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03/07/2019 | FRANCE | N°18-12149

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 juillet 2019, 18-12149


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles 1351 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 480 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme R..., engagée le 5 juin 2000 par la société d'Arcy, aux droits de laquelle vient la société W... I... (la société), a été licenciée le 20 novembre 2013 ; que par jugement du conseil de prud'hommes du 30 mars 20

16, la société a notamment été condamnée à payer à la salariée diverses sommes à titre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles 1351 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 480 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme R..., engagée le 5 juin 2000 par la société d'Arcy, aux droits de laquelle vient la société W... I... (la société), a été licenciée le 20 novembre 2013 ; que par jugement du conseil de prud'hommes du 30 mars 2016, la société a notamment été condamnée à payer à la salariée diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, et au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la société a versé à la salariée une somme correspondant aux condamnations prononcées après déduction des cotisations sociales obligatoires ; que la salariée a fait délivrer un commandement et effectuer une saisie-attribution sur un compte bancaire de l'employeur qui a saisi un juge de l'exécution d'une contestation tendant à voir dire que la condamnation s'entendait d'une somme brute ;

Attendu que pour débouter la société de ses demandes de nullité du commandement de payer et de mainlevée de la saisie-attribution, l'arrêt retient que la salariée a formulé une demande de condamnation en net et non en brut, que le conseil de prud'hommes a été saisi d'une telle demande, qu'aucune disposition n'impose à une juridiction de prononcer toutes les condamnations sur la même base, toutes en net ou toutes en brut, et qu'en faisant droit, sans autre précision, à la demande de la salariée, le conseil de prud'hommes, qui n'a pas écarté la prétention de la salariée qui souhaitait obtenir une indemnité nette, a prononcé une condamnation nette ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la décision servant de fondement aux poursuites ne s'était pas prononcée sur l'imputation des cotisations et des contributions sociales, ce dont il résultait que l'employeur devait procéder au précompte des sommes dues par le salarié sur la condamnation prononcée, la cour d'appel, qui, sous couvert d'interprétation, a modifié la décision qui lui était soumise, a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le second moyen relatif aux dommages-intérêts pour procédure abusive ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme R... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juillet deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société W... I....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société W... I... de sa demande de nullité du commandement de payer, d'AVOIR débouté la société W... I... de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution et d'AVOIR condamné la société W... I... à payer à Mme R... une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

AUX MOTIFS QUE « Sur le commandement de payer et la saisie-attribution : Il n'est pas contesté que les indemnités de licenciement sont assujetties, dans certaines limites, aux cotisations sociales, à la Csg et à la Crds mais les parties sont en désaccord sur le caractère net ou brut de la condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes à hauteur de 78 000 euros et partant sur le point de savoir si les cotisations salariales devaient être précomptées sur cette somme ou être assumées par l'employeur. Aux termes du dispositif de son jugement du 30 mars 2016, le conseil des prud'hommes a condamné la société W... I... au paiement de cette somme sans préciser si la somme était nette ou brute. Il n'a pas davantage fait mention d'une telle précision aux motifs de sa décision qui ne comporte aucune explication sur le calcul de l'indemnité accordée. Cependant, il ressort de l'exposé des demandes des parties que Mme R... a formé certaines demandes en paiement à des sommes brutes, d'autres à des sommes nettes et d'autres sans précision. Ainsi, elle a sollicité à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse une somme nette de 124 800 euros. Si cette somme est un divisible de 5 200 et que Mme R... soutenait que son salaire mensuel brut s'établissait à la somme de 5 200 euros, il n'en demeure pas moins qu'elle a exprimé une demande de condamnation en net et non en brut et que le conseil de prud'hommes a donc été saisi d'une demande exprimée en net. Par ailleurs, aucune disposition n'impose à une juridiction de prononcer toutes les condamnations sur la même base, toutes en net ou toutes en brut. En faisant droit, sans autre précision, à hauteur de 78 000 euros, à la demande de Mme R..., le conseil de prud'hommes, qui n'a pas écarté la prétention de la salariée qui souhaitait obtenir une indemnité nette, a prononcé une condamnation nette. Mme R... est par conséquent fondée à poursuivre le recouvrement de la somme indûment précomptée sur la somme de 78 000 euros. Le jugement querellé sera confirmé en toutes ses dispositions » ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « L'article L.211-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévues par le code du travail. Il convient de rappeler qu'à défaut de précision, les montants figurant sur un jugement s'entendent nets de tout prélèvement (cf Ccas, ch soc, 9 novembre 2004, pourvoi n°02-42.447). Il y a lieu le cas échéant de procéder à un rapprochement des motifs et des calculs opérés par le demandeur (cf Ccas, ch soc, 25 avril 2007, pourvoi n°05-44932). A l'appui de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution, la société W... I... fait valoir qu'elle s'est intégralement acquittée des condamnations dont elle a fait l'objet ; que le conseil de prud'hommes n'a exprimé aucune condamnation en net et que la condamnation correspond à quinze mois de salaire brut ; que Mme R... s'est elle-même référé à son salaire brut mensuel. En réponse, Mme R... soutient que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devait s'entendre en net et non en brut. Il ressort des pièces produites que la société W... I... a établi un bulletin de paie, au terme duquel (pièce n°4 de la demanderesse), il est dû à Mme R... la somme de 79789,56 euros, déduction faite des cotisations sociales et de la CSG ; qu'il a été versé à Mme R... deux chèques de 2000 euros et 79789,56 euros en date du 14 juin 2016 ; que sur cette dernière somme, 71900 euros correspondent aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les montants ne sont pas contestés. Le litige entre les parties porte sur les modalités de calcul des sommes dues. Il ressort du dispositif du jugement du Conseil de Prud'hommes que celui-ci a retenu un montant mensuel brut, servant de base de calcul des indemnités de 4696,52 euros ; qu'il n'a donc pas retenu à ce titre la somme de 5200 euros comme le soutient la demanderesse, et que la somme de 78 000 euros ne correspond pas à 15 mois de salaire de 5200 euros ; qu'il résulte également du jugement précité que Mme R... a sollicité la somme de 124 800 euros net au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il convient de procéder à un rapprochement des motifs et des calculs du demandeur ; qu'il résulte de ce qui précède que la condamnation de la société W... I... doit s'entendre comme nette de tout prélèvement. Ainsi, le procès-verbal de saisie-attribution apparait conforme à la condamnation depuis définitive de la société W... I.... La saisie-attribution aux fins de se voir régler le reliquat repose sur une créance certaine, liquide et exigible ; elle n'est ni irrégulière ni abusive, et la société W... I... sera en conséquence déboutés de ses demandes de nullité du commandement de payer au motif qu'il serait abusif compte tenu du règlement de la créance, et de demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée sur ses comptes » ;

ALORS QUE le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice servant de fondement aux poursuites, ni remettre en cause la validité des droits ou obligations qu'il constate ; qu'en l'espèce, le jugement du 30 mars 2016 du conseil de prud'hommes a condamné la société W... I... à verser à Mme R... la somme de 78 000 € au titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans plus de précision ; que, statuant sur l'exécution de cette condamnation, la cour d'appel a retenu que le conseil de prud'hommes avait prononcé une condamnation nette ; qu'en se déterminant ainsi, quand la décision servant de fondement aux poursuites ne s'était pas prononcée sur l'imputation des contributions sociales, la cour d'appel a, sous le couvert d'une interprétation, modifié cette décision et a violé l'article R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR débouté la société W... I... de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

AUX MOTIFS QUE « Le jugement sera également confirmé, eu égard à la solution donnée au litige, du chef de la demande de dommages-intérêts formée par la société W... I... » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « La nature des décisions prises s'oppose à l'octroi de dommages et intérêts à la société W... I... ».

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, relatif à la nullité du commandement de payer et à la mainlevée de la saisie attribution, emportera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté la société W... I... de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, par application de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-12149
Date de la décision : 03/07/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

JUGE DE L'EXECUTION - Compétence - Difficultés relatives aux titres exécutoires - Décision de justice - Décision fondant les poursuites - Décision ne se prononçant pas sur l'imputation des cotisations et des contributions sociales - Office du juge

JUGE DE L'EXECUTION - Pouvoirs - Décision fondant les poursuites - Interprétation - Etendue - Détermination - Portée JUGEMENTS ET ARRETS - Interprétation - Pouvoirs des juges - Etendue - Détermination

Lorsque la décision servant de fondement aux poursuites ne s'est pas prononcée sur l'imputation des cotisations et des contributions sociales, l'employeur doit procéder au précompte des sommes dues par le salarié sur la condamnation prononcée


Références :

article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble les articles 1351 du code civil, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 480 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 jui. 2019, pourvoi n°18-12149, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12149
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