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10/07/2019 | FRANCE | N°18-10815

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juillet 2019, 18-10815


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 décembre 2017), statuant en référé, que la société Engie EetP international, devenue la société Neptune Energy International (la société), a élaboré en 2016 un plan de restructuration et de réorganisation de ses activités sous la dénomination de projet « Prospero »; qu'elle a consulté sur ce projet le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le comité d'entreprise de la société ; que ce dern

ier a émis un avis négatif le 10 novembre 2016 ; qu'en l'absence de consultation sur le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 décembre 2017), statuant en référé, que la société Engie EetP international, devenue la société Neptune Energy International (la société), a élaboré en 2016 un plan de restructuration et de réorganisation de ses activités sous la dénomination de projet « Prospero »; qu'elle a consulté sur ce projet le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le comité d'entreprise de la société ; que ce dernier a émis un avis négatif le 10 novembre 2016 ; qu'en l'absence de consultation sur le volet social mis en oeuvre par des décisions unilatérales de l'employeur en décembre 2016, le comité d'entreprise a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'une demande de condamnation sous astreinte de la société à engager le processus d'information et de consultation, et de suspension de la mise en oeuvre du volet social du projet dans cette attente ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes du comité d'entreprise et, en conséquence, de lui demander sous astreinte d'engager le processus d'information et de consultation du comité d'entreprise sur le volet social du projet « Prospero » en le convoquant à une première réunion d'information et de suspendre toute décision ou acte de mise en oeuvre du volet social de ce projet et de réorganisation complète des activités tant que le processus d'information et de consultation du comité d'entreprise n'aura pas été achevé avec avis préalable du CHSCT, alors, selon le moyen :

1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; que la cour d'appel, pour déclarer recevables les demandes du comité d'entreprise de la société EPI SA et ordonner sous astreinte à la société EPI SA d'engager le processus d'information et de consultation du comité d'entreprise de la société EPI SA sur le volet social du projet « Prospero » en le convoquant à une première réunion d'information et de suspendre toute décision ou acte de mise en oeuvre de ce volet du projet jusqu'à l'achèvement du processus d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel, a affirmé qu'« il est constant que la procédure d'information et de consultation sur le projet « Prospero » du comité d'entreprise de la société EPI SA initiée le 6 juillet 2016 s'est clôturée le 10 novembre 2016 par un avis négatif du CE et que la direction avait indiqué que le volet social n'était pas soumis à consultation en raison de la négociation d'un accord collectif portant sur ces mesures d'accompagnement social » ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, bien que la société EPI SA ait fait valoir dans ses conclusions que « le CE de la société EPI SA a été informé et consulté sur l'ensemble du projet « Prospero », y compris évidemment sur son aspect social » et qu'elle a décrit avec précision ce processus de consultation et d'information sur le volet social du projet, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que pour déclarer recevables les demandes du comité d'entreprise de la société EPI SA visant à ordonner un processus d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel sur le volet social du projet « Prospero » et à suspendre tout acte de mise en oeuvre de ce volet, la cour d'appel a, à la fois, retenu dans ses motifs que le volet social du projet « Prospero » n'avait pas été soumis à consultation en raison de la négociation en cours d'un accord collectif portant sur les mesures d'accompagnement social et que lors de la procédure d'information et de consultation initiée le 6 juillet 2016, le comité d'entreprise de la société EPI SA a été convoqué à une réunion le 10 novembre 2016 ayant pour objet la consultation et le recueil de son avis qui a été négatif sur le projet « Prospero » sur la base d'un document comprenant, d'une part, l'impact du projet de réorganisation sur l'organisation France et d'autre part, le processus de pourvoi des postes et les mesures d'accompagnement social, lesquelles constituaient un « socle minimal » susceptible d'être amélioré en fonction de la négociation en cours de l'accord collectif relatif aux mesures d'accompagnement social ; que la cour d'appel s'est ainsi contredite en affirmant tout à la fois que le volet social du projet « Prospero » a été soumis à la consultation des élus et n'a pas été soumis à leur consultation et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'aux termes des articles L. 2323-3, R. 2323-1 et R. 2323-1-1 du code du travail tels qu'issus de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi et de son décret d'application dans leur rédaction en vigueur, à défaut d'accord entre l'employeur et les membres du comité d'entreprise sur les délais de consultation, le comité d'entreprise doit rendre son avis sur les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise ainsi que sa politique sociale dans le délai d'un mois ou de trois mois si plusieurs CHSCT concernés par le projet sont saisis, à compter de la communication par l'employeur des informations précises et écrites relatives au projet en cause; que selon l'article L. 2323-4 du code du travail dans sa rédaction en vigueur, seul le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, saisi dans le délai de consultation laissé aux membres du comité d'entreprise pour rendre leur avis sur ces projets, peut décider de proroger ce délai lorsqu'il constate des difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis ; qu'à défaut de respecter ces délais impératifs et cette procédure particulière, les institutions représentatives du personnel ne sont pas recevables à agir en justice pour contester le processus d'information et de consultation mené sur le projet en cause ; que la cour d'appel a relevé que la procédure d'information et de consultation sur le projet « Prospero » (volet social et volet économique) du comité d'entreprise de la société EPI SA a débuté le 6 juillet 2016 et s'est clôturée le 10 novembre 2016 par l'avis négatif du comité d'entreprise et du CHSCT ; que le comité d'entreprise de la société EPI SA a saisi, le 5 avril 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre de demandes tendant à voir ordonner à la société EPI SA d'engager le processus d'information et de consultation sur le volet social du projet « Prospero » et de suspendre toute mise en oeuvre de ce volet avant l'achèvement du processus d'information sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile qui donnent compétence au juge des référés en cas d'urgence, de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres constatations que le comité d'entreprise de la société EPI SA n'était pas recevable à agir faute d'avoir respecté les règles de contestation du processus d'information et de consultation des élus sur un projet important de l'entreprise ; qu'elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 2323-3, L. 2323-4, R. 2323-1 et R. 2323-1-1 du code du travail dans leur rédaction en vigueur ainsi que les articles 808 et 809 du code de procédure civile ;

4°/ que le fait pour l'employeur d'engager en complément du processus d'information et de consultation obligatoire des élus sur un projet économique et social important de l'entreprise, des négociations en vue d'un accord collectif sur un seul aspect de ce projet, ne dispense pas les institutions représentatives du personnel de respecter les modalités de contestation de la procédure d'information et de consultation mise en oeuvre par l'employeur ; qu'en jugeant recevables les demandes formulées par le comité d'entreprise de la société EPI SA tendant à voir ordonner à la société EPI SA d'engager le processus d'information et de consultation sur le volet social du projet « Prospero » et de suspendre toute mise en oeuvre de ce volet avant l'achèvement du processus d'information et de consultation aux motifs que la négociation en cours d'un projet d'accord collectif portant sur le volet social du projet « Prospero » ne permettait pas au comité d'entreprise de saisir le président du tribunal de grande instance en la forme des référés dans le délai de consultation, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-3, L. 2323-4, L. 2323-2, R. 2323-1 et R. 2323-1-1 du code du travail dans leur rédaction en vigueur ;

5°/ que seule la violation évidente de la règle de droit caractérise un trouble manifestement illicite; que ne constitue pas un trouble manifestement illicite le fait pour un employeur d'adopter quatre notes RH relatives au volet social du projet « Prospero » après le terme de la procédure de consultation et d'information des institutions représentatives du personnel sur ce volet et l'échec des négociations collectives engagées en parallèle par l'employeur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

6°/ que seules des modifications essentielles apportées par l'employeur au projet initial, défavorables aux salariés, peuvent entraîner la mise en oeuvre d'une nouvelle procédure d'information et de consultation des élus ; que la cour d'appel a relevé que par quatre notes RH prises après l'échec des négociations collectives sur les mesures d'accompagnement social du projet « Prospero », l'employeur a fixé une date d'ouverture du processus de « staffing », créé un espace d'information et de redéploiement des salariés exclusivement composé de membres de la direction et non plus de membres des organisations syndicales, instauré de nouvelles primes et de nouvelles mesures d'incitation au départ en retraite anticipé ; qu'il résulte nécessairement de ces énonciations, que comme l'a fait valoir la société EPI SA dans ses conclusions, en l'absence de modifications substantielles apportées au volet social du projet « Prospero » par les quatre notes RH, l'employeur n'avait pas à initier un nouveau processus d'information et de consultation des élus sur le volet social du projet, ce qui excluait tout trouble manifestement illicite ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a, à nouveau, violé l'article 809 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que l'absence de consultation du comité d'entreprise avant la mise en oeuvre d'un projet dans un cas où elle est légalement obligatoire constitue un trouble manifestement illicite ;

Attendu, ensuite, que le comité d'entreprise doit être à nouveau consulté lorsque le projet sur lequel il a été initialement consulté fait l'objet de modifications importantes ; qu'il en résulte que la cour d'appel, qui a constaté que la consultation du comité d'entreprise, entre juillet et novembre 2016, s'était faite sur la base d'un volet social qui était soumis parallèlement à une négociation collective et que les mesures d'accompagnement social finalement mises en oeuvre de façon unilatérale à la suite de l'échec de la négociation collective comportaient par rapport au projet ayant donné lieu à consultation des modifications substantielles de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail ou de formation professionnelle, a pu en déduire que le défaut de consultation sur le projet modifié constituait un trouble manifestement illicite qui justifiait qu'il soit ordonné à l'employeur de procéder à cette consultation et de suspendre la mise en oeuvre du volet social du projet dans cette attente ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en ses quatre premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Neptune Energy International aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Neptune Energy International à payer au comité d'entreprise de la société Engie EetP international somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Neptune Energy International

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR déclaré recevables les demandes du comité d'entreprise de la société EPI SA et, en conséquence, ordonné sous astreinte à la société EPI SA d'engager le processus d'information et de consultation du comité d'entreprise de la société EPI SA sur le volet social du projet « Prospero » en le convoquant à une première réunion d'information et de suspendre toute décision ou acte de mise en oeuvre du volet social de ce projet et de réorganisation complète des activités tant que le processus d'information et de consultation du comité d'entreprise n'aura pas été achevé avec avis préalable du CHSCT;

AUX MOTIFS QUE « la société intimée soutient que sont irrecevables les demandes formées par le CE devant la juridiction des référés tendant à l'organisation d'une procédure d'information et de consultation sur le projet Prospero et à la suspension de ce projet en ce que cette action n'aurait pu être fondée que dans le respect des dispositions des articles L. 2323-3 alinéas 3 et 4 et L. 2323-4 alinéas 2 et 3 du code du travail, mises en place par la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013, qui entendent, dans un souhait de sécurisation, encadrer les procédures d'information et de consultation des instances de représentation du personnel notamment en instaurant des délais préfix de consultation du comité d'entreprise, lequel n'est désormais autorisé, au cours du délai de consultation imparti par le texte nouveau, qu'à saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés. La cour relève que par assignation délivrée le 6 avril 2017 aux fins de référé à heure indiquée le CE de la SA Engie EetP International a saisi le juridiction des référés sur le fondement des articles 808 et 809 aux fins de faire cesser le trouble manifestement illicite que constituerait, selon le demandeur, l'absence d'une procédure d'information et de consultation du volet social du projet "Prospero" de réorganisation complète des activités de la société défenderesse et des mesures modifiées résultant des "Notes RH" 1 à 4 publiées par la direction les 28 novembre et 19 décembre 2016, soit après le refus opposé le 24 novembre suivant par les organisations syndicales représentatives au projet d'accord collectif proposé à leur signature et portant sur le volet social du projet "Prospero". Il est constant que la procédure d'information et consultation sur le projet "Prospero"du comité d'entreprise de la SA Engie EetP International initiée le 6 juillet 2016 s'est clôturée le 10 novembre 2016 par un avis négatif du CE et que la direction avait indiqué que le volet social n'était pas soumis à consultation en raison de la négociation en cours d'un accord collectif portant sur ces mesures d'accompagnement social. La cour relève que la négociation en cours d'un projet d'accord collectif portant sur le volet social du projet "Prospero" ne permettait pas au CE de saisir, au cours du délai de consultation, d'une demande de complément d'information et en la forme des référés, sur le fondement de l'article L. 2323-4 du code du travail, le président du tribunal de grande instance, ou d'une demande de prolongation du délai prévu par l'article L. 2323-3 pour qu'il rende son avis motivé dès lors qu'en application de l'article L. 2323-2 du code du travail, modifié par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, en sa version applicable à l'espèce, les projets d'accord collectif ne sont pas soumis à l'avis du comité d'entreprise. L'échec de la procédure de négociation étant intervenue après la clôture de la procédure d'information et consultation sur le projet "Prospero" sont en conséquence recevables devant la juridiction des référés les demandes du CE portant sur le volet social du projet "Prospero", objet du projet d'accord collectif en question. Enfin, est recevable devant la juridiction des référés la demande présentée par le CE aux fins d'obtenir, au regard du trouble manifestement illicite allégué, la mise en place d'une nouvelle procédure d'information et consultation et de consultation sur des "Notes RH" publiées postérieurement à l'échec de l'accord collectif et modifiant profondément, selon lui, les mesures d'accompagnement social initialement soumises à négociation. Au regard de ces constatations et énonciations, est inopérant le moyen tiré du détournement allégué par le CE de la procédure fixée par les dispositions des articles L. 2323-3 alinéas 3 et 4 et L. 2323-4 alinéas 2 et 3 du code du travail, étant relevé que la cour, retenant la recevabilité des demandes du CE, n'est pas tenue de répondre au moyen tiré de la non-conventionnalité desdites dispositions. Il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée en ce que le juge des référés, se fondant expressément et exclusivement sur les dispositions des articles L. 2323-4 et R. 2323-1 du même code du travail et sans examiner la recevabilité des demandes fondées sur les articles 808 et 809 du code de procédure civile, a dit "irrecevable l'action" du CE tout en procédant à l'examen du bien-fondé de la demande au regard de la teneur des volets du projet "Prospero" soumis à information/consultation et de l'absence de toute demande. Aux termes de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit. Il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle le premier juge a statué et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, qu'un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés; la constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets. En l'espèce, il résulte des éléments de fait et de preuve versés aux débats que :- lors de la procédure d'information et consultation initiée le 6 juillet 2016, le CE de la SA Engie EetP International, a été convoqué à une réunion le 10 novembre 2016, ayant pour objet la consultation du CE et le recueil de son avis sur le projet Prospero sur la base d'un document comprenant d'une part, l'impact du projet de réorganisation sur l'organisation France (présentation d'une vision globale des postes dans l'organisation cible) et d'autre part, le processus de pourvoi des postes et les mesures d'accompagnement social (pièce n° 8 de l'appelant), la direction informant les membres du CE que les mesures d'accompagnement social, en cours de négociation distincte avec les organisations syndicales et susceptibles de ce fait d'évoluer en fonction de la négociation de l'accord collectif, constituaient un "socle minimal" ; - un avis négatif a été donné au terme de cette réunion par le CE (pièce n° 9), tout comme l'avait fait le CHSCT le 3 novembre 2016 en renonçant toutefois à la prolongation de la procédure d'information-consultation engagée en raison de l'avancement du projet de transformation et notamment la date annoncée du "Day One" (pièce n° 7 de l'appelant) et comme le fera le comité européen d'entreprise le 16 novembre suivant (pièce n° 18) ; - lors de cette réunion extraordinaire du CE du 10 novembre 2016, la direction de la société a indiqué que le volet social du projet Prospero, figurant dans le document de travail soumis au CE, était présenté "en l'état" et était susceptible d'être modifié par l'accord collectif, qu'il était soumis à consultation du CE "ce qui constitue un cadre distinct de celui de la négociation" et que les question éventuelles portant sur ces mesures d'accompagnement social seraient portées par écrit afin qu'elles soient soumises aux négociateurs; qu'un membre du CE, Mme S..., a d'ailleurs demandé "à quoi sert un CE s'il n 'est pas possibles de discuter sur un document qui lui est soumis", un autre participant déplorant le manque de clarté de l'ordre du jour ; - à l'issue de cette réunion, le CA a indiqué, par une résolution adoptée par ses membres, que ce "projet d'accord ne [leur semble] pas à la hauteur des ambitions du projet de la direction (les mesures incitatives et les moyens pour les salariés en redéploiement [leur] semblent insuffisants)", qu'ils sont néanmoins conscients que ce projet d'accord peut encore être amélioré, que pour l'ensemble de ces raisons et en cohérence avec le CHSCT, ils émettent "un avis négatif sur le projet présenté en l'état " - le processus d'information et de consultation du CE a été clos à cette date, le 10 novembre 2016, comme l'a indiqué en fin de procès-verbal la représentante de la direction ;- le 18 novembre 2016, les élus CFE-CGC au CE ont publié un tract indiquant que la procédure de « consultation des instances représentatives du personnel est désormais finie » (pièce n° 19 de l'intimée) ;- par la suite, le 24 novembre 2016, le projet d'accord d'accompagnement social soumis à la signature des organisations syndicales n'a été signé que par la CFDT, ce qui était insuffisant à lui donner la valeur d'un accord collectif, échec non contesté par la société intimée. En application des dispositions de l'article L. 2323-2 du code du travail, modifié par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, en sa version applicable à l'espèce, les mesures d'accompagnement social en ce qu'elles faisaient l'objet du projet d'accord collectif en cours de négociation, n'avaient pas à être soumises à l'avis du comité d'entreprise. Dès lors, il n'est pas établi de trouble manifestement illicite du fait que le volet social du projet « Prospero » n'aurait pas été soumis à la procédure d'information et de consultation du CE de la SA Engie EetP International celle-ci n'étant pas tenue de recueillir l'avis du CE avant la clôture de la procédure de consultation intervenue le 10 avril 2016. En revanche, il n'est pas contesté par la société, aux termes mêmes de ses conclusions en appel, qu'elle a, à la suite de l'échec des négociations du projet d'accord collectif avec les partenaires sociaux constaté le 24 novembre 2016, adopté de façon unilatérale, par voie de "note interne" et non d'accord collectif, quatre décisions relatives aux mesures d'accompagnement social du projet "Prospero" soit : le 28 novembre 2016, une note "Politique RH - One Company RH 1" décrivant la procédure de pourvoi des postes dans la nouvelle organisation d'EPI SA (pièce du CE n°10-l) ; le 19 décembre 2016, une note "Politique RH - One Company RH 2" décrivant les mesures de redéploiement (pièce du CE n° 10-2) ; le 19 décembre 2016, une note "Politique RH - One Company RH 3" décrivant les mesures visant à faciliter la mobilité fonctionnelle ou géographique des salariés au sein de la nouvelle organisation ou le départ des salariés (pièce du CE n°10-3) ; le 19 décembre 2016, une note "Politique RH - One Company RH 4" décrivant les mesures visant à faciliter le départ à la retraite des salariés (pièce du CE n° 10-4). Les parties, en cause d'appel, divergent sur l'existence et l'importance des modifications apportées par ces quatre "Notes RH" aux mesures d'accompagnement social présentées au CE lors de la procédure d'information-consultation, close le 10 novembre 2016, la société affirmant qu'il s'agit là des mêmes mesures. Il résulte toutefois de la lecture des desdites notes dites "One Company RH" : que sont modifiés par la note "RH1" le calendrier du processus de « staffing » envisagé par le projet d'accord collectif, le « Day 1 » correspondant à l'ouverture du processus de « staffing », alors non déterminé, étant désormais fixé au jour même de la publication de la note, le 28 novembre 2016, le déroulement des phases successives et enfin qu'est supprimée toute possibilité de reconduite d'un poste situé dans le périmètre France - contrairement au projet d'accord qui prévoyait une catégorie de postes identifiés comme automatiquement « reconduits » -, tous les salariés étant désormais tenus de candidater de nouveau, y compris sur le poste qu'ils occupent ; que la note " RH 2" du 19 décembre 2016 modifie de façon substantielle la procédure de redéploiement des salariés qui n'auraient pas été réaffectés dans la nouvelle organisation, qui s'applique rétroactivement au 28 novembre 2017 et non plus après le 2 mai 2017, le "Go Live Day"date de mise en oeuvre de la nouvelle organisation, un nouveau dispositif intitulé « HackTonFutur » - accès à un service de préparation du curriculum vitae en vue d'une candidature - étant introduit par la direction et créé un "Espace d'information et Redéploiement" (EIR), chargé de mener l'ensemble de la procédure de redéploiement et composé exclusivement de membres de la direction des ressources humaines et de consultants extérieurs, en lieu et place du comité de suivi envisagé par le projet d'accord composé également de membres désignés par chaque syndicat représentatif ; qu'aux termes de la note RH 3 du 19 décembre 2016, le régime de certaines mesures d'accompagnement social - telle que la prime d'incitation à la mobilité fonctionnelle orientée (MFO) - est finalisé de façon unilatérale par la société, leur entrée en vigueur fixée à une date rétroactive et non plus après le "Go Live Day"; qu'enfin, la note RH 4 introduit de nouvelles et nombreuses prescriptions prévoyant notamment les mesures d'incitation au départ en retraite anticipée. Le comité d'entreprise, relevant l'ampleur des modifications ainsi intervenues et unilatéralement mises en oeuvre par la direction depuis le "Day 1", rétroactivement fixé au 28 novembre 2016, a demandé, par résolution du 15 mars 2017, à disposer d'un délai d'examen suffisant et de l'avis du CHSCT sur les risques psychosociaux engendrés par les impacts organisationnels de ces mesures (pièce n° 13 de l'appelant), demandes à laquelle la société a opposé un refus par courriel du 20 mars 2017 (pièce 14). Il résulte de ces constatations que le fait de la part de la société d'avoir apporté, sans consultation préalable du comité d'entreprise, au projet de volet social initialement soumis à négociation, des modifications substantielles de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail ou de formation professionnelle, par des mesures finalisées unilatéralement par la direction, avec une date rétroactive de mise en oeuvre, empêchant ainsi les représentants du personnel de formuler tout avis ou voeu utile, au sens des articles L. 2323-3, L. 2323-4 et L. 2323-6 du code du travail, caractérise, à la date à laquelle le premier juge a statué, un trouble manifestement illicite, au sens de l'article 809, alinéa 1, du code de procédure civile, justifiant la suspension du volet social du projet « Prospero » de réorganisation complète des activités de la SA Engie EetP International et ce jusqu'à ce qu'aient été menées à terme l'information et la consultation effectives du comité d'entreprise, après l'avis préalable du CHSCT. Sur l'opportunité de prononcer des mesures au regard de l'avancement du projet « Prospero », il n'est pas utilement contesté que la première phase de mise en oeuvre de cette réorganisation n'est pas entièrement achevée et notamment le recrutement dans les postes vacants, à la date laquelle la cour statue, et le processus de cession de la société lié à cette réorganisation non encore finalisé. Il est nécessaire, afin de prévenir toute résistance à leur bonne exécution, d'assortir ces mesures d'une astreinte provisoire, dans les termes fixés au dispositif de la présente décision. La cour n'entend pas se réserver le contentieux de l'astreinte ».

1. ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; que la cour d'appel, pour déclarer recevables les demandes du comité d'entreprise de la société EPI SA et ordonner sous astreinte à la société EPI SA d'engager le processus d'information et de consultation du comité d'entreprise de la société EPI SA sur le volet social du projet « Prospero » en le convoquant à une première réunion d'information et de suspendre toute décision ou acte de mise en oeuvre de ce volet du projet jusqu'à l'achèvement du processus d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel, a affirmé qu'« il est constant que la procédure d'information et de consultation sur le projet « Prospero » du comité d'entreprise de la société EPI SA initiée le 6 juillet 2016 s'est clôturée le 10 novembre 2016 par un avis négatif du CE et que la direction avait indiqué que le volet social n'était pas soumis à consultation en raison de la négociation d'un accord collectif portant sur ces mesures d'accompagnement social » (page 9 de l'arrêt) ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, bien que la société EPI SA ait fait valoir dans ses conclusions que « le CE de la société EPI SA a été informé et consulté sur l'ensemble du projet « Prospero », y compris évidemment sur son aspect social » (page 45 des conclusions) et qu'elle a décrit avec précision ce processus de consultation et d'information sur le volet social du projet (page 45 à 51 des conclusions), la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2. ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs; que pour déclarer recevables les demandes du comité d'entreprise de la société EPI SA visant à ordonner un processus d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel sur le volet social du projet « Prospero » et à suspendre tout acte de mise en oeuvre de ce volet, la cour d'appel a, à la fois, retenu dans ses motifs que le volet social du projet « Prospero » n'avait pas été soumis à consultation en raison de la négociation en cours d'un accord collectif portant sur les mesures d'accompagnement social (pages 9,10 et 15 de l'arrêt) et que lors de la procédure d'information et de consultation initiée le 6 juillet 2016, le comité d'entreprise de la société EPI SA a été convoqué à une réunion le 10 novembre 2016 ayant pour objet la consultation et le recueil de son avis qui a été négatif sur le projet « Prospero » sur la base d'un document comprenant, d'une part, l'impact du projet de réorganisation sur l'organisation France et d'autre part, le processus de pourvoi des postes et les mesures d'accompagnement social, lesquelles constituaient un « socle minimal » susceptible d'être amélioré en fonction de la négociation en cours de l'accord collectif relatif aux mesures d'accompagnement social (pages 9 et 12 de l'arrêt) ; que la cour d'appel s'est ainsi contredite en affirmant tout à la fois que le volet social du projet « Prospero » a été soumis à la consultation des élus et n'a pas été soumis à leur consultation et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3. ALORS QU' aux termes des articles L. 2323-3, R. 2323-1 et R. 2323-1-1 du code du travail tels qu'issus de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi et de son décret d'application dans leur rédaction en vigueur, à défaut d'accord entre l'employeur et les membres du comité d'entreprise sur les délais de consultation, le comité d'entreprise doit rendre son avis sur les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise ainsi que sa politique sociale dans le délai d'un mois ou de trois mois si plusieurs CHSCT concernés par le projet sont saisis, à compter de la communication par l'employeur des informations précises et écrites relatives au projet en cause; que selon l'article L. 2323-4 du code du travail dans sa rédaction en vigueur, seul le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, saisi dans le délai de consultation laissé aux membres du comité d'entreprise pour rendre leur avis sur ces projets, peut décider de proroger ce délai lorsqu'il constate des difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis ; qu'à défaut de respecter ces délais impératifs et cette procédure particulière, les institutions représentatives du personnel ne sont pas recevables à agir en justice pour contester le processus d'information et de consultation mené sur le projet en cause; que la cour d'appel a relevé que la procédure d'information et de consultation sur le projet « Prospero » (volet social et volet économique) du comité d'entreprise de la société EPI SA a débuté le 6 juillet 2016 et s'est clôturée le 10 novembre 2016 par l'avis négatif du comité d'entreprise et du CHSCT (page 9 et page 12 de l'arrêt) ; que le comité d'entreprise de la société EPI SA a saisi, le 5 avril 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre de demandes tendant à voir ordonner à la société EPI SA d'engager le processus d'information et de consultation sur le volet social du projet « Prospero » et de suspendre toute mise en oeuvre de ce volet avant l'achèvement du processus d'information sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile qui donnent compétence au juge des référés en cas d'urgence, de dommage imminent ou de trouble manifestement illicite ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres constatations que le comité d'entreprise de la société EPI SA n'était pas recevable à agir faute d'avoir respecté les règles de contestation du processus d'information et de consultation des élus sur un projet important de l'entreprise; qu'elle n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 2323-3, L. 2323-4, R. 2323-1 et R. 2323-1-1 du code du travail dans leur rédaction en vigueur ainsi que les articles 808 et 809 du code de procédure civile;

4. ALORS QUE le fait pour l'employeur d'engager en complément du processus d'information et de consultation obligatoire des élus sur un projet économique et social important de l'entreprise, des négociations en vue d'un accord collectif sur un seul aspect de ce projet, ne dispense pas les institutions représentatives du personnel de respecter les modalités de contestation de la procédure d'information et de consultation mise en oeuvre par l'employeur ; qu'en jugeant recevables les demandes formulées par le comité d'entreprise de la société EPI SA tendant à voir ordonner à la société EPI SA d'engager le processus d'information et de consultation sur le volet social du projet « Prospero » et de suspendre toute mise en oeuvre de ce volet avant l'achèvement du processus d'information et de consultation aux motifs que la négociation en cours d'un projet d'accord collectif portant sur le volet social du projet « Prospero » ne permettait pas au comité d'entreprise de saisir le président du tribunal de grande instance en la forme des référés dans le délai de consultation, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-3, L. 2323-4, L. 2323-2, R. 2323-1 et R. 2323-1-1 du code du travail dans leur rédaction en vigueur.

5. ALORS, en tout état de cause, QUE seule la violation évidente de la règle de droit caractérise un trouble manifestement illicite; que ne constitue pas un trouble manifestement illicite le fait pour un employeur d'adopter quatre notes RH relatives au volet social du projet « Prospero » après le terme de la procédure de consultation et d'information des institutions représentatives du personnel sur ce volet et l'échec des négociations collectives engagées en parallèle par l'employeur ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

6. ALORS, en toute hypothèse, QUE seules des modifications essentielles apportées par l'employeur au projet initial, défavorables aux salariés, peuvent entraîner la mise en oeuvre d'une nouvelle procédure d'information et de consultation des élus ; que la cour d'appel a relevé que par quatre notes RH prises après l'échec des négociations collectives sur les mesures d'accompagnement social du projet « Prospero », l'employeur a fixé une date d'ouverture du processus de « staffing », créé un espace d'information et de redéploiement des salariés exclusivement composé de membres de la direction et non plus de membres des organisations syndicales, instauré de nouvelles primes et de nouvelles mesures d'incitation au départ en retraite anticipé ; qu'il résulte nécessairement de ces énonciations, que comme l'a fait valoir la société EPI SA dans ses conclusions (pages 54 à 57), en l'absence de modifications substantielles apportées au volet social du projet « Prospero » par les quatre notes RH, l'employeur n'avait pas à initier un nouveau processus d'information et de consultation des élus sur le volet social du projet, ce qui excluait tout trouble manifestement illicite ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a, à nouveau, violé l'article 809 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-10815
Date de la décision : 10/07/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 21 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jui. 2019, pourvoi n°18-10815


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10815
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