas) CO SA et The Arab Contractors I... et Co, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf et signé par lui et par Mme Randouin, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Damietta International Port Company SAE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation des sentences rendues à Paris les 5 juillet 2011 et 18 juillet 2013 et en conséquence, dit que ce rejet confère l'exéquatur aux sentences attaquées ;
AUX MOTIFS QUE par contrat du 17 juin 2007, la société égyptienne Damietta International Port Company SAE (DIPCO), titulaire d'une concession pour la construction et l'exploitation d'un mur de quai entièrement équipé dans le nouveau terminal à conteneurs du port de Damiette (Egypte) a confié les travaux à Archirodon-Arab Contractors Joint-Venture (AAC ; que des différends étant survenus entre les parties, AAC a engagé le 13 avril 2010 une procédure d'arbitrage auprès de la Chambre de commerce internationale ; que le tribunal arbitral composé de MM. S... et Q..., arbitres, et de M. Salès, président, a rendu à Paris le 5 juillet 2011 une sentence partielle par laquelle il s'est déclaré compétent ratione temporis en écartant le moyen tiré de l'inobservation du mécanisme obligatoire de règlement amiable des différends, préalable à l'arbitrage ; que par une sentence finale rendue à Paris le 18 juillet 2013, le tribunal arbitral a condamné DIPCO à payer à AAC la somme cumulée de 138.314.701, 15 USD au titre des travaux exécutés, lui a ordonné de permettre à la joint-venture de retirer le matériel restant sur le site, et l'a condamnée à prendre partiellement en charge les frais d'arbitrage de la joint-venture à hauteur de 1.110.000 USD ;
ET AUX MOTIFS QUE sur le premier moyen d'annulation tiré de l'incompétence du tribunal arbitral (article 1520, 1° du code de procédure civile) ; que DIPCO soutient que le tribunal arbitral a retenu à tort sa compétence, d'une part, parce que la joint-venture étant dépourvue de personnalité morale n'a pu valablement conclure la convention d'arbitrage dont elle s'est prévalue, d'autre part, parce qu'elle n'avait pas la capacité d'ester en justice, enfin, parce que la clause compromissoire sur le fondement de laquelle le tribunal arbitral a été saisi était applicable à un entrepreneur étranger mais non à un entrepreneur égyptien ; qu'en premier lieu, le contrat conclu le 17 juin 2007 entre DIPCO et la joint-venture Archirodon Arab Contractors a été signé par MM. K... O..., "Chairman et Managing Director, Damietta International Port Company", Peter J. M..., "President/Director, Damietta International Port Company", V... F... "Regional Manager (North Africa), Project Sponsor, Archirodon Construction (Overseas) Co S.A", L... H..., "Corporate Geotechnical Manager, Archirodon Construction (Overseas) Co SA", A... D... "Chairman et Chief Executive Officer, Arab Contractors", et Z... G... "Manager Tenders Department, Arab Contractors"; qu'il apparaît, par conséquent, que si les sociétés Archirodon Construction (Overseas) CO S.A. et The Arab Contractors ont porté à la connaissance du maître de l'ouvrage, par la dénomination de "joint-venture", le fait qu'elles avaient conclu entre elles un accord fixant les conditions de leur coopération, ce sont bien ces deux sociétés, incontestablement dotées de la personnalité morale, qui ont contracté avec DIPCO ; que la première branche du moyen manque donc en fait ; qu'en deuxième lieu, la capacité pour agir de la joint- venture dans l'instance arbitrale est une question de recevabilité de l'action devant le tribunal arbitral et non de compétence de celui-ci; qu'une contestation portant sur ce point n'est pas au nombre des cas d'ouverture du recours en annulation de la sentence, limitativement énumérés par l'article 1520 du code de procédure civile ; que le moyen, par conséquent, est irrecevable en sa deuxième branche ; qu'en troisième lieu, aux termes de l'article 1466 du code de procédure civile, applicable en matière internationale par renvoi de l'article 1506 : "La partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir"; que le contrat du17 juin 2007 stipule en son article 20.6: "Sauf indication contraire dans les Conditions Particulières, tout différend non réglé à l'amiable et à l'égard duquel la décision du Bureau de Conciliation (le cas échéant) n'est pas définitive et contraignante sera tranché définitivement par voie d'arbitrage. Sauf convention contraire des deux parties : (a) Pour les contrats avec des entrepreneurs étrangers, un arbitrage international dont la procédure sera administrée par l'institution désignée dans les Données contractuelles, conduite conformément au règlement d'arbitrage de la dite institution, le cas échéant, ou conformément au règlement d'arbitrage de la CNUDCI, au gré de l'institution désignée. (b)le siège de l'arbitrage sera la ville où est situé le siège social de l'institution désignée. (c) l'arbitrage se déroulera dans la langue de communication définie au par. 1.4, et (d) Pour les contrats avec les entrepreneurs nationaux, un arbitrage dont la procédure sera conduite conformément au droit du pays du maître de l'ouvrage"; que les "Données contractuelles" visées au a) prévoient un arbitrage à Paris, conformément au règlement de la C.C.I., avec application du droit de la République d'Egypte ; que le 13 avril 2010, une demande d'arbitrage a été adressée au Secrétariat de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale par "Archirodon-Arab Contractors Joint Venture, société régie par le droit égyptien"; que suivant l'acte de mission signé le 9 mars 2011 par les parties et par le tribunal arbitral, les contestations élevées par DIPCO portaient sur la réalité des inexécutions contractuelles que lui imputaient la partie adverse, sur la nature et le montant des dommages-intérêts réclamés par AAC, ainsi que sur l'inobservation du préalable de conciliation; que par une sentence partielle rendue le 5 juillet 2011 sur ce dernier point, le tribunal arbitral a rejeté le moyen tiré du caractère prématuré de la demande et s'est déclaré compétent; que ce n'est que par un mémoire déposé le 15 mars 2012 auprès du tribunal arbitral, que DIPCO a contesté la compétence de celui-ci, en faisant valoir que toutes les parties étant égyptiennes, les différends devaient, en vertu de l'article 20.6 (d) du contrat, être soumis à un arbitrage conduit conformément au droit égyptien, et non à un arbitrage international administré par la Cour de la C.C.I ; que DIPCO, qui connaissait cette circonstance dès la signature de l'acte de mission et qui s'est abstenue de l'invoquer préalablement à la sentence sur la compétence, ne s'est pas conformée à l'obligation de relever les irrégularités en temps utile, en s'en prévalant un an plus tard lors des débats sur le fond ; Qu'ainsi, le moyen qui manque en fait en sa première branche est irrecevable en ses deux autres branches ;
1°) ALORS QUE le recours en annulation est ouvert si le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ; qu'en écartant le moyen d'annulation tiré de l'incompétence du tribunal arbitral résultant de ce que la joint-venture, dépourvue de personnalité morale, ne pouvait se prévaloir de la convention d'arbitrage, après avoir pourtant constaté, d'une part, que ce sont « les sociétés Archirodon Construction (Overseas) Co SA et The Arab Contractors » qui « ont contracté avec Dipco » (arrêt attaqué, p. 3 in fine) et, d'autre part, que c'est Archirodon-Arab Contractors Joint Venture (AAC) qui a engagé la procédure d'arbitrage le 13 avril 2010 (arrêt attaqué, p. 2 in fine) et que le tribunal arbitral a condamné la société Damietta à lui payer « la somme cumulée de 138.314.701,15 USD au titre des travaux exécutés, lui a ordonné de permettre à la joint-venture de retirer le matériel restant sur le site, et l'a condamnée à prendre partiellement en charge les frais d'arbitrage de la joint-venture à hauteur de 1.110.000 USD » (arrêt attaqué, p. 3 in limine), ce dont il résultait que l'arbitrage avait été engagé par la joint-venture et la sentence prononcée au profit de celle-ci, qui n'était pourtant pas partie à la convention d'arbitrage, la cour d'appel a violé l'article 1520.1° du code de procédure civile ;
2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en se prononçant au motif inopérant que ce sont les sociétés Archirodon Construction (Overseas) Co SA et The Arab Contractors, dotées de la personnalité morale, qui ont contracté avec la société Damietta (arrêt attaqué, p. 3 in fine), après avoir relevé, d'une part, que l'arbitrage a été engagé par Archirodon-Arab Contractors Joint Venture (arrêt p. 2 in fine) et, d'autre part, que la sentence arbitrale a été rendue à son profit (arrêt attaqué, p. 3 § 1), sans constater que la joint-venture pouvait valablement se prévaloir de la convention d'arbitrage, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.1° du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE seule la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir ; qu'en écartant le moyen d'annulation de la sentence tirée de l'incompétence du tribunal arbitral dès lors que la clause compromissoire sur le fondement de laquelle le tribunal arbitral a été saisi était inapplicable à un entrepreneur égyptien, motifs pris que le moyen n'a été soulevé devant le tribunal arbitral « que par un mémoire déposé le 15 mars 2012 », alors que la société Damietta « connaissait cette circonstance dès la signature de l'acte de mission et (
) s'est abstenue de l'invoquer préalablement à la sentence sur la compétence », de sorte qu'elle ne « s'est pas conformée à l'obligation de relever les irrégularités en temps utile en s'en prévalant un an plus tard lors des débats sur le fond », le moyen ayant pourtant été soulevé plus d'an avant que la sentence dessaisissant les arbitres ne soit rendue, et presque un an avant la clôture de la procédure, soit dans un délai permettant au tribunal arbitral de statuer utilement sur cette question, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1466 et 1506.3° du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours en annulation des sentences rendues à Paris les 5 juillet 2011 et 18 juillet 2013 et en conséquence, dit que ce rejet confère l'exéquatur aux sentences attaquées ;
AUX MOTIFS QUE Sur le deuxième moyen d'annulation tiré de la méconnaissance par les arbitres de leur mission (article 1520, 3° du code de procédure civile) : DIPCO soutient que les arbitres ont méconnu leur mission, d'une part, en refusant d'appliquer le droit égyptien, loi du contrat, en l'occurrence en écartant l'article 11 -2 du code civil égyptien sur la question de la détermination du statut juridique d'une société étrangère, d'autre part, en ne faisant pas tous leurs efforts pour rendre une sentence efficace, ainsi que le prévoit le règlement d'arbitrage de la C.C.I ; qu'en premier lieu, ainsi qu'il a été dit, c'est de manière tardive que DIPCO a fait valoir devant le tribunal arbitral que toutes les parties étant égyptiennes, le différend, conformément à la clause compromissoire, ne relevait pas d'un arbitrage administré par la C.C.I.; que, dès lors, la motivation par laquelle les arbitres, non sans avoir relevé cette tardiveté au regard des prévisions de l'article 33 du règlement d'arbitrage de la C.C.I, ont énoncé que la société Archirodon Construction (Overseas), étant immatriculée au Panama, n'était pas égyptienne peu important la situation de son siège en Egypte, est surabondante, de sorte que la critique qui lui est adressée ne saurait, en toute hypothèse, emporter annulation de la sentence finale ; qu'en second lieu, cette sentence ayant bénéficié de l'exequatur en Egypte par une décision du 10 septembre 2014 confirmée par un arrêt de la cour d'appel du Caire du 3 février 2016, DIPCO ne démontre pas en quoi les arbitres n'auraient pas rendu une sentence juridiquement efficace ; que le moyen en ses deux branches ne peut qu'être écarté ; Sur le troisième moyen d'annulation tiré de la violation de l'ordre public international (article 1520, 5° du code de procédure civile) : DIPCO allègue que la sentence heurte la conception française de l'ordre public international en ce qu'elle méconnaît le principe selon lequel seules des personnes juridiques peuvent être titulaires de droits et d'obligations ; que la désignation de la joint-venture AAC en qualité de partie à la sentence ne modifie en rien la nature des rapports juridiques nés du contrat, suivant lequel ce sont les sociétés Archirodon et Arab Contractors qui se sont engagées solidairement à l'égard de DIPCO en tant qu'associées d'une société en participation ostensible; que la reconnaissance ou l'exécution d'une telle sentence ne heurte de manière manifeste, effective et concrète aucun principe d'ordre public international ; que le moyen doit être écarté; qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours en annulation des deux sentences doit être rejeté; que ce rejet, en application de l'article 1527 du code de procédure civile, leur confère l'exequatur ;
1°) ALORS QUE la sentence peut être annulée lorsque le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée, notamment lorsqu'il n'a pas appliqué la loi choisie par les parties ; qu'en écartant le moyen d'annulation tiré de ce que le tribunal arbitral avait refusé d'appliquer le droit égyptien, loi du contrat, sur la question de la détermination du statut juridique d'une société étrangère, motifs pris que la société Damietta ayant tardivement fait valoir devant le tribunal arbitral que toutes les parties étant égyptiennes, le différend ne relevait pas d'un arbitrage administré par la CCI, de sorte que la motivation par laquelle les arbitres, non sans avoir relevé cette tardiveté au regard des prévisions de l'article 33 du règlement d'arbitrage de la CCI, ont énoncé que la société Archirodon Construction (Overseas) étant immatriculée au Panama, elle n'était pas égyptienne, est surabondante, et que la critique ne saurait emporter annulation de la sentence finale, sans relever que cette constatation ne servait pas à fonder en tout ou partie la décision du tribunal arbitral, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.3° du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE s'agissant de la violation de l'ordre public international, c'est la reconnaissance et l'exécution de la sentence qui sont examinées par le juge de l'annulation au regard de la compatibilité de la solution rendue par cette sentence avec cet ordre public ; qu'en se prononçant au motif inopérant que la désignation de la joint-venture en qualité de partie à la sentence ne modifiait pas la nature des rapports juridiques nés du contrat suivant lequel se sont les sociétés Archirodon et Arab Contractors qui se sont engagées solidairement à l'égard de la société Damietta en tant qu'associées d'une société en participation ostensible, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la solution concrète consacrée par la sentence, condamnant la société Damietta à verser à Archirodon - Arab Contractors Joint Venture une somme de 138.314.701,15 USD, lui ordonnant de permettre de retirer le matériel restant sur le site et la condamnant à prendre partiellement en charge les frais d'arbitrage de la joint-venture, ne heurtait pas, de manière manifeste, effective et concrète les exigences de l'ordre public international français, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1520.5° du code de procédure civile.