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11/07/2019 | FRANCE | N°17-19392

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 juillet 2019, 17-19392


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 5 avril 2017), que, par lettre du 11 août 2010, un notaire a notifié à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural de la Corse (la Safer) une déclaration d'intention d'aliéner un terrain appartenant à la société civile immobilière Les Myrtes (la SCI) ; que, par lettre du 31 août 2010, la Safer a sollicité la communication d'un document d'arpentage ; que, par lettre du 22 novembre 2010, elle a notifié au notaire sa décision de préemption ;

que, par lettres des 10 et 21 décembre 2010, la gérante de la SCI et le no...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 5 avril 2017), que, par lettre du 11 août 2010, un notaire a notifié à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural de la Corse (la Safer) une déclaration d'intention d'aliéner un terrain appartenant à la société civile immobilière Les Myrtes (la SCI) ; que, par lettre du 31 août 2010, la Safer a sollicité la communication d'un document d'arpentage ; que, par lettre du 22 novembre 2010, elle a notifié au notaire sa décision de préemption ; que, par lettres des 10 et 21 décembre 2010, la gérante de la SCI et le notaire ont informé la Safer de la renonciation au projet de cession ; que, par acte du 9 janvier 2013, la Safer a assigné la SCI en déclaration de vente parfaite ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que la Safer fait grief à l'arrêt de dire recevable la contestation de la préemption ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la SCI ne contestait pas la validité de la décision de préemption par voie d'action mais par voie d'exception, en défense à une action en vente forcée, contrat qui n'avait reçu aucune exécution, la cour d'appel en a exactement déduit que le délai de six mois pour agir ne s'appliquait pas à ce moyen et que la fin de non-recevoir devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que la Safer fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la déclaration d'intention d'aliéner comportait l'ensemble des mentions prévues par l'article R. 143-4 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable au litige
et que la localisation et la surface du terrain constructible à détacher d'une parcelle identifiée y étaient indiquées avec une précision permettant à la Safer d'apprécier la consistance du bien vendu, sans que celle-ci n'établisse la nécessité d'un document d'arpentage supplémentaire, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite de motifs surabondants tenant au caractère non préemptable du bien cédé, que le délai de deux mois pour préempter avait commencé à courir le 13 août 2010, date de la réception par la Safer d'une déclaration complète et régulière, de sorte que la préemption, exercée le 22 novembre suivant, était nulle pour cause de forclusion ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Safer de la Corse aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Safer de la Corse et la condamne à payer à la SCI Les Myrtes la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la Safer de la Corse

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la Safer de la Corse ;

AUX MOTIFS QUE sur le caractère définitif de la décision de préemption ; il résulte des dispositions de l'article L. 143-13 du code rural et de la pêche maritime qu'à moins que ne soit mis en cause le respect des objectifs définis à l'article L. 143-2, sont irrecevables les actions en justice contestant les décisions de préemption prises par les Safer intentées au-delà d'un délai de six mois à compter du jour où ces décisions motivées ont été rendues publiques ; cependant, la SCI les Myrtes ne conteste pas la validité de la décision de préemption par voie d'action mais par voie d'exception, en défense à une action en vente forcée ; le délai de six mois pour agir ne lui est donc pas opposable ;

ALORS QUE l'exception tirée de l'illégalité d'une décision de préemption de la Safer n'est plus recevable après l'expiration du délai de prescription de six mois pour agir en nullité de celle-ci ; qu'en décidant que la SCI les Myrtes ne contestant pas la validité de la décision de préemption par voie d'action mais par voie d'exception, en défense à une action en vente forcée, le délai de six mois pour agir ne lui était pas opposable, la cour d'appel a violé l'article L. 143-13 du code rural et de la pêche maritime.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural (Safer) de la Corse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la validité de la préemption ; en application des dispositions des articles L 143-8 et L 412-8 du code rural, la Safer doit exercer son droit de préemption dans un délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner qui lui est adressée par la Safer, et ce à peine de forclusion, son silence équivalent à une renonciation au droit de préemption ; le notaire chargé de la vente doit, en application de l'article R 143-4 du même code faire connaître, dans la déclaration d'intention d'aliéner, la consistance du bien, sa localisation, le cas échéant la mention de sa classification dans un document d'urbanisme, s'il en existe, le prix et les conditions demandées ainsi que les modalités de l'aliénation projetée ; en outre, le notaire fait connaître les nom, domicile et profession de la personne qui se propose d'acquérir le bien ; la déclaration d'intention d'aliéner qui a été adressée par Me V... Notaire à Marseille à la Safer, et qui a été réceptionnée par celle-ci le 13 août 2010 mentionnait : - qu'il s'agissait d'un « terrain à bâtir d'environ 1.500 m² situé à [...] [...] à détacher de la parcelle figurant au cadastre sous les références suivantes : section [...] pour 43 a, 20 ca » ; - qu'il devait être acquis par G... L... , et Virginie K..., dont les dates de naissance, profession, domiciles étaient précisés ; - que le prix était de 45 000 euros, payable comptant à la signature ; - que le transfert de propriété n'aurait lieu qu'au jour de la rédaction par acte authentique ; la surface de la parcelle à détacher était indiquée, permettant de connaître la consistance du bien à vendre ; la déclaration d'intention d'aliéner remplissait les conditions exigées par les dispositions susvisées, qui ne prévoyaient pas la production document d'arpentage exigé par la Safer dans son courrier en réponse du 31 août 2010 ; la Safer ne démontre pas qu'un document d'arpentage lui était nécessaire pour appréhender la consistance du bien à vendre dès lors qu'elle savait qu'il s'agissait d'une surface de 1 500 m² à détacher d'une parcelle plus grande, le terme « environ » étant dans ce cadre ajouté par précaution, le détachement n'étant pas encore opéré, et pouvant par nature être accompagné de modifications minimes de surface, les parties étant d'accord sur une surface globale et sur un prix ; la déclaration d'intention d'aliéner étant complète et régulière, le délai de deux mois pour préempter à commencer à courir à compter du 13 août 2010, date de sa réception par la Safer ; celle-ci ne pouvait donc plus valablement exercer son droit de préemption le 22 novembre 2010 ; surabondamment, lors de la notification de la DIA, la parcelle était classée comme constructible au PLU de Porto-Vecchio, celui-ci n'ayant été annulé que postérieurement par les juridictions administratives, à savoir le jugement du tribunal administratif de Bastia du 20 mai 2011, et l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 30 juillet 2013 ; la Safer ne démontre pas qu'au jour de la vente, la parcelle était affectée à l'exercice d'une activité agricole, ou à vocation agricole, c'est-à-dire en application des articles L 143-1 et R 143-2 du code rural et de la pêche maritime, susceptible de faire l'objet d'une opération d'aménagement foncier et comprise dans un espace naturel et rural ; en effet, la parcelle étant classée en zone urbaine « UH3 » au PLU, elle était insusceptible de faire l'objet d'une telle opération ; le fait que la parcelle est issue d'un ensemble immobilier plus vaste acquis par la SCI les Myrtes en 2008, qui était bordée par une propriété dédiée à l'élevage ne suffit pas à caractériser la vocation agricole au sens de ces dispositions ; la parcelle n'était donc pas préemptable ; il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le Safer de toutes ses demandes, et l'a condamnée à supporte les dépens de première instance, et à payer à la SCI les Myrtes la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur les caractéristiques du bien préempté ; qu'aux termes de l'article L 143-1 Al 1 du code rural et de la pêche maritime applicable à la date de la préemption : « Il est institué au profit des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à utilisation agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains à vocation agricole, quelles que soient leurs dimensions, sous réserve des dispositions prévues au premier alinéa de l'article L. 143-7. Lorsque l'aliénation à titre onéreux porte de façon conjointe sur des terrains à vocation agricole et des droits à paiement unique créés en application du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, ce droit de préemption peut s'exercer globalement sur l'ensemble ainsi constitué aux seules fins d'une rétrocession conjointe des terrains et des droits ainsi acquis, selon des modalités fixées par décret » ; que sont considérés, aux termes de l'article R. 143-2 du même code, comme fonds agricoles ou terrains à vocation agricole, pour l'application de l'article L. 143-1 : « 1 °Les immeubles non bâtis susceptibles de faire l'objet d'une opération d'aménagement foncier prévue par l'article L. 121-1 ou compris dans un espace naturel et rural, à l'exception : a) de ceux qui, avant la date prévue pour leur aliénation, sont le support d'un équipement permanent en usage ou d'une activité, sans rapport avec une destination agricole ou forestière ; b) de ceux qui constituent, dans la limite de la superficie prévue au deuxième alinéa de l'article R. 143-1, les dépendances immédiates de bâtiments d'habitation ne faisant pas partie d'une exploitation agricole ou forestière » ; que la demanderesse soutient que le terrain objet du présent litige doit être considéré comme un terrain à vocation agricole en ce que la parcelle n'est pas viabilisée, qu'elle se situe dans une zone d'exploitation agricole de type bovin et qu'elle est une parcelle de repli en période estivale ; mais attendu qu'il résulte des termes du formulaire de déclaration d'aliéner transmis à la Safer que la parcelle notifiée est un « terrain à bâtir d'environ 1.500 m² situé
à détacher de la parcelle figurant au cadastre sous les références
» ; la déclaration préalable transmise par les acquéreurs le 20 août 2010 à la mairie de Porto Vecchio et le 24 août 2010 à la D.D.T.M mentionne comme destination de la parcelle dont s'agit la construction d'habitations individuelles ; qu'au jour de la vente, la qualité du terrain objet du présent litige n'était pas contestée, l'annulation du Plan Local d'Urbanisme de la commune n'étant intervenu que postérieurement ; qu'aux termes de l'article R. 143-3 du code rural : « Lorsqu'il s'agit de terrains destinés à la construction de maisons individuelles, l'exception [exemption du droit de préemption] n'est applicable que dans la mesure où le terrain vendu à une superficie inférieure à 2 500 mètres carrés par maison, ou à la superficie minimale exigée par la réglementation, si elle est supérieure
» ; que le droit de préemption de la Safer n'est pas applicable aux terrains destinés à la construction de maisons individuelles d'une superficie inférieure à 2.500 m² par maison ; que la partie constructible de la présente parcelle vendue destinée à la construction d'une maison individuelle d'habitation est d'une superficie d'environ 1.500 m² telle que déclarée ; que dès lors l'exemption du droit de préemption telle que précitée doit recevoir application ; pour le motif précité accueillant la contestation de la défenderesse, il n'y a pas lieu d'examiner son moyen portant sur le caractère boisé de la parcelle ;

1) ALORS QU'une information loyale de la Safer exige que le notaire mentionne, dans la notification valant offre de vente qu'il lui adresse, les éléments la mettant en mesure d'exercer utilement son droit de préemption, dont le délai d'exercice ne court que du jour d'une notification complète et exacte ; qu'en particulier, le notaire instrumentaire doit faire connaître à la Safer la superficie et la localisation du bien en cause ; qu'en l'espèce, la Safer de Corse faisait valoir que « la mention, par le notaire, de la vente de 1.500 m² environ à détacher d'une parcelle de 4.320 m² constitue une information insuffisante pour tout acheteur potentiel qui est en droit de situer le bien vendu en consultant le document d'arpentage établi en cas de détachement cadastral » de sorte que le délai d'exercice de son droit de préemption ne pouvait courir qu'à compter de l'envoi par le notaire du document d'arpentage, précisant la situation du bien ; qu'en se bornant à retenir, pour dire que la déclaration d'intention d'aliéner était complète et régulière, que la surface de la parcelle à détacher était indiquée et que la Safer ne démontrait pas qu'un document d'arpentage lui était nécessaire pour appréhender la consistance du bien à vendre, dès lors qu'elle savait qu'il s'agissait d'une surface de 1.500 m² à détacher d'une parcelle plus grande, la cour d'appel a violé les articles L. 143-1 et R. 143-4 du code rural et de la pêche maritime ;

2) ALORS QUE la décision administrative annulant un plan local d'urbanisme a un effet rétroactif qui s'impose au juge judiciaire se prononçant sur le caractère préemptable d'une parcelle ; qu'en retenant, pour dire que la Safer de la Corse ne rapportait pas la preuve du caractère préemptable de la parcelle litigieuse, que lors de la notification de la déclaration d'intention d'aliéner, cette parcelle étant classée en zone urbaine « UH3 », donc constructible, au plan local d'urbanisme, elle était insusceptible de faire l'objet d'une opération d'aménagement foncier, après avoir pourtant constaté que ce plan local d'urbanisme de Porto-Vecchio avait été annulé par un jugement du tribunal administratif de Bastia du 20 mai 2011 et un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 30 juillet 2013, la cour d'appel a violé les articles L. 143-1 et R. 143-2 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et le principe de l'autorité de chose jugée en matière administrative ;

3) ALORS, en toute hypothèse, QUE ne peuvent bénéficier de l'exemption au droit de préemption de la Safer les terrains destinés à la construction si l'acquéreur n'a pas pris l'engagement, au moyen d'un document joint à la déclaration d'intention d'aliéner, de donner cette destination au bien vendu dans un délai de cinq ans à compter de cette déclaration ; qu'en retenant, pour dire que la Safer de la Corse ne rapportait pas la preuve du caractère préemptable de la parcelle litigieuse, que lors de la notification de la déclaration d'intention d'aliéner, cette parcelle était classée comme constructible au plan local d'urbanisme de Porto-Vecchio, sans constater que la SCI les Myrtes avait joint à la déclaration d'intention d'aliéner un document attestant de l'engagement de l'acquéreur, M. L... , de construire, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 143-1, L. 143-4 et R. 143-3 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-19392
Date de la décision : 11/07/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 05 avril 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 11 jui. 2019, pourvoi n°17-19392


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.19392
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