LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 2143-10, L. 2411-1 et L. 2411-3 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 2 juillet 2014, n° 12-29.529), que le contrat de travail de M. C..., salarié de la société Tangara depuis 1997 et y exerçant un mandat de délégué syndical, a été transféré en novembre 2002 à la société Extan, ultérieurement absorbée par la société MDSA, dans le cadre d'un plan de cession ; qu'il a été licencié pour motif économique le 23 mai 2003 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'annulation de son licenciement en invoquant l'absence d'autorisation administrative préalable ; qu'il a, en cours de procédure, à la suite de l'arrêt de cassation du 2 juillet 2014, formulé une demande de réintégration dans l'entreprise le 25 septembre 2014 ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de réintégration et de la demande d'indemnisation y afférente, la cour d'appel énonce que la demande de réintégration formulée par le salarié est tardive faute d'avoir été présentée avant l'expiration de la période de protection et qu'il y a donc lieu de rejeter sa demande de réintégration et sa demande consécutive de rappel de salaire notamment pour la période du 23 mai 2003 au 31 octobre 2017 ;
Attendu cependant, d'abord, qu'aucun délai n'est imparti au salarié protégé pour demander sa réintégration lorsque la rupture de son contrat de travail a été prononcée en violation du statut protecteur, et que ce n'est qu'au cas où l'entreprise a disparu, ou en cas d' impossibilité absolue de réintégration, que l'employeur est libéré de son obligation ;
Attendu ensuite, que lorsque le salarié demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à sa réintégration ; que cette indemnité lui est également due lorsque la demande de réintégration est formulée après l'expiration de la période de protection en cours pour des raisons qui ne sont pas imputables au salarié ; que, toutefois, dans cette dernière hypothèse, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n'a droit, au titre de la violation du statut protecteur, qu'à la rémunération qu'il aurait perçue du jour de la demande de réintégration à celui de sa réintégration effective ;
Qu'il s'ensuit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du premier moyen entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs du dispositif visés par le second moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement notifié le 21 février 2003 au salarié, l'arrêt rendu le 30 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société MDSA masculin direct aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MDSA masculin direct à payer à M. C... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour M. C....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir prononcé la nullité du licenciement notifié le 21 février 2003 par la société Extan à M. C..., titulaire d'un mandat de délégué syndical, d'avoir débouté le salarié de sa demande de réintégration sous astreinte ainsi que de sa demande tendant au versement d'un rappel de salaires à compter du 24 mai 2003 et jusqu'à sa réintégration effective ;
AUX MOTIFS QUE Sur les conséquences du licenciement ; qu'après le prononcé de l'arrêt de cassation, M. C... a sollicité pour la première fois sa réintégration au sein de l'entreprise par un courrier du 25 septembre 2014 auquel la société MDSA venant aux droits de la société Extan a répondu par la négative le 17 octobre 2014 ; que comme l'oppose à juste titre la société intimée, la demande de réintégration formulée par le salarié est tardive faute d'avoir été présentée avant l'expiration de la période de protection ; que d'une part, en effet, des élections professionnelles ont été organisées en 2005 et en 2009, qui ont donné lieu à l'établissement de procès-verbal de carence faute de candidats ; que d'autre part, M. C... reconnait qu'en toute hypothèse, il ne pouvait revendiquer le bénéfice du statut protecteur après le mois de juin 2014 compte tenu des résultats des élections professionnelles proclamés en juin 2013 ; qu'or, il ne justifie pas avoir présenté sa demande de réintégration avant le 25 septembre 2014 ; qu'il y a donc lieu de rejeter sa demande de réintégration et sa demande consécutive de rappel de salaire notamment pour la période du 23 mai 2003 au 31 octobre 2017 ;
1°) ALORS QUE le licenciement d'un salarié investi d'un mandat représentatif prononcé en violation du statut protecteur est atteint de nullité et ouvre droit, pour ce salarié, à sa réintégration, s'il l'a demandée ; que ce n'est qu'au cas où l'entreprise a disparu, ou celui où il existe une impossibilité absolue de réintégration, que l'employeur est libéré de son obligation ; de sorte qu'en déboutant le salarié de sa demande de réintégration, sans constater la disparition de l'entreprise ou une impossibilité matérielle de réintégration, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 2143-10, L. 2411-1 et L. 2411-3 du code du travail, alors applicable ;
2°) ALORS QU'en retenant, pour débouter le salarié protégé de sa demande de réintégration, et celle consécutive de rappel de salaire, que celle-ci a été présentée tardivement le 25 septembre 2014, sans répondre aux conclusions du salarié faisant valoir (p.13) que la demande de réintégration avait été présentée en 2011, dans le cadre de la procédure d'appel ayant abouti à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 octobre 2012, soit pendant la période de protection, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en se bornant à relever que des élections professionnelles avaient été organisées en 2005 et en 2009, qui avaient donné lieu à l'établissement de procès-verbal de carence, pour constater que le mandat de délégué syndical de M. C... avait pris fin, sans constater qu'à l'issue de ces élections n'ayant pas abouti à une nouvelle désignation d'un délégué syndical, l'employeur avait saisi le juge d'une demande tendant à voir constater l'expiration du mandat, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 2143-8 et R. 2324-24 du code du travail alors applicable ;
4°) ALORS QU'aucun délai n'est imparti au salarié protégé pour demander sa réintégration lorsque la rupture de son contrat de travail a été prononcée en violation du statut protecteur ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de réintégration et de sa demande consécutive de rappel de salaire, aux motifs qu'il avait présenté sa demande de réintégration tardivement, après l'expiration de la période de protection, la cour d'appel a violé les articles L. 2143-10, L. 2411-1 et L. 2411-3 du code du travail, alors applicable ;
5°) ALORS QUE le caractère tardif de la demande de réintégration ne peut avoir pour effet de restreindre le droit à indemnisation du salarié protégé licencié en violation du statut protecteur que s'il dégénère en abus ; qu'en déboutant le salarié de sa demande de réintégration et de sa demande consécutive de rappel de salaire, aux motifs qu'il avait présenté sa demande de réintégration tardivement, après l'expiration de la période de protection, sans caractériser les circonstances particulières conférant à ses demandes un caractère abusif, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir prononcé la nullité du licenciement notifié le 21 février 2003 par la société Extan à M. C..., titulaire d'un mandat de délégué syndical, d'avoir condamné la société MDSA, venant aux droits de la société Extan, à payer à M. C... les sommes suivantes, nettes de tous prélèvements sociaux : 37 200 € au titre de la violation du statut protecteur et 31 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE Sur les conséquences du licenciement (
) M. C... peut seulement prétendre : - au titre de la méconnaissance de son statut protecteur, à une indemnité d'un montant limité à douze mois s'agissant d'un délégué syndical, par application des dispositions de l'article L. 2411-3 du code du travail, - au titre de la perte de l'emploi, aux indemnités de rupture et à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, quels que soient l'ancienneté du salarié et l'effectif de l'entreprise ; qu'en l'espèce, faute pour M. C... de justifier d'un préjudice particulier, il conviendra de condamner la société MDSA venant aux droits de la société Extan à lui payer une indemnité de 37 200 € au titre de la violation de son statut protecteur, sur la base d'un salaire mensuel brut moyen de 3 100 € en 2003 ; que s'agissant du préjudice résultant de la perte illicite de l'emploi, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de M. C..., de son ancienneté dans l'entreprise, du fait qu'il a été en capacité de retrouver en juin 2006 un emploi certes moins bien rémunéré, tel que cela résulte des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, la société MDSA venant aux droits de la société Extan sera condamnée à verser au salarié la somme de 31 000 € à titre de dommages et intérêts ;
ALORS QUE la cassation du chef de l'arrêt relatif à la demande de réintégration du salarié entraînera par voie de conséquence l'annulation de la disposition statuant sur le préjudice subi par le salarié dont le licenciement est nul, à défaut de réintégration, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;