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04/07/2019 | FRANCE | N°18-17879

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 04 juillet 2019, 18-17879


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la recevabilité du moyen unique, contestée par la défense :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 mars 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 7 septembre 2017, pourvoi n° 16-17.174), que la société Jesta Fontainebleau (la société Jesta), adjudicataire d'un ensemble immobilier saisi au préjudice de la société Noga hôtels Cannes (la société Noga), qui avait, par acte authentique du 27 juin 1997, consenti un bail commercial à la société H..., a donné congé à la locataire

à effet du 30 septembre 2010, avec offre de renouvellement à compter du 1er octo...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur la recevabilité du moyen unique, contestée par la défense :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 mars 2018), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 7 septembre 2017, pourvoi n° 16-17.174), que la société Jesta Fontainebleau (la société Jesta), adjudicataire d'un ensemble immobilier saisi au préjudice de la société Noga hôtels Cannes (la société Noga), qui avait, par acte authentique du 27 juin 1997, consenti un bail commercial à la société H..., a donné congé à la locataire à effet du 30 septembre 2010, avec offre de renouvellement à compter du 1er octobre 2010 moyennant un loyer annuel déplafonné ; que, le 9 novembre 2010, la société Jesta a assigné la société H... en nullité tant du bail que de la demande de renouvellement adressée le 19 octobre 2005 à l'ancien bailleur et, subsidiairement, en fixation du loyer du bail renouvelé au 1er avril 2006 ; que la société H... a soulevé la prescription de l'action ;

Attendu que la société Jesta fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite ;

Mais attendu qu'en ne fixant pas le point de départ de la prescription à la date à laquelle l'adjudicataire de l'immeuble loué aurait eu connaissance de la demande de renouvellement du bail, la cour d'appel de renvoi a statué en conformité de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie ;

D'où il suit que le moyen, qui appelle la Cour de cassation à revenir sur la doctrine affirmée par le précédent arrêt, est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Jesta Fontainebleau aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Jesta Fontainebleau et la condamne à payer à la société H... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Jesta Fontainebleau.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir jugé irrecevable comme prescrite l'action de la société Jesta Fontainebleau en fixation du nouveau loyer du bail renouvelé et d'avoir dit en conséquence que le bail qui s'était renouvelé entre les parties le 1er avril 2006 l'avait été à la condition du loyer alors en vigueur à cette date ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la prescription. Disant avoir accepté que le montant du nouveau loyer fixé le 1er avril 2006 ne pourra prendre effet qu'à compter du 22 mars 2010 date du congé avec offre de renouvellement par lequel elle a chiffré pour la première fois sa demande de nouveau loyer, pour lequel le juge des loyers commerciaux a admis le déplafonnement par jugement récent du 7 mars 2017 en désignant un expert afin de détermination de la valeur locative, Jesta soutient l'absence de prescription de son action en application des dispositions combinées des articles L. 145-60 du Code de commerce et 2224 du Code civil dès lors que le premier texte ne précise pas le point de départ de l'action. Elle fait alors valoir que la prescription ne court que « du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui permettent de l'exercer », et pour ce qui la concerne, que son ignorance de la demande de renouvellement de la part du preneur du 19 octobre 2005 s'avère légitime puisque son titre de propriété est postérieur (9 février 2006), qu'il n'est rapporté aucune preuve de sa connaissance de cette demande et qu'il ne peut lui être reproché cette ignorance puisque le bail a pu se poursuivre par tacite prolongation, sans possibilité pour l'ancien bailleur de consentir bail ou renouvellement de bail depuis le commandement valant saisie du 8 avril 2002, sauf annulation de ce bail ou renouvellement s'ils avaient tout de même été consentis. Elle souligne ainsi n'avoir appris l'existence de la demande de renouvellement que par le mémoire du 10 janvier 2011 signifié par H... et Me J.... Elle en tire la conclusion qu'elle peut poursuivre la fixation du loyer du bail renouvelé. Ce qui est écarté. En effet, H... et Me J... qui admettent aussi bien l'application de l'article 2224 du Code civil pour déterminer le point de départ de l'action du bailleur en fixation du loyer du bail renouvelé, énoncent à bon droit qu'en l'espèce, le point de départ de la prescription biennale n'est pas constitué par la notification du mémoire du 10 janvier 2011. Ils avancent que ce point de départ est le 1er avril 2006, date de renouvellement du nouveau bail à effet de la demande de renouvellement du preneur initiée par exploit du 19 octobre 2005 à effet du 1er avril 2006, mais à tort. La Cour de cassation a ainsi motivé sa cassation partielle au visa de l'artice L. 145-10 [dont son alinéa 4 qui dispose « Dans les trois mois de la notification de la demande de renouvellement, le bailleur doit
faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de son refus. A défaut d'avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent] et de l'article L. 145-60 du Code de commerce : « Attendu que, pour rejeter le moyen tiré de la prescription biennale, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que la demande de renouvellement du bail formée par H... ait été portée à la connaissance de Jesta, laquelle n'était pas tenue, en qualité de nouveau propriétaire, de s'informer sur l'état du bail en cours de sorte que le délai biennal de prescription n'a pas couru à compter du 1er avril 2006 ; qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que H... avait, le 19 octobre 2005, demandé le renouvellement du bail au 1er avril 2006 et qu'à défaut d'avoir répondu à cette demande dans le délai de trois mois, la société Noga [ex-bailleur] était réputée l'avoir acceptée tacitement de sorte que le bail s'était renouvelé le 1er avril 2006, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ». Il résulte de l'application de cette règle de droit à l'espèce qui concerne le cas où le bailleur ne répond pas avant l'expiration du délai de trois mois de l'article L. 145-10 ainsi que des explications et productions des parties : - que le bail s'est tacitement renouvelé au 1er avril 2006 et que le bailleur disposait d'une action en fixation du nouveau loyer, dont le point de départ est retenu, non pas à la date de renouvellement, mais plutôt au jour de l'expiration du délai de trois mois évoqué ci-dessus, - que Jesta ne peut arguer de son ignorance de la demande de renouvellement du preneur du 19 octobre 2005 en sa qualité de bailleur par adjudication ultérieure du 9 février 2006, dès lors qu'il ne pouvait ni ne devait ignorer les conditions d'occupation du bien alors acquis, ce qui a été consacré par l'arrêt de la Cour de cassation qui a confirmé la disposition du jugement ayant jugé valables et opposables à Jesta le bail commercial du 27 juin 1997 et la demande de renouvellement du 19 octobre 2005. Le délai de trois mois ayant débuté au 19 octobre 2005, il expirait le 19 janvier 2008. L'action du bailleur en fixation du loyer du bail renouvelé, qui n'a été engagée qu'en 2010, est prescrite pour n'avoir pas été initiée avant le terme du délai de prescription biennal soit le 19 janvier 2008. Il s'ensuit que le bail est définitivement renouvelé à compter du 1er avril 2006 au loyer en vigueur à cette date » ;

1°/ ALORS QUE l'action en fixation du loyer du bail renouvelé est soumise à la prescription biennale à laquelle l'article L. 145-60 du Code de commerce soumet toutes les actions qui dérivent du contrat de bail ; que le point de départ de cette prescription biennale est soumis au droit commun défini par l'article 2224 du Code civil, lequel vise le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action en cause ; qu'en application de ces textes, le point de départ de la prescription de l'action en fixation du loyer du bail renouvelé commence en principe à courir à compter de la date du renouvellement du bail, sauf si le bailleur démontre qu'il n'était pas en mesure de connaître l'existence de ce renouvellement lui permettant d'exercer l'action, en raison de circonstances ne lui étant pas imputables ; que tel est le cas si, avant l'adjudication des locaux loués, une demande de renouvellement a été adressée au bailleur initial, sans être ensuite ni mentionnée dans le cahier des charges transmis à l'adjudicataire ni portée à la connaissance de ce dernier par le preneur à bail ; que dans une telle hypothèse, l'adjudicataire ignore légitimement l'existence d'un renouvellement du bail qui lui échoit, en raison de faits qui ne lui sont pas imputables et compte tenu de l'absence de toute obligation à sa charge de se renseigner sur ce point, ce qui a pour effet de reporter le point de départ de la prescription biennale de l'action en fixation du loyer du bail renouvelé au jour où il prend effectivement connaissance de l'existence du renouvellement ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la demande de renouvellement du bail avait été adressée par la société H... à la société Noga Hôtels Cannes le 19 octobre 2005, soit plusieurs mois avant l'adjudication intervenue le 9 février 2006 au profit de la société Jesta Fontainebleau, que le cahier des charges transmis à l'adjudicataire ne mentionnait pas cette demande de renouvellement et que la société H... n'en a pour la première fois fait état auprès de la société exposante que le 10 janvier 2011 ; qu'en retenant néanmoins que la société Jesta Fontainebleau « ne peut arguer de son ignorance de la demande de renouvellement du preneur du 19 octobre 2005 en sa qualité de bailleur par adjudication ultérieure du 9 février 2006, dès lors qu'il ne pouvait ni ne devait ignorer les conditions d'occupation du bien alors acquis », cependant que les circonstances liées à l'absence de mention de la demande de renouvellement dans le cahier des charges transmis à l'adjudicataire ainsi qu'au silence déloyal conservé sur ce point par le preneur à bail pendant près de cinq années rendaient légitime l'ignorance de la société Jesta Fontainebleau et excluaient que la prescription biennale de l'action en fixation du loyer du bail renouvelé ait commencé à courir à la date du renouvellement du bail, la Cour d'appel a violé les articles L. 145-60 du Code de commerce et 2224 du Code civil ;

2°/ ALORS QUE si la demande de renouvellement adressée par le preneur à bail à son bailleur initial est opposable à l'adjudicataire des locaux loués, cette opposabilité n'implique pas ipso facto la connaissance par ce dernier de l'existence de la demande de renouvellement ; qu'ainsi, nonobstant cette opposabilité de la demande de renouvellement et du renouvellement consécutif, dont les effets ne sont pas remis en cause, lorsque les circonstances établissent que l'adjudicataire n'a pu avoir connaissance de la demande de renouvellement, en raison de faits qui ne lui sont pas imputables, son ignorance est légitime et s'oppose à ce que la prescription biennale de l'action en fixation du loyer du bail renouvelé commence à courir à la date du renouvellement ; qu'en conséquence, le point de départ de cette prescription doit être reporté au jour où l'adjudicataire a eu connaissance de l'existence de la demande de renouvellement, seul fait lui permettant d'exercer l'action en cause ; qu'en retenant cependant en l'espèce que la société Jesta Fontainebleau « ne pouvait ni ne devait ignorer les conditions d'occupation du bien alors acquis, ce qui a été consacré par l'arrêt de la Cour de cassation qui a confirmé la disposition du jugement ayant jugé valables et opposables à Jesta le bail commercial du 27 juin 1997 et la demande de renouvellement du 19 octobre 2005 », la Cour d'appel, qui a déduit ipso facto de l'opposabilité de la demande de renouvellement à la société exposante sa connaissance de l'existence de celle-ci, a derechef violé les articles L. 145-60 du Code de commerce et 2224 du Code civil ;

3°/ ALORS QUE la société Jesta Fontainebleau faisait valoir que la société H... avait manqué de loyauté à son égard, non seulement en ne l'informant pas, après l'adjudication, de sa demande de renouvellement formée le 19 octobre 2005, mais également en dissimulant celle-ci pendant près de seize mois après s'être vue signifier un congé avec offre de renouvellement du bail en mars 2010, ce qui établissait le caractère légitime de l'ignorance dans laquelle la société exposante avait été tenue jusqu'au 10 janvier 2011, date à laquelle la société H... a pour la première fois fait état de sa demande de renouvellement du 19 octobre 2005 (conclusions, p. 11) ; qu'en retenant que la société Jesta Fontainebleau ne pouvait arguer de son ignorance de la demande de renouvellement du 19 octobre 2005, sans répondre à ce moyen déterminant des conclusions d'appel de la société exposante qui démontrait que cette ignorance tenait à un manquement de la société H... son obligation générale de loyauté contractuelle, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-17879
Date de la décision : 04/07/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 29 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 04 jui. 2019, pourvoi n°18-17879


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.17879
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