LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société La Perrière qui exploitait un fonds de commerce de restauration en qualité de locataire-gérant, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 1er octobre 2014 et 30 mars 2016 ; que sur la demande de la Selarl C... S..., nommée liquidateur judiciaire, le juge-commissaire a, par une ordonnance du 18 mai 2016, constaté la résiliation du contrat de location-gérance conclu entre "M." et Mme G... à la date du 11 avril 2016 et ordonné la restitution du fonds de commerce avec les contrats de travail en cours ; que M. et Mme G... ont formé un recours contre cette ordonnance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme G... font grief à l'arrêt de rejeter la demande de M. G... tendant à voir juger qu'il n'est pas propriétaire du fonds de commerce donné en location-gérance à la société La Perrière alors, selon le moyen, que le contrat de location-gérance libre produit aux débats par M. et Mme G... sous le n° 10 dispose qu'il est conclu entre, d'une part, Mme R... G... née O... et M. T... G..., et d'autre part, Mlle A... M... V... ; qu'en affirmant néanmoins que ce contrat mentionne qu'il est conclu entre Mme R... G... et M. T... G... en qualité de loueur, et la Sarl La Perrière en qualité de locataire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat de location-gérance, en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit soumis ;
Mais attendu que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, des termes, non du contrat de location-gérance du 19 avril 2004 mais de celui du 31 octobre 2006, qui lui avait été soumis par le liquidateur de la société La Perrière, que la cour d'appel a retenu qu'il avait été conclu entre, d'une part, Mme R... G... et M. T... G..., en qualité de loueurs, et, d'autre part, la société La Perrière, en qualité de locataire ; que le moyen manque en fait ;
Mais sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Vu l'article L. 144-9 du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter le recours de M. et Mme G..., l'arrêt retient que le fonds de commerce n'était pas en ruine lors de la résiliation du contrat de location-gérance le 11 avril 2016, ni davantage lors de la restitution des clefs le 25 juin 2016, et que, pour prétendre qu'il était inexploitable, les loueurs ne sont pas fondés à se prévaloir de l'absence du
matériel, qui a été vendu dans l'intervalle, dès lors qu'au jour de la résiliation le matériel était présent dans le fonds, qu'il pouvait être aisément remplacé et que cette vente est intervenue parce que M. et Mme G... ne l'ont pas revendiqué ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir qu'en l'absence de tout matériel, quelqu'en fût la cause, au moment de la restitution du fonds de commerce, son exploitation pouvait être poursuivie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur ce moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 144-9 du code de commerce ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient encore que l'achalandage constitue une part essentielle de l'activité de ce fonds de commerce de restauration qui est situé dans une petite ville où les enseignes similaires sont peu nombreuses de sorte qu'il bénéficie d'une clientèle potentielle permanente et qu'il serait aisé de relancer l'activité ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir qu'au moment de sa restitution, le fonds de commerce litigieux disposait d'une clientèle effective, élément essentiel à la poursuite de son exploitation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il infirme le jugement ayant retenu que M. G... n'était pas propriétaire du fonds de commerce donné en location-gérance à la société La Perrière, l'arrêt rendu le 19 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la société C... L..., liquidateur judiciaire de la société La Perrière, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme G...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur T... G... de sa demande tendant à voir juger qu'il n'est pas propriétaire du fonds de commerce donné en location-gérance à la Société LA PERRIERE, puis d'avoir constaté la résiliation dudit contrat de location-gérance conclu entre la Société LA PERRIERE et Monsieur et Madame G... ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur G... demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit qu'il n'était pas propriétaire du fonds de commerce donné en location-gérance, et il demande en sus à la cour d'appel de lui allouer une somme de 2000 euros " à titre de préjudice moral"; qu'il résulte du contrat intitulé "contrat de location-gérance libre" (pièce n°1 du mandataire liquidateur et pièce n° 10 des époux G...) qu'il est conclu entre Madame R... G... et Monsieur T... G... en qualité de loueur, et la SARL LA PERRIERE en qualité de locataire; que si l'exemplaire produit devant la cour par le mandataire n'est pas signé, celui produit par les époux G... comporte, à chaque page, trois griffes, et, in fine deux signatures et non une seule sous la mention "le bailleur-loueur", ce qui confirme que ce sont bien les deux époux G... qui ont conclu le contrat en qualité de bailleur; qu'il apparaît également que le gérant de la société locataire, M. W..., dans l'avis favorable à la résiliation du contrat et à la restitution du fonds, donné le 7 avril 2016 (pièce n° 11 du mandataire), écrit expressément que le contrat de location-gérance avait été conclu avec Monsieur T... G... et Madame R... G...; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal de commerce, dont le jugement sera réformé, le contrat de location-gérance a bien été donné par Monsieur T... G... et par Madame R... G... en qualité de loueur; qu'il n'y a nullement lieu à allouer de ce chef des dommages-intérêts à Monsieur G... ; qu'il ne justifie d'ailleurs pas en quoi il aurait subi un préjudice moral pour, en dernière analyse, avoir librement signé en tant que bailleur ce contrat de location-gérance; qu'en tout état de cause, un éventuel litige sur la propriété du fonds de commerce ne concernerait que les rapports des époux G... entre eux, et excède la présente instance, seulement relative à la restitution du fonds de commerce au bailleur.
ALORS QUE le contrat de location-gérance libre produit aux débats par Monsieur et Madame G... sous le n° 10 dispose qu'il est conclu entre, d'une part, Madame R... G... née O... et Monsieur T... G..., et d'autre part, Mademoiselle A... M... V... ; qu'en affirmant néanmoins que ce contrat mentionne qu'il est conclu entre Madame R... G... et Monsieur T... G... en qualité de loueur, et la SARL LA PERRIERE en qualité de locataire, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat de location-gérance, en violation du principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit soumis.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la résiliation du contrat de location-gérance à la date du 11 avril 2016 et d'avoir fixé la restitution du fonds à cette date, ainsi que le personnel y attaché, en ce compris les salariés engagés depuis la conclusion du contrat de location-gérance ;
AUX MOTIFS QU'en réalité, le point litigieux de la présente instance réside dans le caractère exploitable ou non du fonds de commerce lors la résiliation du contrat de location-gérance; que les époux G..., ou pour le moins Mme G... qui se présente comme la propriétaire, entendent surtout faire dire à la juridiction commerciale qu'il n'y aurait pas lieu à application de l'article L. 1224-1 du code du travail; que ce texte prévoit que, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise; qu'en conséquence, notamment, les contrats de travail en cours lors de la restitution à son bailleur d'un fonds de commerce qui avait été donné en location-gérance subsistent entre le bailleur et le personnel de l'entreprise, et le bailleur doit assumer toutes les obligations du contrat de travail; que les époux G... se prévalent d'une exception à ce principe lorsque le fonds n'est plus exploitable; qu'en effet, la résiliation du contrat de location-gérance entraîne le retour du fonds dans le patrimoine du bailleur, sauf pour celui-ci de démontrer que le fonds n'était pas exploitable, qu'il était en ruine au moment où il lui en a été fait retour; que les époux G... soutiennent l'analyse du tribunal de commerce qui a retenu leurs arguments : sur la date différée au 25 juin 2016 de la remise des clefs, sur l'absence de matériel, celui-ci ayant été vendu, sur la clientèle, dont il n'est pas établi qu'elle serait toujours existante, et sur l'absence de réparation des désordres nés d'un incendie qui serait survenu dans le fonds de commerce; que le mandataire liquidateur est toutefois bien fondé à observer que la résiliation du contrat et la restitution subséquente sont intervenues dans les onze jours de la liquidation, date à laquelle l'activité de restauration aurait pu reprendre normalement; que M. W..., locataire-preneur qui exploitait le fonds, observe pour sa part que le fonds n'était pas inexploitable, mais inexploité ; qu'il a exploité l'activité jusqu'au mois de février 2016 ; que la poursuite de l'exploitation ne doit pas être effective lors de la résiliation du contrat, mais seulement possible, et que en l'espèce l'exploitation était possible; qu'il ajoute que l'exploitation a d'ailleurs été réalisée dès l'été 2016, soit dans les semaines qui ont suivi la restitution du fonds; que de fait, il ne résulte pas des éléments du dossier que le fonds de commerce aurait été en ruine au moment de la résiliation, ni davantage à la date, raisonnablement proche, de restitution des clefs dont se prévalent les époux G..., étant observé que le délai entre ces deux dates apparaît comme étant largement du fait des bailleurs; que la liquidation judiciaire du locataire-gérant ne saurait démontrer à elle seule l'impossibilité d'exploiter le fonds; que par ailleurs, les bailleurs ne sont pas fondés ici à exciper de la vente du matériel et donc de son absence, puisque, au jour de la résiliation le matériel était présent dans le fonds (inventaire et récolement - pièces 15 et 16 du mandataire), et que sa vente a été causée par l'absence de toute revendication de leur part ; que le mandataire conclut à juste titre et sans être utilement démenti qu'il s'agissait en outre d'éléments fongibles et faible valeur aisément remplaçables; qu'encore, il n'est nullement établi que l'incendie invoqué, survenu en 2012, soit quatre années auparavant, qui a endommagé une partie des locaux, en aurait rendu l'exploitation impossible, alors même que les bailleurs se sont abstenus de procéder aux travaux réparatoires; qu'enfin, sur la question, essentielle, de l'existence de la clientèle, le mandataire liquidateur est fondé à soutenir que l'achalandage constituait une part essentielle de l'activité d'un tel fonds de commerce de restauration, situé dans une petite ville où les enseignes similaires sont peu nombreuses de sorte qu'il bénéficiait d'une clientèle potentielle permanente et qu'il serait aisé de relancer l'activité, ne serait-ce qu'à travers une simple actualisation des différents outils de référencement, traditionnels ou plus actuels; qu'il s'avère, comme le relève M. W..., que le restaurant a effectivement été rouvert sous l'exploitation d'une Sarl « La Casa Perrière » créée quelques mois plus tard; que dans l'intervalle, entre la résiliation et cette reprise d'activité, le mandataire liquidateur est également fondé à s'appuyer sur de nombreux avis de clients figurant sur divers sites spécialisés dans les avis et conseils touristiques (ses pièces n° 12 à 14) : que c'est ainsi que le restaurant « La Perrière » est cité en numéro 2 parmi les « meilleurs restaurants à Tresses, Gironde » sur le site Trip Advisor le 24 août 2016, et qu'y figure des avis de clients s'étalant de août 2015 à mars 2016; que le restaurant est également cité à la même date sur le site Yelp, avec des avis de clients s'étalant d'octobre 2008 à mars 2016; qu'enfin, toujours à cette date, le restaurant est encore référencé sur le site «Michelin Restaurants », avec le détail des prix et des menus; qu'au surplus, le mandataire liquidateur produit en cause d'appel de nouveaux éléments relatifs à ces référencements du restaurant en avril et mai 2017 (ses pièces n° 24 et 25), ce qui étaye ses affirmations de première instance sur le caractère exploitable du restaurant; qu'il pointe enfin à bon escient un article du quotidien « Sud-Ouest » du 5 juin 2016 (sa pièce n°27) relatif au repreneur du restaurant, qu'on peut voir sur une photographie entouré des deux salariées de la Sarl La Perrière; qu'il en résulte que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal de commerce, le fonds de commerce litigieux était exploitable au moment de la résiliation du contrat de location-gérance, et que la clientèle existant toujours à cette date; que le jugement sera donc infirmé, sauf en ce qu'il a confirmé la prononciation de la résiliation au 11 avril 2016, et les époux G... déboutés de leurs demandes; qu'il sera précisé, pour rappel en tant que de besoin, que la restitution du fonds emporte transfert au bailleur des contrats de travail en cours au jour de la résiliation.
1°) ALORS QUE, si par l'effet de l'expiration du contrat de location-gérance, le fonds qui en est l'objet fait automatiquement retour à son propriétaire, lequel doit assumer toutes les obligations liées à l'exploitation du fonds, c'est à la condition que celui-ci ne soit pas devenu inexploitable ; qu'en décidant que les bailleurs n'étaient pas fondés à exciper de la vente du matériel et donc de son absence, afin de soutenir que le fonds était inexploitable, puisqu'au jour de la résiliation, le matériel était présent dans le fonds et que sa vente avait été causée par l'absence de toute revendication de leur part, la Cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation de l'article L 144-9 du Code de commerce ;
2°) ALORS QUE, si par l'effet de l'expiration du contrat de location-gérance, le fonds qui en est l'objet fait automatiquement retour à son propriétaire, lequel doit assumer toutes les obligations liées à l'exploitation du fonds, c'est à la condition que celui-ci ne soit pas devenu inexploitable ; qu'en décidant que les bailleurs n'étaient pas fondés à exciper de la vente du matériel et donc de son absence, afin de soutenir que le fonds était inexploitable, motif pris qu'il s'agissait d'éléments fongibles et de faible valeur, aisément remplaçables, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à établir que le fonds n'était pas devenu inexploitable, a violé l'article L 144-9 du Code de commerce ;
3°) ALORS QUE, si par l'effet de l'expiration du contrat de location-gérance, le fonds qui en est l'objet fait automatiquement retour à son propriétaire, lequel doit assumer toutes les obligations liées à l'exploitation du fonds, c'est à la condition que celui-ci ne soit pas devenu inexploitable ; qu'en se bornant, pour décider que le fonds de commerce n'était pas devenu inexploitable, a affirmé « qu'il bénéficiait d'une clientèle potentielle permanente » et qu'il « serait aisé de relancer l'activité », la Cour d'appel, qui n'a pas constaté que la clientèle était toujours attachée au fonds de commerce, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 144-9 du Code de commerce.