LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° H 17-22.821 à Z 17-22.860, E 17-22.865 à A 17-22.884, E 17-22.888 à A 17-22.907, H 17-22.913 à C 17-22.932, F 17-22.935 à R 17-22.944, T 17-22.946, V 17-22.948 à Z 17-22.952, D 17-22.956 à Z 17-22.998 ;
Donne acte à la société KS... - EY... - OK... - Q... - ZE... (BTSG²), prise en la personne de M. Q... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. GH... AR..., du désistement de ses pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre la société IP..., l'Unédic délégation AGS CGEA Ile-de-France Ouest et chacun des salariés ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de la société BTSG² prise en la personne de M. Q... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. GH... AR... en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi :
Attendu, selon les arrêts attaqués rendus sur renvoi après cassation (Soc., 10 décembre 2015, n° 14-19.330), que la société IP... et les actionnaires de la société Etablissements J. GH... AR..., employant, au 5 mai 2010, un effectif de deux cent quatre-vingt-quatre salariés répartis sur quatre sites, dont le principal était situé à Alès, ont signé une convention d'achat d'actions en exécution de laquelle les ordres de mouvement de titres ont été réalisés le 24 novembre 2010 au bénéfice de la société IP..., devenant actionnaire unique ; que par jugement du 3 février 2011, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Etablissements J. GH... AR..., convertie en liquidation judiciaire par jugement du 5 mai 2011, qui a désigné la société BTSG² en la personne de M. Q..., mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur ; que ce dernier a élaboré un plan de sauvegarde de l'emploi et procédé en mai 2011 au licenciement pour motif économique de l'ensemble des salariés de la société Etablissements J. GH... AR... ; que ceux-ci ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de sommes au titre d'indemnité de licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, du manquement à l'obligation de formation, et pour certains, de la gratification due pour la médaille d'honneur, formulées à titre principal à l'encontre de la société IP..., en qualité de coemployeur ;
Attendu que la société BTSG² prise en la personne de M. Q... en qualité de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. GH... AR... fait grief aux arrêts de le condamner à rembourser les indemnités de chômage versées par Pôle emploi aux salariés à compter du jour des licenciements, et dans la limite de six mois, alors, selon le moyen, que le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage peut être ordonné lorsqu'il est constaté que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, mais non lorsque sa nullité est prononcée ; que la cour d'appel ayant retenu la nullité des licenciements des salariés pour insuffisance des moyens du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Etablissements J. GH... AR..., elle a néanmoins ordonné le remboursement à Pôle emploi Languedoc-Roussillon et Pôle emploi Lorraine du montant des indemnités de chômage versées aux salariés en conséquence de leur licenciement ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui, par des motifs non critiqués, a prononcé la nullité des licenciements, intervenus en mai 2011, sur le fondement de l'article L. 1235-11 du code du travail, auquel renvoie l'article L. 1235-4 de ce code, a légalement justifié sa décision ;
Sur le pourvoi incident n° F 17-22.866 de M. NI... :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société KS... - EY... - OK... - Q... - ZE..., prise en la personne de M. Q... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. GH... AR..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen commun aux pourvois principaux produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la SCP Bécheret - EY... - OK... - Q... - ZE... (BTSG²), prise en la personne de M. Q... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. GH... AR...
Il est fait grief aux arrêts attaqués, infirmatifs de ce chef, d'AVOIR condamné Maître Q..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. GH... AR..., à rembourser les indemnités de chômage versées par Pôle Emploi aux salariés à compter du jour des licenciements, et dans la limite de six mois ;
AUX MOTIFS QUE la nullité du licenciement du salarié est prononcée par application de l'article L.1235-10 du code du travail pour insuffisance des moyens du plan de sauvegarde de l'emploi prescrits par les articles L.1233-61 et L.1233-62 et les indemnités sont allouées sur le fondement de l'article L.1235-11, de sorte que les dispositions de l'article L.1235-4 dudit code sont applicables ; que, dans ce cadre, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié concerné ; que ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées ; qu'en l'espèce, Pôle Emploi Languedoc-Roussillon et Pôle Emploi Lorraine n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées au salarié ; qu'en conséquence, la cour ordonne le remboursement par Maître Q..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Etablissements J. GH... AR..., à rembourser les indemnités de chômage versées, à compter du jour du licenciement jusqu'à ce jour, par Pôle Emploi au salarié, ce dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ; (arrêts attaqués, p. 22)
ALORS QUE le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage peut être ordonné lorsqu'il est constaté que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, mais non lorsque sa nullité est prononcée ; que la cour d'appel ayant retenu la nullité des licenciements des salariés pour insuffisance des moyens du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Etablissements J. GH... AR..., elle a néanmoins ordonné le remboursement à Pôle Emploi Languedoc-Roussillon et Pôle Emploi Lorraine du montant des indemnités de chômage versées aux salariés en conséquence de leur licenciement ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'article L.1235-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce. Moyen produit au pourvoi incident n° F 17-22.866 produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. NI...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué,
D'AVOIR débouté M. NI... de sa demande de condamnation de la société IP... SAS, en sa qualité de co-employeur, au paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse et au titre d'un reliquat d'indemnités de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE, « il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre moyennant rémunération ; qu'il découle de cette définition trois éléments indissociables : l'exercice d'une activité professionnelle, la rémunération, le lien de subordination ; que le lien de subordination est l'élément déterminant du contrat de travail car c'est le seul critère permettant de le différencier d'autres contrats comportant l'exécution d'une prestation rémunérée ; que c'est en principe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence ; qu'à l'inverse, en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve ; que l'employeur est celui pour le compte et sous le contrôle duquel s'exercice le travail effectué par le salarié ; que l'employeur, personne physique ou morale, détient le pouvoir de direction ; qu'en principe, l'employeur est celui qui a conclu le contrat de travail avec le salarié ; que le salarié peut, sous certaines réserves, avoir plusieurs employeurs en concluant un contrat de travail avec chacun d'eux ; qu'il peut arriver qu'un salarié, titulaire d'un seul contrat de travail, soit lié à plusieurs employeurs, dits co-employeurs ou employeurs conjoints, soit parce que le salarié se trouve sous la subordination de chacun d'eux, soit parce qu'il existe une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre l'employeur initial et une autre personne physique ou morale ; que, dépourvu de personnalité juridique, le groupe n'a pas la capacité d'être directement l'employeur ; qu'en principe, la société mère du groupe n'est pas non plus l'employeur de tous les salariés du groupe ; qu'elle ne l'est qu'à l'égard de ses propres salariés ; que, toutefois, la complexité des structures de direction dans les groupes soulève parfois des difficultés lorsqu'il s'agit de déterminer qui doit assumer les obligations imposées à l'employeur par le droit du travail ; que la jurisprudence énonce un principe d'étanchéité entre les structures juridiques, mais réserve la possibilité au salarié de se prévaloir d'un contrat de travail, non pas avec le groupe mais avec plusieurs co-employeurs ; que l'état de subordination des salariés de la filiale vis-à -vis de la société-mère est caractérisé notamment lorsqu'il est établi, d'une part, que la filiale n'est qu'un simple établissement de la société-mère, sans réelle autonomie financière et de gestion, et qu'il existe entre ces sociétés une confusion totale d'activité, d'intérêts et de direction, d'autre part, que les salariés de la filiale reçoivent des ordres transmis directement depuis la société-mère, sans aucun pouvoir pour les dirigeants de la filiale de donner directement des instructions, alors que toute la gestion du personnel est faite par la société-mère, ce dont il se déduit que la société-mère a un pouvoir de direction et de contrôle sur l'ensemble des salariés de la société filiale ; que, dans le cadre d'un groupe de sociétés juridiquement distinctes et non fictives, hors l'existence d'un état de subordination ou d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un Groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'il n'y a pas de présomption de co-emploi ; qu'en l'espèce, en l'absence de contrat de travail apparent (allégué ou présenté) entre la SAS Fayat et le salarié, il appartient à ce dernier d'établir l'existence d'un co-emploi ; que la situation de co-emploi, par confusion des sociétés et immixtion de la société-mère dans la gestion économique et sociale de la société filiale, peut être retenue notamment lorsque : - la société-mère dispose et exerce un pouvoir permanent pour agir dans la filiale, avec centralisation du recrutement, prise en charge de toutes les questions de nature contractuelle, administrative, juridique et financière, transfert de la gestion des équipes informatiques, comptables et surtout de la gestion des ressources humaines, notamment dans la formation, la mobilité et le recrutement, - il existe une unité de direction sous la conduite de la société-mère se traduisant par des décisions prises par cette dernière qui privent la filiale de toute autonomie industrielle, commerciale et administrative, au seul profit de la société-mère du groupe, avec une gestion des ressources humaines de la filiale assurée par la société-mère et des dirigeants de la société-filiale ne disposant plus d'aucun pouvoir effectif car entièrement soumis aux instructions et directives de la direction du groupe, toujours au seul profit de celui-ci, - une filiale est sous la totale dépendance d'un groupe ou d'une société-mère qui absorbe l'essentiel de sa production et détermine les prix, gère son personnel, dicte ses choix stratégiques, intervient constamment dans la gestion financière et sociale, assure la direction opérationnelle et la gestion administrative de celle-ci ; que, par contre, ne suffit pas à caractériser une situation de co-emploi le fait que : - les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et soient en étroite collaboration avec la société dominante, que la société-mère ou dominante ait apporté à sa filiale un important soutien financier et que pour le fonctionnement de la filiale aient été signées avec la société dominante une convention de trésorerie ainsi qu'une convention générale d'assistance moyennant rémunération, - la politique du groupe déterminée par la société-mère ait une incidence sur l'activité économique et sociale de sa filiale, et que la société-mère ait pris dans le cadre de cette politique des décisions affectant le devenir de sa filiale et se soit engagée à garantir l'exécution des obligations de sa filiale liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois, - les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et que la société-mère ait pris dans le cadre de la politique du groupe des décisions affectant le devenir de la filiale et se soit engagée à fournir les moyens nécessaires au financement des mesures sociales liées à la fermeture du site et à la suppression des emplois, - la filiale ne possède aucune latitude pour développer et prospecter de nouveaux débouchés, et que la société-mère, dont c'est la responsabilité, décide de retirer brutalement sa clientèle à la société filiale, sans aucune alternative économique présentée et a fortiori mise en oeuvre, que les dirigeants soient étroitement liés ou communs, que la filiale n'a pour client unique que la société-mère, que toute la comptabilité de la filiale est traitée chez la société-mère, que les budgets de la filiale sont validés directement par la société-mère, que la société-mère a consenti une avance de trésorerie à la filiale et/ou un abandon de créances ; que, s'agissant de la SAS Fayat et de la société Etablissements J. GH... AR..., la Cour de cassation a déjà jugé que ne suffit pas en l'espèce à caractériser le co-emploi le fait que : - les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et sont en étroite collaboration avec la société-mère, et que celle-ci a pris durant les quelques mois suivant la prise de contrôle de la filiale des décisions visant à sa réorganisation dans le cadre de la politique du groupe, puis a renoncé à son concours financier destiné à éviter une liquidation judiciaire de la filiale, tout en s'impliquant dans les recherches de reclassement des salariés au sein du groupe, - le groupe avait placé au sein de la filiale un cadre dirigeant sur lequel elle conservait un pouvoir de direction, que le président de la société-mère, se substituant aux organes de direction de la filiale, avait confirmé que le groupe ne présenterait pas de plan de continuation estimant que l'entreprise n'était pas viable en l'état puis avait indiqué avoir donné des consignes aux filiales du groupe afin que les postes éventuellement ouverts soient communiqués à l'administrateur judiciaire, reconnaissant ainsi que l'obligation de reclassement des salariés incombant à l'employeur pesait sur le groupe, que les contrats dressés dans le cadre de la grève des salariés de la filiale, visant à prouver d'éventuelles actions illicites de salariés, avaient été demandés par la société-mère ; que la société Etablissements J. GH... AR... n'a été intégrée dans le Groupe Fayat qu'à compter du 24 novembre 2010, lorsque la SAS Fayat (société-mère du Groupe Fayat) est devenue l'actionnaire unique de la société Etablissements J. GH... AR... ; qu'il n'est ni allégué ni encore moins démontré que la SAS Fayat entretenait des liens de dépendance (juridique ou économique ou sociale) avec la société Etablissements J. GH... AR... avant le 24 novembre 2010 ; que la société Etablissements J. GH... AR... est devenue membre du Groupe Fayat par la seule cession de la totalité des actions ; qu'il n'y a eu ni cession d'activités ou fonds de commerce ni transfert de contrats de travail en date du 24 novembre 2010 ; que, dès le 3 février 2011, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Etablissements J. GH... AR..., avec notamment la désignation d'un juge-commissaire, d'administrateurs judiciaires et d'un mandataire judiciaire, ce qui a induit à compter de cette date tant un suivi qu'un contrôle de la situation de la filiale du Groupe Fayat par les organes de la procédure collective ; que la période pendant laquelle ont pu s'exercer librement les échanges (ou influences) entre la SAS Fayat et la société Etablissements J. GH... AR..., en tout cas sans le contrôle ou suivi des organes de la procédure collective, est donc limitée (période comprise entre le 24 novembre 2010 et le 3 février 2011) à une durée d'un peu plus de deux mois ; que la SAS Fayat expose qu'elle a été trompée sur la réalité de la situation économique de la société Etablissements J. GH... AR... et qu'elle s'est aperçue, assez rapidement après l'acquisition des actions, que cette dernière société était en situation de cessation des paiements ; qu'en juillet 2011, la SAS Fayat a assigné devant le tribunal de commerce de Paris les anciens actionnaires de la société Etablissements J. GH... AR... pour obtenir notamment l'annulation de la cession d'actions du 24 novembre 2010 et des dommages-intérêts, ce sur le fondement du dol (erreur à titre subsidiaire) ; qu'à la lecture des documents établis par les organes de la procédure collective ou des experts, il apparaît que la société Etablissements J. GH... AR... se trouvait effectivement en cessation des paiements à la date du 20 janvier 2011 ; que certains experts ou consultants indiquent même que la situation de cessation des paiements existait déjà en 2009 ou début 2010, en tout cas avant le 24 novembre 2010 ; qu'il est également établi que les principales difficultés économiques de la société Etablissements J. GH... AR... sont antérieures à la cession du 24 novembre 2010, avec notamment une chute brutale du chiffre d'affaires entre 2009 et 2010 (environ 30%), un déficit important de trésorerie et de capitaux propres, un endettement conséquent, une détérioration inquiétante de la rentabilité de l'entreprise ; que, dans leurs rapports et bilans versés aux débats, les administrateurs judiciaires et autres organes de la procédure collective n'ont jamais mis en cause la responsabilité de la SAS Fayat ou du groupe dans la situation économique de la société Etablissements J. GH... AR... ; qu'ils ont relevé que la situation financière de la société Etablissements J. GH... AR... était fortement obérée, que la filiale avait un important besoin de financement que la société-mère ne souhaitait pas satisfaire, que les perspectives étaient très mauvaises alors notamment que l'un des plus gros clients (IBM) devait cesser toute commande à échéance de fin 2011, que la seule solution envisageable était la recherche d'un repreneur extérieur au groupe alors que la SAS Fayat ne proposait pas de plan de continuation, que les deux offres de reprise reçues (sociétés Matiere et Comilev) n'étaient pas satisfaisantes sur le plan économique (apurement du passif) et social (pas plus de 25% des salariés reclassés), Maître Q..., ès qualités, relevait également que la liquidation judiciaire était inéluctable compte tenu notamment de l'état des créances (plus de 40 millions d'euros), de l'insuffisance de l'actif, du déficit de trésorerie, de l'absence de capacité de financement et de l'insuffisance des offres de reprise ; que, dans le jugement du 5 mai 2011, le tribunal de commerce ordonne la liquidation judiciaire en relevant que la situation économique et financière de la société Etablissements J. GH... AR... rend tout redressement impossible, ce, sans mentionner une quelconque responsabilité ou le moindre manquement de la SAS Fayat ; que, vu ce contexte, il ne saurait être reproché aux dirigeants de la société Etablissements J. GH... AR... d'avoir décidé le 20 janvier 2011 d'effectuer une déclaration de cessation des paiements aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, fut-ce après concertation avec la société-mère du groupe ou même sur sollicitation directe de cette dernière ; qu'il aurait été même reprochable de ne pas effectuer une telle déclaration dans les meilleurs délais ; qu'il n'est pas contestable que la SAS Fayat n'a pas souhaité financer sa filiale à hauteur de 5 à 6 millions d'euros comme cela a pu être envisagé initialement lors de la cession du 24 novembre 2010 ; que la société-mère fait valoir qu'elle a découvert, après le 24 novembre 2010, que la situation financière de la société Etablissements J. GH... AR... était plus dégradée que prévu et qu'une telle aide n'aurait ni permis le redressement de la filiale ni même évité la liquidation judiciaire ; qu'en février 2011, pendant la période d'observation, la SAS Fayat a proposé le versement (sous conditions) d'une aide d'un million d'euros pour permettre une poursuite temporaire de l'activité de la filiale mais les conditions posées par la société-mère n'ont pas été réalisées dans le délai imparti et cette contribution n'a donc pas été versée ; qu'à partir d'avril 2011, les organes de la procédure collective ont interrogé la SAS Fayat s'agissant du plan de sauvegarde de l'emploi à venir et du reclassement des salariés de la filiale ; que la SAS Fayat a répondu qu'elle ne souhaitait pas abonder le plan de sauvegarde de l'emploi mais qu'elle s'impliquerait pour chercher à reclasser les salariés de la filiale au sein du groupe, sauf à relever que le temps imparti, par l'administrateur puis le liquidateur, était trop court pour effectuer des recherches personnalisées et sérieuses ; que les pièces versées aux débats ne permettent pas de déterminer si la SAS Fayat a acheté les actions de la société Etablissements J. GH... AR... à bon ou faible prix et si, avant le 24 novembre 2010, la société-mère connaissait la réalité de la situation économique de sa future filiale et avait alors réellement l'intention de pallier les difficultés financières de celle-ci ; que les avis donnés sur la bonne ou mauvaise foi de la SAS Fayat en la matière sont partagés en fonction des intérêts de chacun dans le présent litige ; qu'il reste que si ces questions, portant sur la période préalable à l'entrée de la société Etablissements J. GH... AR... dans le Groupe Fayat, pourraient éventuellement intéresser d'autres instances et d'autres juridictions, elles n'ont pas de rapport direct avec le litige portant sur l'existence ou non d'une situation de co-emploi des salariés de sa filiale par la SAS Fayat ; qu'il apparaît que si certaines activités étaient communes aux sociétés IP... et AR..., celles-ci représentaient une fraction minoritaire des marchés et engagements de la filiale comme de la société-mère ; que sont évoquées l'activité de monsieur RV... (dirigeant de la société Etablissements J. GH... AR... à compter du 9 décembre 2010) ainsi que la présence et les interventions de certains cadres dirigeants de la SAS Fayat, notamment lors de réunions organisées pendant la période séparant l'acquisition de la filiale de l'ouverture de la procédure collective ; qu'il n'est pas contestable en l'espèce que les dirigeants de la filiale provenaient du groupe et étaient en étroite collaboration avec la société-mère, en tout cas que le groupe avait placé au sein de la filiale un cadre dirigeant sur lequel elle conservait un pouvoir de direction, et que la société-mère a pris durant les quelques mois suivant la prise de contrôle de la filiale des décisions visant à sa réorganisation dans le cadre de la politique du groupe, mais ces éléments ne caractérisent pas une situation de co-emploi ; que si, à la suite d'une déclaration de cessation des paiements et d'une ouverture de procédure collective justifiées, la SAS Fayat, estimant que la société Etablissements J. GH... AR... n'était pas viable, n'a pas proposé de plan de continuation et a effectivement renoncé ou refusé son concours financier à la filiale, puis a refusé d'abonder le plan de sauvegarde de l'emploi, cela ne saurait pas plus caractériser une situation de co-emploi ; qu'il en est de même quant au fait que la société-mère a déclaré vouloir s'impliquer dans le reclassement ou favoriser les recherches de reclassement des salariés de la filiale au sein du groupe, et quant au fait que la société mère s'est intéressée au mouvement de grève des salariés de la filiale intervenu, semble-t-il, pendant la période d'observation ; que les actions ou abstentions précitées de la société-mère, notamment en matière de réorganisation au sein du groupe, de soutien financier et de participation directe ou indirecte au reclassement des salariés de la société Etablissements J. GH... AR..., ont pu avoir une incidence sur l'activité économique et sociale de sa filiale, y compris s'agissant du devenir de la filiale et en conséquence de l'exécution comme de la poursuite des contrats de travail des salariés, mais elles relèvent seulement de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, non d'une immixtion dans la gestion économique et sociale de la filiale telle qu'exigée par la définition jurisprudentielle du co-emploi ; que, de façon désormais plus globale, les salariés, le liquidateur de la société AR... et le CGEA font valoir que la SAS Fayat a sciemment organisé la cessation totale d'activité de la société Etablissements J. GH... AR... a sciemment organisé la cessation totale d'activité de la société Etablissements J. GH... AR... pour récupérer les éléments de la filiale (marchés, compétences, salariés ayant une qualification spécifique, savoir-faire, matériel, etc.) les plus intéressants pour le groupe, ce, en faisant assumer le coût des licenciements par l'AGS (thèse de l'instrumentalisation de la faillite ou du droit des procédures collectives) ; que, dans ce cadre, il est fait état notamment de cession de stocks, de recrutement de salariés, d'entrave à l'activité de la filiale, de captation de marchés, d'arrêt de machines, etc., plus globalement d'un dessein ou plan comprenant une perte totale d'autonomie et de soutien financier pour la filiale et qui aurait été facilité par une confusion totale de direction et d'intérêts ; que la notion d'immixtion fautive ou anormale de la société mère dans la gestion économique et sociale de la filiale est invoquée en ce sens ;
qu'il reste que les éléments allégués à l'appui de la thèse susvisée ne sont pas établis par les pièces versées aux débats ; qu'en effet, il n'est pas démontré que pendant la courte période considérée (cf. supra), la SAS Fayat aurait transformé la société Etablissements J. GH... AR... en une société fictive ou un simple établissement de la société-mère, dépourvu de toute autonomie ou pouvoir de direction vis-à -vis de ses salariés, ou aurait sciemment pris des décisions visant à favoriser le groupe au détriment de la filiale, voire même à sacrifier la filiale et les salariés de celle-ci dans l'intérêt du groupe ; qu'il n'est pas plus établi que, pendant ce temps fort restreint, la SAS Fayat aurait pris en charge la gestion des ressources humaines de sa filiale ou aurait exercé un pouvoir de direction à l'égard des salariés de la société Etablissements J. GH... AR... ; que les documents produits (notamment les nombreuses attestations) font surtout état des sentiments de leurs auteurs mais non de faits objectifs et matériellement vérifiables (dates, circonstances et justificatifs) concernant les nombreuses accusations portées contre la société-mère (cession de matériel à vil prix, captation de marchés, arrêt d'investissement ou de machines, détournement de savoir-faire et de personnel qualifié, soutien éventuel du client IBM
) ; que force est de constater que les sentiments exprimés en ce sens reposent essentiellement sur l'incompréhension et le soupçon généré par le fait que la société-mère du groupe, peu après l'acquisition de la filiale à la tête de laquelle elle avait mis l'un de ses cadres dirigeants, a jugé que la société Etablissements J. GH... AR... n'était pas viable économique et lui a refusé le soutien financier et le plan de continuation qui auraient pu éventuellement permettre une poursuite temporaire d'activité, ce qui renvoie aux attendus qui précèdent ; que la SAS Fayat conteste les accusations précitées et produit des attestations en ce sens ; que, dans leurs rapports, les organes de la procédure collective ont mentionné le fait que des faits de pillage ou d'entrave avaient été évoqués par certains à l'encontre de la SAS Fayat mais ont relevé qu'en l'état ces accusations n'étaient nullement étayées, aussi bien pour la période d'observation que pour la période comprise entre l'acquisition du 24 novembre 2010 et la déclaration de cessation des paiements ; que, hors celle relevant de la compétence du tribunal de commerce (cf. infra) selon une décision de la cour d'appel de Nîmes, il n'est fait état d'aucune action judiciaire engagée contre les agissements (ou abstentions) de la SAS Fayat vis-à -vis de sa filiale ni même d'aucune enquête ou constatation judiciaire dans ce cadre ; que, vu l'absence de démonstration d'une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de sa filiale, aucune situation de co-emploi de la SAS Fayat vis-à -vis des salariés de la société Etablissements J. GH... AR... ne sera retenue ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit la SAS Fayat co-employeur et l'a condamnée à ce titre à verser aux salariés des sommes au titre, notamment des licenciements ; que les salariés seront déboutés de toutes les demandes formées à l'encontre de la SAS Fayat en qualité de coemployeur » ;
ALORS QUE, hors état de subordination, une société a qualité de co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre lorsqu'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'engendre une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, le lien de subordination à la société mère des dirigeants d'une filiale aboutissant à l'absence d'autonomie de la gestion opérationnelle et administrative ; qu'en refusant de retenir la qualité de co-employeur de la société IP... SAS, après avoir pourtant constaté d'une part que la société IP... SAS avait placé à la tête de sa filiale un cadre dirigeant sur lequel elle conservait un pouvoir de direction, qui était privé de toute marge de manoeuvre pour apprécier la possibilité d'un plan de continuation de l'entreprise, ne faisant qu'appliquer les directives qui lui étaient imposées, et d'autre part que ce cadre dirigeant exerçait un pouvoir de direction et de contrôle sur les salariés de la filiale, ce dont il résultait une l'absence d'autonomie de la gestion du personnel de la société Etablissements J. GH... AR... la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L.1221-1 du code du travail.