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04/07/2019 | FRANCE | N°18-17057

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 juillet 2019, 18-17057


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, soutenant avoir confié à la société d'avocats Z... et O... associés, ainsi qu'à M. O... et Mme Q..., avocats au sein de cette société, (les avocats) la mission de l'assister lors de la cession de parts sociales lui appartenant, et leur reprochant d'avoir manqué à leur devoir de conseil, tant dans la conduite de cette opération qu'à l'occasion de l'action ultérieurement introduite à l'encontre des cessionnaires, M. U... les a assignés en responsabilité et ind

emnisation ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, soutenant avoir confié à la société d'avocats Z... et O... associés, ainsi qu'à M. O... et Mme Q..., avocats au sein de cette société, (les avocats) la mission de l'assister lors de la cession de parts sociales lui appartenant, et leur reprochant d'avoir manqué à leur devoir de conseil, tant dans la conduite de cette opération qu'à l'occasion de l'action ultérieurement introduite à l'encontre des cessionnaires, M. U... les a assignés en responsabilité et indemnisation ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1315, alinéa 2, devenu 1353, alinéa 2, du code civil ;

Attendu qu'il incombe à l'avocat, tenu d'une obligation particulière d'information et de conseil à l'égard de son client, de rapporter la preuve qu'il a exécuté cette obligation ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. U... tendant à voir condamner les avocats in solidum à lui payer une certaine somme au titre des frais exposés à l'occasion de l'action exercée, en pure perte, à l'encontre des cessionnaires, l'arrêt retient que le choix d'engager et de poursuivre la procédure devant le tribunal de commerce de Toulouse, puis en appel et en cassation, lui appartient totalement et qu'il ne peut être reproché aux avocats d'avoir accepté de l'assister et de le représenter, sauf à prouver une faute professionnelle caractérisée qui suppose la démonstration de manquements déterminés, étayés par des éléments matériels concrets ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait aux avocats d'établir qu'ils avaient informé leur client sur les risques de la procédure et sur l'opportunité d'exercer un recours contre les décisions rendues à l'encontre de celui-ci, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de M. U... tendant à voir condamner in solidum la société Z... et O... associés, M. O... et Mme Q... à lui payer une indemnité de 26 031,40 euros au titre des frais engagés pour la défense de ses intérêts, l'arrêt rendu le 20 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Z... et O... associés, M. O... et Mme Q... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. U...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur J... U... de sa demande tendant à voir condamner in solidum la Société Z... et O... ASSOCIES, Maître A... O... et Maître S... Q... à lui payer la somme de 204.166.66 euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE par jugement du 2 février 2016, le Tribunal de grande instance de Tarbes a débouté Monsieur U... de ses demandes ; que pour parvenir à cette décision, le premier juge a considéré que : - Monsieur U... ne rapportait pas la preuve de ce que la situation de non perception des gratifications serait imputable à ses avocats, - la clause querellée était parfaitement claire et d'ailleurs, Monsieur U... l'avait partiellement exécutée lui-même, le 15 juillet 2008, en s'octroyant 100.000 euros à valoir sur la gratification due par la Société REALCO, - la non-perception du solde des gratifications était consécutive à l'irrégularité des procès-verbaux signés le 15 juillet 2008, - les avocats de Monsieur U... n'avaient pas commis de faute dans le cadre de la procédure introduite devant le Tribunal de grande instance de Tarbes ; que devant la Cour, Monsieur U... maintient que ses avocats, qui ont bien participé à la rédaction du protocole litigieux, ont commis un manquement à leurs obligations professionnelles en ne l'alertant pas sur les conséquences de la rédaction de la clause X ; qu'il affirme que les avocats sont tenus d'une obligation particulière de conseil et d'information vis-à-vis de leur client et qu'il leur appartient de rapporter la preuve qu'ils ont rempli leurs devoirs à son égard ; qu'il invoque donc la négligence des avocats intimés, qui n'auraient pas attiré son attention sur le contenu et les conditions d'application de la clause X ; qu'il fait valoir que les documents qu'il produit, attestent de ce que le cabinet Z... et O... a contribué à la rédaction du protocole d'accord de cession des parts, et non seulement à celle du pacte d'actionnaire et de la garantie d'actif et passif, comme ils le prétendent ; que ceci étant exposé, après avoir examiné la preuve offerte par l'appelant, s'agissant des travaux effectués par la SELARL Z... et O... pendant les opérations de cession des parts sociales, la Cour observe qu'aucune convention écrite n'a été signée pour fixer la mission de rédaction et/ou d'assistance confiée au cabinet d'avocat intimé ; que par ailleurs, il apparaît que le protocole d'accord du 10 juillet 2008 ne porte ni la signature ni même le tampon du cabinet d'avocat intimé ; qu'aucune pièce n'atteste de leur présence lors de la signature de ce protocole et aucune mention n'est insérée audit acte pour indiquer que la Société Z... et O... ou l'un de ses associés ont participé à sa rédaction ; que cet accord entre cédant et cessionnaire d'entreprises, complexe dans ses mécanismes destinés à garantir l'équilibre des intérêts financiers de chaque partie a été passé entre des dirigeants de sociétés ayant manifestement une parfaite maîtrise de leurs droits et une connaissance approfondie des règles de droit applicables ; que dans un courrier du 1er août 2008, la Société Z... et O... justifie sa demande d'honoraires en expliquant les démarches accomplies depuis le mois de juin précédent pour le compte de Monsieur U..., dans le cadre de son projet de cession de ses titres des sociétés REALCO et SO.PO.CO.ME, ainsi que le détail de calcul des sommes facturées dans des documents séparés pour 78h49 et un montant de 6338,80 euros ; que les avocats intimés affirment que leur mission s'est limitée à l'analyse des projets d'actes de garantie d'actif et de passif ainsi que du pacte d'actionnaires, et contestent avoir participé à la rédaction du protocole litigieux, faisant observer que s'ils avaient activement contribué à l'élaboration de cet acte portant sur la cession de 14 millions d'actifs sociaux, leurs honoraires auraient été plus élevés ; que le fait est que, dans leur courrier du 1er août 2008 ci-dessus évoqué, il est mentionné que le montant des honoraires demandés est proportionnel au prix de cession (0,9 %), de sorte que si le cabinet Z... et O... avait participé à l'intégralité de l'opération de cession et notamment au protocole, il aurait pu réclamer jusqu'à 126 000 euros à Monsieur U... (0,9 % x 14 000 000 €) ; qu'en réalité, la seule pièce en lien direct avec la finalisation du protocole, est un échange de mails (pièce 20) entre le notaire ayant reçu les actes authentiques, Monsieur U... et la SCP C... et ASSOCIES, avocats des acquéreurs ; qu'ainsi, en l'absence d'élément nouveau ou pertinent présenté devant la Cour, il apparaît que le Tribunal ayant déjà analysé par le détail, les pièces produites par Monsieur O..., et rejeté l'argumentation présentée par celui-ci, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions car, dès lors qu'il n'est pas prouvé que la Société Z... et O... a participé à l'élaboration, la rédaction et la signature du protocole d'accord contenant la clause X litigieuse, il n'est pas nécessaire d'évoquer les autres moyens développés par l'appelant de ce chef ;

1°) ALORS QUE l'avocat qui assiste son client en vue de la conclusion d'un acte est tenu à son égard d'une obligation de conseil, en vertu de laquelle il doit s'assurer de la validité et de l'efficacité de l'acte ; que, lorsque le cocontractant est lui-même assisté d'un avocat et que les avocats de chaque partie se partagent la rédaction de l'acte, chaque avocat demeure tenu d'une obligation de conseil, qui n'est pas limitée aux dispositions qu'il a lui-même matériellement rédigées, mais qui s'étend à l'ensemble de l'acte ; qu'en décidant néanmoins que la clause litigieuse ayant été rédigée, non par Maître O... et Maître Q..., qui assistaient Monsieur U..., mais par la SCP C... et ASSOCIES, avocats des acquéreurs, Maître O... et Maître Q... n'étaient pas tenus d'une obligation de conseil à l'égard de Monsieur U... s'agissant de la portée et des conséquences de cette disposition contractuelle, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QUE l'étendue de l'obligation de conseil de l'avocat n'est pas liée au montant de ses honoraires ; qu'en décidant néanmoins qu'au regard du montant des honoraires demandés et perçus par la Société Z... et O... ASSOCIES, par Maître O... et par Maître Q..., leur obligation de conseil ne s'étendait pas à l'ensemble de l'acte de cession, et notamment à la clause litigieuse, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) ALORS QUE les compétences personnelles du client ne dispensent par l'avocat de son devoir de conseil ; qu'en décidant néanmoins que Monsieur U... étant un dirigeant de sociétés ayant une parfaite maîtrise de ses droits et une connaissance approfondie des règles de droit applicables, il ne pouvait reprocher à la Société Z... et O... ASSOCIES à Maître O... et à Maître Q... un manquement à leur obligation de conseil, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur J... U... de sa demande tendant à voir condamner la Société Z... et O... ASSOCIES, Maître A... O... et Maître S... Q... à lui payer la somme de 26.031,40 euros à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur U... reproche à ses avocats un manquement de leurs obligations dans le cadre d'une procédure intentée aux sociétés REALCO et SO.PO.CO.ME nouvellement constituées, en ce qu'ils l'ont assisté et représenté dans un procès qu'il a perdu et dont il a supporté les frais ; que le dossier montre qu'à l'évidence Monsieur U... est un gestionnaire d'entreprises avisé et chevronné ; qu'ainsi, comme l'a dit de manière pertinente le premier juge, le choix d'engager et de poursuivre la procédure devant le Tribunal de grande instance de TARBES puis en appel et en cassation lui appartient totalement et il ne peut être reproché à la Société Z... et O... d'avoir accepté de l'assister et de le représenter, sauf à prouver une faute professionnelle caractérisée qui suppose la démonstration de manquements déterminés commis par l'avocat, étayés par des éléments matériels concrets ; que dès lors, Monsieur J... U... sera débouté de l'ensemble de ses fins et prétentions, le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions ;

1°) ALORS QU'il incombe à l'avocat, tenu d'une obligation particulière d'information et de conseil à l'égard de son client, de rapporter la preuve qu'il a exécuté cette obligation ; qu'en décidant néanmoins qu'il appartenait à Monsieur U... de rapporter la preuve de ce que la Société Z... et O..., Maître O... et Maître Q... l'avaient informé du risque d'échec de la procédure judiciaire qu'il avait souhaité mettre en oeuvre à l'encontre des cessionnaires, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315, alinéa 2, du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QUE, tenu d'une obligation particulière d'information et de conseil vis-à-vis de son client, l'avocat qui engage une procédure judiciaire au nom de celui-ci est tenu de l'informer des risques d'échec de cette procédure et des risques de condamnation qui en résultent ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la Société Z... et O..., Maître O... et Maître Q... avaient informé Monsieur U... du risque d'échec de la procédure qu'il avait souhaité mettre en oeuvre à l'encontre des cessionnaires des actions, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3°) ALORS QUE les compétences personnelles du client ne dispensent pas l'avocat de son devoir de conseil ; qu'en décidant néanmoins que, Monsieur U... étant un gestionnaire d'entreprises avisé et chevronné, la Société Z... et O..., Maître O... et Maître Q... n'étaient pas tenus de l'informer des risques d'échec de la procédure judiciaire qu'il avait souhaité mettre en oeuvre à l'encontre des cessionnaires, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-17057
Date de la décision : 04/07/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 20 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 jui. 2019, pourvoi n°18-17057


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Ortscheidt, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.17057
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